Le télétravail sonnera-t-il le succès du flex office ?

Les chiffres sur la pratique de télétravail en France et dans le monde oscillent en fonction des enquêtes et panels retenus, mais le constat est clair : le recours au télétravail s’est ancré dans les habitudes des entreprises et des salariés.

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9 min readMay 10, 2023

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Et ce faisant il impacte non seulement nos manières d’habiter mais aussi l’aménagement et l’organisation des bureaux d’entreprises dans lesquels les salariés se rendent moins souvent mais régulièrement. Une évolution qui plaide en faveur du flex office, un modèle lentement adopté depuis 20 ans qui semble trouver sa raison d’être avec le nouveau contexte sociétal.

Selon l’Insee, en 2021, en moyenne chaque semaine, 22 % des salariés ont télétravaillé. Néanmoins, poursuit l’Institut, le télétravail concerne très majoritairement les cadres et il est très répandu pour les employés des zones d’habitation denses. D’autres enquêtes évoquent même des chiffres plus élevés. Selon le Baromètre des Préférences des Salariés 2022 publié par JLL par exemple, 55% des salariés de bureau à travers le monde travaillent déjà de façon hybride aujourd’hui et 56% en France.

Quoiqu’il en soit, l’évolution de cette pratique est réelle et appelée à durer et progresser. Ainsi, toujours selon JLL dans son enquête Future of Work 2022, on apprend que 53 % des entreprises à travers le monde rendront possible le télétravail de façon permanente pour tous leurs collaborateurs. Un résultat concordant avec les conclusions d’une étude publiée par BPI France en juin 2022 :

« La crise a durablement modifié l’organisation du travail puisque 74 % des dirigeants ayant accru le recours au télétravail pendant la crise comptent pérenniser au moins partiellement le surplus de jours de télétravail autorisés après crise. Seuls 28 % envisagent toutefois une pérennisation totale, quand 46 % souhaitent durablement autoriser davantage de jours de télétravail par semaine qu’avant crise mais moins que fin 2021, période encore troublée par la crise sanitaire. 26 % d’entre eux comptent à l’inverse revenir entièrement sur les jours de télétravail supplémentaires accordés pendant la crise ».

L’élargissement et l’allongement des pratiques de télétravail sont donc une tendance de fond mais la formule privilégiée, en France au moins, est de 2 jours de télétravail par semaine pour trois jours au bureau. Et c’est la semaine-type idéale pour les salariés français selon JLL.

En fait, dans l’hexagone et dans le monde, la majorité des employés plébiscitent le travail hybride. Ils sont ainsi 66% à penser que l’employeur devra soutenir le travail hybride mais aussi 60% à penser que le bureau conservera un rôle central dans leur vie professionnelle.

Le flex office, solution privilégiée par les décideurs

Dans les faits et au regard des attentes, les bureaux d’entreprises vont donc être conduits à évoluer pour à la fois ne pas apparaître vides la moitié du temps et en même temps faciliter la collaboration et le sentiment d’appartenance. Les décideurs immobiliers en ont bien conscience selon JLL. 77 % des décideurs mondiaux estiment ainsi que l’investissement dans la qualité des espaces primera à l’avenir sur l’augmentation de leur empreinte immobilière.

Et « 73 % des décideurs immobiliers dans le monde prévoient de rendre tous les espaces de travail ouverts et collaboratifs, sans bureau dédié. Mais ils ne sont que 59 % en France, témoignant d’un peu plus de frilosité à l’égard de l’organisation en flex-office », analyse JLL.

Sur le papier, le modèle du flex office coche en effet toutes les cases pour répondre aux exigences économiques et organisationnelles des entreprises comme aux attentes des salariés. Car il permet de

« repenser les espaces et leurs usages, non plus sous le prisme de leurs fonctionnalités (bureau pour travailler / cafétéria pour prendre le café) mais de leur pouvoir expérientiel : espaces dédiés à la collaboration ou au contraire à la concentration, espaces qui favorisent les échanges et la créativité ou au contraire le calme, espace de détente, de convivialité, de réunions… », selon Matthieu Scotti, directeur commercial de la plateforme de Smart Digital Workplace, Swizi.

De plus, le flex office a un intérêt économique et écologique selon l’Ademe.

« L’intérêt du flex office est d’optimiser les surfaces de bureau. S’il y a un accroissement des jours télétravaillés, cela peut même conduire les entreprises à diminuer leur foncier, estime Jérémie Almosni, chef du service transport et mobilité de l’Ademe, dans les pages du quotidien 20 minutes. Elles réduisent ainsi les consommations énergétiques associées, mais ces surfaces plus petites permettent aussi d’éviter des émissions de gaz à effet de serre liées à la construction ou à la fabrication d’équipements. »

D’ailleurs, sur les vingt-six organisations — représentant 350.000 salariés- interrogées par l’Ademe dans une enquête de septembre 2020, 27 % étaient déjà passés en flex office et 39 % disaient y réfléchir.

L’aménagement en flex office ne date pas d’hier. Il est né aux Etats-Unis dans les années 1990 et a commencé à se développer en France et en Europe après 2000. Mais jusqu’alors il peinait à convaincre les entreprises.

Selon une enquête menée début 2021 par l’opérateur de bureaux flexibles Deskeo auprès de 3978 professionnels, seules 16% des entreprises avaient adopté le flex office, mais 55% envisageaient d’y passer prochainement. De son côté, le 5e Baromètre Parella mené en 2021 estimait qu’une entreprise sur trois était déjà en flex office et que 40% y pensaient.

Vers des bureaux plus petits et interactifs ?

Malgré la différence assez marquée dans les chiffres, là encore les conclusions sont similaires : le télétravail est un accélérateur de la transformation des aménagements. Néanmoins, ces réorganisations des espaces de travail ne se feront pas du jour au lendemain, parce qu’elles sont liées en partie aux baux de location tout d’abord. Surtout, la mise en œuvre pratique du flex office nécessite de prendre en compte deux problématiques majeures, à savoir le rejet assez prononcé du modèle par les salariés qui ne le connaissent pas d’un côté, et une bonne réflexion sur les usages, pour qu’ils répondent aux besoins des collaborateurs.

Selon JLL en effet, 48% des non pratiquants du flex office ont une opinion défavorable des espaces dynamiques et 61% pensent que le flex n’est pas adapté à leur métier, quand, de l’autre côté 84% des pratiquants se déclarent satisfaits de leur nouvel environnement de travail.

Par ailleurs, la bonne prise en compte des usages ne mène pas toujours à une réduction des mètres carrés.

« Notre étude montre qu’une entreprise sur deux ne réduit pas son empreinte au sol avec le flex, prévient Flore Pradere, Directrice Recherche et Prospective Work Dynamics chez JLL. La moitié des entreprises interrogées a pris le parti de réinjecter les mètres carrés d’espaces individuels gagnés au profit des espaces collectifs ; l’autre moitié a réalisé une économie moyenne de 25% de ses surfaces. En moyenne, on compte trois fois plus d’espaces collaboratifs en flex-office. Ils ont aussi changé de nature, puisque les espaces de réunion classiques se sont enrichis de nouveaux lieux plus agiles, hybrides et informels, permettant des usages plus variés : alcôves, espaces projet, workafés, bibliothèques, agoras, espaces de brainstorming, etc. »

Cet aspect, l’IEIF l’a également souligné dans une évaluation sur l’impact potentiel du télétravail sur le parc et la demande de bureaux en Ile-de-France à moyen terme publiée en janvier 2021 :

« si le télétravail permet d’envisager une réduction potentielle du nombre de postes de travail, celle-ci ne se répercute pas de manière symétrique sur les surfaces occupées par les entreprises : il devient en effet essentiel de développer d’autres types d’espaces de convivialité, de réunions, de créativité, etc. afin de développer les interactions indispensables à la vie des entreprises », écrivait l’institut dans un communiqué.

Cependant les trois scénarios qu’il imaginait conduisait effectivement à une réduction des surfaces de bureaux.

De quoi stimuler les entreprises en recherche d’économies à passer au flex office tout en prenant garde à intégrer leurs collaborateurs dans la réflexion sur les nouveaux aménagements le plus tôt possible. De quoi aussi challenger encore les acteurs de l’immobilier pour accompagner une hybridation du travail qui décidément chamboule tout sur son passage, du logement aux bureaux en passant par les localisations et les services attendus.

Exemple de Keys Reim, convaincu qu’un nouveau siège social doit naître

(extrait du livre blanc de Keys Reim “Nos convictions pour l’immobilier de 2011 à 2021, et jusqu’à 2031. Regard analytique sur la décennie passée et réflexion prospective pour la décennie à venir.”)

Pour Keys Reim, il ne fait aucun doute que beaucoup continuent d’aspirer à “aller au bureau”, au moins de temps en temps. Le bureau dans son format de siège social, lieu facilitant le partage d’idées, favorisant l’émulation d’équipe et le développement de la culture d’entreprise reste donc pertinent.

Certains changements profonds se profilent néanmoins… Après cette longue période de pandémie et de télétravail, les employeurs ajusteront leur organisation du travail. La forme spatiale des bureaux devra répondre à la fluidité de l’organisation bureau / télétravail des occupants. Il faut d’ailleurs dorénavant donner envie au salarié de revenir au bureau :

  • (i) en réduisant son temps de transport (fatiguant, non productif),
  • (ii) en lui proposant des conditions de travail agréables (espace, calme, convivial, chaleureux) et optimisant ses temps d’activité personnel (culture, activité physique, courses d’appoint, etc.). Les immeubles mixtes à proximité des commodités (commerces, loisirs, transports) nous semblent répondre à ces attentes.

Et si les surfaces dédiées aux postes de travail pourraient s’optimiser (à la baisse), les espaces de convivialité eux consommeront des m² supplémentaires. Mais attention, le budget des locataires ne sera pas extensible. C’est là où la proportion renouvelée aux TPE, PME et entreprises en croissance des immeubles pluri-locataires, donnés en gestion à des opérateurs spécialisés tels que Wework, Mama Work, Spaces, etc. sera particulièrement intéressante à suivre pour nous investisseurs.

Pour les propriétaires, il faudra donc revoir l’évaluation du risque locatif et décider du niveau de contrôle à exercer sur l’utilisation effective des locaux, notamment dans l’optique d’une gestion socialement responsable : sur-densification ? Nature des activités (tabac, armement, etc.) ? Et quel nouveau rôle pour les property manager intégré comme celui de Keys REIM par rapport à un exploitant de flex- ou co-working ? Dans tous les cas, il est évident que l’état locatif ne peut plus continuer à dicter la valeur d’un actif. Et c’est un mode de gestion des actifs que Keys REIM maîtrise, grâce notamment à ses équipes de sourcing, gestion, exploitation intégrées.

Sur notre radar, plusieurs nouvelles typologies de bureaux émergent :

💼 le “presque-coworking”

C’est-à-dire le bureau plug and play, avec des espaces de convivialité et des services adaptés à la willingness to pay de la demande locale. Dans lesquels les entreprises souscrivent à des accès à des desks ou à des plateaux de bureaux plutôt que de louer des espaces à aménager.

💼 le siège social doté d’une capacité d’hébergement

Pour les travailleurs délocalisés et les visiteurs.

💼 les workations

Hôtels de bleisure et lieux à la frontière entre bureau et hospitalité.

Plus généralement, nous identifions deux conséquences principales à l’installation durable du télétravail dans les moeurs :

  • La mutation, pour les grandes sociétés d’un bureau vers un siège social/show-room ultra accessible et ultra central.
  • La dissémination d’une multitude d’espaces de travail de petites tailles (café coworkings, tiers lieux, coworkings plus classiques, etc…) à proximité des lieux de résidence.
Source : Curiosity is Keys

Et faudra-t-il différencier les besoins en fonction de la taille des villes ? Assurément !

Le siège social d’aujourd’hui et demain doit représenter le cœur battant de l’entreprise, le lieu de rencontres, de séminaires, de réunions, de prises de cafés et de verres… C’est le lieu de ralliement, et de rencontres, là où l’où vient prendre le pouls de l’entreprise, son ADN, son énergie. On peut donc y rencontrer ses collègues, faire une formation, donner rendez-vous à ses clients… Puisqu’il est déjà entendu que « la production propre » peut se faire finalement en dehors du bureau en lui-même. Enfin, le bureau de demain sera plus serviciel que jamais : bien-être, sport, et restauration de qualité.

Ainsi, si nous avions à dessiner les contours du bureau siège d’une entreprise du SBF 120 par exemple, nous le positionnerions à proximité immédiate d’une gare SNCF (Lyon ou Montparnasse pour Paris), sur un immeuble atypique avec un vaste rez-de-chaussée mêlant cafeteria, brasserie, salles de réunion, salles de conférence et show-room, des lieux hybrides permettant de faire du sport, du yoga, des séances de kinésithérapie…. Ce rez-de-chaussée serait surplombé par des étages de bureaux plus classiques voire certains étages dédiés à du résidentiel pouvant par exemple accueillir des salariés en « transit ».

Finalement, quand elle évoque le bureau de demain, Curiosity is Keys parle d’un réseau organisé de lieux.

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