Les investisseurs prennent plus de risques et reviennent vers le résidentiel

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17 min readMay 28, 2019

Par SANDRA SEBAG, publié sur IEIF et Option Finance

Face à la baisse des rendements dans l’immobilier d’entreprise cœur et à l’absence de perspectives de hausse des taux, les investisseurs institutionnels comme les gérants privilégient les opérations en développement et les transactions de gré à gré.

De même, l’alignement des rendements entre l’immobilier d’entreprise et le résidentiel pousse les investisseurs à revenir vers le résidentiel qu’ils avaient délaissé ces dernières années.

Enfin, plus généralement, les participants au grand débat ont souligné que l’ISR était devenu incontournable dans cette classe d’actifs.

Source : Elle

Que représente l’immobilier dans l’allocation d’actifs de la CDC ?

Arnaud Taverne, directeur général de CDC Investissement Immobilier : Notre portefeuille immobilier s’élève à 6,8 milliards d’euros d’encours sous gestion. Il représente un peu plus de 4 % des placements financiers de la Caisse des Dépôts (154 milliards d’euros). Le portefeuille est composé majoritairement de bureaux, qui représentent 45 % des actifs. Nous sommes aussi relativement bien investis en immobilier résidentiel (soit 25 % de nos actifs), le solde étant placé dans des murs de commerce, la logistique, l’hôtellerie et, plus généralement, les actifs alternatifs. Nous investissons chaque année entre 300 et 600 millions d’euros, principalement en direct ou à travers des club deals lorsque la taille ou le risque associé à une opération le nécessite. Quel que soit le véhicule, nous devons être en capacité de peser sur la gouvernance. Plus marginalement, des investissements minoritaires peuvent être étudiés lorsqu’ils portent sur une stratégie particulière non concurrente aux activités réalisées en direct.

Depuis cinq ans, nous avons modifié notre stratégie d’investissement en nous positionnant essentiellement sur des opérations consistant à créer de la valeur. La baisse des taux de rendement nous a en effet conduits à prendre davantage de risques. Actuellement, 80 % de nos investissements correspondent ainsi à des opérations de développement. Nous avons commencé par des opérations en VEFA, puis des opérations d’acquisition de foncier accompagnée de la conclusion d’un CPI (contrat de promotion immobilière). Nous avons par la suite été en capacité de prendre des risques de construction et nous pouvons aujourd’hui, dans certains cas très particuliers, prendre des risques administratifs, c’est-à-dire que nous nous positionnons sur des opérations sans que le permis de construire ait été délivré. Si on entre un peu plus dans le détail des projets, depuis 2015, nous avons investi sur une vingtaine d’opérations de développement à Paris (Austerlitz, Enjoy, Illumine, Paris-Montparnasse…), à la Défense (Immeuble Ile-de-France…) et en petite couronne (Issy-les-Moulineaux, Saint-Ouen…). Parallèlement, nous avons relancé les investissements en résidentiel, qui présentent un couple rendement/risque favorable, comparativement aux opérations tertiaires louées.

Récemment, nous avons pris la décision de créer un département international afin d’organiser nos investissements hors de France dans l’objectif que l’international représente, à un horizon de cinq ans, 25 % de notre portefeuille. Cette diversification géographique devrait nous permettre de profiter d’une corrélation limitée entre les différents pays, et de capter les différences de rendement le cas échéant. Nous allons poursuivre ces stratégies que nous considérons comme «défensives» tant que les taux d’intérêt resteront bas.

Quelle est votre stratégie d’investissement ?

Arnaud Monnet, directeur général d’Horizon Asset Management : Notre objectif est de financer des opérations immobilières principalement dans le résidentiel. Nos encours s’élèvent à environ 115 millions d’euros, ce qui correspond à 67 projets immobiliers en Europe, surtout en France et en Allemagne, et nous venons de réaliser nos premières opérations en Espagne et au Portugal. Nous souhaitons aussi nous diversifier en Europe du Nord : en Belgique, au Luxembourg, au Pays-Bas. En Allemagne, nous collaborons avec un développeur local. En France, nos partenaires sont davantage diversifiés.

Nous travaillons par exemple avec des marchands de biens, mais une grande partie de notre activité (soit 40 %) est à destination des bailleurs sociaux. Nous finançons des projets en développement et les cédons ensuite à des bailleurs sociaux ou à des investisseurs, y compris à des particuliers dans des zones tendues. Nous notons une nouvelle tendance depuis quelques années : les actifs immobiliers deviennent de plus en plus souvent mixtes. Les projets concernant l’habitat intègrent toute une série de services aux populations (crèches, murs de santé, commerces, bureaux). Ils sont conçus dans une logique d’aménagement du territoire. D’ailleurs, les appels d’offres initiés par les villes s’adressent à de très nombreux opérateurs afin de prendre en compte cette logique d’aménagement du territoire. Nous avons, dans ce cadre, coutume de dire que nous sommes passés de l’actif solitaire à l’actif solidaire, c’est-à-dire intégré dans son environnement. Les nouvelles opérations que nous avons financées en France et en Allemagne sont ainsi mixtes et tiennent compte des usages des populations.

Olivier Vellay, directeur des acquisitions Europe continentale chez M&G Real Estate : M&G Real Estate est la filiale de M&G Investments, une société de gestion anglaise. Nous sommes les leaders au Royaume-Uni et parmi les principaux investisseurs immobiliers dans le monde depuis plus de cent cinquante ans. Il y a une quinzaine d’années, le groupe a décidé de diversifier ses investissements en Europe et en Asie. Les encours sous gestion s’élèvent à présent à environ 30 milliards de livres, dont un peu plus de 10 % (soit 3,9 milliards d’euros) sont investis en Europe continentale. Nous y investissons de manière diversifiée dans une douzaine de pays, du Portugal à la Finlande. La France est notre deuxième pôle d’investissement en Europe continentale après l’Allemagne, ces deux pays représentant respectivement 20 et 25 % de notre portefeuille. Nous investissons dans une logique de long terme et sommes à la recherche de loyers stables. Nous disposons de deux fonds d’investissement et pourrions organiser des club deals.

En termes de sous-jacents, nous sommes également diversifiés. Nous sommes investis à hauteur de 55 % dans les bureaux, de 30 % dans les commerces et le reste dans la logistique, l’hôtellerie et le résidentiel géré. Notre premier fonds européen, M&G European Property Fund, lancé en 2006 et dont les encours représentent environ 3,4 milliards d’euros, s’adresse à une clientèle institutionnelle avec un positionnement «core/core+» sur les secteurs des bureaux, du commerce et de la logistique. Le fonds prévoit d’investir prochainement dans le résidentiel en Europe.

Le deuxième fonds, lancé il y a trois ans, M&G European Secured Property Income Fund (ou Eurospif), a été construit dans une logique de recherche de revenus de long terme (long income). Nous sélectionnons dans ce cadre des locataires avec des baux sur très longue période, à quinze ans à minima. Il n’est pas encore investi en France (où la moyenne des baux commerciaux tourne autour de sept ans), mais nous espérons y parvenir dans un avenir proche. Ce fonds, dont les encours ressortent à environ 500 millions d’euros, constitue une alternative à l’obligataire et repose autant sur l’analyse crédit des locataires que sur l’analyse immobilière. Nous avons dans ce cadre investi dans de l’hôtellerie, des résidences gérées, des supermarchés, des clubs de sport ou des agences bancaires. Nous avons par exemple investi récemment dans un hôtel dans les environs d’Amsterdam. Nous gérons dans cette stratégie entre 6 et 7 milliards d’euros d’actifs au Royaume-Uni, et Eurospif est l’un des premiers véhicules de ce type investi en Europe.

Est-ce que l’analyse du risque crédit peut entièrement se substituer à une analyse immobilière classique ?

Arnaud Monnet : Ce type de stratégie, qui se rapproche de la dette senior et dans laquelle le locataire possède plus d’importance, est en train de se développer. Nous nous situons en effet en haut de cycle car, les primes sur les actifs cœurs étant au plus bas, il faut aller chercher du rendement ailleurs. Ces produits constituent aussi une alternative aux obligations. Nous constatons sur le marché de plus en plus d’opérations de dettes immobilières. Elles sont en effet rassurantes pour un investisseur puisque, en cas de problème avec le locataire ou l’exploitant, l’actif immobilier conserve une grande partie de sa valeur. Ces actifs sont donc plus résilients que des dettes classiques en cas de crise.

Toutefois, il faut faire attention à ne pas trop s’éloigner des fondamentaux de l’immobilier : ces opérations accordent parfois trop d’importance au locataire, au risque de contreparties, et pas suffisamment à la localisation des biens. De ce fait, pour des projets dans des zones secondaires, nous nous intéressons avant tout à l’usage possible du bien. Nous menons une réflexion sur les fondamentaux d’un secteur, son potentiel davantage que sur l’exploitant, car nous ne pouvons pas prévoir à très long terme son évolution. A titre d’exemple, nous nous intéressons aux résidences seniors en Allemagne car ce marché, dont le potentiel est important du fait du vieillissement de la population, est très peu exploité dans ce pays.

Arnaud Taverne : Ce point est très important : notre changement de stratégie ne porte pas sur les localisations. Nous privilégions toujours les localisations les plus centrales, mais en prenant des risques de développement. La localisation est d’autant plus importante que de nombreuses résidences de services sont excentrées. C’est le cas par exemple des résidences seniors, qui se situent rarement en centre-ville. En matière de cliniques et de murs de santé, l’exploitant doit être analysé, mais la valorisation de ce type de biens dépend en grande partie des autorisations d’exploiter qui sont attachées à l’opérateur. La réglementation doit aussi être prise en compte.

Olivier Vellay :Nous nous appuyons, pour analyser le risque crédit, sur nos équipes spécialisées dans la gestion obligataire, qui travaillent conjointement avec les spécialistes de l’immobilier. Nous sommes par ailleurs très sélectifs sur les projets financés : sur une soixantaine de dossiers analysés, nous n’en retenons que cinq. Nous essayons de trouver des locataires qui s’engagent à long terme et parvenons à réduire leur taux d’effort par des loyers faibles, ces derniers étant en dessous de la moyenne de marché. Nous avons, de plus, renforcé nos équipes basées à travers l’Europe continentale pour disposer d’analyses fines des biens. De six personnes il y a trois ans, nous sommes passés à une vingtaine aujourd’hui.

Arnaud Monnet : Pour les acteurs qui se spécialisent dans des investissements en phase de développement, il est important de prendre en compte la réversibilité des actifs. A titre d’exemple, dans les années 1980, la poste avait mis en place des centres de tri dans les centres-villes, ce qui était à l’époque plutôt judicieux, mais cette activité est aujourd’hui en très forte régression, il faut donc restructurer ces actifs. Nous devons ainsi prendre en compte l’usage des biens sur longue période et leur capacité à être transformés. Nous devons également informer les investisseurs, faire un effort pédagogique pour leur expliquer les différentes catégories de risque et la façon dont nous les gérons.

Quel est l’intérêt, compte tenu de l’accumulation des risques, d’investir dans des opérations de développement ou de réhabilitation/transformation ?

Arnaud Taverne : Il y a beaucoup moins de concurrence sur les opérations à risque que sur les opérations dites «core». Elles sont beaucoup moins identifiées et il est ainsi plus facile d’y accéder. Aujourd’hui, il devient en effet très difficile, compte tenu de la concurrence, d’être retenu dans le cadre d’un appel d’offres sur une transaction «core». L’an dernier, par exemple, nous avons regardé des opérations pour un volume total de quelque 15 milliards d’euros et nous avons réalisé 1 milliard d’euros d’investissements dans le cadre majoritairement d’opérations de gré à gré.

Olivier Vellay : Il est en effet vrai que le taux de transformation sur les transactions «core» est très faible, la compétition étant soutenue. A contrario, les transactions portant sur des opérations plus en amont dans leur développement se font plus souvent dans le cadre de relations de gré à gré, et nous estimons un taux de transformation trois fois plus élevé dans le cadre d’opérations de ce type que dans celui des appels d’offres. Actuellement, les opérations de gré à gré représentent entre 20 et 30 % de celles que nous réalisons, et, bien entendu, nous sommes encore présents sur des opérations organisées par des brokers en appels d’offres.

Arnaud Monnet : Cette situation est liée à l’excès de demande par rapport à l’offre. Une enquête de BNP Paribas a montré récemment que, depuis 2004, dans les 25 principales villes européennes, la demande est supérieure à l’offre.

Quels sont actuellement les taux de rendement sur l’immobilier tertiaire cœur ?

Olivier Vellay : Les taux de rendement «prime» ou «core» sont très bas, autour de 3 % à 3,5 %. Cependant, nous n’estimons pas que ces taux seraient à même de remonter à court ou moyen terme. Ils se situent maintenant quasiment au même niveau que les taux de rendement dans le résidentiel. Cet alignement nous a conduits à nous intéresser au résidentiel. Nous ne sommes pas seuls, étant donné l’appétit croissant d’autres investisseurs institutionnels revenant vers cette classe d’actifs.

Arnaud Taverne : Les taux de rendement de l’immobilier «core» observés sur le marché varient selon les secteurs et les localisations. Sur l’immobilier de bureaux parisien, les taux de rendement généralement constatés se situent en effet entre 3 et 3,5 %, mais certaines transactions ont franchi la barre sous les 3 %. Compte tenu de nos exigences de rentabilité, nous ne pouvons pas acquérir ce type d’opérations. En ce qui nous concerne, nous avons toujours conservé une poche d’investissement dédié au résidentiel, mais entre 2000 et 2014, nous n’avons pas investi dans de nouvelles opérations. Nous avons commencé à le faire à partir de 2014 et avons augmenté nos investissements dans ces actifs depuis 2015, après l’annonce de la mise en place d’une politique de quantitative easing (QE) par la Banque centrale européenne (BCE). En effet, la baisse des taux des obligations d’Etat a permis de créer un spread positif entre l’OAT et le rendement du résidentiel.

Le résidentiel correspond maintenant à 25 % de nos encours, ce qui est supérieur à la moyenne des institutionnels, où il se situe entre 10 et 15 %. Par ailleurs, si on compare un taux de rendement à 3 % sur le résidentiel et sur l’immobilier de bureaux, le premier apparaît plus attractif d’un point de vue économique. En effet, le cash-flow généré par un immeuble de bureaux est régulièrement amputé par des travaux courants, des franchises de loyers, des restructurations lourdes, ce qui pèse significativement sur la performance.

Olivier Vellay : L’autre avantage du résidentiel par rapport aux bureaux est le faible niveau, voire l’absence, de mesures d’accompagnement accordées aux locataires entrants. Celles-ci peuvent atteindre dans les bureaux en Ile-de-France entre 15 à 20 % des loyers (contre entre 3 et 6 % sur le bureau en Allemagne, à titre de comparaison). De plus, dans le résidentiel, la demande devrait rester soutenue dans les prochaines années. En effet, si la croissance de la population en Europe est limitée, la tendance à l’urbanisation reste importante, ce qui a un effet positif sur la classe d’actifs dans les zones urbaines denses.

N’était-il pas nécessaire de faire évoluer la réglementation pour améliorer l’attractivité du résidentiel ?

Arnaud Monnet : En matière de résidentiel, le principal problème est le rapport de forces entre les propriétaires et les locataires, qui est au détriment des premiers. Le locataire d’un logement a toujours raison face au propriétaire. Il faudrait ainsi rééquilibrer les relations. Les dernières réglementations, qu’il s’agisse de la loi Alur ou de la loi Elan, ont été favorables à l’immobilier.

En revanche, nous pouvons tout de même souligner que la loi Elan, malgré ses avancées, est relativement douloureuse pour le logement social. En France, 15 millions de personnes sont touchées par le mal-logement et 20 % d’entre elles sont exclues du logement social, car leurs revenus sont trop élevés et, en même temps, elles ne sont pas en capacité de prétendre à l’acquisition d’une résidence principale. Le logement social doit être de ce fait développé, mais pourtant, dans le cadre de la loi Elan, les financements aux bailleurs sociaux ont été réduits. La problématique du financement du logement reste donc entière, et c’est là que les investisseurs institutionnels ont un rôle important à jouer.

Olivier Vellay : Nous constatons dans toutes les grandes métropoles européennes une tendance à la densification de la population et, en même temps, un accès difficile à la propriété pour les primo-accédants. Sur la problématique de la réglementation, l’immobilier est un secteur très réglementé. De plus, il n’y a pas d’harmonisation entre les textes européens dans ce domaine. Il est plus compliqué de développer des stratégies paneuropéennes dans le résidentiel, et nous focalisons notre attention prioritairement sur quelques marchés : la France, l’Allemagne et les Pays-Bas.

A contrario, le marché des bureaux est plus homogène. Nous avons affaire dans ce cadre à des sociétés européennes ou internationales, ces dernières étant souvent accompagnées de conseils ou d’avocats lorsqu’elles mettent en place des baux commerciaux. Dans la logistique aussi, s’il y a des différences selon les pays, il existe une certaine forme de standardisation. Il en va de même dans les résidences gérées, où les acteurs sont de plus en plus souvent européens.

Arnaud Monnet : Les résidences gérées peuvent constituer un bon compromis entre le résidentiel et l’immobilier tertiaire pour des investisseurs institutionnels qui craignent les difficultés liées à des locataires. Elles disposent en effet d’un seul exploitant et la durée des baux est relativement plus longue que celle du résidentiel.

Le Grand Paris constitue-t-il une opportunité pour le résidentiel et le tertiaire ?

Arnaud Taverne : Le Grand Paris constitue une réelle opportunité, mais ce projet ne va pas faire émerger de nouvelles zones dynamiques dans l’immobilier tertiaire. Les zones qui bénéficieront du Grand Paris constituent déjà des pôles où il y a des immeubles de bureaux. Nous sommes ainsi convaincus de l’impact positif du Grand Paris sur la ville de Saint-Ouen, où plusieurs opérations de développement sont en cours, mais également sur Saint-Denis. Ces deux villes sont proches de Paris et vont bénéficier de l’extension de la ligne 14 du métro. Les niveaux des loyers dans ces villes sont attractifs : ils sont moins élevés, de l’ordre de 30 % à 40 %, par rapport à Paris. Nous considérons également que la Défense et quelques communes de la petite couronne sud bénéficieront de l’impact du Grand Paris. Du côté du résidentiel, en revanche, de nouvelles localités dynamiques pourraient émerger grâce à la connectivité avec la ligne 15.

Arnaud Monnet : Nous partageons ce point de vue. Les villes où le tertiaire devrait se développer disposent déjà de pôles de bureaux, comme Rosny, le Bourget, Saclay ou encore Saint-Denis. Elles vont bénéficier d’une meilleure connectivité. En ce qui concerne le résidentiel, nous croyons au potentiel de la ligne 15. Ces changements permettent de mettre en place une véritable dynamique d’aménagement du territoire. Si on prend l’exemple de Saclay, il y a quelques années, il n’y avait que des champs et les coûts d’acquisition des terrains et les loyers étaient relativement bas. Maintenant cette zone est relativement dynamique et bénéficie de l’attractivité du Grand Paris.

Olivier Vellay : Le développement des infrastructures devrait en effet permettre l’émergence de nouvelles zones dynamiques dans le résidentiel et renforcera les zones existantes. Nous croyons aussi au potentiel des lignes 14 et 15. Ce type de projet est particulièrement intéressant et structurant. Et il n’y a pas que le Grand Paris. Dans beaucoup de grandes villes européennes, comme à Milan ou à Munich, des projets de ce type sont menés, même s’ils n’atteignent pas l’ampleur du Grand Paris. Ces projets sont particulièrement intéressants sur le long terme pour les investisseurs, car ils devraient conduire à un accroissement des loyers dans les zones impactées par ces améliorations des transports en commun.

Les labels ISR et TEEC ont été adaptés à l’immobilier. Est-ce que, plus généralement, le développement durable doit être pris en compte dans cette classe d’actifs ?

Arnaud Taverne : Nous intégrons le développement durable dans toutes nos stratégies d’investissement. Cette politique est systématique, quelle que soit la classe d’actifs : la CDC atteindra en 2020 la moitié de son objectif de réduction de 38 % de la consommation énergétique de ses actifs immobiliers d’ici 2030. Dans le cadre des investissements dans les bureaux, dans la mesure où nous intervenons sur des opérations en développement, celles-ci sont conçues dès le départ avec les meilleures normes environnementales.

Plus fondamentalement, le Grand Paris nous pousse à anticiper quelles seront les villes dynamiques dans dix, quinze ou vingt ans, et quels seront les nouveaux usages de la ville. Nous devons intégrer à ces réflexions l’évolution des approches ISR. Dans ce domaine aussi, il faut se projeter dans l’avenir, analyser quelles seront les nouvelles formes de mobilité, comment va évoluer le travail…

Olivier Vellay : Nous possédons en interne une direction dédiée à l’investissement socialement responsable. Celle-ci s’appuie sur quatre grands critères dans le domaine de l’immobilier : des critères socio-économiques ; l’environnement ; la santé ; la sûreté et connectivité. Dans le cadre des immeubles neufs, cette approche multicritère nous conduit à nous intéresser à la façon dont l’immeuble est relié au centre-ville et aux principales infrastructures, mais aussi à sa consommation ou encore à la domotique. Les immeubles dits «intelligents» répondent à une demande des utilisateurs, qu’il s’agisse des entreprises, des commerces et des habitants. Nous investissons systématiquement dans des immeubles labellisés ou qui peuvent le devenir après des travaux et/ou une réhabilitation.

Arnaud Monnet : Notre politique d’investissement s’appuie aussi sur une démarche socialement responsable. Nous allons d’ailleurs renforcer prochainement nos effectifs sur ce sujet. Nous avons beaucoup travaillé sur les reportings ISR et sur la collecte des données. En effet, les promoteurs intègrent les dernières normes environnementales dans leur construction, mais ne calculent pas systématiquement leur empreinte carbone. Par ailleurs, l’investissement socialement responsable ne doit pas se limiter à l’environnement, nous nous intéressons à toutes les dimensions : le social et la gouvernance, à travers notamment la façon dont l’immeuble est construit.

Cette démarche a été intégrée de longue date par nos équipes, il ne s’agit pas ainsi de «green washing» ou de «social washing».

Nous avons, dans un premier temps, lancé un premier véhicule d’investissement reposant sur la sélection de projets portés par des entreprises disposant de l’agrément ESUS (entreprises de l’économie sociale et solidaire).

Il convient de noter que, sur ce type d’investissement, les rendements attendus sont inférieurs à ceux de l’immobilier classique. Notre dernier lancement porte sur Horizon Impact, un fonds d’investissement responsable dédié aux investisseurs professionnels, ayant pour objectif de lever 80 millions d’euros d’ici 2020. Le premier compartiment a été constitué en collaboration avec les équipes de France Habitat et a pour but d’accompagner le financement d’opérations immobilières à vocation sociale et écoresponsable sur le marché français. Nous nous intéressons dans ce cadre à toutes les dimensions de l’habitat : le vert à travers la création d’écoquartiers et l’utilisation d’ossatures en bois pour les immeubles, mais aussi le social, ces immeubles ayant vocation à être cédés à des bailleurs sociaux. Il s’agit d’un fonds de dette immobilière qui inclut donc des sûretés pour les souscripteurs. Il sera principalement investi en titres de capital ou de quasi-capital et en titres obligataires (obligations simples, obligations convertibles en actions et obligations remboursables en actions, notamment) ou en titres de créances dans des sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers (notamment des SCI, SCCV, SA, SARL, SAS ou SCA).

Son objectif de TRI est supérieur à 5 %. Ce lancement renforce le positionnement du groupe Horizon sur le segment de l’ISR, auquel il est attaché depuis sa création en créant de la valeur ajoutée de manière responsable et en générant de la performance durable dans un cadre sécurisé pour répondre aux objectifs des investisseurs.

Pour conclure, dans quelles directions les fonds à impact vont-ils évoluer ?

Nicolas Bénéton : Deux évolutions sont importantes : d’une part une appropriation globale des ODD qui constituent la boîte à outils disponible, certes avec des défauts, mais permettent d’avancer avec un cadre commun.
Par ailleurs, il faut se concentrer sur quelques indicateurs adaptés à l’univers d’investissement, ce qui n’est pas incompatible avec les ODD.

Philippe Taffin : Nous partageons ce point de vue. Il faut aussi insister sur le fait que les investisseurs institutionnels et les gérants d’actifs doivent trouver un cadre méthodologique partagé qui permette aux entreprises de s’organiser pour fournir l’ensemble des informations nécessaires. Ces informations devraient être mises à la disposition de tous les investisseurs en «open source» car toutes les sociétés de gestion ne disposent pas des équipes suffisantes. Il est donc important de normer et de démocratiser l’accès aux données.

Laurent Jacquier-Laforge : A l’initiative des Nations unies, les ODD constituent un langage commun partagé avec les ONG, les entreprises et les investisseurs. Ils constituent un moyen d’exprimer nos orientations qui relèvent dans notre cas de thématiques d’investissement avec une description précise de ce que nous proposons aux épargnants.
L’avantage de l’investissement thématique est de rassembler des objectifs plus précis que ceux retenus dans le cadre de fonds ESG généralistes que nous proposons aussi par ailleurs. Sur un fonds thématique, nous pouvons mettre en avant des mesures d’impact même si elles sont indirectes.

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