Logistique urbaine : un enjeu immobilier aussi

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6 min readJan 14, 2020

En ville, les flux de marchandises augmentent et viennent encore défier les acteurs publics et économiques dans un contexte de densification et de lutte contre la pollution. Où stocker pour ensuite livrer vite et de manière responsable ? C’est la question au coeur du concept de logistique urbaine. Décryptage.

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73 % de la population mondiale vit aujourd’hui en milieu urbain. Un pourcentage qui s’élèvera à 77 % en 2030. Pour alimenter, fournir en biens et matériaux ceux qui y résident et travaillent, une augmentation des flux de marchandises y est donc prévisible. Ce, alors même que le transport de marchandises représenterait déjà, selon l’Ademe, 10 à 20 % du trafic en ville, 50 % de la congestion urbaine, et serait responsable d’un tiers des émissions de CO2, d’un quart des émissions de gaz à effets de serre et de la moitié des particules liées à la circulation urbaine.

A cet état de fait problématique s’ajoute la digitalisation de la consommation. Après avoir généré 505 millions de colis en France en 2017, le e-commerce devrait en générer le double d’ici 2020, selon la Fevad.

Comment assurer demain la livraison de ces besoins tout en permettant aux habitants de vivre dans des environnements plus verts, plus respirables et moins encombrés ? Certes, les consommateurs pourront interroger et changer certaines de leurs pratiques. Une petite partie de la production alimentaire et de biens pourra sans doute regagner le coeur des métropoles. Mais cela ne sera pas suffisant. Il faudra repenser tous les flux en revoyant les modes de transport, en optimisant chaque m³ de coffre : impossible à un semi-remorque de livrer à moitié plein et de repartir vide à plusieurs dizaines de kilomètres de là. Et pour organiser ce maillage vertueux mais complexe, il faut disposer d’un immobilier logistique adéquat.

Bien sûr, en matière de transport, et notamment de livraison du dernier kilomètre, nombre de solutions émergent. Là où c’est possible, les voies ferrées et fluviales retrouvent leur attrait. Les motorisations électriques, les vélos-cargos ou encore le drive piéton sont aussi en cours de déploiement ou en phase d’expérimentation.

Mais pour verdir et fluidifier les livraisons dans les zones urbanisés et les centres-villes, il faudra être en mesure de stocker des marchandises dans des rayons inférieures à 10 km autour des métropoles, mais aussi en leur sein. Les besoins en surface s’intensifient donc alors même que les villes subissent déjà un pression foncière accrue.

Quel immobilier logistique pour demain ?

Les dernières décennies ont ainsi vu les sites logistiques se déplacer en grande périphérie. La distance moyenne entre les entrepôts et le centre de Paris, par exemple, a presque triplé depuis 1970, passant de 6 à 16 km. Disponibilité du foncier et optimisation des coûts ont donc conduit à une hausse des distances de livraison ainsi qu’à l’étalement urbain.

Mais tous les experts s’accordent aujourd’hui pour dire qu’il faudra aller à rebours de cette tendance. Résultat « la logistique a crucialement besoin de mètres carrés » en ville, et notamment à Paris, explique Jérôme Libeskind, expert de la logistique urbaine, et fondateur de Logicités. « Il y a un très gros travail d’identification à faire. Il faut des espaces faciles d’accès, où l’on peut décharger un camion dans la rue sans problème pour remplir le lieu de stockage, etc. On peut regarder du côté des souterrains, parkings et caves des bureaux et immeubles tertiaires, aujourd’hui sous-exploités, voire inexploités », ajoute-t-il. Les anciens entrepôts à proximité des villes, souvent en bordure de voie ferrée ou de voie fluviale, suscitent également l’intérêt. Et pour construire sur des surfaces au sol limitées, l’entrepôt à étages est aussi plébiscité : un terminal spécialisé de sept étages en logistique urbaine a par exemple ouvert à Tokyo dès 2005.

Toutefois, pour mailler correctement le territoire dans et à proximité des villes, la logistique n’a pas les mêmes besoins partout. « Les acteurs de la logistique urbaine sont à la recherche d’actifs diversifiés : de l’entrepôt XXL — supérieur à 50 000 m² — (en 2017, 8 transactions sur 48 ont porté sur des surfaces supérieures à 30 000 m²) à de plus faibles surfaces en ville — hôtels logistiques, messageries et points-relais », souligne l’Orie dans une étude.

A cet égard, l’Observatoire préconise d’ailleurs d’« intégrer de manière systématique des espaces de logistique urbaine dans les opérations d’aménagement d’envergure » et de « développer le mix logistique ».

Car pour rester rentables, beaucoup s’interrogent sur la mutualisation des flux d’un côté et la mixité des usages pour les surfaces en ville de l’autre. A l’ère de l’agilité reine, on veut des entrepôts flexibles et partagés !

Des réalisations en cours

Des modèles et projets montrent désormais la voie. L’Hôtel Logistique urbain est un bon exemple. Installé dans l’agglomération mais hors centre-ville, cet immobilier doit fournir un entrepôt commun à divers acteurs de la logistique et devenir un maillon essentiel pour gérer, ensuite, les transports sur le dernier kilomètre. Des projets en ce sens sont en cours de réalisation à Paris ou à Lyon. Lauréat de l’appel à Projets Inventons la Métropole du Grand Paris sur le site de Bercy-Charenton (12e arrondissement), le projet Symbiose proposera un ensemble mixte de 50 000 m2 avec un hôtel logistique nouvelle génération de 17 000 m², des bureaux (15 000 m²), une programmation hôtelière et de coliving (8 000 m²), un hôtel d’activités (5 000 m²), des commerces et un espace évènementiel (1 000 m²), ainsi qu’un équipement sportif (4 000 m²).

Inauguré en juin 2018, le site de la Chapelle International intègre lui le fret à ses services. Installé dans le 18e arrondissement en lien direct avec les voies de la gare du Nord, son hangar doit permettre d’accueillir 4 navettes ferroviaires par jour, l’équivalent du transit de 500 poids lourds. L’ensemble, qui compte 35 000 m2, dont 10 000 consacrés à la logistique comporte un sous-sol déjà attribué au distributeur Métro, ainsi qu’un datacenter, qui servira à la ville de Paris et à l’AP/HP. Datacenter dont l’énergie sera utilisée pour chauffer les futures habitations situées dans les tours qui borderont l’hôtel logistique. A ces espaces et usages auxquels s’ajoute un hectare, géré par la mairie de Paris, qui se répartit entre une surface dédiée à l’agriculture urbaine et des terrains de sport.

Et à Lyon, le projet DKM devrait être livré fin 2020 pour compléter l’offre des 5 hôtels logistiques urbains déjà en activité. Il s’étendra sur 28 300 m² de surfaces de plancher et disposera d’un étage pour des espaces de réception, de tri, de préparation de commandes, mais aussi des réserves déportées pour les commerçants et artisans. « L’ensemble immobilier, composé de deux bâtiments, a été conçu pour que rien ne soit figé dans son organisation, y compris au niveau des façades toutes accessibles et des cheminements des véhicules de livraison du rez-de-chaussée à l’étage », écrit La Tribune.

Projet DKM — Lyon (Source: La Tribune)

Le modèle de l’hôtel logistique urbain est donc en développement et s’accompagne d’autres types de projets, comme les centres de mutualisation en prévision aux abords de Grenoble, Lille ou Toulouse, ou des micro-dépôts/ messageries au coeur des villes.

Et d’autres types d’immobiliers logistiques devraient émerger tant les besoins sont conséquents. Pour les investisseurs et les acteurs liés au secteur, la logistique urbaine est donc tout autant un challenge qu’une réelle opportunité.

Merci à Sébastien Bridet et Fanny Costes pour la rédaction de cet article ;-)

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