Halles gourmandes

Entre goût, innovation et partage

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7 min readJun 5, 2023

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Lieux culinaires emblématiques en Asie depuis plus de 50 ans, les food courts ou halles gourmandes en bon français ont peu à peu gagné le cœur et l’appétit des Nord-Américains puis des Danois, des Espagnols, des Lisboètes ou des Londoniens, avant finalement d’émerger en France il y a 10 ans. Une percée tardive qui vient renouveler l’art de la gastronomie et de la convivialité à la française. Retour sur un concept qui suscite autant l’engouement des consommateurs que celui des restaurateurs, producteurs, programmateurs et investisseurs.

Halles de Bacalan à Bordeaux (source : Keys REIM)

Il n’y a qu’à pénétrer dans l’enceinte des Halles Bacalan à Bordeaux ou dans celle de La Commune à Lyon pour se laisser charmer par des lieux dont l’atmosphère, les perspectives, les odeurs, les univers culinaires et les propositions culturelles éveillent les sens et renouvellent l’art de vivre en milieu urbain.

La commune à Lyon (source : Pages Jaunes)

Les experts leur ont donné le nom de food courts ou de halles gourmandes et elles fleurissent partout dans le monde. Mais si le concept reste récent en Europe, il fait partie du paysage culinaire traditionnel en Asie. Partout en Chine, en Malaisie, en Thaïlande ou au Vietnam, vous trouverez ainsi d’immenses espaces extérieurs ou intérieurs où sont réunis des dizaines de vendeurs devant des étals minuscules qui proposent des plats préparés sur le pouce dans leurs « kitchenettes » et des tables où s’installer pour déguster. Ce sont les lieux par excellence de la restauration rapide en Orient. Parmi les sites très fréquentés, citons par exemple le Nang Loeng Market à Bangkok, en Thaïlande, ou le plus moderne Ground Food Market sde Phnom Penh au Cambodge.

The Ground Food Market and “Thailand’s Best Food Market?” by OTR Food & History

Un concept gagnant d’est en ouest

Exporté en Amérique du Nord d’abord, puis en Europe depuis le début des années 2000, le concept a néanmoins été remodelé pour répondre aux attentes d’une clientèle avide de nouvelles expériences culinaires mais aussi humaines et culturelles. Résultat, si en France par exemple, on connaissait déjà les halles abritant des marchés couverts et parfois un ou deux cafés, aujourd’hui les halles gourmandes se multiplient avec la promesse d’être des lieux hybrides mêlant vente de produits de producteurs, restauration rapide et innovation culinaire, mais aussi programmation culturelle et festive et surtout, à chaque fois, une ambiance chaleureuse et conviviale avec pour mot d’ordre le partage, le tout dans des décors uniques. Aussi les food courts s’intègrent-ils parfaitement dans les tiers-lieux ou les incarnent-ils tout court, des endroits caractérisés par leur mixité fonctionnelle qui galvanisent le sentiment d’appartenance à un quartier, (re)dynamisent le tissu urbain, favorisent le partage et encouragent l’expérimentation et l’innovation.

Encore en construction sur le site d’une ancienne usine d’Alstom, la halle gourmande de l’écoquartier des Docks de Saint-Ouen accueillera ainsi d’ici septembre 2023 une trentaine de commerces de bouche, un marché alimentaire bio, une dizaine de kiosques de restauration, des food trucks. Un espace auquel viendront s’ajouter 4 restaurants plus traditionnels, une salle de spectacle, un laboratoire dédiée à la gastronomie, des espaces de coworking et même une ferme urbaine !

Projet de halle gourmande aux Docks de Saint Ouen (source : La Halle des Docks)

Partout où ils s’implantent les food courts se démarquent avec un projet différent pour multiplier les expériences culinaires et de partage. La halle Bacalan de Bordeaux a par exemple fait de sa proximité avec la Cité du Vin un marqueur identitaire : là-bas 22 producteurs, artisans-commerçants et chefs régionaux se sont réunis dans un lieu de vie de plus de 1000m2. A Lyon, La Commune s’est installée dans une ancienne menuiserie au cœur de Gerland, avec 7 mètres de hauteur sous plafond, verrière et charpente métallique. Un cadre artisano-industriel dans lequel 5 espaces distincts ont été pensés pour en faire un lieu de partage d’expériences : la Place incarnant le cœur battant des halles culinaires, le Café, le DockBar, la Bodega et le Lieu-dit, lieu évènementiel de 250 m2.

Des modèles rentables …

Si chaque halle gourmande tente donc de se démarquer, toutes répondent néanmoins à des marqueurs communs : le goût, l’innovation et le partage. Et les experts du cabinet de conseil Xerfi identifient également 3 modèles parmi les projets existants et en développement :

• les food courts façons « épiceries » focalisés davantage sur la vente de produits que sur la restauration ;
• ceux façons « halles » ;
• et ceux façons « lieux de vie » qui proposent de la restauration, mais aussi de nombreuses activités culturelles ou ludiques.

Interrogé par France Snacking en 2019, l’expert Eric Foucaud, du cabinet spécialisé en restauration ElanCHD distinguait quant à lui les « incubateurs » permettant aux jeunes restaurateurs se tester leurs recettes et concepts, les « vitrines » où grands noms de la cuisine et restaurateurs débutants cohabitent, et les « réhabilitateurs », soient les halles gastronomiques qui s’inscrivent dans le cadre de projets immobiliers mixtes.

Quel que soit le modèle choisi, le concept connaît un grand succès. Alors qu’on ne comptait que 5 halles gourmandes il y a 10 ans en France, et plus particulièrement à Paris, aujourd’hui plus de 50 ont été érigées sur le territoire.

Même les grandes surfaces et grands magasins s’en emparent. En octobre 2022 par exemple, les Ateliers de la Gaîté ont ouverts dans le quartier Montparnasse à Paris et proposent non seulement aux visiteurs une trentaine de magasins de grandes enseignes comme Nature & Découvertes, Mr. Bricolage, Go Sport, Bo Concept, Darty, Naf Naf, ou Okaïdi, mais aussi une food court de 3500 m2. Il compte une quinzaine de stands et des chefs de renommée comme les candidats marquants de Top Chef Mory Sacko et Adrien Cachot, et proposera 150 animations par an.

Food court Food Society aux Ateliers Gaîté (source : Sortir à Paris)

Il faut dire que ces lieux de vie-consommation attirent des publics très variés et s’alignent avec les aspirations de proximité, de convivialité, de découvertes de populations que les confinements ont résolument convaincu de s’ouvrir et d’échanger.

De plus, pour les professionnels, restaurateurs, producteurs ou investisseurs, ils sont une promesse de trafic et de rentabilité.

« A la frontière de la restauration et de l’événementiel, ils regroupent des partenaires aux profils variés parmi lesquels des promoteurs immobiliers, des foncières commerciales, des restaurateurs et des grands magasins », indiquaient les experts Xerfi dans une étude publiée en septembre 2021.

Car bien menés les projets de halles gourmandes ont en effet vocation à devenir des pôles d’attraction. De plus, les restaurateurs y trouvent une opportunité de baisser leurs coûts fixes en mutualisant les dépenses associées au loyer ou à la consommation d’énergie.

Exposés à une forte concurrence

Mais la tendance est-elle vouée à s’accroître ? Les food courts déjà en place peuvent-ils s’inscrire dans la durée face à la concurrence notable sur le marché de la restauration ?

Selon Xerfi encore, « trois signes indiquent que ce concept approche de la surchauffe ». En effet, les ouvertures se multiplient et gagnent, après les grandes agglomérations de Paris, Lyon, Bordeaux et Marseille, des aires urbaines moins denses comme Nantes, Toulon, Avignon, Saint-Étienne, Rouen, Roubaix, Annecy, Angers…

« Autant dire que les meilleurs emplacements se raréfient et les food courts fleurissent désormais au sein d’aires urbaines secondaires », note Xerfi. De plus, « les food courts investissent un marché hyper-embouteillé, celui de la restauration hors foyer », ajoute le cabinet de conseils. Enfin, troisième indice de surchauffe, « les formats se multiplient pour se singulariser ».

Si le déploiement hexagonal des halles gourmandes pourrait donc se tarir dans les années à venir, les lieux et projets déjà existants s’appuient néanmoins sur des atouts d’emplacement et de restauration indéniables. Mais pour tenir face à la concurrence, l’étude publiée en 2021 par Xerfi pointait 6 critères de réussite : l’adéquation entre le concept et son environnement bien sûr, le positionnement sur les services de livraison, la capacité à capter une clientèle de bureau, la présence de chef-fes emblématiques, une image forte sur les réseaux sociaux et un réel engagement pour proposer sur la durée une expérience au-delà de la restauration.

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