Légendes de la Garde, aventure de cape, d’épée… et de souris !

On vous présente toute la série et son univers

Romain
Cultiz
11 min readJun 1, 2017

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Eh oui, ce sont bien des souris avec des capes et des épées que vous apercevez sur les images. Votre œil, dans lequel je devine un soupçon de sarcasme, aura tout de même l’honnêteté de reconnaître qu’il trouve le style graphique intéressant et le dessin bien réalisé. Il ne faut pas le nier, la beauté graphique est l’un des grands atouts de cette BD mais ce n’est pas le seul, lisez plutôt.

Tout un univers et ses personnages

David Petersen a imaginé un monde médiéval peuplé d’animaux — au sens classique du terme. Pas question de dragons et autres licornes, on y croise plutôt des animaux plus prosaïques comme des souris, des belettes et des renards organisés en sociétés — on n’est pas non plus dans Le vent dans les saules rassurez-vous ! (je plaisante à moitié car David Petersen vient de signer les dessins d’une adaptation de l’œuvre de Kenneth Grahame) Dans ce monde, les souris — qui, vous en conviendrez, ne sont pas les animaux les plus costauds — doivent se protéger des agressions du monde extérieur. C’est d’ailleurs le point de départ de l’histoire revendiqué par l’auteur dans l’avant-propos du premier tome.

Comment les souris, en tant que protagonistes, parviendraient-elles à survivre dans un monde hostile peuplé de prédateurs ?

Pour assurer leur sécurité et la libre circulation entre les villes, un corps d’élite a été constitué, il est connu sous le nom de la Garde. Nos trois personnages principaux : Lieam (cape verte), Saxon (cape rouge) et Kenzie (cape bleue) en font partie et forment une patrouille — ne riez pas parce que je cite la couleur des capes, cet indice peut aider le lecteur débutant à s’y retrouver parmi toutes ces souris.

Commençons par Kenzie qui est le sage du groupe — il est d’ailleurs équipé d’un bâton plutôt que d’une épée — , il tient donc logiquement le rôle de chef d’équipe et tempère la fougue des deux autres. Notamment celle du belliqueux Saxon. Plus prompt à dégainer son épée qu’à réfléchir, il bout souvent d’impatience et a toutes les peines du monde à suivre les ordres et à se retenir de sauter immédiatement à la gorge du premier ennemi venu, quelle que soit sa taille. Enfin Lieam est le plus jeune et le plus prometteur. Il agit toujours avec courage, intelligence et une certaine maturité — il me fait un peu penser à un héros de shōnen manga qui semble faible, mais qui recèle en lui un grand potentiel.

D’autres membres interviennent dans l’histoire et notamment Sadie (c’est une fille) que nous découvrirons dès le premier tome et qui jouera par la suite un rôle tout particulier, mais également Rand qui coordonne l’action de la Garde depuis son fief de Lockhaven. Il est en quelque sorte le chef de cabinet de Gwendolyn, la matriarche. Elle est à la tête de la Garde et sa tâche n’est pas simple, elle doit fédérer les différents villages, protéger les habitants, gérer la Garde et défendre Lockhaven. Cette base fortifiée, à la manière d’une citadelle, permet la vie en autarcie surtout en hiver lorsque les déplacements deviennent périlleux et la quête de nourriture hasardeuse.

La cité de la Garde est tapie profondément derrière une épaisse couche de lierre. Lockhaven n’est pas une ville ordinaire, puisqu’elle est le quartier général de la Garde. Quelques civils y résident tout de même en qualité d’hôtes permanents pour y exercer différents métiers.

Gwendolyn doit défendre ses concitoyens contre les agressions extérieures, celles perpétrées par les gros animaux (serpents, renards ou pire) ou par des sociétés rivales comme les furets, mais aussi faire face à des tensions internes qui pourraient vite tourner en guerres intestines. Elle tient également un journal dont les pages servent de fil conducteur (de récitatif) à l’histoire. J’oubliais un personnage de la plus haute importance, un héros, celui qui a peut-être le plus contribué à établir la légende de la Garde, Celanawe aussi connu sous le nom de la Hache Noire.

Des planches si belles que l’on voudrait les encadrer

J’en ai parlé en introduction, mais il faut y revenir puisque c’est essentiel ici, les dessins sont magnifiques et constituent un des très gros points forts de la série. Les mots me manquent, mais ça tombe bien les images parlent d’elles-mêmes. Il sont à la fois classiques et modernes, très travaillés et admirablement mis en couleur. On pourrait presque encadrer chaque page même si elles sont déjà bien mises en valeur par un format atypique carré — si si j’ai vérifié avec mon double décimètre — regroupés au sein de très beaux ouvrages. Il faut souligner le travail des éditeurs et, pour nous qui lisons en français, celui de notre monument national Gallimard qui démontre au travers de cette réalisation tout le soin et l’attention qu’il accorde à la bande dessinée.

“Je n’écris pas mes histoires pour les enfants, mais je les inclus dans mon lectorat…”

Hommage de David Petersen à l’auteur de Redwall

Il ne faut pas tourner autour du pot, ces dessins et ces histoires éveillent en nous des souvenirs d’enfance, de la nostalgie, celle des récits d’aventure, des histoires de châteaux forts et de héros. En fait ils font plus que ça, ils parviennent — au moins pour moi — à faire revivre un peu de ces sensations depuis trop longtemps évanouies. Mais la question du public ciblé peut légitimement se poser puisque la série a reçu en 2008 l’Eisner Award de la meilleure publication pour enfants et celui du meilleur recueil pour Automne 1152. L’auteur, qui a aussi réalisé des livres pour enfant, y répond volontiers.

Je n’écris pas mes histoires pour les enfants, mais je les inclus dans mon lectorat… qui inclut d’ailleurs presque tout le monde. Je ne simplifie jamais le contenu ou le vocabulaire pour les enfants, mais je n’inclus jamais de mots ou de situations « strictement pour adultes ».

Ces livres plairont aux enfants (il faut tout de même qu’ils soient assez grands) comme aux adultes en tout cas à ceux qui ont gardé un peu de leur âme d’enfant, suffisamment pour pouvoir apprécier le plaisir simple de se plonger dans une belle histoire — je plains les autres.

Il y a fort à parier que David Petersen appartienne à cette catégorie, il a vécu et vit dans le Michigan une région rurale où la nature tient une place prépondérante. Parmi les sources d’inspirations de la série — l’auteur en parle à la fois comme une influence et comme quelque chose de bien distinct — on peut citer Redwall, en français Rougemuraille — bravo pour la traduction, comme quoi il vaut parfois mieux conserver le titre original.

Il s’agit d’une série de romans jeunesse écrite par l’auteur britannique James Brian Jacques mettant en scène des souris et d’autres espèces vivant dans ou à proximité de l’Abbaye de Redwall — on se doute qu’elle doit être construite en briques comme à Toulouse.

Par où commencer ?

Venons-en à l’essentiel, la série principale est en cours et se compose de trois tomes.

Légendes de la Garde : Automne 1152 (Mouse Guard: Fall 1152)

Nos trois personnages principaux : Liam, Saxon et Kenzie en cet automne 1152, se voient confier une mission de routine qui va les entrainer bien plus loin qu’ils n’auraient pu l’imaginer. Ils vont se retrouver au coeur de luttes intestines qui pourraient bien faire vaciller le fragile équilibre de leur organisation politique. Très bon début pour la série qui parvient parfaitement à combiner mise en place et présentation de l’univers avec le déroulement d’une histoire intéressante et rythmée.

Légendes de la Garde : Hiver 1152 (Mouse Guard: Winter 1152)

Les évènements relatés dans Automne 1152 ont laissé la Garde affaiblie et la venue soudaine d’un hiver rigoureux a forcé ses membres à se retrancher dans leur fief de Lockhaven. La pénurie qui les guette va les forcer à sortir de leur retraite et à envoyer des patrouilles sur les routes malgré des conditions climatiques extrêmes. La périlleuse mission qui est confiée à ces patrouilles est double: rapporter le ravitaillement nécessaire et convier les chefs de chaque clan à une assemblée générale. Ce périple les mènera jusque dans la sombre citée abandonnée des furets, Darkheather. Au fil de cette histoire où l’aventure est omniprésente on va découvrir plus en profondeur les personnages, la psychologie de chacun, les relations entre eux. Les dangers qui menacent le groupe vont révéler les vraies personnalités, les attirances aussi bien que les tiraillements. C’est pour moi le point d’orgue de la série et l’album le plus réussi tant sur le plan graphique que sur celui de l’histoire.

Légendes de la Garde : La Hache Noire (Mouse Guard: Black Axe)

Prenons le temps de revenir sur l’un des mythes fondateurs de la garde qui fut aussi l’un des héros du tome précédent: Celanawe, la Hache Noire. Après un petit one-shot identifié aux Etats-Unis sous le titre Mouse Guard: Spring 1153 on quitte les années 1152 / 1153 pour revenir sur le passé du mentor de la Garde et ce qui a forgé cette légende — je ne peux pas m’empêcher de faire le parallèle avec le personnage de Bragon de La Quête de l’oiseau du temps, ça doit être à cause de la hache. C’est l’occasion de découvrir d’autres personnages, d’autres lieux et d’en apprendre plus sur les fondements de cette organisation. Dommage que David Petersen ait opté pour la linéarité alors qu’il aurait très bien pu choisir, et le sujet s’y prêtait pourtant bien, de narrer la légende de la Hache Noire tout en continuant à faire avancer la tram principale.

Légendes de la Garde : Baldwin le brave et autres contes (Baldwin the Brave & Other Tales)

Il s’agit d’un recueil de contes qui n’est pas lié à la série principale, voici ce que l’on peut apprendre dans l’avant-propos de David Petersen.

Créer une histoire accessible pour les nouveaux lecteurs, mais assez substantielle et gratifiante pour les fans déjà existants, c’est un sacré numéro d’équilibriste !

Et je pense qu’il a trébuché. Comme il le dit, ce genre d’exercice n’est pas évident et je n’ai jamais été convaincu par ce type de volume s’intercalant au milieu d’une série. J’ai toujours l’impression que les auteurs ont raclé les fonds de tiroir pour nous refourguer quelques histoires déjà publiées à droite et à gauche — et ça semble malheureusement être le cas ici. Je conseille aux nouveaux lecteurs de ne surtout pas commencer par là, mais par le commencement, aux autres de faire l’impasse et aux irrécupérables comme moi de l’acheter…

Et la suite ?

Image de présentation sur le site officiel

Aux États-Unis l’auteur a créé une série (3 recueils à ce jour) spin-off d’histoires courtes intitulée Legends of the Guard — l’éditeur français va être embêté pour trouver un titre vu qu’il l’a déjà utilisé en lieu et place de Mouse Guard — dans laquelle interviennent plusieurs auteurs de renom qui mettent en scène des souris racontant des histoires obéissant aux règles suivantes.

Chaque histoire doit comprendre une vérité, un mensonge et ne doit jamais avoir été racontée dans cette taverne auparavant. Le vainqueur verra son ardoise effacée, des histoires fantastiques seront racontées jusqu’au bout de la nuit.

Plus intéressant il me semble, le quatrième tome de la série principale a été annoncé, il s’intitulera Weasel War of 1149 et se déroulera en partie dans la cité des furets Darkheather visitée par nos héros dans Hiver 1152 — j’ai adoré cette partie de l’histoire.

L’histoire se déroulera quelques années avant Automne 1152, et s’intéressera à la grande guerre contre les furets, déjà mentionnée dans les albums parus. Presque tous les personnages de Automne Hiver y feront une apparition, dont Lieam, mais avant qu’il ne devienne garde. L’histoire expliquera les origines de la guerre, et son influence sur le mécontentement de Minuit dans Automne 1152. J’espère aussi développer la culture des furets, ce qui me fait un peu peur, parce que s’il était déjà difficile de dessiner Darkheather (leur cité abandonnée et sombre) dans Hiver, la représenter intégralement et remplie de vie le sera encore plus !

La série a aussi été déclinée en jeu de rôle qui a obtenu en 2009 l’Origins Award du Meilleur jeu de rôle de l’année — avis aux amateurs. Il est aussi question d’une adaptation au cinéma, mais nous verrons bien…

Image illustrant un article sur le film

Enfin, pour les fans des rongeurs et autres animaux combattants voici des lectures qui pourraient vous intéresser.

  • Le dernier des templiers est une série américaine assez proche dans l’esprit, mais à mon sens plusieurs crans en dessous tant sur le plan des dessins que de l’histoire.
  • La saga d’Atlas et Axis est une série d’aventure résolument orientée jeunesse, mais vaut par ses très beaux dessins et son côté cartoon.
  • Joe L’aventure intérieure, c’est un peu plus tiré par les cheveux, mais pas inintéressant et très original — et il y a bien des rongeurs combattants.

Pour conclure

J’espère que cet article vous aura donné envie de vous plonger dans ces histoires. Il me semble que c’est le genre de série indémodable — j’ai d’ailleurs vu que les premiers albums français commençaient à être côtés — à posséder absolument chez soi pour retomber en enfance le temps d’une lecture. Ces beaux objets accrocheront le regard des enfants et permettront, j’en suis sûr, de transmettre ces histoires intemporelles à plusieurs générations de lecteurs.

Notes

Cet article réutilise des parties des articles consacrés à la série déjà parus sur mon blog.

Principales sources:

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