Entre usages et émotions : les nouvelles valeurs de l’immobilier

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4 min readFeb 21, 2020

« L’émotion comptabilisée est devenue une donnée numérique à créer, à capturer, à valoriser, à monétiser, à revendre. L’émotion devient un capital… qu’il faut valoriser ! », écrit Patrick Ponthier, Consultant chez Ponthier Management Consulting dans un récent article intitulé émotions et usages dans l’immobilier-construction. Faire d’un logement ou d’un bureau un vecteur d’émotions qui contribue à valoriser l’expérience usager dans le temps est donc devenu nécessaire. Et les arts plastiques ont ce potentiel, estime l’expert.

Source : Kendra Cherry

Sur un marché immobilier tendu, et dans un contexte socio-économique un peu désabusé, la rationalité économique ne suffit plus, analyse Patrick Ponthier. « L’émotion a fait irruption dans l’analyse de la relation économique et des marchés. Les déterminants de la valeur se modifient sous l’influence du numérique qui dote le monde d’outils puissants et nouveaux permettant de définir l’individu dans la masse en caractérisant et en mesurant ses émotions ». Ainsi chez eux comme au bureau, les usagers ne veulent plus seulement des espaces qui satisfassent leurs besoins mais aussi des lieux qui suscitent de l’émotion.

Cet « engouement pour la prise en compte de l’émotion provient du développement des réseaux sociaux. La mesure de l’émotion, rendue possible sur une grande échelle, provient du fait que l’Homme, avant d’être un Homo economicus, est d’abord un animal social », poursuit le consultant.

Vendre et après ?

Appliqué au marché immobilier, il invite à dépasser la notion d’usage fondée sur une approche utilitaire d’un bâtiment. Aujourd’hui, elle s’appuie en réalité sur deux piliers, estime Patrick Ponthier. Le pilier fonction d’abord, qui englobe performance, maintenabilité, connectivité et autres services rendus, et que « les offreurs d’immobilier (constructeurs et acteurs participant à l’acte de construire) maîtrisent très bien ». Mais aussi le pilier émotion lequel démontre que « le bâtiment ne s’arrête pas à sa livraison » et doit au-delà objectiver le bien-être des occupants.

Le problème, souligne l’expert, c’est qu’à la « différence du produit automobile, le produit immobilier contient une forte dimension expérience de long terme liée à l’usage permanent ». Aussi l’offre de construction doit-elle procurer de l’émotion mais aussi délivrer un sens dans le temps.

En d’autres termes, « demain, la valeur pour des biens durables que sont les biens immobiliers se fera sur des comportements, des sensations et émotions autant individuelles que collectives, porteuses de cohésion, de partage, etc », écrit encore Patrick Ponthier. « Il ne s’agit plus seulement de traiter du moment court de la transaction, mais désormais de traiter du moment long de l’expérience usager », ajoute-t-il.

L’art en partage

Et à ses yeux, l’une des réponses se trouve dans l’accès à l’art, notamment parce que l’époque s’y prête : plus elle « est hostile, plus la culture est essentielle ». Et parce que « l’art facilite l’appropriation des espaces ».

Bien sûr, l’architecture est un art majeur mais son champ d’application est contraint. A l’inverse, l’art plastique « est libre de témoigner, de questionner, d’influencer la création architecturale ». Comme l’a démontré l’initiative « Un immeuble, une oeuvre », lancée en 2016, et que cite Patrick Ponthier, un programme donnant « carte blanche à un artiste plasticien pour créer une œuvre dans les espaces communs lors d’une opération de construction ». « En créant des occasions d’émotions in situ lors de l’occupation des espaces de vie, l’œuvre permet la réappropriation non marchandisée de ces émotions par leur partage. L’œuvre d’art a un rôle d’intermédiation civilisatrice et pacificatrice, créatrice de lien social dans les lieux de vie », juge l’expert de Ponthier Management Consulting.

Toutefois, tempère-t-il, il ne s’agit pas d’imposer une « expression officielle de la culture » dans les espaces publics ou communs. « L’offre bâtie doit pouvoir s’appuyer sur la compréhension des émotions individuelles et collectives qu’elle suscite, voire parfois ne suscite pas ! Comme l’achat d’un produit de grande consommation génère une expérience client, l’usage d’un bien immobilier doit générer l’« expérience usager ». Sans chercher à avoir les mêmes émotions pour tous, et même au contraire en visant à la pluralité des émotions, le simple fait de partager la démarche d’éveil à la conscience de l’émotion artistique du cadre bâti est de nature à réduire la menace d’« archipélisation » qui guette notre société », argue le consultant.

Dans la sphère privée de l’habitat, l’oeuvre aura été choisie et pourra aisément être un objet de partage d’émotions entre les occupants. Et dans la sphère des bureaux et autres lieux de travail, le potentiel sous-jacent de l’art est immense selon Patrick Ponthier. Pour lui, «l’accessibilité, la visibilité d’une œuvre devenue partageable du regard, échappant encore pour un moment au contrôle de la marchandisation subie, sont le symbole et l’expression (illusoire ?) de la liberté offerte et retrouvée dans un monde de contraintes courantes aggravées ». Et d’ajouter, que dans un tiers-lieu comme un espace de coworking, « le message subliminal est que, si l’artiste a pu créer librement, le travailleur trouvera satisfaction à opérer dans un environnement de symboles de liberté dont les artistes créateurs ont pu jouir ».

Une perception que certains pourraient trouver trop poétique. Et pourtant. A l’heure où les individus cherchent à retrouver des en-commun et une valeur plus chère à leur vie que la valeur pratique ou financière, elle fait justement sens.

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