Asset manager : pourquoi le métier se digitalise ?

La période de confinement que nous venons de vivre a sans nul doute mis en exergue, et peut-être accélérer, des évolutions que pressentait largement le monde de l’immobilier de bureaux et de l’asset management.

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9 min readJul 29, 2020

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Remise en cause du bail, gestion flexible, mixité d’usages, services aux utilisateurs, autant de tendances qui vont devenir réalité, et confirmer la nécessité pour l’asset manager de se doter d’outils numériques d’échanges, d’alerte, de facturation et de reporting en mesure de renforcer sa réactivité et son agilité. Observations et pistes prospectives.

« La préoccupation permanente de notre équipe d’asset management est de louer chaque immeuble sur le long terme, avec le bon usage, à la juste valeur et avec une attention accrue sur la durabilité des bâtiments »,

assure Vincent Evenou, directeur de l’Asset Management de Keys REIM, filiale de Keys AM.

La crise sanitaire et économique engendrée par la Covid-19 et la période de confinement décrétée pour s’en protéger ont pourtant mis à rude épreuve l’exercice de ces missions.

« On a empêché les commerçants d’ouvrir. On a empêché les hôteliers d’ouvrir. Et on a empêché les collaborateurs d’aller au bureau. On s’est retrouvé dans une situation inédite dans laquelle les utilisateurs d’immobilier tertiaire au sens large n’ont pas pu utiliser leur outil de travail »,

souligne encore Vincent Evenou.

Covid-19 : et le télétravail fut ?

Cette période a donc contraint les entreprises à des adaptations plus ou moins brutales pour continuer à travailler sans pouvoir utiliser leur outil de travail physique. Ce sont donc les modes de travail qui ont été chamboulés, interrogés, voire remis en question. Certaines entreprises ont peu ou pas souffert, car elles avaient anticipé et mis en œuvre des méthodes de travail agile, à distance, et les outils digitaux associés. D’autres n’étaient pas prêtes.

Mais pour Vincent Evenou, une chose est sûre :

« une majorité a réalisé que le lieu physique du travail, l’immeuble, permettait quand même de rendre beaucoup de services. Car c’est un lieu d’échanges, un « centre » qui assure aussi la performance de l’entreprise. On peut faire sans, temporairement, mais ce n’est pas si simple ».

Ainsi, si le sujet du télétravail — exercé de manière assez marginale avant le confinement — a été propulsé à la Une de nombreux médias et s’est concrétisé dans l’esprit des dirigeants et collaborateurs, parier sur l’extinction de l’immobilier de bureaux n’a pas de sens. Encore moins à court et moyen terme. « Evidemment, les équipes d’asset management restent vigilantes sur la consommation de m². C’est un indicateur essentiel dans nos métiers. Et nous savons qu’il ne faut pas se voiler la face : cette consommation va diminuer, comme lors de chaque période de récession économique. Mais cette baisse ne sera pas immédiatement la conséquences d’évolutions d’utilisation de l’espace, ou d’organisation. Car cela prend du temps : rappelons que les temps de l’immobilier sont longs. Un bail, souvent signé pour 6 ou 9 ans, ne permet pas de s’adapter rapidement, à moins d’arriver en fin de contrat », rappelle le directeur de l’Asset Management de Keys REIM.

La flexibilité : ressort obligé pour l’asset manager demain

En revanche, la période de confinement a démontré, s’il fallait encore le prouver, la nécessité de flexibiliser la gestion des propriétaires d’immobilier de bureau. Si l’accroissement probable du télétravail ne conduira pas à une brusque chute des besoins en mètres carrés des entreprises, le temps passé au bureau par collaborateur devrait se réduire dans les années à venir.

« Le produit bureaux va connaître à son échelle les mêmes évolutions que l’organisation urbaine. Afin de jouer des effets de complémentarité, notamment dans le cycle journalier pour allonger les durées d’occupation, les bâtiments vont devenir de plus en plus mixtes, avec une attention croissante à la réversibilité des usages pour davantage de résilience. Logement, hôtellerie, bureaux, activités légères, logistique urbaine, commerces, loisirs : les usages vont s’imbriquer selon des combinaisons qui restent à tester et à définir », écrivait déjà CBRE avant la crise sanitaire, dans son Outlook France Real Estate.

Pour apporter une réelle plus-value, l’asset manager devra donc peu à peu être en mesure de proposer des m² ou des aménagements « on demand », et sera inexorablement conduit à gérer des occupations multi-locataires, quand un immeuble entier est encore aujourd’hui couramment loué par une seule grande entreprise.

« Les opérateurs de gestions d’espaces de coworking comme Spaces, WeWork ou Wellio proposent par exemple des surfaces auxquelles on peut renoncer à tout moment. Et nous, serions-nous capables de proposer aux utilisateurs des surfaces flexibles ? Proposer aux locataires non pas de signer un bail commercial classique 3–6–9, mais une offre de surface flexible et évolutive au sein d’un immeuble ?, interroge Vincent Evenou. La première problématique est juridique : le bail n’est pas adapté à des occupations de courte durée. Si les opérateurs de coworking y parviennent, c’est qu’ils signent eux-mêmes un bail puis établissent des contrats de prestation de services ».

Photo courtesy of Spaces

L’autre problématique est technique : comment proposer des espaces modulaires ? « Cela veut dire qu’il faut être capable de faire bouger les cloisons tout en donnant à l’utilisateur un espace qu’il s’approprie, qui correspond à l’identité de sa société. Et bien sûr, il faut aussi être en mesure d’adapter la facturation en fonction de l’évolution des surfaces occupées », poursuit Vincent Evenou.

Dans le futur donc, l’Asset management devra s’appuyer sur une vision et une gestion proches de l’hôtellerie. Plus que des mètres carrés consommés, les asset managers rechercheront une optimisation des taux d’occupation (location de salles de réunions, d’espace de réception hors des horaires habituels de bureau, surfaces à la demande…), tout en maîtrisant les charges opérationnelles, pour assurer la performance financière des actifs immobiliers qu’ils gèrent. Ils vont alors davantage se positionner en prestataires de services auprès des utilisateurs.

« Ce n’est donc pas tellement la période de Covid qui impacte notre façon de faire de l’asset management », analyse le directeur de l’Asset Management de Keys REIM.

« Notre réflexion sur les évolutions de l’asset management, et j’en reviens au préambule — préservation de la valeur de l’immeuble dans le temps en donnant une solution immobilière adaptée aux utilisateurs -, nécessite de revoir la manière dont on loue un immeuble. Il n’y a aucune raison qu’on n’y arrive pas. Mais pour ce faire, il va falloir que l’asset manager digitalise de manière évidente sa manière de gérer pour se rapprocher de l’utilisateur ».

A la recherche des bons outils digitaux

Aujourd’hui, les asset managers d’actifs immobiliers tertiaires sont donc en quête d’outils numériques qui leur permettent — comme le fait par exemple Spaces aujourd’hui — d’agréger la totalité des services fournis aux utilisateurs.

Pour s’assurer d’avoir une gestion proactive et d’anticipation, Keys AM s’est rapproché de la société Myre. Elle développe en effet un outil de gestion en temps réel permettant aux équipes d’asset management et de property management du groupe d’agréger toutes les données d’un immeuble. Etat locatif, charges, valeur d’expertise, autant d’informations qui réunies et analysées vont permettre d’anticiper les actions de gestion vis-à-vis des locataires.

Photo courtesy of Myre

« Pendant le confinement par exemple, des locataires de commerces notamment nous ont demandé des annulations de loyers. Pour leur répondre, nous nous sommes dits qu’il serait judicieux d’obtenir des contreparties. Mais ces contreparties ne peuvent être pertinentes que si elles sont adaptées à chaque locataire. Avoir une connaissance fine de l’ensemble de son patrimoine permet donc d’avoir des réactions rapides et de pouvoir prendre les bonnes décisions. Et ça, c’est fondamental quand on fait de l’asset management : proposer des solutions adaptées à nos utilisateurs, c’est pérenniser leur présence dans le temps, et donc la valeur de nos immeubles », explique Vincent Evenou.

En association avec les développeurs de Myre, et en intégrant des outils comptables déjà largement répandus comme Yardi, le groupe Keys Asset Management met, par exemple, aujourd’hui en place les indicateurs de gestion qui faciliteront la prise de décision de son équipe d’Asset Management.

Pour accroître le taux d’occupation de ses immeubles, en travaillant par exemple à la mutualisation d’espaces sous-utilisés, ou à la mise en place de services pratiques et attractifs pour les utilisateurs, les assets managers devront connaître toujours plus précisément les usages réellement faits des immeubles et les attentes des locataires. La start-up MonBuilding, conceptrice et développeuse de l’application du même nom, propose aux utilisateurs finaux de bureaux, espaces de coworking ou résidences de services d’accéder facilement à l’ensemble des services de l’immeuble: réservation d’une salle de réunion, d’un cours de sport, accès à un service de conciergerie, commande de repas, et même l’ajustement régulier de la surface de bureaux réellement louée… L’outil devrait ainsi permettre aux assets managers et professionnels de l’immobilier de rentrer en relation directe avec l’ensemble des utilisateurs d’un immeuble, pour proposer la surface adaptée aux besoins avec tous les services attendus.

Photo courtesy of MonBuilding

« Au travers du déploiement de telles applications sur un ou plusieurs immeubles, et sous condition d’une quantité minimale de données disponibles à l’analyse, nous pourrions tirer des apprentissages précieux pour optimiser la gestion de notre patrimoine dans le futur. », confie Vincent Evenou.

Digital oui, sans lien humain non

Ce travail d’identification d’outils de gestion agile et éclairée traduit bien les attentes de la profession en matière de digital.

« C’est central en effet : le digital permet à la fois de fluidifier l’expérience utilisateur mais aussi de fluidifier son propre travail. La question qu’il faut ensuite se poser c’est bien évidemment : quelles tâches sont réellement automatisables? Jusqu’où l’automatisation et la digitalisation peuvent-elle optimiser notre quotidien ? »

souligne Claire Flurin, directrice R&D+Innovation de Keys AM, Curiosity is Key. « Mais tandis que les experts de l’immobilier estimaient régulièrement qu’il était compliqué de gérer une multitude de locataires sans outils technologiques adaptés, aujourd’hui plus rien ne l’empêche. Demain donc, n’importe quel propriétaire devrait pouvoir gérer un immeuble sur un mode « co-working », avec 10 preneurs, plutôt qu’un seul mono-locataire. Cela dilue le risque locatif du propriétaire et diversifie l’offre pour le preneur. »

L’enjeu n’est pas seulement celui de l’asset management et de la pérennité de l’immobilier de bureaux. C’est aussi un enjeu de société selon Claire Flurin :

« à l’heure où l’on parle beaucoup de slow economy, de circularité et d’économie locale, on pourrait imaginer que l’utilisation des outils digitaux et la flexibilité dans la gestion/location qu’ils semblent faciliter pourrait permettre d’améliorer l’impact sociétal des espaces de bureaux en permettant d’accueillir plus de petites et moyennes entreprises dans nos immeubles. Leur offrant ainsi un cadre de travail plus agréable que celui qu’elles occupent souvent en rez-de chaussée ou en zones peu dynamiques ».

Longtemps « réservé » aux grands comptes, l’immobilier d’entreprise pourrait donc s’ouvrir à un écosystème plus large demain. « les asset managers travaillent aujourd’hui à l’automatisation ou digitalisation d’un certain nombre de leurs tâches à faible valeur humaine ajoutée, tâches récurrentes ou très chronophages. L’objectif est pour eux de se libérer du temps humain, à forte valeur ajoutée, pour apprendre à mieux connaître les évolutions des besoins de leurs locataires, en temps réel, quel que soit leur profil et leur masse salariale », estime encore Claire Flurin.

Car digitalisation ou pas, la compréhension des besoins d’un utilisateur passe par une appréciation de ses activités in situ et en face à face.

« L’Asset management reste un métier de terrain car cela part d’un besoin physique : l’espace, rappelle Vincent Evenou. Le bureau étant un lieu de sociabilisation et de production, l’asset manager doit nécessairement rester connecté à cette réalité là ».

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