Agriculture urbaine

Pourquoi & comment intégrer l’agriculture urbaine dans les projets immobiliers ? 🌽 Un nouvel insight de Curiosity is Keys.

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8 min readJan 6, 2022

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Découvrir l’étude complète sur le site Curiosity is Keys :

EXECUTIVE SUMMARY — De Lyon (France) à Detroit (Etats-Unis), l’agriculture urbaine est désormais un incontournable des politiques urbaines. Il faut dire qu’elle peut contribuer à apporter des solutions à nombre d’enjeux contemporains comme les circuits courts, la résilience alimentaire ou le lien social.

Pour un investisseur immobilier, c’est une matière assez nouvelle. Dans quelles conditions devons-nous intégrer l’agriculture urbaine à nos projets immobiliers ? Que peut-elle apporter aux habitants des villes ? Est-elle compatible avec la nécessaire viabilité économique des projets urbains que nous portons ? Et comment s’assurer qu’elle remplisse réellement ses fonctions environnementales et sociales, sans greenwahsing ?

C’est pour chercher des réponses à toutes ces questions que nous avons décidé d’étudier les modèles d’affaire de l’agriculture urbaine sous l’angle de l’immobilier, avec la Docteure Véronique Saint-Ges, Responsable de l’équipe de recherche « Agricultures Urbaines » de l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement).

Des jardins partagés aux fermes high-tech, les formes d’agriculture urbaine sont variées. L’agriculture urbaine présente de multiples facettes. Des cultures en pleine terre jusqu’aux fermes “haute technologie” qui recréent des milieux de culture optimaux en intérieur, nous distinguons 4 grandes catégories d’agriculture urbaine, et une multitude d’acteurs agriculteurs.

Différents systèmes techniques d’agriculture urbaine et exemples d’acteurs (Curiosity is Keys)

Un phénomène en pleine expansion

L’agriculture urbaine est désormais un incontournable pour les Mairies des grandes villes qui financent son développement ou l’inscrivent dans leur PLU (Plan Local d’Urbanisme). A titre d’exemple, sur les seuls deux derniers mois en France :

  • Le 18 novembre 2021, la Mairie de Lyon adoptait un budget de 1,2 million d’euros pour son plan “Ville comestible” de développement de l’agriculture urbaine.
  • Début novembre, le Maire de Bordeaux annonçait la présentation d’un plan équivalent pour la fin de l’année.
  • En octobre, la Mairie de Lille lançait un appel à manifestation d’intérêt sur le sujet.
Lyon, Ville comestible

Exemple : le plan “Ville comestible” de Lyon

Le 18 novembre 2021, la Ville de Lyon a voté un budget de 1,2 million d’euros pour l’agriculture urbaine. Son objectif : “une ville comestible tissant du lien entre les habitants et développant un paysage nourricier au travers de zones de libre cueillette, de bosquets comestibles, de potagers.” Ce plan “Ville comestible” permettra la création d’ici à 2026 de “25 hectares de jardins citoyens” comme “des jardins de rue ou des jardins partagés”, de “vergers municipaux” ou encore de “fermes urbaines pédagogiques”. Un appel à projets a déjà été lancé. En s’appuyant sur la Maison de l’Agriculture Urbaine Lyonnaise, la Ville de Lyon entend également soutenir “l’implantation de nouveaux acteurs économiques agricoles au sein même du tissu urbain, en tirant profit des opportunités foncières existantes”. Et naturellement, les “espèces régionales” comme la “tomate Monstrueuse de Lyon” ou le “melon du Rhône” seront à l’honneur.

Les entreprises de l’agriculture urbaine sont de plus en plus nombreuses et attirent les investisseurs alors que le marché mondial de l’agriculture urbaine, et ce selon une étude Allenvi (Alliance nationale de recherche pour l’environnement) de 2020 intitulée « Agriculture urbaine : marché, acteurs et recherche », pourrait atteindre 286 milliards de dollars en 2026, dont 7 milliards de dollars en France. Exploitants agricoles d’un nouveau genre ou fournisseurs de technologies dédiées ont multiplié les levées de fonds ces dernières années. Quelques exemples :

  • 1 million d’euros en 2021 pour Peas&Love, entreprise française qui installe des potagers à louer en toiture d’immeuble ;
  • 2 millions d’euros en 2021 pour la startup bordelaise Les Nouvelles Fermes ;
  • 42 millions d’euros en 2021 pour le français Jungle et ses fermes verticales ;
  • 170 millions d’euros en 2020 pour InFarm, startup allemande spécialisée dans l’installation de fermes urbaines high-tech dans les magasins de la grande distribution ;
  • 100 millions de dollars en 2019 pour l’américaine AeroFarms et ses fermes verticales haute-technologie, qui vaudrait désormais près de 500 millions de dollars ;
  • 25 millions d’euros en 2018 (+ 4 en 2020) pour le français Agricool, qui produit et commercialise des fruits et légumes cultivés dans des conteneurs ;
  • 200 millions de dollars en 2017 pour Plenty auprès de SoftBank, du CEO d’Amazon Jeff Bezos et de l’ancien chairman d’Alphabet Eric Schmidt.

Des externalités positives indéniables

L’agriculture urbaine reste une agriculture d’appoint qui ne peut prétendre garantir l’auto-suffisance alimentaire des villes. A Paris, si tous les espaces éligibles à l’agriculture urbaine étaient utilisés, le taux d’auto-suffisance alimentaire de la capitale n’atteindrait qu’entre 3 et 5 % (1,5% aujourd’hui).

Cependant, l’agriculture urbaine génère de nombreuses externalités positives pour les villes et leurs habitants. Selon les travaux de Véronique Saint-Ges (2021), les externalités positives de l’agriculture urbaine remplissent 8 fonctions :

  • Loisir : détourner des écrans pour les enfants, détente et relaxation après des journées de travail stressantes ;
  • Lien social : promotion de la collaboration entre différentes catégories d’urbains ;
  • Aménagement urbain et valorisation immobilière : prise de valeur d’un immeuble et amélioration du cadre de vie, de l’espace, et de l’habitat au voisinage d’espaces végétalisés ;
  • Economie : insertion, création et reterritorialisation de nouveaux emplois ;
  • Éducation : contribution à l’apprentissage de la saisonnalité des produits et sensibilisation au “consommer autrement” ;
  • Sécurité alimentaire : grâce à une production locale ;
  • Environnement : biodiversité en ville, continuités écologiques, fabrication de compost, meilleure gestion de l’eau ou encore la lutte contre les îlots de chaleur ;
  • Santé : production de fruits et légumes sains, sans pesticides et frais, et amélioration du bien être au travail.

Exemple : Detroit, le renouveau par l’agriculture urbaine

A Detroit dans le Michigan, la Rising Pheasant Farms de Carolyn Leadley produit des jeunes pousse d’épinards, laitues, radis ou céleri sur les 810 m² de sa parcelle et les vend aux habitants et restaurants de la ville. En moyenne, ses produits ne voyagent pas plus de 4,8 km. L’ensemble de la communauté agricole de Detroit a produit en 2014 près de 180 000 kg de produits, de quoi nourrir 600 personnes, dans les plus de 1 300 jardins communautaires, maraîchers, familiaux et scolaires de la ville. Selon Michael Hamm, professeur d’agriculture durable à l’Université de l’Etat du Michigan, Detroit pourrait cultiver les trois quarts de sa consommation actuelle de légumes et près de la moitié de sa consommation de fruits sur les parcelles disponibles et terrains vacants, en utilisant des méthodes bio-intensives. La ville compte un peu moins de 700 000 habitants (2015) et plus de 100 000 terrains vacants, la plupart d’entre eux pouvant être achetés pour moins que le prix d’un réfrigérateur depuis la crise des subprimes et la faillite de la ville.

Un équilibre économique à trouver dans la globalité du projet

Encore plus que pour l’agriculture traditionnelle, l’équation économique de l’agriculture urbaine est délicate à trouver : les cultures hors-sol, les plus fréquentes, requièrent des investissements en infrastructures importants, et ce sans économies d’échelle possibles. Le plus souvent, par manque d’espaces disponibles dans une environnement bâti, les sites agricoles en zone urbaine sont de faibles tailles — en général entre 500 m² et 1500 m². Mêmes les fermes high tech “indoor” verticales, uniquement productives, qui donnent des indicateurs de productivité très élevés (Aerofarm serait au moins 190 fois plus productive qu’une ferme conventionnelle produisant les mêmes produits), n’ont pas encore atteint la rentabilité économique.

C’est pourquoi les fermes urbaines adoptent généralement des modèles économiques alternatifs à la vente de denrées alimentaires. Quatre grandes caractéristiques économiques que l’on retrouve souvent dans l’agriculture urbaine :

01. Beaucoup de modèles non-marchands

Les associations Loi 1901 à but non-lucratif représentent une part non négligeable des acteurs de l’agriculture urbaine, notamment via les jardins partagés cultivés par des particuliers et dont la vente des récoltes est interdite.

D’autres structures associatives se financent en vendant leurs récoltes tout en poursuivant toujours un but non-lucratif comme par exemple Planète Lilas à Vitry sur Seine.

S’il n’est pas possible d’estimer la part du non-marchand dans l’agriculture urbaine, elle est incontestablement non négligeable : on estime par exemple que la surface totale des jardins associatifs en Île-de-France est équivalente à la surface de maraîchage professionnel (Agreste, IAU, 2012).

02. Le soutien de la collectivité

Subventions, mise à disposition de surfaces ou achat de services pédagogiques : en raison de ses externalités positives, l’agriculture urbaine fait l’objet d’un soutien important des pouvoirs publics (voir par exemple les subventions à Lyon).

03. Des services en plus de la production alimentaire

Pour les entreprises de l’agriculture urbaine, la vente de services en synergie avec l’agriculture est la principale source alternative de chiffre d’affaires. Elle peut représenter “plus des deux tiers du chiffre d’affaires d’une entreprise d’agriculture urbaine” (V. SAINT-GES, 2021).

Quelques exemples de services proposés :

  • Gestion, entretien et maintenance : suivi de l’avancement, coordination des parties prenantes, plan de rotation des cultures, choix des substrats et techniques adaptés à chaque culture, défrichage et émondage etc.
  • Eco-pâturage
  • Visites, formation et sensibilisation
  • Activités autour du bien-être : yoga, pilates, cuisine, etc.
  • Assistance à Maîtrise d’Ouvrage / bureau d’étude : comprendre les tenants et aboutissants d’un projet d’agriculture urbaine, définir les aménagements nécessaires pour répondre aux objectifs identifiés, travail de paysagiste, d’architecte, d’ingénieur agronome pour concevoir un projet sur mesure etc.
  • Événementiel : team-building, location d’espaces, etc.
  • Location d’équipements productifs : serres, systèmes de régulation du ph de l’eau, capteurs hygrométriques ….

04. Des productions à forte valeur ajoutée pour des marchés de niche

Pour couvrir leurs investissements et leurs coûts de fonctionnement, beaucoup de fermes urbaines cultivent des produits à forte valeur ajoutée comme les herbes aromatiques ou les fleurs comestibles (par exemple la ferme Lachambeaudie à Paris 12e est spécialisée dans les aromates).

Intégrer l’agriculture urbaine le plus en amont possible des projets immobiliers : les bonnes pratiques pour l’investisseur immobilier

En raison de son modèle économique particulier et de la spécificité des aménagements qu’elle requiert, l’agriculture urbaine doit être intégrée le plus en amont possible des projets immobiliers, en se posant les bonnes questions. C’est pourquoi, en conclusion de cette étude, nous proposons un guide de bonnes pratiques pour l’investisseur immobilier qui souhaiterait déployer de l’agriculture urbaine dans ses actifs :

  • Comment choisir en un projet marchand ou non-marchand ?
  • Quelles caractéristiques techniques pour que le bâtiment soit éligible (ERP, portance et étanchéité, eau, lumière du jour et énergie, etc.) ?
  • Quels coûts d’aménagement ?
  • Comment créer un projet fédérateur autour d’une communauté locale ?
  • Quel montage immobilier ?
  • Quelle équipe d’exploitation ?
Infographie Curiosity is Keys

Deux exemples de fermes urbaines

Brooklyn Navy Yard Farm à New York City et La Caverne à Paris :

Lire l’étude complète sur le site Curiosity is Keys :

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