L’ultime secret pour arrêter le temps

Nicolas Galita
Dépenser, repenser
10 min readJul 20, 2017

On a tous l’impression de manquer de temps pour faire les choses que l’on veut. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai entendu « il faudrait un jour de plus dans la semaine ». Le problème c’est que c’est un mensonge éhonté. Notre tendance naturelle à l’indulgence envers nous-mêmes nous empêche d’affronter la vérité : nous ne ferions absolument rien de plus avec un jour de plus.

Au moment où je vous écris, chaque Français regarde en moyenne la télévision 4 heures par jour. 4 heures par jour ! Vous l’avez trouvé votre jour en plus ! Arrêtons de regarder la télévision et nous aurons 7x4 = 28 heures supplémentaires par semaine. Et…oui, les séries américaines sur Netflix c’est de la télévision…américaine.

Faut-il une meilleure preuve que nous mentons quand on dit qu’on manque de temps ? Tout le monde dispose de 24 heures par jour. Le manque de temps n’existe donc pas. Mais le problème n’est pas moins réel pour autant. Souvent quand on parle de manque de temps on veut dire qu’on manque de productivité. Je vous propose donc de vous faire découvrir un outil secret et ancestral de productivité. Soit en regardant la vidéo qui suit, soit en lisant la version écrite ci-dessous.

L’équation de la productivité

Je ne vous fais pas languir plus longtemps. Voici l’équation de la productivité : Temps = Priorité x Énergie x Concentration.

Ça n’a rien de scientifique, ni même de rigoureux, mais ça vous permet de comprendre visuellement de quoi on parle. Chacun des facteurs est crucial car une multiplication par zéro donne zéro. Si un seul des facteurs tombe à zéro, votre productivité tombe à zéro.

Priorité

Qu’est-ce que la priorité ? C’est simple : imaginez-vous une journée infernale où vous n’avez pas un moment pour vous. Vous devez remettre un dossier à votre patron pour demain et rien n’est prêt. Vous annulez toutes vos sorties et vous préparez à faire une longue nuit. Tout à coup le téléphone sonne : votre partenaire est en train d’accoucher. (Variante : c’est vous qui perdez les eaux). Que faites-vous ? Vous continuez à travailler sur votre dossier ? Improbable ! Même si ce n’est pas impossible : une recruteuse m’a raconté qu’elle avait perdu les eaux pendant un entretien et que l’idée lui a sérieusement traversé l’esprit de continuer. De faire comme si de rien n’était… avant qu’elle ne revienne à la raison, aidé par son interlocuteur.

Quand quelque chose devient prioritaire, on a le temps de le faire. Le problème c’est que nous sommes de mauvaise foi face à la priorité. J’aime bien dire que je n’ai pas le temps de faire du sport, alors que je passe 3 heures par jour sur Facebook. Parce que c’est dur d’admettre qu’en fait ma priorité c’est d’aller sur Facebook plus que de refaire du sport. Parce que je me déçois et que c’est plus facile d’accuser le temps puisqu’il ne peut pas se défendre.

Énergie

Qu’est-ce que l’énergie ? Une combinaison entre votre moral, votre motivation et votre forme physique. Si vous tombez de sommeil vous n’arriverez à rien. Si vous déprimez, vous n’arriverez à rien. Si vous perdez votre motivation, vous n’arriverez à rien. C’est pour ça que tous les samedis je pars plein de bonne intention et de plans pour le dimanche avant de…passer mon dimanche dans mon lit.

La concentration

Qu’est-ce que la concentration ? La capacité à canaliser ses efforts sur un seul point. J’ai une très mauvaise nouvelle pour vous : le cerveau humain est incapable de faire du multitâche. Au sens où il ne sait que faire du monotâche. Quand vous faîtes du multitâche vous êtes en réalité en train de basculer très rapidement d’une tâche à l’autre.

Problème : vous n’êtes pas une machine. Chaque basculement demande un temps de chauffe qui vient s’additionner au temps normal d’exécution de la tâche. Et c’est pour ça qu’on estime à 28% les pertes de productivité du multitâche. S’il vous faut une heure pour faire la tâche A et quarante minutes pour faire la tâche B, vous aurez besoin d’une heure quarante pour faire les deux, l’une après l’autre. En revanche, vous aurez besoin de deux heures et dix-huit minutes pour les faire en multitâche ! Sans compter que la qualité sera moindre et que votre niveau de stress sera plus élevé.

Récapitulons : le manque de temps est un manque de priorité, d’énergie ou de concentration. J’ai maintenant une bonne nouvelle. Le secret ancestral dont je vous parlais : le jeu. Le jeu permet de booster cette équation.

La magie du jeu

Le jeu a trois effets magiques qui peuvent débloquer les situations.

L’apprentissage

Le premier effet du jeu c’est qu’il catalyse l’apprentissage. Le fameux apprendre en s’amusant n’est pas qu’un slogan. Trois années à faire le métier de formateur m’ont même amené à penser qu’on ne peut pas apprendre autrement qu’en s’amusant. Il n’y a aucune autre méthode pour un apprentissage véritable. Et si le professeur ne fournit pas cet amusement, c’est l’élève par son amour de la matière qui trouve matière à se divertir dans l’enseignement.

J’ai eu beaucoup de mal à apprendre les tables de multiplication par 8 et par 9. D’ailleurs, je mets encore plus de temps à faire 8x7 que n’importe quelle autre multiplication élémentaire. En ce qui concerne la table de 9, j’ai eu la chance d’apprendre une méthode ludique avec les mains. Bon…dans la vidéo c’est incompréhensible. Donc voici une image récapitulative pour ceux et celles que ça intéresse :

(source : http://jean-pierre-vernant.ecollege.haute-garonne.fr/espaces-pedagogiques/mathematiques/le-coin-des-6-/la-table-de-9-multiplication--6813.htm)

Mais peu importe que vous compreniez ou pas : la méthode est tellement rigolote que j’ai appris instantanément ma table de multiplication par 9.

La dédramatisation

Souvent, on prend les choses tellement lourdement qu’on crée les conditions de l’échec. C’est très paradoxal mais plus vous essayez de forcer les choses et plus c’est compliqué. N’avez-vous donc jamais remarqué ? C’est quand on est en poste qu’on a le plus de propositions d’emploi, c’est quand on est en couple qu’on a le plus de propositions…d’emploi. Il y a d’ailleurs un livre entier sur le sujet : The subtle art of not giving a fuck.

Un commercial (qui se reconnaîtra) m’a un jour expliqué qu’il était devenu bon le jour où il avait arrêté de prendre les refus personnellement. Le jour où il a commencé à voir la vente comme un jeu mathématique où 9 non vous amènent à 1 oui.

Une coach de retour à l’emploi (qui se reconnaîtra) m’a expliqué que les gens qui retrouvent le plus vite un emploi sont toujours celles et ceux qui arrivent à voir les entretiens comme un jeu.

Il en va de même pour les messages d’approche dans le recrutement. Les meilleurs messages d’approche sont écrits par des gens qui prennent leur métier au sérieux sans se prendre eux-mêmes au sérieux.

Pour une raison simple, quand on est crispé on a tendance à se centrer sur soi-même. Et donc à faire fuir les opportunités et les gens. À l’inverse, le fait de se décrisper vous donne l’occasion d’être totalement ouvert sur le monde et accueillant.

La triche

Je suis un fervent défenseur de la triche à tous les niveaux. Attention, je ne parle pas de fraude ou de truande. Je parle bien de prendre des raccourcis que personne n’ose prendre. Les anglais ont un meilleur terme : « le hack ». C’est un concept qui est développé à merveille dans le livre Stratégie Océan Bleu. Pourquoi accepter de se débattre avec la concurrence quand on peut la contourner ? Pourquoi réinventer la roue quand on peut copier quelqu’un ? Le meilleur combat est celui qu’on ne livre pas : il faut apprendre à ne pas mal placer son ego.

C’est pour cette raison que je ne réponds jamais aux offres d’emploi.

Pourquoi me fatiguer à jouer ce jeu alors que je peux trouver sur LinkedIn la personne qui a publié l’annonce, l’accrocher 1 minute 30 au téléphone et la pousser à me demander elle-même mon CV ?

C’est également pour cette raison que quand j’ai cherché mon appartement sur Paris, j’ai refusé de visiter les appartements si je n’étais pas le premier à visiter. Vous avez déjà vécu cette scène dans le métro ou une autre file d’attente ? Vous savez quand vous avez une queue qui emprunte une seule voie alors qu’il y en a une autre qui semble libre ? Par exemple une porte. Et, ne comprenant pas, vous allez voir par vous-mêmes, puis vous empruntez la porte sans encombre. Dix secondes après, vous avez une deuxième file qui emprunte la voie que vous venez d’ouvrir. Et bien c’est souvent comme ça partout en fait.

En résumé, le jeu permet de booster l’apprentissage, de dédramatiser les choses et de prendre l’habitude de tricher. Mais il a encore un effet encore plus puissant.

L’ennemi des enfants

Cet effet c’est d’être un puissant antidote contre l’ennui. Or, l’ennui est une immense douleur. Une des pires possibles. L’ennui est la mère de tous les maux.

« Pour Arthur Schopenhauer, l’expérience de l’ennui est la preuve que la souffrance est inhérente à l’existence, ce qui est l’idée bouddhiste du samsara. (…) Il est même l’insatisfaction suprême et la plus insoutenable, pleinement assumée : l’insatisfaction sans objet, le désir de rien de particulier. C’est afin de fuir cette insatisfaction que nous avons inventé le jeu (…) »

En soi, le jeu est donc une des choses les plus sérieuses du monde : l’antidote contre l’ennui.

Car l’ennui est l’ennemi mortel de l’équation du temps. L’ennui vole tout, l’ennui ruine tout. C’est quelque chose que les enfants comprennent très intuitivement. Vous vous rappelez de cette époque où vous passiez des journées entières à vous ennuyer ? Les enfant sont beaucoup moins tolérants à l’ennui car le temps perçu pour un enfant passe relativement plus lentement que pour un adulte.

En effet, une journée pour un enfant de 5 ans c’est l’équivalent de 10 jours pour quelqu’un de 50 ans. Vous comprenez désormais pourquoi les enfants sont si insupportables dans un long trajet. Vous comprenez également pourquoi le calendrier de l’Avent était si long. Un mois pour un enfant de 5 ans c’est relativement 6 mois pour un adulte de 30 ans et un an pour un adulte de 60 ans.

(En vérité c’est un peu plus compliqué et subtil que ça mais vous comprenez la mécanique)

Cette vérité que les enfants comprennent, on finit par l’oublier en grandissant. On finit par accepter de s’ennuyer. On se résigne. Alors qu’un enfant refuse en permanence de s’ennuyer, quitte à faire des bêtises. Ça nous agace. Pourtant c’est les enfants qui ont raison.

« Ce qu’ils appellent être adulte, c’est commettre l’adultère, tromper l’enfant qui est en toi pour devenir ce qu’on t’a dit d’être »

La procrastination, cet art de remettre tout au lendemain, n’est pas votre ennemie : c’est un signal. Ne pas être productif n’est pas une anomalie : c’est un signal. Traîner des pieds n’est pas une mauvaise volonté : c’est un signal. Ce sont des signaux que vous envoie l’enfant en vous qui sait que vous êtes en train de vous résigner à l’ennui. L’enfant en vous sait que vous êtes en train de faire quelque chose que vous ne voulez pas.

Or, chercher des méthodes de productivité alors que votre enfant interne traîne des pieds est une pure perte de temps. Un peu comme si vous cherchiez une méthode pour faire Paris-Lyon plus vite…en rampant. Tout est plus long quand on rampe. Le problème ce n’est pas la distance. Le problème c’est que vous rampez ! Le problème de votre vie ce n’est pas le temps. Le problème c’est que vous traînez des pieds.

Conclusion

La bonne nouvelle c’est que le jeu permet de surmonter ce blocage. Les enfants savent naturellement éviter les sources d’ennui. Nous n’avons bien entendu plus le luxe de nous asseoir au milieu d’un supermarché en pleurant parce qu’on ne veut plus marcher.

En revanche, on peut changer de perspective et se dire qu’on ne manque pas de temps. On manque d’énergie, de priorité, de concentration. Pourquoi ? Parce qu’on a pas envie de « jouer » à ça.

La mauvaise nouvelle c’est que ce n’est pas si simple que ça : la même activité peut être un jeu ou une corvée selon le contexte. Par exemple, taper dans une balle et aller la rechercher c’est un jeu prisé des enfants. Et pourtant…ça ressemble sacrément à une corvée, non ? Si on vous l’imposait toute la journée ce serait même une torture à la Sisyphe.

Quand un jeu nous est imposé ce n’est plus un jeu. Et c’est là qu’arrive la dernière astuce : la règle des 4%. Vous pouvez tout transformer en jeu si vous fixez comme objectif de faire chaque fois 4% mieux que la précédente. En utilisant cette stratégie, les tâches les plus rébarbatives peuvent devenir une compétition stimulante. Même si évidemment, il n’y a pas de magie : si votre enfant ne veut VRAIMENT PAS coopérer, il ne coopérera pas. Le temps est alors venu de réfléchir à changer de tâche ou de métier.

Si cet article vous a plu, en voici une version longue avec beaucoup plus d’approfondissements sur les méthodes, les principes et les phénomènes de productivité :

Ou la vidéo originale d’où est tirée cet article :

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Nicolas Galita
Dépenser, repenser

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