Ecoquartiers

Des morceaux de villes durables ?

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En Europe depuis 20 ans et en France depuis 10 ans, les écoquartiers se déploient sur les territoires pour contribuer à un développement urbain durable compatible avec les objectifs de protection de l’environnement et d’inclusion sociale. Sur quelles bases, les centaines d’écoquartiers aujourd’hui habités ont-ils été érigés ? Au quotidien, viennent-ils répondre aux objectifs pour lesquels ils ont vu le jour ? On fait le bilan.

En 1999, suite à l’organisation de la deuxième conférence européenne sur les villes durables, l’Union européenne a publié un cadre d’actions pour un développement urbain durable. Il était organisé en 4 axes stratégiques :

  • renforcer la prospérité économique et l’emploi dans les villes et villages
  • promouvoir l’égalité, l’inclusion sociale et la régénération des aires urbaines
  • protéger et améliorer l’environnement urbain vers la durabilité locale et globale
  • contribuer à la bonne gouvernance urbaine et à l’autonomisation locale.

Et en 2007, la Charte le Leipzig a souligné la nécessité de stratégies de planification intégrées par le biais d’actions coordonnées.

Malmö Bo01 (source : WWF)

C’est dans ce cadre qu’est né le concept d’écoquartier dont Malmö Bo01 en Suède est l’un des premiers exemples. Là-bas 100% de l’énergie consommée est produite localement par des sources renouvelables et des systèmes pneumatiques innovants améliorent la gestion des déchets et de l’eau. La ville avait aussi l’ambition de créer une valeur durable dans une zone antérieurement en difficulté en attirant de nouveaux habitants, de nouveaux emplois, des institutions éducatives, de nouvelles activités et des nouvelles technologies.

GWL Terrein by KCAP (source and credits : KCAP)

Ailleurs en Europe, les projets se sont ensuite multipliés. En Espagne, avec l’écoquartier de Trinitat Nova à Barcelone par exemple, au Danemark, avec l’écoquartier Vesterbro à Copenhague, ou encore aux Pays-Bas avec l’écoquartier GWL Terrein à Amsterdam.

Vesterbro, coolest neighborhood according to TimeOut (credits : Martin Heiberg), and Trinitat Nova (source and credits : Ajuntament Barcelona)

En France, les premiers projets naissent au début des années 2010. En 2009, la loi de programmation relative à la mise en en œuvre du Grenelle de l’environnement est en effet venue encourager « la réalisation, par les collectivités territoriales, d’opérations exemplaires d’aménagement durable des territoires » et plus particulièrement des opérations d’ÉcoQuartier dans les territoires qui ont des « programmes significatifs de développement de l’habitat ». Puis, le lancement du label EcoQuartier fin 2012 a sonné le début de l’élan donné à leur développement sur le territoire.

En France : un label, 500 réalisations

Dans l’Hexagone, le label et ses modalités d’obtention ont donc servi de bases communes aux projets d’aménagements d’écoquartiers. Il s’appuie notamment sur une charte de 20 engagements parmi lesquels on peut citer :

  • Travailler en priorité sur la ville existante et proposer une densité adaptée pour lutter contre l’artificialisation des sols
  • Mettre en œuvre les conditions du vivre-ensemble et de la solidarité
  • Favoriser la diversité des fonctions et leur proximité
  • Favoriser les modes actifs, les transports collectifs et les offres alternatives de déplacement pour décarboner les mobilités
  • Proposer un urbanisme permettant d’anticiper et de s’adapter au changement climatique et aux risques
  • Viser la sobriété énergétique, la baisse des émissions de CO2 et la diversification des sources au profit des énergies renouvelables et de récupération
  • Mettre en œuvre des démarches d’évaluation et d’amélioration continue

A ces 20 engagements est venu s’adosser en 2016 un processus de labellisation en 4 étapes pour suivre le cycle de vie des projets

  1. de leur conception (en projet),
  2. à la réalisation (en chantier),
  3. puis à la livraison (livré),
  4. et enfin à leur occupation par les habitants (confirmé).

Résultat, en 2021, la France comptait 206 écoquartiers en étape 1, 210 en étape 2, 74 en étape 3 et 14 en étape 4.

Objectifs communs vs. variété de projets

Quels que soient les certifications et labels sur lesquels s’appuient les Etats européens, tous les écoquartiers se sont développés sur des objectifs communs d’efficacité énergétique du bâti, de production d’énergies vertes, de mise à disposition de transports en commun et décarbonés ou encore de qualité de vie permise par les espaces verts ou l’accès à l’éducation et à la culture.

De plus, un très grand nombre d’écoquartiers ont été réalisés pour renouveler l’espace urbain. En France par exemple, 70% des projets labellisés sont en renouvellement urbain, dont plus de 20% sur des friches.

Néanmoins la gouvernance des projets, les aménagements, la population ou encore l’ambiance de ces écoquartiers sont particulièrement variés. Les contextes locaux donnent clairement leurs couleurs à chaque écoquartier.

A Barcelone, l’écoquartier de Trinitat Nova a par exemple beaucoup misé sur le volet social de son développement durable en déployant à côté de multiples évènements culturels un projet éducatif de quartier pour lutter contre l’échec scolaire, ou une école active pour sensibiliser les mères et les pères à la durabilité.

Diagramme écoquartier de Trinitat Nova (source : Claire Flurin, 2017, Eco-districts: Development and Evaluation. A European Case Study)

A Grenoble, l’écoquartier de Bonne, le premier en France, a, lui, davantage été pensé comme une vitrine exemplaire de l’urbanisme écologique de demain en misant sur la performance énergétique du bâti et la place faite à la nature avec un parc urbain central de 3,5 hectares orienté est-ouest et composé de trois jardins reliés les uns aux autres par des continuités piétonnes.

Fiche “ZAC de Bonne” sur Ecoquartiers.fr

Sur les 12 hectares de Ginko, écoquartier érigé à 7 kilomètres du centre de Bordeaux, ce qui frappe ce sont les technologies et techniques mises en œuvre. 4 modes de transports publics différents sont ainsi proposés, plus de 90% des immeubles sont certifiés Basse consommation. De plus, les concepts de « cité jardin » et de « ville d’eau » autour desquels il a été bâti s’appuient sur des aménagements paysagers innovants pour gérer les eaux pluviales.

Ginko, Bordeaux (source et crédits : Bouygues Immobilier)
Diagramme écoquartier de Ginko (source : Claire Flurin, 2017, Eco-districts: Development and Evaluation. A European Case Study)

Un avenir vraiment durable ?

Comme l’écrivait dès 2017 Claire Flurin, directrice de l’influence, de la recherche et du développement chez Keys REIM, « la variété des aménagements relevant du label écoquartier déjoue les perceptions trop simplistes. Les écoquartiers devraient être considérés comme des expérimentations urbaines permettant aux villes d’innover autour d’objectifs de durabilité tout en obtenant des résultats de développement concrets ». Le contraste frappant entre le quartier chic de Malmö Bo01 et le quartier populaire de Trinitat Nova à Barcelone illustre la difficulté à maintenir la durabilité et l’équité du quartier initialement conçu dans le temps.

Claire Flurin ajoute :

Le concept d’éco-quartier est un concept d’expert, conçu par des experts à l’attention d’experts.

« Les entretiens sur le terrain indiquent que la plupart des résidents n’y emménagent pas pour le caractère durable du quartier mais pour le ratio prix/qualité de vie. Il y a un potentiel d’amélioration à inclure les membres de la communauté dans le processus de développement et à insister sur l’équité non seulement dans la phase de planification initiale, mais aussi dans la vie à long terme du quartier. »

Et c’est bien en termes d’appropriation des projets d’abord puis de vie quotidienne que les écoquartiers ont encore leurs preuves à faire. Si tous ont mis en œuvre des techniques et principes en faveur d’une baisse des consommations d’énergie, d’une baisse des émissions de gaz à effet de serre, de la protection de la biodiversité ou d’une mixité d’usages, les acteurs des territoires n’ont pas toujours été impliqués dès le départ des opérations. La population en particulier. Et pour s’assurer que les écoquartiers sont bien des lieux de façonnage des villes durables, ils doivent être bien « utilisés » dans le temps.

C’est d’ailleurs en ce sens que le label français EcoQuartier a fait l’objet de quatre étapes de certifications. Ainsi l’étape 4 « l’ÉcoQuartier confirmé » ne peut être obtenue qu’après au moins trois ans de vie de quartier. Le porteur de projet doit alors démontrer qu’il évalue les résultats obtenus à l’issue du projet et la tenue de ses engagements. Il présente également la façon dont ses pratiques d’aménagement évoluent plus globalement ou influencent l’aménagement d’autres territoires. Et cette étape s’appuie sur la mise en place d’une démarche d’auto-évaluation menée avec les habitants et les usagers.

Et pour aller plus loin, le ministère de la Transition écologique a impulsé en 2021 une réflexion en faveur du renouvellement de la démarche sous la forme du groupe de travail « EcoQuartier 2030 », laquelle a abouti à la remise d’un livre blanc à la ministre le 21 janvier 2022. Le livre blanc repose sur 9 mesures, « afin de généraliser l’accompagnement des territoires pour faire émerger de nouveaux ÉcoQuartiers, de valoriser les démonstrateurs de la Ville Durable et de populariser la démarche ». Citons notamment la production « d’un guide «universel» de l’aménagement durable, utile à tous les porteurs de projets d’aménagement, fruit de la convergence des référentiels d’aménagement et de management ÉcoQuartier, HQE aménagement et ISO 37101, mis à jour des dernières réformes (dont la RE2020 et le zéro artificialisation nette), et du manifeste présenté dans la démarche « Habiter la France de Demain » ». Ou encore le « ciblage de la labellisation sur les quartiers livrés et vécus, selon une logique de millésime, et en l’associant à des objectifs de performance qualitatifs, quantitatifs et contextualisés ».

9 MESURES POUR RENOUVELER LA DEMARCHE ÉCOQUARTIER (ÉCOQUARTIER POUR TOUS ET PAR TOUS, Ministère chargé du Logement)

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