Le photovoltaïque et l’éolien ont-ils creusé le déficit commercial français ?

Damien SALEL
Décrypter l’énergie & le climat
4 min readJul 3, 2022

Contrairement à ce que l’on peut régulièrement entendre, le développement des EnR électriques, en particulier du solaire photovoltaïque et de l’éolien, n’a pas creusé le déficit commercial français, voici pourquoi.

Une balance commerciale du matériel éolien et photovoltaïque déficitaire…

Une part significative de nos éoliennes et installations photovoltaïques est importée. Sur les 20 dernières années, les imports de ces matériels ont été largement supérieurs aux exports des fabricants et sous-traitants français. En a résulté un déficit commercial qui peut être évalué aux alentours de 12 Mds€ cumulés [1].

Source: données https://librairie.ademe.fr/cadic/5796/marches-emplois-enr-recuperation-2021-fiches-techniques.pdf, traitement Damien SALEL

Cette situation est problématique et nécessiterait une politique industrielle et commerciale ambitieuse pour la résoudre. Sur ce point, le vent semble toutefois tourner : de plus en plus de fabricants de matériel EnR souhaitent localiser leurs usines en France.

Mais même sans tenir compte de ces nouvelles usines, les déficits sur les matériels EnR doivent être mis en perspective en prenant un peu de hauteur. En effet, et même si cela peut étonner, sans énergies renouvelables électriques en France, notre déficit commercial global aurait été probablement plus élevé.

… mais des imports d’énergies fossiles évités ainsi qu’une augmentation des exports d’électricité

Si les installations éoliennes et photovoltaïques conduisent à des imports nets pendant leur construction… la situation s’inverse à partir du moment où elles sont mises en service. Leur production d’électricité est alors principalement utilisée de deux manières :

  • En substitution d’une production électrique fossile en France, dans ce cas, un import de gaz, de charbon ou de pétrole est évité, ce qui améliore notre balance commerciale.
  • Elle est exportée vers nos voisins européens, ce qui améliore aussi notre balance commerciale.

Entre 2000 et 2019, l’ADEME a estimé qu’environ 2,4 Mds€ d’imports d’énergies fossiles avaient été évités grâce à la production des énergies renouvelables électriques [2] .

Source : https://librairie.ademe.fr/cadic/7132/benefices_enrr_2022_rapport_vf.pdf

Sur la même période, ce sont également 13 Mds€ d’électricité renouvelable qui ont été exportés vers nos voisins européens [2].

Source : https://librairie.ademe.fr/cadic/7132/benefices_enrr_2022_rapport_vf.pdf

Au total, on parle d’une amélioration de notre balance commerciale de plus de 15 Mds€. Ce chiffre est supérieur aux 12 Mds€ d’imports, la balance commerciale associée aux EnR est donc d’ores et déjà positive.

Sur la durée de vie des installations EnR, les bénéfices sont encore plus importants

Cette comparaison n’est toutefois pas très juste. En effet, les systèmes installés entre 2000 et 2019 vont encore fonctionner pendant plusieurs années au minimum, voire plusieurs dizaines d’années pour les plus récents. Pendant toute cette période de production à venir, davantage d’exports et d’imports évités seront réalisés, cela sans nouveaux imports. Ce phénomène est par ailleurs amplifié par l’explosion récente du prix des énergies fossiles importées et de celui de l’électricité que nous exportons, qui accroit encore davantage les bénéfices des EnR. Ainsi, si nous simulions la balance commerciale globale sur la durée de vie des installations, celle-ci serait largement excédentaire !

Sources

[1] Déficits sur le matériel éolien et photovoltaïque : https://librairie.ademe.fr/cadic/5796/marches-emplois-enr-recuperation-2021-fiches-techniques.pdf, p24 pour l’éolien, p34 pour le PV.

[2] Imports fossiles évités et exports d’électricité : https://librairie.ademe.fr/cadic/7132/benefices_enrr_2022_rapport_vf.pdf, p 37–38

Source : https://librairie.ademe.fr/cadic/7132/benefices_enrr_2022_rapport_vf.pdf

Précisions méthodologiques

Les déficits sur les imports de matériel n’ont été calculés que pour le photovoltaïque et l’éolien sur la période 2006–2019 (dans laquelle il manque également l’année 2007). Il y a donc deux limites à la comparaison présentée dans ce post :

1 — L’étude sur les imports évités et les exports porte sur davantage d’années que celle sur la balance commerciale du matériel. Malheureusement, nous n’avons pas de données de balance commerciale sur l’année 2007 ou la période 2000–2005. De même, d’après la cour des comptes, la balance matériel EnR n’a commencé a être déficitaire qu’à partir de 2008 [source: https://ccomptes.fr/sites/default/files/2018-04/20180418-rapport-soutien-energies-renouvelables.pdf, p36] (au final peu de changement sur la partie import de matériel).

2 — L’éolien et le photovoltaïque ne sont pas les seuls EnR électriques qui ont été installées en 2000 et 2019, il faudrait également ajouter la petite hydroélectricité et les cogénérations biomasse (bois-énergie et biogaz). Toutefois, l’impact est ici aussi modéré ces systèmes restant encore très minoritaires dans la production d’électricité EnR.

Conclusion du point méthodologique : Ces deux limites sont de second ordre par rapport à la non prise en compte de la production EnR sur l’ensemble de la durée de vie des systèmes ENR. En effet, comme expliqué plus haut, ne considérer que la période 2000–2019 pour des systèmes qui produiront bien plus longtemps sous estime significativement les imports évités et les exports d’électricité.

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