Co-living : une réponse pour mieux vieillir ?

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7 min readFeb 21, 2020

L’espérance de vie s’allonge : entre 2000 et 2016 elle a ainsi progressé de 5 ans dans le monde, passant de 66,5 à 72 ans, selon l’Organisation mondiale de la santé. Une bonne nouvelle qui invite cependant les Etats et les acteurs économiques à s’adapter pour offrir des services et des logements en adéquation avec les besoins des seniors les plus dynamiques comme les plus vulnérables. Et le co-living semble être un modèle très prometteur.

Source : Baba Yaga House

C’est l’hypothèse que font Valentine Quinio et le Dr Gemma Burgess dans un rapport intitulé « Is co-living a housing solution for vulnerable older people ? », publié en août 2019. Fruit des recherches conduites pendant plus d’un an par le Cambridge Center for Housing and Planning Research, ce document de 85 pages fait la lumière sur les opportunités et les limites du co-living en s’appuyant sur le contexte et les initiatives du Royaume-Uni en la matière.

Tout part d’un constat : «D’ici 2020, les personnes de plus de 65 ans représenteront un quart de la population » du pays. Et malgré une « gamme apparemment large d’options d’habitat disponibles pour les personnes âgées, du logement traditionnel au logement spécialisé offrant soins et soutien en fonction du niveau de besoin, l’offre de logements adaptés aux personnes âgées ne semble pas répondre aux besoins des personnes âgées », écrivent les auteurs.

Pour eux, il est donc nécessaire de sortir d’une «approche unique» (logements individuels adaptés ou non VS structures spécialisées), car elle ne répond pas aux situations hétérogènes vécues par les personnes âgées. Et ce d’autant qu’ « on s’attend à ce que neuf collectivités locales sur dix manquent de places en foyer de soins d’ici 5 ans au Royaume-Uni. Des solutions alternatives doivent donc être envisagées. L’un d’elle est le co-living », avancent Valentine Quinio et le Dr Gemma Burgess en introduction.

Et pour vérifier ou infirmer les bénéfices et le potentiel du co-living pour les seniors, les chercheurs de Cambridge se sont appuyés sur trois modèles existants au Royaume-Uni.

Pensé par et pour les seniors

Le premier regroupe les projets de cohabitation initiés par des groupes de personnes âgées eux-mêmes. Dans ce cas, les propriétaires plus âgés mettent en commun des ressources pour acheter ou développer des maisons avec des amis ou un groupe de personnes âgées partageant les mêmes intérêts, mais sans lien de parenté. « Et le plus connu des exemples est OWCH », précisent les auteurs. The Older Wormen’s Co-Housing Group (OWCH) est en effet à l’origine du New Ground, « une résidence située à High Barnet, au nord de Londres, conçu spécifiquement pour les femmes de plus de 50 ans ». Elle se compose de 25 appartements avec un espace jardin commun et une maison commune, et accueille des femmes âgées de 51 à 87 ans, avec un âge médian de 71 ans. Sa création est issue d’une observation : « en raison de l’allongement de l’espérance de vie et du profil d’âge inégal des couples mariés, les femmes finissent très souvent seules ».

Pour s’entraider et réduire leur solitude, les femmes membres d’OWCH ont ainsi co-designé leur futur lieu de vie avec un développeur. Un investissement qui leur a permis de « se connaître les unes les autres, de partager les responsabilités et de donner sens à leur future vie ensemble ».

Echanges de bons procédés et relations intergénérationnelles

Autre modèle de « co-habitation » étudié par les chercheurs de Cambridge, le homeshare ne nécessite pas de construction. « Il peut être défini comme une situation où une personne âgée partage son habitat avec un colocataire plus jeune qui a besoin d’un logement à faible coût, contre des heures de tâches ménagères ou de compagnie par semaine ». Les tâches que le colocataire réalise en échange d’un loyer réduit sont convenues lors du processus de jumelage initial, et peuvent inclure le shopping, la cuisine, le jardinage ou le nettoyage. Mais ils fournissent rarement des soins de santé.

Aujourd’hui, au Royaume-Uni, 27 opérateurs de homeshare sont enregistrés et la pratique est règlementée par un cadre juridique spécifique.

Si pour ce type de co-living tout se fait à l’échelle individuelle, le dernier modèle étudié par les auteurs du rapport mixe les composantes collectives et intergénérationnelles des deux premiers. Il s’agit du programme intergénérationnel LinkAges, lancé à Cambridge par la CHS Housing Association. « Dans le cadre de ce projet, trois étudiants de troisième cycle en recherche doctorale de l’Université de Cambridge sont logés à Ellis House, un programme qui se compose de 29 appartements pour célibataires et couples âgés de 55 ans et plus. En échange de 15 heures de bénévolat par mois avec des résidents plus âgés, ils se voient proposer des loyers abordables pour leur propre appartement ».

Source : EPALE

Remède anti-solitude

Quelque soit le modèle,les nombreux entretiens menés par les chercheurs de Cambridge ont montré que les avantages du co-living « sont souvent mutuels et interdépendants », les uns soulignant les bienfaits sur la solitude et la vulnérabilité des personnes âgées, les autres les bénéfices économiques quand les coûts d’hébergement sont aujourd’hui élevés.

« Cette recherche a révélé que la cohabitation permet aux personnes âgées d’être plus actives, de s’engager dans des activités et de partager leur vie quotidienne avec d’autres personnes, ce qui permet de combattre la solitude, soulignent Valentine Quinio et le Dr Gemma Burgess. Il offre également un équilibre entre un espace privé et personnel et des espaces communs où les gens peuvent se rencontrer et interagir ».

Interviewée pour l’étude, une co-fondatrice de OWCH , ajoute : « très souvent, les personnes âgées se retrouvent avec une maison trop grande qui devient un fardeau. Le cohabitation est une solution alternative pour les personnes qui ne veulent pas aller en institution, mais plutôt garder le contrôle de leur vie. » « Vos voisins prennent soin de vous. Cela vous maintient actif, plutôt que de vivre dans une rue normale où tout le monde va travailler pendant la semaine, et où vous avez de la chance si vous les voyez le matin avant leur départ », poursuit un résident.

Et pour les seniors qui ne sont pas prêts à vivre ailleurs, le homeshare « permet à une personne âgée de rester chez elle où elle a souvent des souvenirs et un attachement émotionnel. Il permet également de vivre dans un environnement confortable et familier avec une sécurité accrue et l’assurance, en particulier pour ceux qui souffrent d’anxiété, de ne pas vivre seuls. Les personnes interrogées ont confirmé que le partage d’un logement apporte une sécurité à la personne âgée en réduisant le risque de chutes et en fournissant un soutien émotionnel », notent les auteurs du rapport.

Et à Ellis House, « les résidents ont particulièrement aimé avoir un grand jardin où ils pouvaient passer du temps au printemps et en été, et organiser des barbecues ou des activités de jardinage avec le soutien des élèves. Ils ont également mentionné que le fait d’avoir un équilibre entre les appartements privés à l’étage et une salle commune au rez-de-chaussée leur permettait d’être indépendants sans se sentir seuls ».

Manque de pub, de terrains et de financements

Pourtant des freins juridiques, économiques et sociétaux bloquent aujourd’hui le déploiement de cette solution alternatives aux dires des chercheurs. Concernant la création de résidences ou projets en commun, « un obstacle majeur à l’expansion de ce modèle de cohabitation réside dans le fait qu’il nécessite beaucoup de temps et de ressources pour être mis en place et comportent un certain degré de risque, notent-ils. Contrairement aux modèles européens, où les groupes qui portent un projet de co-living ou cohousing bénéficient d’un accès préférentiel à la terre, la majorité des groupes en Angleterre doivent concurrencer les développeurs professionnels pour obtenir un terrain et développer leur projet ».

De plus, les personnes âgées interviewées ont souvent cité l’obstacle majeur du prêt : « Si vous avez plus de 65 ans, il est extrêmement difficile d’obtenir un prêt hypothécaire, bien que notre espérance de vie augmente et que les personnes âgées souhaitent faire quelque chose de productif plus tard dans leur vie », déplore l’une d’elles.

Humainement, pour le homeshare en particulier, le fait de partager son logement et/ou son temps n’est pas toujours aisé non plus.

Parmi leurs recommandations finales, les chercheurs de Cambridge invitent donc à une « sensibilisation accrue du public à la cohabitation (homeshare en particulier), grâce à une publicité plus large, à la fois nationale et locale ». Ils plaident aussi pour une « augmentation de la disponibilité du financement pour les groupes de cohabitation, par le biais d’hypothèques ou l’augmentation des subventions ». Et se prononcent aussi en faveur d’une « meilleure prise en compte des terres susceptibles de se développer en cohabitation, conformément aux systèmes «d’accès préférentiel à la terre» utilisés dans d’autres pays européens ».

Mais « l’une des principales conclusions de cette recherche est qu’aucun des trois modèles explorés n’est adapté aux niveaux plus élevés de vulnérabilité ou de fragilité qui peuvent affecter certaines personnes âgées », soulignent les auteurs du rapport. Les solutions de co-living peuvent plutôt être considérées comme des modèles conçus pour anticiper et potentiellement retarder le besoin de soins plus étendus.

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