La police est-elle devenue raciste ?

Les policiers témoignent eux-mêmes

Nicolas Galita
Dépenser, repenser
41 min readNov 29, 2023

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Bienvenue dans le deuxième article de ma saga consacré à la Police française. Dans le premier article je t’ai décrit comment la Police était totalement malade.

On avait vu comment cette maladie s’articule autour de deux problèmes : les effets de la destruction des services publics et la culture toxique du management policier.

Malgré des déclarations pro-Police, Sarkozy a détruit la Police comme il a détruit les autres services publics : en supprimant plus de 13 000 postes et en instaurant une politique du chiffre absurde.

Entendons-nous bien : il y avait déjà de graves problèmes avant Sarkozy. Mais ça s’est accéléré.

Quant au management de la Police, si c’était une entreprise privée, les cadres seraient déjà en prison. Ne serait-ce que quand on regarde le taux de suicide des policiers et le lien avec les pratiques de harcèlement moral qui sont quotidiennes dans la Police.

Parlons maintenant de la question du racisme dans la Police.

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Posons le problème

Photo by Tachina Lee on Unsplash

« Dans la police nationale, les gens qui te disent j’ai jamais connu le racisme, ils sont payés pour ça, c’est pas possible sinon » — Noam Anouar, Policier

La question est sur beaucoup de lèvres : la Police est-elle devenue raciste ?

On pourrait croire que cette question a émergé à la suite des événements récents. Mais ce n’est pas le cas. On se la pose depuis la création même de la Police.

Il en va de même des institutions internationales qui alertent la France depuis des dizaines d’années. En 1992, la fédération internationale des droits de l’homme évoque déjà le “racisme endémique de la police française” :

Le ministre de l’Intérieur de l’époque s’offusque : affirmer comme on le fait depuis quelques jours sur la base de ce rapport sur le base de quelques exemples ponctuels, que je ne mets pas en cause, que la police française serait raciste, que la culture de la police française serait le racisme (…) ce n’est pas raisonnable

Mais le plus drôle c’est le dernier commentaire de la journaliste :

À l’image de leur ministre la plupart des syndicats se sont dits indignés pourtant certains reconnaissent mais en privé que trop souvent les policiers font preuve de comportements racistes

Le ministre pointe déjà la clé de ce qu’on va étudier ensemble. On va se demander si la culture de la Police est raciste.

C’est une nuance importante car elle permet de balayer la discussion du type ce ne sont pas tous les policiers.

Oui bah quand on dit que la France a une culture chrétienne ça ne veut pas dire que tous les français sont chrétiens.

Normalement on comprend très bien la différence entre une culture et les individus. La culture c’est l’ensemble des comportements qu’un groupe sanctionne ou récompense. Tout simplement.

Alors pourquoi on fait semblant de ne plus comprendre dès qu’on parle de la Police ?

Si on parle de culture, la question devient : est-ce que, dans la Police française, le racisme est un comportement généralement :

  1. sanctionné ?
  2. toléré ?
  3. récompensé ?

L’avis des institutions internationales

Les organisations internationales et les sociologues sont unanimes : il y a un problème de racisme spécifique à la police nationale française.

D’après une enquête du Défenseur des droits de 2017, 80% des jeunes de moins de 25 ans perçus comme noirs ou arabes avaient été contrôlés au moins une fois au cours des cinq années précédentes (contre 16% pour l’ensemble de la population)¹

D’ailleurs une courte de majorité de français sont d’accord avec ce constat puise quand on leur demande :

La police agit-elle de la même manière dans les différents groupes ethniques ?

Ils sont 57 % à répondre que non.

Seules la Russie, l’Ukraine et la Bulgarie font pire.

Quand on pose la même question aux allemands, ils ne sont que 36,1 %.

Mais on pourrait se dire que les français sont lucides et les allemands dans le déni. Sauf que quand on va sur le terrain on constate que : 42 % des personnes issues d’Afrique du Nord sont contrôlées dans la rue, en France, contre “seulement” 24 % des Turcs en Allemagne.

Pire encore, c’est toute la communauté internationale qui s’inquiète du cas français :

En décembre 2022, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale a également exprimé « sa profonde préoccupation face au recours fréquent aux contrôles d’identité, aux interpellations discriminatoires, à l’application d’amendes forfaitaires imposées par la police ou les forces de l’ordre » et qui visent, selon le Comité, « de manière disproportionnée », en particulier les personnes d’origine africaine, d’ascendance africaine ou arabe, les Roms, les gens du voyage et les non-ressortissants. ²

Plus récemment ce sont des États membres du Conseil des droits de l’homme qui ont exprimé leurs inquiétudes face aux violences policières et à la discrimination raciale en France.

Le Brésil et le Japon avaient critiqué « le profilage racial » par les forces de l’ordre. La Suède, la Norvège et le Danemark s’étaient inquiété des violences policières, tandis que le Luxembourg demandait à la France de repenser sa politique en matière de maintien de l’ordre. La France a répondu qu’elle s’en fiche.

Malheureusement, on a les conséquences jusque dans les morts occasionnées.

L’Association des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT) nous apprend que “85 % des morts suite à une situation impliquant des gendarmes et/ou des policiers (sans que l’on puisse dire s’il s’agit de bavures ou non) sont des personnes issues de minorités visibles.”³

D’ailleurs, il s’agit là encore d’une spécificité Française puisque la Police française tue 50% de plus que la Police allemande et quasiment 4 fois plus que la Police britannique ! ⁴

Quand un flic tire souvent un nègre ou un bicot meurt — Lino, Sentier de Gloire, 2012

Certaines organisations internationales ont même poursuivi l’état français qui a été condamné à de multiples reprises dans les tribunaux internationaux pour inaction sur le sujet.

Quel est le niveau de racisme ordinaire dans la Police ?

Normalement quand on parle de racisme “ordinaire” on parle de blagues racistes en entreprise. Parce que tout le monde a déjà entendu une blague raciste en entreprise.

Sauf que, dans la Police ce qui est “ordinaire” est d’un niveau tout autre.

Par exemple, les blagues sont un cran au-dessus :

Mon acolyte ne prend plus de pincettes pour désigner ses ennemis de l’intérieur. Les Arabes, il les nomme « les crouilles », « les gris », « les bicots ». Les migrants ? Il les renverrait bien « dans un charter ».

— Pépé, tu sais ce qui sépare l’homme du singe ?

— Non…

— La Méditerranée !

Mickaël éclate de rire.⁵

On pourrait m’objecter qu’un seul témoignage ne suffit pas. Certes. Alors voici un fait qui fait l’unanimité : il existe un mot pour dire “racisé” dans la police.

Les personnes non-blanches sont appelées “les bâtards”.

Ce n’est pas un témoignage exceptionnel : j’ai retrouvé ce point dans tous les livres de policiers que j’ai lus. C’est dire si cette appellation est courante.

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Ce que la société considère comme les pires insultes racistes sont simplement un langage courant dans le contexte de la Police française.

Voici le témoignage de Sihem Souid, une ex-policière, dans son livre Omerta dans la police :

En toute impunité, on rebaptise les Arabes. On parle de « melons », de « crouilles », de « couscous », de « bicots », de « bougnoules » ou, pour faire plus vite, de « bougnes ».

Pour les Noirs africains, le vocabulaire est moins large : ce sont des « nègres » ou des « bamboulas ». Ce sont les mots de tous les jours.

Le langage courant de la Police Aux Frontières. On pose sa casquette sur la tête et on dit le plus naturellement du monde : « Je vais contrôler les bougnes » ou « Tiens, voilà encore un avion de nègres » !⁶

Quand on comprend ça, on comprend le décalage entre nous et Luc Poignant, le porte-parole du syndicat policier Unité Police SGP FO.

On est en 2017, sur France 5 et Luc Poignant répond à une journaliste qui lui raconte qu’un policier a traité une citoyenne Noire de Bamboula. Il ne conteste pas les faits mais voici comment il va défendre le policier :

“Bamboula, d’accord, ça ne doit pas se dire. Mais ça reste encore à peu près convenable.”

Il est alors coupé par la journaliste qui est outrée et lui dit que non, ça n’est pas convenable. Il riposte :

“enculé de flic ça n’est pas convenable non plus”.

Voilà.

Dans son esprit, le mot Bamboula c’est un mot convenable. Par rapport à “enculé de flic”.

Il a tellement choqué le grand public qu’on ne l’a plus trop revu dans les médias après. Mais il ne faisait que retranscrire la vérité du contexte culturel de la Police.

Il a raison : dans le contexte de la police c’est un mot tout à fait ordinaire.

C’est bien ça le problème.

Est-ce que tous les policiers sont activement racistes ? Non. Mais la beaucoup cautionnent par le silence. Sihem Souid le raconte :

Chacun de ces mots me blesse, me transperce. Je regarde ceux qui les utilisent : il y a les racistes convaincus, forts en gueule et militants, bouffis d’une haine recuite, atavique et viscérale.

Ceux-là, je les connais : ils m’évitent autant que faire se peut.

Il y a les racistes de circonstance. Le groupe est raciste, ils le sont aussi, sans se poser de questions. Et puis il y a les autres, qui parlent des « bougnoules »naturellement, mais qui seraient bien étonnés si je leur disais qu’ils sont racistes. Ils le sont sans le savoir.⁷

On a un racisme qui est profondément imprégné et qui guide la philosophie du métier.

Dans mon commissariat, des paroles racistes, homophobes et
machistes fusent tous les jours. Elles émanent de certains collègues et sont tolérées ou ignorées par les autres.

À ce stade, en trois mois d’infiltration, j’ai vu des collègues cogner un migrant noir contre un abribus puis dans le fourgon de police ; tabasser un autre migrant marocain ; tabasser le jeune Konaté ; mettre des claques à plusieurs gardés à vue, toujours arabes ou noirs de peau. Si je me réfère encore à ma courte expérience, il ne suffit pas de se trouver pris en flagrant délit pour prendre des baffes.

Par exemple, les deux jeunes blancs interpellés et qualifiés de « black bloc » par des collègues. (…) Eux n’ont pas pris une seule baffe.

On ne peut pas dire : ils ont été épargnés parce qu’ils sont blancs, ce serait un raccourci.
On peut en revanche constater que dans mon commissariat, pour moins que ça, d’autres prennent des baffes.

Toutes ces observations de terrain, dans un commissariat bien précis, obligent évidemment à poser la question qui fâche : suis-je face à un cas isolé, ou
la police française tolère-t-elle dans ses rangs des comportements racistes ? ⁸

Les récits concordent. Ça touche bien toute la police même s’il y a évidemment des unités plutôt épargnées et des unités particulièrement gangrénées.

Le racisme contre les policiers qui ne sont pas blancs

On pourrait croire, qu’au moins, le racisme ne vise que les citoyens externes à la police. Ce qui serait déjà évidemment grave. Mais non : les policiers qui ne sont pas blancs subissent également ce racisme de plein fouet.

La hiérarchie défend les policiers racistes et non pas leurs collègues victimes de racisme

Voici un témoignage rapporté par le policier Alexandre Langlois :

“On a une collègue à l’école de Nîmes (…) sa famille était harki, elle a dit :
Moi, je vais m’engager pour la France, comme ma famille.

À l’école de police, elle s’est fait traiter de
“bigot”, de “sale arabe”, etc. (…)
Elle voulait rester, elle ne voulait pas casser le groupe. Mais à un moment donné, elle en a eu marre. Elle a fait un rapport.

Mais du coup on lui a dit que c’était elle qu’on va poursuivre. Ils ont monté une cabale contre elle, l’ont convoquée et lui ont dit :
“Tu avais une cartouche dans ton sac, voici la photo.”

Elle a répliqué :
“Ce sac, vous l’avez pris en photo, j’étais en examen, j’étais pas à côté. S’il y avait un doute, il fallait intervenir tout de suite.”

Résultats des courses : les gens qui ont tenu les propos racistes à son encontre ont surenchéri :
“tu cherches la merde, t’es le petit pot de terre contre le pot de fer, on va te briser”, et c’est ce qu’ils ont essayé de faire.

Suite à ça, elle a eu un choc psychologique. Résultat, ils ont coupé son salaire, prétextant un abandon de poste en disant :
“On n’avait pas le document de la médecine statutaire, donc on ne savait pas que tu étais en arrêt maladie.”⁹

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Cette histoire est symptomatique : la hiérarchie couvre les éléments racistes du groupe. Le problème est minimisé, on dit que les policiers victimes de racisme sont susceptibles ou alors qu’ils font ça par opportunisme.

On ne compte plus les membres de la PAF d’Orly qui s’estiment victimes de comportements discriminatoires liés à leur origine ethnique, à leur sexe ou à leur orientation sexuelle.

C’est énorme. Le ministère le sait. Ça lui fait une belle jambe. Des dizaines de lettres arrivent place Beauvau. Elles jaunissent dans les tiroirs d’un sous-fifre quelconque.

Parfois, on interroge le patron de la PAF. Untel se plaint d’être mal traité ? Mais c’est un incompétent notoire ! Celle-là se dit harcelée ? Quelle garce, c’est une nymphomane ! Lui dénonce quelques malversations ? Rien d’étonnant, c’est un fou. Et cet autre qui parle de racisme ? Oh ! lui, c’est différent : il est mythomane et à moitié paranoïaque, à moitié complexé, mais bon, on est bien obligés de le supporter, vous savez ce que c’est !

Nos supérieurs sont convaincus que nous souffrons d’une espèce de susceptibilité exacerbée et que nous surréagissons à la plus petite allusion. C’est faux. Nous souffrons profondément, sincèrement, de cette discrimination.¹⁰

Car oui, les bâtards sont des bâtards même quand ils sont dans la police. Voilà ce qui arrive quand une policière “d’origine tunisienne” tente d’alerter ses collègues sur certaines de leurs pratiques :

« Tu nous fais chier avec ta justice et ton droit ! Si tu prends leur défense, c’est que t’es d’origine tunisienne, c’est tout ! Laisse tomber avec tes grands airs de sainte-nitouche, tu ne trompes personne. »

Il a dit ça sans même élever la voix, comme si c’était une évidence. Je le regarde, stupéfaite. Je scrute les autres qui m’observent, sans sympathie, mais sans haine non plus, avec tout juste une lueur de curiosité bovine dans les pupilles : comment vais-je réagir ?

Eux ne réagissent pas. Là où j’attends une avalanche de protestations ne s’élève même pas un misérable murmure de soutien à mon égard. C’est donc une évidence pour tout le monde : je suis une « bougnoule », c’est pour ça que je défends les « bougnoules » et les « nègres ».

Je n’en reviens pas. Le ciel me tombe sur la tête. Tout ce en quoi je crois vient de s’écrouler d’un seul coup. Je croyais appartenir à une famille, mais je ne suis qu’une bâtarde.¹¹

On l’a vu dans le premier article : la hiérarchie exige la loi du silence. Le silence est la valeur suprême. On doit serrer les dents et se tenir droit. Si quelqu’un enfreint cette loi alors c’est ce quelqu’un qui sera attaqué par la hiérarchie, peu importe ce qui est dénoncé.

La seule exception étant les cas de policiers corrompus. La hiérarchie sévit parfois très sévèrement dans ces cas là, mais on en reparlera dans le troisième article.

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D’ailleurs, la policière qui a écrit le livre dont je viens de citer le passage a été attaquée par l’institution policière. Elle a été traduite en conseil de discipline pour violation de secret professionnel.

En plus d’une suspension du métier, six mois de prison avec sursis ont été requis contre elle ! Six mois de prison avec sursis.

Heureusement elle a obtenu sa relaxe en appel.¹²

La seule solution pour continuer sa carrière est de ne jamais dénoncer le racisme

La seule stratégie qui “fonctionne” est donc de fermer sa bouche. Sauf que… pas exactement. Les policiers racisés qui ferment leur bouche sont quand même freinés dans leur carrière. C’est le cas d’Ymed qui a un profil similaire au joueur de foot N’Golo Kanté : toujours le sourire, jamais un mot plus haut que l’autre.

Jusqu’à ce qu’il craque :

En juillet 2008, Ymed a consulté son dossier administratif. Il en a perdu son sourire. Il a découvert que sur un coin de sa fiche de candidature au concours de lieutenant de police, une main avait écrit à l’encre rouge le mot « Arabe ».

En voyant la fiche d’Ymed, un type a pris un stylo, en faisant bien attention qu’il soit rouge, pour que cela se voie bien et n’échappe à personne, et il a écrit « Arabe ». Comme si c’était contagieux. Ymed a rendu le dossier et, pour la première fois, s’est dit qu’il ne pouvait plus accepter ça.

« Vous savez, je voulais être jugé sur mes seules compétences. Au début, je ne comprenais pas que j’étais la victime d’un harcèlement discriminatoire. Quand j’ai commencé à le comprendre, je n’ai pas voulu le croire. Je me disais que ce n’était pas possible.

Je me suis mis à douter de ma valeur, de mon jugement. Je me taisais, pensant que si je courbais l’échine, on finirait par ne plus faire attention à moi. Je ne m’appelle pas Jean-Jacques, vous savez. J’ai fini par croire qu’en m’appelant Ymed je devais accepter l’inacceptable mais que l’inacceptable ne serait que provisoire.

Je me disais que je leur prouverai, à tous, qu’un Français d’origine maghrébine est aussi valable que n’importe quel autre Français. Quel con j’ai été ! Tous mes efforts n’ont servi à rien. Rien n’a changé. C’était même de pire en pire. À leurs yeux, je ne suis qu’un “bougnoule”. C’est la raison pour laquelle je veux porter plainte pour harcèlement et discrimination.”
¹²

Ymed a fermé sa bouche pendant des années et des années. Mais sa carrière a quand même été ralentie. Quand il postule pour devenir Lieutenant de Police, on écrit Arabe en lettres rouges sur son dossier.

Jean-Marc, le policier antillais qui se suicide à cause du racisme de son supérieur

Les histoires de racisme contre des policiers, il y en a plein. Trop. Mais celle qui m’a le plus écoeuré est celle du CRS antillais qui s’est suicidé à la suite du harcèlement raciste qu’il subissait.

On est en juin 2009 et le capitaine François Spina salue trois de ses équipiers en disant “ça va les Banania ?”

Ces trois policiers sont Noirs, antillais. Ils sont choqués et remontent les faits à la hiérarchie. Le capitaine est auditionné et reconnaît la phrase : il écope d’un avertissement.

Ce n’est pas assez. L’un d’entre eux déclare :

« C’est une sanction ridicule. Moi, si j’oublie mon sac dans une voiture, je risque un blâme. »¹³

Ils décident de porter plainte pour injure à caractère raciste, un mois plus tard, à la gendarmerie de Meaux.

Sauf que… le procureur en charge de l’affaire va “oublier” (ce sont ses mots) de traiter la plainte. Il s’en rend compte plusieurs mois après. Le délai de prescription est désormais passé. Ce qui l’oblige à classer sans suite.

Il le fait en présentant ses excuses.

Les 3 policiers ne se démontent pas. Ils poursuivent le ministère de la Justice pour cette négligence. L’État fini alors par être condamné pour déni de justice. 5500€ de dommages pour chacun. Victoire.

C’est à ce moment que deux d’entre eux décident qu’ils ont eu gain de cause et demandent leur mutation. L’un en Guadeloupe, l’autre à Strasbourg.

Jean-Marc Niçoise, le troisième, s’insurge. Pour lui c’est une question d’honneur, il n’a pas à partir puisqu’il n’a pas commis de faute.

Il décide donc de rester…et c’est là que débute l’enfer. Le capitaine Spina va commencer à le harceler. Notamment en reprenant l’insulte raciste qui avait tout déclenché et en répétant : “Il est susceptible Banania”.

Il commence également à lui demander des rapports inutiles sur tout et n’importe quoi…

Si bien que le harcèlement finit par atteindre une fréquence quotidienne.

Jean-Marc décide alors de porter plainte à nouveau. Il contacte son avocat. Ce dernier lui dit de se faire arrêter par un médecin car il a l’air extrêmement atteint psychologiquement.

Malheureusement Jean-Marc n’aura pas la force. Il se suicide une semaine après.

Selon son avocat, Jean-Marc était un homme équilibré et son suicide ne peut s’expliquer que par l’acharnement qu’il a vécu.

Terrible.

Quand tout ce qu’on a c’est un marteau alors tout se met à ressembler à un clou

Photo by Andrew George on Unsplash

Autre histoire, moins dramatique, mais qui m’a vraiment atterré c’est l’histoire de Kariata Savane. On est le 21 novembre 2007 et elle revient de Côte d’Ivoire.

Un policier de la police aux frontière d’Orly affirme que ce n’est pas elle sur son passeport. Elle proteste. S’ouvre un débat entre les agents. C’est elle ou pas ? Elle finit par ajouter

“je suis une ancienne policière”

C’est du sérieux. Du lourd. Voilà que cette « négresse » avec un passeport contrefait, d’après les experts de la BMI, affirme qu’elle est une ex-collègue. Les policiers se grattent la tête, indécis.

Et si c’était vrai ? On se repasse le passeport. On l’examine, on l’ausculte, centimètre par centimètre. Compte-fils et lampe à rayons ultraviolets. On ne sait plus très bien, alors on appelle un commandant. Les commandants savent.

Et lui, il a déjà une certitude :

« Vraiment, on aura tout vu ! Maintenant, ils n’hésitent plus à se faire passer pour des policiers français… »

« Ils », ce sont les étrangers, « bougnoules » et « nègres » mélangés, resquilleurs et menteurs. Qu’elle puisse dire la vérité, le commandant ne l’envisage même pas.

Cette fois, la jeune femme sourit, mais je vois bien qu’elle est inquiète. Le commandant la regarde des pieds à la tête, comme s’il la passait au scanner. Elle continue de sourire, sachant que dans ce genre de situation il est inutile de s’énerver.

Elle insiste. Elle propose au commandant de lui poser des questions auxquelles seule une policière pourrait répondre. Alors il le fait :

— C’est quoi, le STIC ?

— Le système de traitement des infractions constatées ! »

1–0 pour la passagère. Nouvelle tentative du commandant :

— Quel est l’article du règlement concernant le menottage ?

— L’article 803.

2–0 pour la passagère. Le commandant, mauvais perdant, se retourne vers nous et conclut cet échange avec l’air de celui à qui on ne la fait pas : « Elle a bien appris sa leçon ! »

Alors elle tente une autre manoeuvre : appelez le commissariat de Meaux, ils vous confirmeront.

Le commandant appelle, trouve un lieutenant qui lui confirme qu’il s’agit bien d’une ancienne policière de son service. Il n’y croit toujours pas, il demande à ce que le lieutenant entende sa voix directement pour vérifier. Mais même après ça il n’y croit toujours pas. Alors l’interrogatoire continue :

— Toi y en as policier ?

— Si toi y en as policier, toi y en as savoir lire ?

La jeune femme reste impassible. C’est très impressionnant, ce sang-froid qu’elle montre. C’est le sang-froid des vieilles troupes, celui que l’on oppose aux situations couramment rencontrées.

Kariata a déjà une longue expérience dans le domaine du racisme. Elle est un vétéran de la connerie. La Française exotique qu’elle est, noire comme elle est, sait qu’elle va encore perdre du temps et se faire humilier. Et alors ? Elle a l’habitude. Elle est devenue patiente et philosophe : elle n’a qu’à attendre, le temps que tous ces cons se défoulent un peu, et puis elle pourra s’en aller.

Alors la policière qui raconte la scène (Sihem Souid) tente d’intervenir en sa faveur en disant que c’est sûr que c’est une ancienne policière :

Je glisse un mot à l’oreille du commandant. Je plaide pour elle. Elle a été ADS, c’est sûr. C’est ce que je dis à l’officier qui me regarde de toute sa hauteur avec commisération et une pointe de déception. Jusque-là, il pensait lui aussi que j’étais un bon flic. Je viens de le décevoir. « Tu te trompes, Sihem. Tu es naïve. Crois-moi : ils sont prêts à tout pour entrer en France. » ¹⁴

Et il décide donc… de lui notifier une expulsion du territoire français. Heureusement, elle réussi à alerter une association de militants associatifs qui vont prévenir la direction centrale. Cette dernière, affolée, ordonne de la libérer immédiatement.

Voilà.

Comment des policiers traitent leurs (ex) collègues. Symptomatique.

Le problème du contrôle au faciès

Photo by Fred Moon on Unsplash

Je ne savais même pas que le contrôle au faciès était une pratique spécifique à la France. La France a été condamnée pour cette pratique.

Une fois j’ai entendu un collègue qui disait je vais pas perdre mon temps à contrôler monsieur-tout-le-monde alors que j’ai plus de probabilité de tomber sur un délit si je contrôle un arabe.

Les contrôles au faciès il les tournait un peu à l’humour en me disant
« regarde tu paries ? On va contrôler ces deux noirs tu verras y aura forcément quelque chose »

Et moi je me suis dit :
« ben vas-y tu verras n’y aura rien, tu contrôles comme ça parce qu’ils sont noirs. ll n’y a pas de souci : vas-y et en fait y’aura rien. »

Du coup on les a contrôlés et j’ai prié pour qu’il ne se
passe rien et il ne s’est rien passé : ils n’avait rien à se
reprocher.

Je lui dis
« tu vois tes probabilités ne fonctionnent
pas. »

Il m’a dit
« tu verras le prochain »¹⁵

Pourquoi cette pratique pose tant problème ? Parce qu’elle génère un fort sentiment d’humiliation. Ce sentiment fait monter la tension et les drames surviennent.

Tu connais la chanson, garçon, mauvais garçon Noirs et arabes, actions puis arrestations, altercations, humiliation — Rim’K, Face à la Police, 1999

Il a été dénoncé à plusieurs reprises que des contrôles d’identité qui se répètent dans certains quartiers sans justification évidente sont reçus comme de véritables harcèlements policiers.

Dans ce contexte, ces contrôles suscitent fréquemment l’opposition des personnes qu’ils visent et aboutissent facilement au recours à la force par les agents. Des magistrats rencontrés par l’ACAT ont pour leur part mis en cause de rudes méthodes d’interpellation, y compris lors de banals contrôles d’identité.¹⁶

Le pire, c’est que certains policiers en ont parfaitement conscience :

Un commissaire d’une circonscription du 93 résume la banalisation de la « provocation » comme mode de gestion des « populations sensibles ». « C’est vrai que ces contrôles sont abusifs et je comprends qu’aux jeunes, ça leur pèse […] Mais c’est une espèce de jeu. Moi je suis le flic, je vais te contrôler. Toi, t’es le présumé coupable, tu te fais contrôler.

Il faut bien admettre que ça ne sert à rien, sauf à perpétuer le climat malsain entre les policiers et les jeunes. »

Un ancien policier du renseignement intérieur s’interroge sur l’emploi de ce qu’il appelle explicitement une « stratégie de la tension en banlieue » : Est-ce qu’elle [la police] doit faire appliquer la loi partout ou est-ce que, dans son intervention, elle doit s’efforcer de ne pas provoquer plus de désordre que le désordre qu’elle entend réprimer?¹⁷

Les policiers racistes sont promus, ceux qui dénoncent sont sanctionnés

Photo by Tengyart on Unsplash

Quand on dit que la police a un problème de racisme structurel ou systémique on ne veut pas dire que chaque policier est raciste. Certains en sont mêmes les victimes. Quand on dit que la police a un problème de racisme structurel on ne veut même pas forcément dire qu’il y a plus de racistes qu’autre part (même si c’est probablement le cas).

Non. Pour avoir un problème structurel de racisme il suffit que la culture (c’est-à-dire le système de sanction/récompense) encourage le racisme.

Le policier Noam Anouar raconte qu’il y a des gens racistes dans la gendarmerie (il y a des gens racistes partout en France). Mais que dans la gendarmerie ils ont davantage tendance à se comporter correctement car ils savent qu’ils ne seront pas autant soutenus par la hiérarchie que les policiers.¹⁸

Attention, ça ne veut pas dire que la gendarmerie n’est pas touchée. Au contraire. Mais elle le serait un peu moins selon ce témoignage.

Pendant ce temps le chef de la Police, Frédéric Veaux martèle que “la police en France n’est pas raciste.” Il rajoute ensuite un élément de langage très répandu en rappelant que la police est“un corps extrêmement contrôlé et les sanctions sont prises quand elles sont constatées.”¹⁹

Voilà. Circulez, y’a rien à voir. Comme pour le problème de suicide, l’institution policière choisit de nier plutôt que d’agir.

Or, on l’a dit, la plupart du temps, les policiers racistes sont couverts et parfois même promus ! Et ce sont les policiers qui dénoncent le racisme qui sont harcelés et parfois même sanctionnés !

« Encore des bougnoules ! » C’est une femme policier qui dit ça : « Encore des bougnoules ! »

Elle est exaspérée de voir des « bougnoules » dans son aéroport. Elle n’en peut plus des « bougnoules ». J’imagine que pour les nègres, c’est pareil, mais là il se trouve que c’est une cargaison de « bougnoules » qui débarquent. Des « bougnoules » de toutes les tailles, de tous les âges, mâles et femelles.

Tous ces « bougnoules », ça la dépasse, ma collègue. Ça la met en danger. En rage. Alors, elle dit : « Encore des bougnoules ! » Elle a vomi cette phrase. Elle y a mis toute la haine, tout le dégoût qu’elle pouvait. Un autre policier n’est pas d’accord. Il est même bouleversé par ce qu’il a entendu.

Il est le seul à réagir, ce n’est pas beaucoup, mais c’est déjà ça de gagné sur le racisme. Ça suffit pour sauver l’honneur. Les deux policiers s’engueulent devant tout le monde, y compris les « bougnoules » qui, ignorant la raison de l’algarade, doivent se faire une drôle d’idée de la police française. S’ils savaient !

Un brigadier-chef est pris à témoin. Il hausse les épaules, agacé par tout ce tintamarre. Des sanctions ?
Punir une fonctionnaire française pour cette phrase ? Pour des « bougnoules » ? Ah ! non, alors ! Le témoin d’origine turc, d’une trentaine d’années, rédige un rapport circonstancié qu’il transmet à sa hiérarchie, considérant au contraire que de tels propos sont inacceptables, surtout quand on porte un uniforme.

Le rapport passe d’un bureau à l’autre, et c’est un beau remue-ménage. Les chefs se grattent la tête :
que faut-il faire ? L’ambiance est tendue. Les policiers se divisent en trois groupes.

D’un côté, ceux qui soutiennent la flic raciste et l’entourent de mille attentions.

De l’autre, les antiracistes, pour la plupart d’origine antillaise, africaine ou maghrébine, serrent les rangs.

Au milieu, les indécis, les timides, les prudents et les lâches qui n’osent pas se prononcer. Ceux-là oublient que ce qui nous laisse indifférent nous rend complice.

La hiérarchie finit par prendre des mesures :
la policière raciste est promue.

Elle devient chef de poste, grillant la place à des collègues plus expérimentés que désormais elle commande. Elle organise l’emploi du temps de chacun dans les moindres détails : qui ouvrira les filtres passagers, qui les fermera, qui sera affecté aux escortes.

(…)

Dernier « point de détail » : le jeune policier qui avait rédigé le rapport pour dénoncer le racisme de sa collègue est devenu très rapidement la tête de Turc de ses chefs.²⁰

Pourquoi ça se passe dans ce sens ? Premièrement, on l’a vu : dénoncer le racisme de ses collègues ça veut dire enfreindre l’omerta. Et ça c’est impardonnable.

Deuxièmement, les policiers racistes sont souvent très efficaces à faire les chiffres de la fameuse politique du chiffre. Logique.

Il y a par exemple une pratique consistant à froisser volontairement les passeports de personnes (évidemment jamais blanches) à l’aéroport pour que la machine ne les valide plus. C’est une pratique totalement immorale. Or, quels sont les policiers les plus enclins à accepter de s’adonner à cette pratique ? Les policiers les plus racistes, évidemment.

De même, recevoir des ordres de violences illégitimes pour frapper des populations non-blanches est plus facile quand on est raciste.

Qui peut le nier ?

Le déni n’aide pas à lutter contre. De la même manière que le métier de militaire risque d’attirer des personnes violentes et les métiers en contact avec les enfants attirent les pédocriminels.

Dire que le métier de professeur/instituteur attire des pédocriminel ce n’est pas faire injure à l’éducation nationale : c’est alerter sur le risque. Il appartient en retour à l’éducation nationale de prendre les mesures nécessaires.

Ce qui est dénoncé c’est que la Police Nationale ne prend PAS les mesures pour sanctionner ses éléments racistes. Elle les laisse prospérer. Devenant ainsi un endroit rêvé pour eux.

“Attention, je dis pas que tous les policiers sont racistes. En revanche si t’es raciste et policier, t’as trouvé le métier pour lier travail et plaisir”²¹

Voilà qui répond à notre question : puisque les comportements racistes sont ignorés ou récompensés mais rarement sanctionnés alors on peut dire que la Police Nationale a une culture raciste.

Le deal implicite : viens travailler dans des conditions ignobles et en échange tu auras le droit de défouler ton racisme

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Cette partie est la plus difficile à prouver. Mais à force de recouper les témoignages de policiers et policières j’en suis arrivé à cette conclusion : les policiers racistes sont efficaces pour la politique du chiffre et donc protégés par la hiérarchie.

La politique du chiffre, on en a parlé lors du premier article. Elle n’a pas toujours existé. Selon les policiers les plus anciens, il y a eu un avant et un après Sarkozy. Un moment où subitement le métier est devenu absurde : on est récompensé selon le nombre d’interpellations. Si bien qu’il vaut mieux arrêter 10 consommateurs de cannabis qu’un méga traffiquant.

On a également vu comment les conditions de travail étaient si atroces que beaucoup de policiers finissent par se suicider.

Alors… que gagner en échange ?

C’est ici qu’intervient le sombre deal : en échange tu peux défouler ton racisme. On te couvrira toujours.

Coluche le disait déjà :

Expliquez moi comment un policier qui fait son devoir tire toujours sur un arabe de dos, en tombant. Expliquez-moi ce que les policiers foutent dans le dos des arabes avec un revolver à la main, et à chaque fois ils tombent Racontez-moi pourquoi, du moment qu’il y a une raison moi j’suis d’accord. Le problème c’est que y’a pas de raison. Enfin il y’en a une : c’est que les policiers se croient extrêmement couverts.²²

Bien sûr, il n’y a pas de document officiel où ça serait écrit. Donc comment faire pour le constater sans tomber dans une théorie du complot ? Déjà on peut recouper les faits. Voilà des phrases factuelles :

  1. Les policiers racistes sont très peu sanctionnés et souvent couverts
  2. Il existe une politique du chiffre
  3. Il y a une ambiance raciste au sein de la police, notamment avec les mots comme “bâtard” pour désigner toute personne non blanche
  4. Le ministère de l’Intérieur est régulièrement alerté du problème de racisme et le nie

Ensuite, on a quand même quelques témoignages de personnes qui font le lien. Notamment Fabien Bilheran (un des rares à témoigner à visage découvert) qui résume :

C’est même un levier de management. C’est-à-dire que si, par exemple, la hiérarchie m’attrape en tant que policier qui va commettre des violences.

Ils vont dire “Fabien, viens me voir. Ce que tu as fait là ? Jamais tu le refais. Par contre, là on te protège. Donc pour nous rendre service maintenant, plutôt que faire 20 interpellations, le mois prochain tu vas en faire 30.”

Et c’est comme ça qu’on protège les plus violents. Car les plus violents c’est ceux qui rapportent le plus de chiffre.²³

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C’est encore Sihem Souid qui illustre bien le lien entre la politique du chiffre et une tendance raciste :

“Toujours est-il que notre boulot est de lutter contre l’immigration clandestine. Est-ce que cela me choque ? Non. Pour être tout à fait franche, cela ne me gêne même pas. Je n’ai pas d’états d’âme parce que je crois, je sais que la France a du cœur : elle ne refuse pas son territoire à ceux dont la vie est en danger. Mais elle ne peut pas accepter tout le monde.

J’imagine, sotte que je suis, que mes collègues pensent comme moi : pitié et hospitalité pour les victimes. La loi, aussi dure soit-elle, pour les autres, les fraudeurs et les usurpateurs.

Comme je me trompe ! Pour nombre de flics de la PAF, un étranger est d’abord un suspect, un parasite potentiel, une espèce de sous-homme indigne, menteur, tricheur, sournois. Tout est bon pour l’empêcher de passer nos guérites. Même celui qui a des papiers en règle.

Je crois que la politique du chiffre, la pression exercée sur les agents afin que les statistiques correspondent à la fermeté affichée du gouvernement, ne suffisent pas à expliquer cette situation. Alors quoi ?

Eh bien, je pense tout simplement que cela reflète fidèlement l’état d’esprit de nombreux fonctionnaires de la PAF d’Orly. Les étrangers nous emmerdent. Qu’ils restent chez eux. Point.

18 octobre 2008. À 22 heures, un avion de « bougnoules » en provenance de Tunisie est annoncé à l’atterrissage. Parmi les passagers, un homme de 45 ans, plutôt basané. Ses papiers disent qu’il s’appelle John Aguigui San Nicolas, qu’il est ingénieur et américain, né à Guam, cette île de l’océan Pacifique rattachée aux États-Unis depuis 1898, bien qu’elle fasse partie de l’archipel des Mariannes. Son passeport a été délivré à Washington.

Les experts en faux papiers de la brigade mobile d’immigration (BMI) d’Orly décrètent que ses papiers ont été falsifiés et que la photo a été changée. L’Américain se défend — en anglais –, affirme qu’il est bien celui qu’il prétend être, qu’il revient de vacances, que son passeport est authentique et demande que la BMI contacte son ambassade à Paris. Refus des policiers.

Une procédure de non-admission est établie en même temps que l’amende-compagnie, fixée à 5 000 euros et faxée aussitôt à Tunis Air. L’ingénieur américain est placé en zone d’attente puis logé pour la nuit à l’hôtel Ibis, sous la surveillance d’une brigade de police qui patrouille dans les couloirs et contrôle le hall de l’hôtel. Le touriste proteste. Il s’obstine. Personne ne l’écoute. Un billet retour vers la Tunisie lui est même réservé.

Le lendemain matin, il parvient à prévenir quelques amis de sa situation, rapidement exposée à l’ambassade américaine. La réaction est immédiate : les diplomates américains exigent la libération de leur ressortissant auprès de la direction centrale de la Police aux frontières.

La direction centrale appelle le directeur de la PAF d’Orly : « Qu’est-ce que c’est encore que tout ce tintouin ? » Le directeur de la PAF d’Orly se renseigne auprès de la BMI : « Qu’est-ce que c’est encore que tout ce tintouin ? » La BMI s’entête : cet ingénieur américain est un peu trop bronzé pour être honnête, et surtout pour être américain. L’information remonte en sens inverse jusqu’à l’ambassade américaine : « Est-ce que vous êtes tout à fait sûrs que votre ingénieur américain, bronzé comme il est, est bien un ingénieur américain ? »

L’ambassade hurle. La direction centrale de la Police aux frontières hurle. Les commandants d’Orly aussi, et John Aguigui San Nicolas finit par être relâché après quarante-huit heures passées en rétention.

En revanche, tout le monde oublie de prévenir Tunis Air et de lui rembourser l’amende et les frais d’hébergement. C’est toujours ça de gagné. On pourrait croire que les policiers coupables de cette erreur se sentent quelque peu gênés. Eh bien, pas du tout. L’un d’entre eux a tout simplement abîmé volontairement le passeport américain : voilà le triste alibi qui permet de justifier ce qu’ils présentent désormais comme une méprise.

Pour le reste, l’essentiel est sauf : même si elle n’aboutit pas, le fait d’ouvrir une procédure pour non-admission compte tout de même pour un bâton. Cela gonfle artificiellement les statistiques, mais qui veut vraiment savoir la vérité ?

Qui a envie de connaître les petites magouilles pratiquées par certains policiers des frontières de l’aéroport d’Orly pour montrer un bilan convenable à la fin de l’année ?

Peut-on comprendre que dans notre pays des fonctionnaires organisent leurs petites carrières et assouvissent leurs petites ambitions en tripatouillant les chiffres, en froissant des passeports, en retenant des gens en règle, en expulsant des étrangers qui ne devraient pas l’être ?”²⁴

Encore une fois : il n’y a pas de pacte officiel. Mais on ne peut que constater : c’est beaucoup plus facile de se plier à cette politique du chiffre quand on a une idéologie raciste.

Au fond, quel autre métier permet à une personne ouvertement raciste de pouvoir à ce point défouler ses penchants ?

Une histoire ancrée dans la logique coloniale

Comme je le disais plus haut, le racisme spécifique de la police française ne date pas d’hier. Mais il date de quand ? Malheureusement… du début.

Le modèle de notre Police a été structuré autour de la Police coloniale. Principalement celle d’Algérie.

Dans La Domination policière, le sociologue Mathieu Rigouste étudie cette histoire. Comment on a créé, à la fois les banlieues comme espace de prolongement des colonies, et la police comme instrument pour maintenir l’ordre de ces banlieues.

Souvent on parle de cette opposition police/banlieue comme d’une nouveauté. Avec des propos comme il y a désormais des endroits où la police ne peut plus aller. Alors que ça a été l’histoire même de la banlieue.

D’ailleurs on dit souvent cité. C’est bizarre de dire “une cité”, non ?.

Ça fait très Grèce Antique. D’où vient ce terme ?

Des cités de transit.

Dans le contexte de profonde crise du logement des années 1950, les cités de transit furent adoptées comme solution au relogement des familles algériennes des bidonvilles.

(…)

C’est au début des années 1970, alors que le dispositif connaissait sa phase de diffusion la plus forte, que l’administration l’a défini comme « ensembles d’habitations affectées au logement provisoire des familles, occupantes à titre précaire, dont l’accès en habitat définitif ne peut être envisagé sans une action socio-éducative destinée à favoriser leur insertion sociale et leur promotion »²⁵

Au début on les appelait même des cités musulmanes.

La volonté d’organiser la croissance urbaine encore intensifiée par la guerre d’indépendance conduit à la construction de « cités musulmanes » de normes inférieures aux HLM destinés aux Européens²⁶

Le but c’était de résoudre la problématique des bidonsvilles pour mettre les populations dans des endroits “en dur”. D’une part pour une raison de salubrité mais également pour les couper des mouvements radicaux comme le FLN (les rebelles algériens) qui se servait des ces bidonvilles comme de cachettes.

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Autour de notre cité [de transit], il y avait des barbelés », raconte un ancien habitant. « On a vite compris qu’on nous avait mis là pour nous séparer des Français », « puisqu’on peut pas mettre tous les ratons en taule, on va les loger loin de tout, dans ces centres pour Arabes, une espèce de taule pour familles²⁷

Cette transition a fini… dans les banlieues. Ce qui est un échec puisqu’à l’origine même s’il y avait la vision raciste de on peut pas les mélanger comme ça aux autres français. Y’avait néanmoins le projet, à terme, de les mélanger. On sait ce qu’il est advenu.

Ou, dans les termes de Mathieu Rigouste :

La grande ville capitaliste s’est développée en mettant à disposition, près de ses usines et de ses chantiers, des masses de travailleurs dépossédés qu’elle a dû contenir et dominer par un système de bannissement social et policier.

Depuis le début du xxe siècle, ce système de séparation se redéploie pour encadrer la main-d’œuvre issue des colonies que le capitalisme industriel concentre aux abords de ses grands centres d’accumulation du profit. Le bannissement des damnés à l’intérieur de la métropole se développe en important les modes de gestion élaborés dans les colonies.

C’est ce que Michel Foucault a nommé l’« effet de retour » des « modèles coloniaux » « rapportés en Occident, et qui a fait que l’Occident a pu pratiquer aussi sur lui-même quelque chose comme une colonisation, un colonialisme interne ».²⁸

D’ailleurs, à une époque c’était assumé puisqu’il existait officiellement une Brigade Nord-Africaine. Ce n’est pas une façon de parler, c’était vraiment le nom de cette unité de police : la BNA.

Cette police quadrillait les quartiers musulmans et y faisait régner la terreur. Les personnes qui la composaient étaient recrutées directement dans l’administration coloniale en Algérie.

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En 1953, cette police est dissoute et remplacée par la Brigade des Agressions et Violences (BAV).

Cette création est justifiée en mettant l’accent sur la « criminalité » et non plus sur la « race » des colonisés. La figure de la « criminalité nord-africaine », employée systématiquement dans les grands médias et par la classe dirigeante pour dépolitiser les luttes des colonisés, va permettre de rediriger cette nouvelle police sur les travailleurs arabes à Paris.²⁹

Une brigade qui lutte contre la “criminalité” mais qui ne s’attaque qu’à la criminalité des quartiers, ça te dit quelque chose ? Oui, c’est l’ancêtre de la BAC. Ce n’est pas pour rien si la BAC est un des corps de police les plus violents.

On en reparlera dans la partie sur les violences illégitimes mais le grand public a tendance à ne pas distinguer les polices. Or, elles n’ont pas le même niveau de violence. Par exemple, ce sont rarement les CRS qui font usage du flashball avec les dégâts que l’on connaît, ce sont très souvent les BAC.

Et la BAV était très clairement le prolongement de la guerre d’Algérie. Ce sont les policiers eux-mêmes qui le disent :

« En fait, en France, et à Paris en particulier, nous menions à notre manière, le revolver dans une main et le code de procédure pénale dans l’autre, une guerre que les militaires tentaient de gagner en Algérie » raconte Roger Le Taillanter, un ancien policier de la BAV.³⁰

Ce prolongement a eu sa conséquence la plus dramatique et visible le 17 octobre 1961, quand :

“Pour protester contre le couvre-feu raciste qui leur avait été imposé depuis fin septembre par le préfet de police Maurice Papon, plus de 20 000 Algériens de Paris et de sa banlieue ont marché sur la capitale, encadrés par le FLN.

La police a mis en œuvre, sous la forme d’un plan de Défense intérieure du territoire (DIT33), un condensé intensif des violences qu’elle faisait habituellement subir aux colonisés d’Algérie en métropole.

Elle a raflé et interné plus de 10 000 Algériens, elle a tabassé et torturé des centaines d’entre eux tandis qu’elle en tuait et faisait disparaître des dizaines d’autres.

Ce massacre d’État a été rendu possible par l’organisation historique de la « police des Nord-Africains en métropole », par des doctrines, des techniques, des pratiques et des personnels directement issus de la guerre coloniale et qui ont été redéployés techniquement et juridiquement.

Il a été le produit de procédures rationnelles et de protocoles de violences expérimentés en amont sur le corps des colonisés. Ce fut un moment fondateur de la condition endocoloniale.

Plusieurs générations vivent depuis cinquante ans avec le traumatisme de ces « disparitions » et conservent les cicatrices des violences militaro-policières engendrées par la guerre en métropole.

À Gennevilliers, ma voisine du troisième étage nous incitait parfois à nous cacher quand la police passait près de l’immeuble. Elle avait habité au bidonville de Nanterre pendant la guerre d’Algérie. Son premier mari n’était jamais revenu de la manifestation du 17 octobre 1961.

Métaphore de la condition endocoloniale, toute sa vie a été façonnée et meurtrie par la menace de la puissance policière.”³¹

Encore une fois, tout ceci était conscient. Le policier qui a été chargé des banlieues de Paris (Roger Le Taillanter) a été choisi parce que justement il connaissait l’Algérie. Et c’est lui qui a été chargé de créer les brigades qui encadreront les banlieues.

Banlieues qui ne s’appelle pas encore banlieues mais qui ont déjà l’utilité d’aujourd’hui : décréter un endroit où il est normal d’être plus violents car l’endroit est dangereux.

Penser ces quartiers comme “quartiers sensibles” permet à l’état de pratiquer une police d’exception. Il faut maintenir le calme de ces quartiers sensibles. Ce sont des terrains de jeux.

Cette ségrégation permet de justifier toute la violence policière par la sauvagerie supposée des habitants. Certes, ce n’est pas une ségrégation légale comme dans les USA d’antan mais c’est une ségrégation de fait. La banlieue est pensée comme un endroit qui n’est plus vraiment la France.

Cette histoire de la Police comme le prolongement de la guerre d’Algérie pèse encore. On pourrait se dire que c’était y’a longtemps. Et pourtant, encore en 2005 un policier, brigadier-major, dit :

« On a perdu la guerre d’Algérie. Il y a quarante ans, on a baissé notre froc. C’est pas aujourd’hui qu’on va le baisser à nouveau. Pas de prisonnier, on trique ! »³²

Avant de tabasser deux Turcs.

Mais même sans aller jusquà la guerre d’Algérie : étiqueter un quartier comme étant sensible met tout le monde dans un état d’esprit de tension. Que ce soient les habitants ou les policiers. Les policiers les plus jeunes arrivent en ayant peur d’aller en Banlieue. Et la peur n’est pas la meilleure émotion pour garder son calme.

La peur a catalysé le racisme

En parlant de peur… c’est un ingrédient qu’on voit repasser dans beaucoup de témoignages de policiers.

La question du racisme dans la police, je l’ai déjà évoquée, effleurée. C’est pourtant un problème connu et récurrent, que le terrorisme a renforcé dans nos rangs comme ailleurs.³³

Il faut faire attention car le terrorisme n’est pas une excuse pour devenir raciste. Souvent, d’ailleurs, il révèle et catalyse un racisme déjà présent. Il ne le crée pas.

Pour autant, il faut entendre ce témoignage. Le terrorisme touche également les policiers. Or, de la même manière que les attentats sur la population civile a exacerbé le racisme, on a eu des attentats sur des policiers.

Le plus traumatisant étant celui de Magnanville. Il revient sur toutes les bouches policières. La plupart d’entre nous l’avons oublié mais le trauma est persistant chez les policiers.

L’attentat de Magnanville a été perpétré par un terroriste se réclamant de Daesh. Il a pénétré dans le domicile d’un couple de policiers. Il attend Jean-Baptiste Salvaing dans son jardin et le poignarde à neuf reprises.

Puis, le terroriste prend Jessica Schneider, la femme de Jean-Baptiste, en otage avec leur fils de 3 ans et demi.

Quand il comprend que le RAID va intervenir, il décide de lui trancher la gorge. Devant son fils.³⁴

Horreur absolue. On vient les tuer chez eux et non plus seulement en mission.

Je ne mentionne pas le nom du terroriste car une des manières de lutter contre est selon moi de ne pas en faire des héros (même négatifs) dont les noms atteignent la postérité. Je préfère que dans 20 ans on se rappelle du nom des victimes, jamais de celui des terroristes.

Et… moins de quatre mois plus tard a lieu la tentative de meurtre de Viry-Châtillon.

L‘affaire dite des « policiers brûlés à Viry-Châtillon » débute le 8 octobre 2016 vers 15 h par l’attaque de deux voitures de police postées en observation au carrefour menant à La Grande Borne, un quartier de Viry-Châtillon (Essonne) connu pour ses nombreuses agressions.

Une vingtaine de personnes s’en prennent au véhicule à coup de barres de fer et de pierres, puis jettent des cocktails Molotov en direction des agents à l’intérieur des voitures. Une policière est grièvement brûlée aux mains et aux jambes tandis que le pronostic vital d’un adjoint de sécurité très grièvement brûlé est engagé.³⁵

L’enchaînement de ces deux événements va déclencher un ras-le-bol chez les policiers, un sentiment d’abandon par l’état. Rappelle-toi ce qu’on a vu dans l’article précédent : on oublie que les policiers sont des fonctionnaires comme les autres. On retrouve chez eux des sensations qu’on peut également trouver chez les profs et les personnels de santé. La sensation d’un grand abandon.

Pourquoi je fais le lien entre ce traumatisme et le racisme ?

Les syndicats : extrême-droite = pacte

On en a parlé lors de l’article précédent : il y a une prédominance des syndicats d’extrême-droite. C’est une particularité de la Police. Ça n’a pas toujours été comme ça. Pire encore, depuis les attentats que je viens de te raconter, même les syndicats plus à gauche ont durci leur ton.

L’idée c’est d’appeler à durcissement autoritaire et sécuritaire: laisser les policiers porter leurs armes après le service, interdire de filmer les policiers, etc.

Évidemment, plus les policiers ont peur, plus ils se voient comme une fonction assiégée et plus ces syndicats prospèrent. Parfois ils sont même dépassés sur leur droite par leur base.

Alors ils surenchérissent:

«Aujourd’hui, les policiers sont au combat car nous sommes en guerre». Dans un communiqué commun aux accents belliqueux publié vendredi 30 juin, les deux syndicats policiers Alliance et Unsa-Police appellent à «imposer» le calme aux jeunes émeutiers, qualifiés de «hordes sauvages».

«L’heure n’est pas à l’action syndicale, mais au combat contre ces “nuisibles”», écrivent les deux syndicats, qui représentent 49,45 % des policiers.

Un lexique violent censé désigner les personnes participant aux violences et dégradations survenues depuis la mort du jeune Nahel, tué par un tir policier mardi. En guise de conclusion, les deux organisations préviennent : «Demain nous serons en résistance et le Gouvernement devra en prendre conscience».³⁶

L’extrême-droite a infiltré la Police

Photo by Jon Tyson on Unsplash

On a vu dans le premier article que beaucoup de policiers adhèrent à des syndicats sans forcément adhérer aux idées des syndicats. En effet, ces derniers font la pluie et le beau temps dans les promotions. C’est pour ça que la Police est une des fonctions les plus syndiquées.

Cependant, on ne peut pas nier qu’une partie non négligeable des effectif adhère bel et bien aux idées de l’extrême-droite…

“67% des policiers actifs ont affirmé avoir voté Le Pen” en 2017.”³⁷

Attention, ça ne veut pas dire que 67% des policiers sont racistes (au sens que ce mot a dans le langage courant et non en sociologie). En effet, Le Pen a un discours sécuritaire séduisant pour les policiers.

En revanche ça veut bien dire que la Police est un environnement où il est beaucoup plus facile de s’épanouir quand on est d’extrême-droite.

On l’a vu avec la divulgation de certains groupe Facebook et WhatsApp. Par exemple le groupe Facebook comprenant 8 000 policiers qui a fuité grâce à Streetpress³⁸ contenait des propos tout simplement immondes.

Je ne vais pas en mettre beaucoup car les propos sont ignobles mais on a plein de groupes comme ça qui ont été mis à jour. Et les voix dissidentes y sont rares :

Idem avec le groupe WhatsApp qui a été divulgué par Alex, un policier Noir qui a découvert que ses propres collègues le traitait de “n*gre séducteur”. Les audios de ce groupe ont été compilé et sont disponibles ici. Il faut avoir le coeur bien accroché pour les écouter :

Avec une certaine constance, ces policiers s’en prennent aux « filles qui aiment bien les bâtards » plutôt que « les mâles blancs », avec une explication toute trouvée. « Vu que c’est les Juifs et les gauchistes qui dirigent ce pays, on fait en sorte que la fille aille vers le bougnoule ou le nègre. En Angleterre ou en Allemagne, c’est pas comme ça, t’éduques ta fille pour qu’elle continue dans la race aryenne. »

Tout au long de sa carrière, débutée en 1999, Alex dit avoir été dérangé par certains propos. S’il a connu « des années magnifiques » en banlieue parisienne, jusqu’en 2008, Alex se souvient aussi des « blagues racistes », « petites réflexions » et raccourcis connotés de quelques collègues. « En patrouille par exemple, s’ils voyaient une voiture occupée par des gens de couleur, ils disaient : “Ça, c’est une voiture de bâtards. Mais toi t’es pas comme eux. T’as choisi d’être comme nous.” »

Le policier a constaté un changement en arrivant à Rouen. « Il y a moins de collègues antillais et maghrébins, moins de fonctionnaires noirs. On est jugés tout de suite sur notre apparence. Entourés de Blancs, ils ont moins de mal à se lâcher. » Par des collègues, Alex a appris que certains le surnommaient « le Noir » ou « le négro » dans son dos. Tout comme un huissier du tribunal, ancien fonctionnaire de police. « Je ne veux pas me faire passer pour une victime, dire que je n’ai rien à me reprocher ou que je suis le meilleur fonctionnaire du monde », poursuit Alex. « J’ai sans doute réagi en étant trop agressif, je ne montrais pas l’exemple dans la manière de me défendre. Mais j’ai fait remonter l’info, et il ne s’est rien passé du tout. »

De même, on photographie régulièrement des policiers qui arborent des signes authentiquement nazis. Et là je ne veux pas dire “nazi” comme dans l’exagération. Je parle de vrais symboles nazis.

Il existe une petite frange néonazie dans la Police, qui est convaincue que la guerre raciale est proche et qui se prépare en conséquence.

Que fait la hiérarchie ? Rien. Sauf quand les affaires sortent dans la presse. Sinon… comme d’habitude… ils finissent promus.

Que dire de plus ?

Un terreau explosif pour les violences illégitimes

Comme tu te doutes, tout ce qu’on vient de voir est un cocktail explosif en ce qui concerne le rapport à la violence. La population se plaint souvent de violence illégitime. Et souvent cette violence est couplée avec une accusation de racisme, justement.

Dans le prochain article on va voir ce qui, au-delà du terreau raciste qu’on vient d’analyser débouche sur autant de violence illégitime de la part de policiers français.

En attendant…

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Les sources

[1] : EU-MIDIS, sur les minorités et la discrimination en Europe — tel que cité par Que faire de la police ? de François Ruffin

[2] : Tv5 Monde — Pourquoi des institutions internationales accusent la police de racisme

[3] L’ordre et la force — enquête sur l’usage de la force par les représentants de la loi en France — Acat, 2017

[4] Aj+ — La police est-elle raciste ?

³

[5,8] Flic — Valentin Gendrot, 2020 — Editions Gouttes d’or

[6,7] Omerta dans la Police — Sihem Souid — Editions le cherche midi

[9] Alexandre Langlois, interview pour Thinkerview, 2021

[10,11,14] Omerta dans la Police — Sihem Souid — Editions le cherche midi

[12] https://www.lepoint.fr/societe/malaise-dans-la-police-sihem-souid-relaxee-28-02-2013-1634325_23.php

[13] Source : https://www.leparisien.fr/faits-divers/traites-de-banania-par-leur-capitaine-trois-crs-antillais-reclament-justice-07-04-2011-1397074.php

[15] Le Média — Violence, racisme, sexisme, le témoignage glaçant d’une policière

[16] Idem que 2

[17] La domination policière — Mathieu Rigouste — Édition La Fabrique

[18] Idem que 9

[19] RTL — La police en France n’est pas raciste, affirme Frédéric Veaux sur RTL

[20] Omerta dans la Police — Sihem Souid — Editions le cherche midi

[21] Waly Dia sur France Inter :

[22] Coluche dénonce les violences policières | Archive INA

[23] Des policiers lancent l’alerte à visage découvert

Extrait de : https://la-bas.org/la-bas-magazine/reportages/des-policiers-brisent-l-omerta

[24] Omerta dans la Police — Sihem Souid — Editions le cherche midi

[25,26] Metropolitique — Les cités de transit : le traitement urbain de la pauvreté à l’heure de la décolonisation — Muriel Cohen & Cédric David

[27] Propos rapportés dans La domination policière — Mathieu Rigouste — Édition La Fabrique

[28,29,30,31,32] La domination policière — Mathieu Rigouste — Édition La Fabrique

[33] Police : la loi de l’omerta — Agnès Naudin , Fabien Bilheran, 2022 — Editions Cherche Midi

[34] Article Wikipédia — Double meurtre du 13 juin 2016 à Magnanville

[35] Affaire des policiers brûlés à Viry-Châtillon

[36] Libération — Mort de Nahel : les syndicats Alliance et Unsa-Police se disent «en guerre» contre des «nuisibles», la gauche dénonce une «menace de sédition»

[37] Libération — Vote RN chez les policiers et militaires : «C’est un état d’abandon qui nourrit un sentiment populiste»

[38] Des milliers de policiers s’échangent des messages racistes sur un groupe Facebook

[39]

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Nicolas Galita
Dépenser, repenser

Tu as aimé ce que tu as lu ? Ce n’était qu’un amuse-bouche. Je partage bien plus de contenu ici : https://nicolasgalita.substack.com