Une densité bien ordonnée commence par…

Parlons de densification vertueuse

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6 min readMar 1, 2019

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Le monde connaît une urbanisation galopante, et les données disponibles en la matière laissent peu de place au doute ou à l’interprétation. D’après les Nations Unies, en effet, plus des deux-tiers d’entre nous vivrons en ville d’ici à 2050, ce qui équivaut à +2,5 milliards de citadins, c’est-à-dire plus de 250 nouvelles métropoles parisiennes, 100 nouvelles villes de Mumbai ou 67 nouveaux Tokyo ! La donne s’est inversée autour de 2008, quand pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, le nombre d’urbains a dépassé le nombre de ruraux.

Source : City Vibrancy

Selon les projections de la division Population des Nations Unies,

la population mondiale devrait atteindre près de 11 milliards de personnes en 2050. Et on estime que d’ici à 2030, la superficie de la totalité des aires urbaines devrait tripler alors que, dans le même temps, la population qui y réside. devrait doubler, passant de 3,84 milliards à 4,9 milliards de personnes. Dans certaines zones de la planète, et dans les pays émergents plus particulièrement, l’urbanisation génère, sous la pression de la croissance démographique, un étalement urbain chaotique dans lequel se multiplient les quartiers surpeuplés, faits d’habitats sommaires non raccordés aux réseaux d’eau potable ou réseaux d’assainissement. Selon les chiffres d’ONU-Habitat, plus d’un milliard de personnes vivraient dans des bidonvilles ou quartiers précaires informels.

Les multiples défis engendrés par ce phénomène de densification des villes exigent des solutions rapides. Mais ne sont-ils pas hors de portée lorsqu’on constate nos difficultés à gérer les pathologies de nos métropoles : pollution atmosphérique, congestion du trafic, gestion de l’eau et des déchets, îlots de chaleur urbains, accessibilité … ?

Même dans les pays développés, le mot ‘densité’ fait parfois peur,

car surgissent aussitôt dans notre imaginaire ces horribles grands ensembles, ces barres d’immeubles sans âme…

Au fil des époques, il aura été tour à tour synonyme d’entassement des populations, d’insalubrité, de promiscuité, d’insécurité, de « bidonvilisation », de ghettoïsation, de manque d’espace et de confort… Par la suite, ce concept de densité s’est mué en instrument de la rationalisation du territoire à travers les grandes opérations urbanistiques enclenchées à grands coups de modélisations et reposant sur une approche trop étroitement quantitative de mesure des taux et des flux. Souvent mis en avant comme dogme absolu au nom de la nécessité de lutter contre l’étalement urbain et ainsi d’éviter le mitage du territoire, notamment des espaces verts et agricoles, synonyme de disparition des terres cultivables, d’accroissement des infrastructures routières, d’allongement des déplacements au quotidien et donc d’une hausse du trafic et des émissions de CO², le concept de densité semble pourtant aujourd’hui retrouver de nouvelles couleurs.

Oui, la densité est un objectif fort,

et on assiste à un glissement du quantitatif vers le qualitatif, avec en arrière-plan la consécration du paradigme du développement durable et celui de la mixité, les deux conjugués visant à limiter l’impact écologique et à créer plus de lien social. En matière d’aménagement du territoire et de planification urbaine, peut-être l’heure est-elle venue de sortir des schémas rigides et poussiéreux ou des approches idéologiques pour, une fois pour toutes, tordre le cou aux vieux moules urbanistiques qui n’ont pas toujours, de beaucoup s’en faut, fait le bonheur des gens.

L’heure est à la prise de conscience, au pragmatisme et aux solutions concrètes : comment faire vivre davantage de populations sur un même espace urbain, mais mieux ? Comment intégrer et rassembler, au lieu de séparer, d’isoler ou de ségréguer ? Que constate-t-on, en effet ? L’insuffisance et l’inadaptation de l’offre par rapport à la demande de logements dans les grandes métropoles et une propension des acteurs de la construction à opter pour la périurbanisation au détriment de l’intensification et du renouvellement des cœurs d’agglomération.

Les détracteurs de la densité plaideront évidemment que l’attractivité trop forte des centres –villes « denses » fait flamber le prix des logements, ce qui rend de plus en plus difficile d’y accéder, favorisant ainsi une inégalité entre « ceux qui ont les moyens » et les autres. Ou encore que la densification serait synonyme de plus de nuisances sonores, plus d’incivilités potentielles, avec, chez les individus, la mise en place de mécanismes de défense et de repli sur soi contre une proximité perçue comme trop envahissante. Il ont raison…

Pourtant, la densité, lorsqu’elle est bien pensée,

peut devenir un formidable atout pour la ville. Pourquoi, en effet, ne serait-elle pas synonyme de meilleure qualité de vie pour les habitants et porteuse de nouvelles opportunités et de nouveaux potentiels d’usage ?

C’est cette « densité vertueuse », cette « densité intelligente », synonyme de durabilité, de richesse d’usages et de qualité spatiale vers laquelle il faut tendre, car elle peut permettre une utilisation optimale des zones urbaines et être créatrice de diversité et d’interactions sociales. De nombreuses études ont ainsi démontré une corrélation entre la densité, la réduction de l’usage de l’automobile et l’usage des transports collectifs ou de la marche (« walkability »). Faire le pari d’une densification maîtrisée, c’est favoriser la ville « intense » : animation, facilités de déplacements et accès facilité aux emplois, aux commerces, aux équipements.

Brent Toderian, parmi d’autres, s’est fait le chantre de « la densité bien faite ». Fort de son expertise visionnaire, cet ancien directeur de l’urbanisme de la ville de Vancouver – la ville de Colombie Britannique étant mondialement connue pour son modèle réussi de densification urbaine – conseille de nombreuses métropoles sur tous les continents, telles Buenos-Aires, Brisbane ou Ottawa, qui optent elles aussi pour une densité maîtrisée.

«Une bonne architecture et un bon design urbain facilitent la qualité de vie, l’habitabilité, l’attachement, les liens sociaux, la santé mentale et physique, et le bonheur ! » Brent Toderian

Armé de son credo pragmatique, – « Une bonne architecture et un bon design urbain facilitent la qualité de vie, l’habitabilité, l’attachement, les liens sociaux, la santé mentale et physique, et le bonheur ! » – Brent Toderian a ainsi pu démontrer comment une densité bien conçue améliore la qualité de vie, aussi bien en banlieue qu’en cœur de ville, grâce notamment à des choix forts : mixité des usages, intégration d’espaces publics de qualité ainsi que de commerces de proximité, l’ensemble transformant la ville en un lieu animé où il fait bon vivre ou flâner.

Brent Toderian rappelle par ailleurs qu’en 1997, la ville de Vancouver avait fait le choix d’une stratégie de transport pionnière. Le but était de réduire les temps de trajet entre le centre-ville et la périphérie : « C’était la première fois qu’une métropole nord-américaine intégrait dans sa vision non pas un équilibre, mais une priorisation dans les modes de transport avec la marche à pied d’abord, le vélo et les transports en commun ensuite, et en dernier lieu la voiture ».

Plusieurs études le confirment : les zones à forte densité, lorsqu’elles sont bien aménagées, présentent un caractère « vertueux » qui dope la croissance d’une ville, y renforce l’engagement communautaire, réduit son empreinte écologique, et a un effet bénéfique sur la santé des habitants. Diversité, équité et inclusion apparaissent donc comme les piliers de la réussite et de la prospérité d’une ville. Dans le même esprit, Wendy Waters, membre de l’Urban Land Institute met l’accent sur le rôle majeur exercé par la diversité dans l’aménagement urbain : « La création de villes et de communautés saines et durables ne peut se faire sans inclure tout le monde »

La nécessité de créer de nouvelles morphologies urbaines

adaptées aux besoins et aux aspirations des habitants nous demande de résoudre une équation a priori complexe : savoir préserver l’intimité de chacun tout en favorisant le partage de l’espace et la mutualisation des ressources.

La densité est un concept à gros enjeu qui exige de repenser les modes de construction des îlots urbains. Si l’on souhaite véritablement aller vers une « densité intelligente », c’est avant tout à l’échelle de l’îlot dans sa globalité qu’il faut intervenir, et non plus seulement à l’échelle de la parcelle. À partir du moment où chaque construction est considérée comme faisant partie d’un tout cohérent, cela engendre une authentique mixité programmatique et favorise la gestion des parties communes et la mutualisation des stationnements et des services dans une optique de réduction des coûts… et de socialisation.

La « densité vertueuse », remède miracle ?

Ce qui est certain, c’est qu’elle est l’affaire de tous. Les professionnels de la ville, et en particulier les investisseurs, doivent y voir une véritable opportunité de promouvoir un immobilier, résidentiel ou tertiaire, à la fois durable, connecté, serviciel et humain, en phase avec les besoins et les attentes des utilisateurs.

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