L’éolien et le photovoltaïque ont-ils vraiment coûté 120 Mds€ de soutien public ?

Damien SALEL
Décrypter l’énergie & le climat
5 min readFeb 4, 2022

Une critique qui revient souvent sur l’éolien et le photovoltaïque est leur coût pour les finances publiques. En effet, en France, la plupart de ces installations bénéficient de subventions à la production. Celles-ci sont versées via un tarif d’achat fixe (hors indexation inflation) ou un complément de rémunération, sur 15 à 20 ans.

Dans le premier cas, le producteur vend sa production à EDF OA, qui la revend à son tour sur le marché de l’électricité. L’éventuel déficit (ou bénéfice) pour EDF OA est ensuite compensé par l’État.

Dans le second cas, le producteur vend directement sa production sur le marché et bénéficie d’un complément de rémunération fonction de sa production [source image : photovoltaique.info].

33,8 Mds€ versés aux producteurs éolien et photovoltaïque entre 2000 et 2020…

Ces compléments de rémunération ou compensations à EDF OA ont un coût pour l’État. Pour l’éolien terrestre et le photovoltaïque, 33,8 Mds€ ont déjà été dépensés depuis le début des années 2000, date à laquelle le dispositif a été mis en place. A ces 33,8 Mds€ s’ajoutent également les engagements futurs liés aux rémunérations sur la durée restante des contrats d’achat. Ceux-ci sont plus difficiles à estimer, ils dépendent en effet du prix à venir sur le marché de l’électricité [source graphique : CGCSPE, 2021].

Source : CGCSPE, 2021, https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/3%C3%A8me%20rapport%20annuel%20du%20Comit%C3%A9%20de%20gestion%20des%20charges%20de%20service%20public%20de%20l%27%C3%A9lectricit%C3%A9.pdf

… un reste à payer difficile à évaluer entre 2021 et 2040

Le système électrique français coûte chaque année environ 50 Mds€, production et réseaux électriques compris.

S’il s’avère que celui-ci est plus élevé que dans les projections, le déficit d’EDF OA et le complément de rémunération seront moins élevés. Il en sera donc de même pour le soutien public. Le chiffre de 120 Mds€ (éolien et photovoltaïques seuls) qui revient régulièrement est issu d’une projection du Comité de gestion des charges de service public de l’électricité (CGCSPE). Le chiffre de 150 Mds€ correspond quant à l’ensemble des filières EnR.

Source : CGCSPE, 2021, https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/3%C3%A8me%20rapport%20annuel%20du%20Comit%C3%A9%20de%20gestion%20des%20charges%20de%20service%20public%20de%20l%27%C3%A9lectricit%C3%A9.pdf

A titre de comparaison, le système électrique français coûte chaque année environ 50 Mds€, production et réseaux électriques compris.

Dans ses simulations, le CGCSPE a pris en compte les sommes versées de 2000 à fin 2020, ainsi que les engagements futurs courant jusqu’à 2040. Pour ces derniers, un prix de marché entre 42 et 56 €/MWh a été considéré. Le rapport du CGCSPE a été publié avant la crise énergétique. Or, une hypothèse de prix de marché de 42 à 56 €/MWh semble aujourd’hui très optimiste.

Pour l’année 2022,@Ember anticipe un coût de production de l’électricité au gaz à 200 €/MWh qui redescendrait ensuite aux alentours 75 €/MWh en 2024, celui du charbon devrait se maintenir à 100 €/MWh sur l’ensemble de la décennie [source : ember-climate.org/wp-content/upl…, p21].

Source : EMBER, 2022.

Dans le système actuel, le prix du marché de l’électricité est formé par le dernier moyen de production appelé, qui est en général une centrale au gaz ou au charbon.

Un coût du soutien public qui sera probablement plus faible que prévu du fait de l’augmentation des prix sur le marché de l’électricité

Le coût du soutien aux EnR pour les finances publiques françaises pourrait donc s’avérer bien plus faible que prévu initialement. Dans le tableau qui suit, j’ai simulé deux scénarios à partir des données disponibles du CGCSPE.

Analyse Damien SALEL sur la base des données du CGCSPE.
  1. En supposant un prix moyen du marché à 80 €/MWh, le coût total de l’éolien et du photovoltaïque pour les finances publiques tombe à environ 86 Mds€.
  2. En montant ce prix à 100 €/MWh, il tombe à 63 Mds€.

Ces deux hypothèses sont elles aussi tout à fait contestables. A moins d’avoir une boule de cristal, il est très difficile d’évaluer les prix sur le marché de l’électricité à un horizon 20 ans. Ces simulations permettent toutefois d’évaluer la sensibilité des engagements futurs par rapport au prix du marché de l’électricité, et ainsi de comprendre que ce chiffre de 120 Mds€ est loin d’être figé dans le marbre.

On peut également noter dans ce tableau l’impact des installations photovoltaïques mises en service avant 2011 (pré-moratoire). Si le tarif d’achat avait été fixé plus bas à l’époque, d’importantes économies auraient pu être réalisées.

Existe-t-il d’autres indicateurs moins dépendant du prix du marché ?

Un indicateur que je juge plus pertinent, car moins sensible aux évolutions du marché est celui du coût de production de l’éolien et du photovoltaïque historique. En 2020, celui-ci était aux alentours de 130 €/MWh, et son coût est en diminution du fait du raccordement de nouvelles installations, beaucoup moins coûteuses.

Dans un prochain article, je comparerai ce coût aux autres alternatives bas carbone qui étaient disponibles au moment du développement du parc EnRv. A l’époque, d’autres options moins coûteuses auraient-elles pu être choisies à la place des EnRv ?

NB : Les derniers scénarios du CGSPE n’incluent pas la révision des tarifs d’achat des installations photovoltaïques réalisées avant le moratoire de 2011. Celle-ci devrait générer plusieurs milliards d’euros d’économies.

Sur le même sujet : https://medium.com/d%C3%A9crypter-%C3%A9nergie-climat/combien-la-politique-de-d%C3%A9veloppement-des-enr-a-t-elle-co%C3%BBt%C3%A9-et-pour-quels-b%C3%A9n%C3%A9fices-23431cfffd0c

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