Pourquoi faut-il interdire la religion aux moins de 18 ans ?

Nicolas Galita
Dépenser, repenser
25 min readJan 11, 2018

Je n’arrête pas de dire aux gens qu’il ne faut pas se laisser dicter son comportement par la peur. J’ai récemment lu un livre qui interrogeait comme suit :

Réfléchissez à ce que vous pensez sincèrement mais que vous avez très peur de dire. Pourquoi ? D’où ça vient ? Pouvez-vous le surmonter ?

Je me suis rendu compte que la chose que je pensais sincèrement et que j’avais le plus peur de dire en public c’était que je pense qu’il faut interdire les religions aux mineurs. C’est donc ce que je m’apprête à dire. J’ai très peur de dire ce que je vais dire et c’est justement pour ça que je vais le dire.

La crainte de l’Eternel est le commencement de la sagesse

Avant de commencer

Vous notez que je n’ai pas dit qu’il fallait interdire la religion. Je dis simplement qu’on devrait prendre beaucoup plus de précaution avant de l’inculquer à des enfants.

Ensuite, je ne vous parle pas d’un point de vue d’un athée élevé dans l’ignorance de la religion. Je vous parle du point de vue d’un enfant qui a été éduqué dans le ventre même de la religion chrétienne protestante. C’est donc un bout de vie que je vous partage, quelque chose que j’ai vécu dans ma chair. Pas juste un sujet pour provoquer par plaisir.

Par conséquent, une bonne partie de mon entourage est croyante. Protestants, catholiques, musulmans. C’est pour ça que l’on fera la différence entre la religion et les gens qui la pratiquent. Et qu’on gardera en tête que chacun fait ce qu’il veut : ceci n’est que mon avis.

On prendra également garde à ne pas confondre religion et spiritualité. La spiritualité est une partie incontournable et nécessaire de la vie humaine : c’est le questionnement du sens de la vie. Beaucoup de gens confondent spiritualité et religion. Or, la religion n’est qu’une forme de spiritualité parmi les autres. Les religions monothéistes sont une forme de religion parmi les autres. Le christianisme est une forme de religion monothéiste parmi les autres. Et le protestantisme est une forme de christianisme parmi les autres.

D’ailleurs, j’ai écrit “religion” mais une partie du propos ne s’appliquera qu’à ce que je connais : c’est-à-dire la religion chrétienne.

Et, plus important encore, mes parents étaient des gens biens qui ont fait du mieux qui ont pu avec ce qu’ils avaient. À un âge où je m’amuse à écrire des articles, mon père avait déjà trois enfants.

Maintenant que tout ceci est dit, on peut commencer.

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Les naïvetés des athées et des croyants qui ne lisent pas leurs propres textes

Naïveté #1 — La religion c’est l’amour

La religion est une spiritualité. Elle essaie donc d’expliquer TOUTE LA VIE. Et donc, oui, elle parle d’amour. Mais pas que. Beaucoup d’athées s’imaginent la Bible comme un livre de hippies où tout le monde se fait des bisous en clamant “aimez-vous les uns les autres”.

Si c’était le cas, le livre ne serait pas aussi long. Pire encore : ce n’est pas la tonalité générale du texte. À la limite on peut dire que c’est la tonalité générale des quatre évangiles.

On ne parle pas que d’amour. On parle aussi de haine, de vengeance, de pillages, de règles de vie, d’explications sur la création du monde, de théories pseudo-scientifiques, etc.

Dieu lui-même n’est pas décrit comme un être d’amour. Ça arrive qu’il soit décrit comme ça (surtout dans les Evangiles). Mais ça arrive aussi qu’il soit décrit autrement.

Par exemple, il se lève un matin et décide qu’il va noyer tous les humains sauf un. Ou alors il se dit que les humains doivent être punis d’avoir essayé de le toucher : et donc il sème la discorde en les rendant incapables de se comprendre. Notez la tentative pseudo-scientifique d’expliquer pourquoi il y a plusieurs langues.

Des fois il est jaloux et s’en vante.

Tu ne te prosterneras point devant un autre dieu; car l’Eternel porte le nom de jaloux, il est un Dieu jaloux.

Des fois il demande de tuer pour lui, ou de faire la guerre.

Mais dans les villes de ces peuples dont l’Eternel, ton Dieu, te donne le pays pour héritage, tu ne laisseras la vie à rien de ce qui respire.

L’Eternel éloignera de toi toute maladie; il ne t’enverra aucune de ces mauvaises maladies d’Egypte qui te sont connues, mais il en frappera tous ceux qui te haïssent. Tu dévoreras tous les peuples que l’Eternel, ton Dieu, va te livrer, tu ne jetteras pas sur eux un regard de pitié, et tu ne serviras point leurs dieux, car ce serait un piège pour toi

Je vous destine au glaive, Et vous fléchirez tous le genou pour être égorgés; Car j’ai appelé, et vous n’avez point répondu, J’ai parlé, et vous n’avez point écouté; Mais vous avez fait ce qui est mal à mes yeux, Et vous avez choisi ce qui me déplaît.

Naïveté #2 — La méconnaissance du texte

J’ai déjà discuté avec une catholique qui ne me croyait pas quand je lui disais que dans la Bible, Noé a plus de 900 ans, Adam aussi. Et pourtant c’est écrit noir sur blanc.

De même, le danger de faire des règles de vie alors que la médecine n’est pas encore développée, donne des choses marrantes comme :

La femme qui aura un écoulement de sang restera 7 jours dans la souillure de ses règles. Si quelqu’un la touche, il sera impur jusqu’au soir.

Tout lit sur lequel elle couchera pendant ses règles sera impur et tout objet sur lequel elle s’assiéra sera impur. Si quelqu’un touche son lit, il lavera ses vêtements, se lavera dans l’eau et sera impur jusqu’au soir.

Si quelqu’un touche un objet sur lequel elle s’est assise, il lavera ses vêtements, se lavera dans l’eau et sera impur jusqu’au soir. S’il y a quelque chose sur le lit ou l’objet sur lequel elle s’est assise, celui qui y touchera sera impur jusqu’au soir.

Et on pourrait continuer longtemps. Dans tous les textes sacrés. Je reste sur la Bible car c’est ce que je connais.

Naïveté #3 — Le nouveau testament est cool

Une idée reçue répandue c’est que l’Ancien Testament serait violent et le Nouveau Testament serait plein d’amour. Il y a du vrai dans ce cliché, mais il y a aussi du faux. C’est vrai qu’en comparaison le Nouveau Testament est moins violent…mais, en même temps, ce n’est pas bien dur.

Et pourtant, c’est bien dans le Nouveau Testament qu’on trouve des passages d’un sexisme surpuissant :

Je ne permets pas à la femme d’enseigner, ni de faire la loi à l’homme, qu’elle se tienne tranquille. C’est Adam en effet qui fut formé le premier, Eve ensuite. Et ce n’est pas Adam qui se laissa séduire, mais la femme qui séduite, a désobéi. Néanmoins, elle sera sauvée par la maternité si elle persévère avec modestie dans la foi, dans la charité, et dans la sainteté

Corollaire de ce cliché : “Jésus a aboli l’Ancien Testament”. Si c’était vrai la Bible ne comporterait pas l’Ancien Testament. Les chrétiens auraient simplement conservé le Nouveau Testament. D’ailleurs la différence de ton entre les deux est tellement forte qu’on peut précisément se demander pour quelle raison a-t-on gardé l’Ancien ? C’est simple : Jésus dit explicitement qu’il n’abolit pas l’Ancien Testament. On ne peut donc pas lui prêter des intentions qu’il dément lui-même :

Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé.…

Je répète : il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre.

Naïveté #4 — Mais c’est une question d’interprétation

C’est probablement la phrase qui me désespère le plus. D’où vient cette soudaine indulgence ? Comment interpréter les passages suivants:

Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable ; ils seront punis de mort : leur sang retombera sur eux.

Je veux cependant que vous sachiez que Christ est le chef de tout homme, que l’homme est le chef de la femme. Tout homme qui prie ou qui prophétise, la tête couverte, déshonore son chef. Toute femme, au contraire, qui prie ou qui prophétise, la tête non voilée, déshonore son chef: c’est comme si elle était rasée.

(…)

L’homme ne doit pas se couvrir la tête, puisqu’il est l’image et la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. En effet, l’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme a été tirée de l’homme; et l’homme n’a pas été créé à cause de la femme, mais la femme a été créée à cause de l’homme. C’est pourquoi la femme, à cause des anges, doit avoir sur la tête une marque de l’autorité dont elle dépend.

Qu’est-ce que vous voulez interpréter ? Le texte est limpide, clair, impitoyable. Et depuis quand a-t-on cette indulgence avec un texte? Si la moindre de ces phrases se trouvaient dans un livre non-religieux, on interdirait immédiatement ce livre. Personne ne dit “non mais il faut interpréter ce que dit Zemmour”. On prend le texte pour ce qu’il est.

D’autant plus que, contrairement à d’autres livres, la Bible prétend être une vérité divine. Elle ne dit pas qu’il faut l’interpréter. Bien au contraire. Par exemple, vous avez un arbre généalogique très prècis qui va de Adam à Noé et qui donne l’âge de mort exact de chaque personne. Elle se présente comme un texte à prendre au pied de la lettre, à l’exception de quelques passages explicitement poétiques comme les Psaumes.

Naïveté #5 — Il y avait un contexte

Certes. Dans le contexte des textes, ils constituent majoritairement des avancées. Quand le Coran parle d’esclavage c’est pour le réguler et l’adoucir. Quand la Bible et la Torah posent la loi du Talion “oeil pour oeil, dent pour dent” c’est aussi pour appeler à une riposte proportionnée. Quand on vous dit de ne pas coucher avant le mariage on parle d’une époque où on se marie à 14–15 ans. Mais le problème c’est que le contexte a radicalement changé.

Or, que je sache, aucun texte n’a été mis à jour ? Les religions se basent bien sur ces textes dont les auditeurs n’ont pas le contexte, surtout les enfants. Mettons-les à jour une fois pour toutes ou cessons définitivement avec cet argument.

Corollaire : oui mais y’a des problèmes de traduction. Certes, mais la plupart des problématiques de traductions sont analysées et connues. Par exemple, on sait qu’on hésite : Jésus avait-il des frères ou des cousins ? Tout dépend de la traduction. Mais c’est un argument de très mauvaise foi sur des choses qui ne sont pas remises en question.

La violence est consubstantielle au concept de monothéisme

Beaucoup de gens observent les violences émanant de l’idée religieuse et ne comprennent pas. Ça ne cadre pas avec la naïve religion d’amour et d’hippies. On parle même d’intégristes pour désigner des gens violents. Mais un intégriste c’est quelqu’un qui applique EN ENTIER.

“L’intégrisme est un courant au sein de l’Église catholique romaine, particulièrement en France, dont l’appellation remonte au début du xxe siècle, lors de la crise moderniste, lorsque le courant conservateur de cette Église oppose aux partisans d’une ouverture au monde moderne un catholicisme dit « intégral » qui défend le maintien des vérités catholiques traditionnelles telles qu’elles ont, selon eux, toujours été enseignées.”

Les intégristes sont ceux qui veulent appliquer intégralement la religion. Et c’est intéressant de voir qu’on dit d’eux qu’ils dévient ou qu’ils pervertissent la religion. Alors qu’ils ne font que l’appliquer, intégralement. Certes, si on pense que c’est une affaire d’amour on se dit que ces gens sont fous. Mais en vérité ils ne font qu’appliquer intégralement.

La violence est inscrite dans l’ADN des religions monothéistes. Chaque fois qu’on voit un des monothéismes sombrer dans la violence, on se choque et on s’interroge. Évidemment, si vous pensez que c’est une affaire d’amour, vous ne pouvez pas comprendre. Une fois que vous comprenez que c’est une affaire de vérité révélée…

À partir du moment où vous décrétez qu’il n’y a qu’un seul Dieu et que vous révélez lequel, vous inscrivez automatiquement un potentiel de violence. Je parle bien de potentiel : on peut y résister. Mais ce potentiel est là : que vais-je faire quand d’autres contrediront mon Dieu ? Que vais-je faire quand d’autres contrediront mes vérités ? La Bible ça veut dire LE livre. S’il n’y a qu’un seul livre, que vais-je faire quand on va m’en montrer d’autres ?

Si je crois sincèrement qu’il existe un seul Dieu et que toutes les autres religions se trompent, je suis dans un terreau favorable à la violence. Surtout si ce Dieu vous dit d’aller répandre sa parole partout dans le monde.

Car, voici la seconde raison qui ancre la violence dans l’ADN des religions monothéistes : le paradis et l’enfer. En effet, si vous croyez en une vie après la mort, vous commencez à perdre tout repère pour la vie présente. Si je crois que mes enfants vont aller en Enfer, je peux les forcer à aller à l’Eglise.
Si je crois en une vie après la mort alors je peux devenir violent pour sauver les autres. Je peux même les tuer en essayant de les sauver. Tuez-les tous…et Dieu reconnaîtra les siens.

La troisième raison de la violence c’est qu’une vérité révélée ne peut plus s’actualiser. D’où les remarques sur le contexte. La vérité révélée ne peut pas s’adapter aux découvertes de l’humanité.

La dernière raison c’est que cette vérité est exclusive. Elle n’est pas seulement révélée, elle est aussi exclusive. C’est-à-dire que les autres religions monothéistes sont des concurrentes qui mentent ou se trompent. Un seul Dieu donc un seul vainqueur possible. Là encore, ce sont les germes de la violence. Ce n’est pas pour rien s’il y a eu autant de guerres de religion.

Et même sans sombrer dans la violence physique, vous avez les germes de la violence mentale. Vous restez pacifiques mais vous méprisez ou plaignez les gens qui ne croient pas en votre religion.

Les concepts toxiques

Et, comme si ça ne suffisait pas, vous avez des concepts toxiques au coeur même des textes.

Concept toxique #1 — Le sexisme

Comment interpréter autrement l’histoire d’Adam et Eve ? Et si vous avez encore des doutes, la suite de la Bible se charge de l’interpréter pour vous, de manière limpide :

Je ne permets pas à la femme d’enseigner, ni de faire la loi à l’homme, qu’elle se tienne tranquille. C’est Adam en effet qui fut formé le premier, Eve ensuite. Et ce n’est pas Adam qui se laissa séduire, mais la femme qui séduite, a désobéi. Néanmoins, elle sera sauvée par la maternité

Que voulez vous interpréter si ce n’est qu’une femme, pour se sauver, doit enfanter ? Pire…le texte ne se contente même pas d’être sexiste, il est carrément misogyne et machiste.

Que la femme s’instruise paisiblement, dans une entière soumission.

Si elles veulent s’instruire sur quelque chose, qu’elles interrogent leurs maris à la maison ; car il est malséant à une femme de parler dans l’Église.

Il n’y a pas d’interprétation possible. Au mieux vous pourriez défendre que ce n’est pas misogyne : juste machiste. Que ça dit simplement que y’a un ordre naturel des choses, mais sans pour autant être hostile. Mais c’est vraiment le mieux que vous pourriez faire, et ça ne serait même pas solide.

On pourrait continuer longtemps sur le sexisme dans la Bible mais on va juste finir en mentionnant la claque ultime : Marie. La femme que l’on glorifie le plus est une insulte à la condition féminine. Elle est glorifiée car elle a réussi le fantasme du machisme : une femme qui soit une mère tout en étant vierge. Le modèle est donc une femme qui a réussi ce tour de passe-passe de ne jamais se salir avec le sexe pour donner la vie.

Sophia Aram n’a pas tort de se demander si ce n’est pas à cause de l’emprise et la trace de la religion qu’on a tant de mal à se débarrasser du sexisme.

Quand est-ce qu’ils vont comprendre que les religions on fait porter un poids aux femmes depuis des siècles , celles d’être par qui le péché arrive ?

Et tant qu’on continuera à l’inculquer à des enfants qui n’ont pas encore l’esprit critique pour prendre du recul, on aura du mal à s’en défaire.

Concept toxique #2 — La criminalisation du sexe

Et on arrive à l’horreur suivante : le sexe est présenté comme quelque chose de sale, d’impur. Marie ne peut pas avoir eu d’activité sexuelle, car elle portait le Fils de Dieu. Et l’activité sexuelle est impure. La virginité étant élevée comme une valeur de pureté.

Mais celui qui a pris une ferme résolution, sans contrainte et avec l’exercice de sa propre volonté, et qui a décidé en son coeur de garder sa fille vierge, celui-là fait bien. Ainsi, celui qui marie sa fille fait bien, et celui qui ne la marie pas fait mieux.…

La fornication, c’est-à-dire les actes sexuels en dehors du mariage étant accablés d’une gravité sans équivoque :

Que fornication et impureté sous toutes ses formes ou avidité ne soient même pas mentionnées parmi vous

Mortifiez donc vos membres qui sont sur la terre, la fornication, la souillure, les affections déréglées, la mauvaise convoitise, et l’avarice, qui est une idolâtrie; Pour lesquelles choses la colère de Dieu vient sur les enfants rebelles;

Fuyez la fornication. Tout autre péché que peut commettre un homme est extérieur à son corps, mais celui qui pratique la fornication pèche contre son propre corps

Déjà que la sexualité est un sujet compliqué pour n’importe quel être humain, si en plus vous l’alourdissez…

Concept toxique #3 — La suspicion envers l’intelligence et la connaissance

L’intelligence est un orgueil, la connaissance un fruit défendu. C’est la symbolique d’Adam et Eve. Qu’est-ce que le fruit défendu dans le jardin d’Eden : le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal.

Quel est le message ? L’obéissance est plus importante que l’intelligence ou la compréhension. La désobéissance est grave. Très grave. On voit d’ailleurs que c’est uniquement une question d’obéissance puisque Dieu ment. Oui…Dieu MENT. Prenez le temps de méditer sur ce que ça veut dire. Et donc Dieu ment :

Et l’Éternel Dieu commanda à l’homme, disant : Tu mangeras librement de tout arbre du jardin ; mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas ; car, au jour que tu en mangeras, tu mourras certainement.

Ce qui permet au serpent de “manipuler” Eve (en fait il lui dévoile simplement la vérité) :

Et le serpent dit à la femme : Vous ne mourrez point certainement ; car Dieu sait qu’au jour où vous en mangerez vos yeux seront ouverts, et vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal. Et la femme vit que l’arbre était bon à manger, et qu’il était un plaisir pour les yeux, et que l’arbre était désirable pour rendre intelligent ; et elle prit de son fruit et en mangea.

Le serpent (qui, au passage, parle dans le plus grand des calmes sans que ça ne choque personne) ne fait que lui dire la vérité : Dieu a menti, ce n’est pas pour vous protéger de la mort qu’il vous empêche de manger le fruit.

Où est le mal ici ? Le serpent dit la vérité, Dieu ment, les humains écoutent celui qui dit la vérité. Pourtant la sanction est incommensurable : la femme (et TOUTES les femmes) est condamnée à accoucher dans la douleur ainsi qu’à être dominée par son mari. L’homme (et TOUS les hommes) est condamné à suer pour manger. Les deux sont également éjectés du jardin et Dieu met un ange devant l’arbre qui rend immortel, les condamnant donc ainsi à devenir mortels. C’est bien une peine de mort. Ou plutôt de mortalité.

Un peu sévère ? 2 minutes de désobéissance : une éternité de condamnation sur toute la descendance.

Sans compter que, quand on y réfléchit bien, si Adam et Eve n’ont pas la connaissance du Bien et du Mal…comment peuvent-ils vraiment comprendre que c’est Mal d’aller manger ce fruit ? Pourquoi mettre un tel arbre en plein milieu du jardin, à part par sadisme et envie de vérifier l’obéissance ?

La crainte de l’Eternel est le commencement de la sagesse

C’est l’obéissance qui fait le bon croyant, pas l’intelligence. D’ailleurs ce thème est développé juste après avec l’histoire d’Abraham. Dieu lui demande de lui offrir son fils en sacrifice. Je répète : Dieu lui demande de lui offrir son fils en sacrifice. Je répète une dernière fois : Dieu lui demande de lui offrir son fils en SACRIFICE. Comme ça, sans donner de justification. Just do it.

Abraham s’exécute sans discuter (logique) et au dernier moment, au moment où…vous savez quoi ? Je vous laisse le texte original pour que vous jugiez par vous-mêmes :

Puis Abraham étendit la main, et prit le couteau, pour égorger son fils. Alors l’ange de l’Éternel l’appela des cieux, et dit : Abraham ! Abraham ! Et il répondit : Me voici ! L’ange dit : N’avance pas ta main sur l’enfant, et ne lui fais rien ; car je sais maintenant que tu crains Dieu, et que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique.

Ce n’était qu’un test d’obéissance. La chose la plus importante ce n’est donc pas de faire les choses que l’on trouve justes, mais bien d’obéir. Même si l’ordre c’est d’égorger son fils comme un cochon.

Faut-il particulièrement respecter les religions ?

Ce qui continue à me choquer c’est cette injonction au respect. Comme si le simple fait de baptiser quelque chose “religion” en faisait quelque chose que l’on doit respecter.

Tout le monde mérite le respect. La religion le mérite autant que les autres idéologies : pas plus, pas moins. C’est-à-dire que si une idéologie ne me respecte pas, elle ne peut pas me demander de la respecter.

Si un homosexuel voue une animosité envers la religion qui fait de lui une abomination est-ce vraiment raisonnable de lui répondre qu’il doit respecter la religion ? D’ailleurs pendant des épisodes homophobes, j’ai entendu cet argument : “on doit respecter ma religion qui fait que je trouve que l’homosexualité est une abomination”. Non, ceci n’est pas respectable. C’est abject.

On en arrive à des situations tellement ridicules que les gens ont pris l’habitude de respecter que quelqu’un ne mange pas de porc pour une raison religieuse. Mais en revanche, les mêmes personnes se sentiront libres de se moquer ou de refuser que quelqu’un ne mange pas de porc pour une raison rationnelle (le végétarisme).

De même, il n’y a rien de respectable quand quelqu’un nie les découvertes les plus élémentaires de la science au nom de sa religion. Quand le créationnisme prétend que les dinosaures n’ont pas existé, quand les mêmes clament que la Terre est plate et n’a que 10 000 ans (conforme à la datation de la Bible) alors on ne peut pas respecter. Accepterait-on un crash d’un avion Air France avec comme excuse “la religion de l’ingénieur lui faisait croire que la Terre était plate et donc il ne croyait pas au principe du GPS” ?

Toute idéologie peut être défendue mais aussi combattue. En tant qu’idéologie la religion peut donc être défendue mais aussi combattue. Personne ne songerait à dire “je suis de droite donc tu dois respecter mes convictions”. Ou encore “2+2=5 parce que c’est écrit dans mon livre”.

Pourtant on a encore des gens qui justifient les frontières d’un pays en arguant que la Bible est un texte historique. Cette position n’est pas respectable. Ce qui est respectable c’est de partir des faits historiques pour expliquer pourquoi ces frontières sont (ou ne sont pas, selon son avis) légitimes.

Un enfant est bien trop jeune pour ça

Si l’on se dit que les textes sont à prendre comme des grandes fables de La Fontaine avec des morales plutôt que des récits historiques, on peut extraire des choses intéressantes des textes sacrés. Il restera des passages impardonnables, comme ceux qu’on a vu plus haut. Mais on peut prélever les bonnes choses. C’est d’ailleurs pour cette raison que la majorité des croyants ne sombrent pas dans la violence.

Le problème c’est qu’un enfant est trop jeune pour ça. On lui inculque la religion à un âge où il n’a aucun esprit critique. C’est d’ailleurs l’âge où beaucoup croient au Père Noël. On peut donc lui faire gober n’importe quoi. C’est pourquoi il faut être extrêmement vigilant en tant que parent. Vous avez un être qui dépend entièrement de vous pour construire sa vérité, son rapport au monde. Et donc il va vous croire sans remettre en question. On m’a raconté l’histoire de Jésus comme une histoire vraie. J’ai pleuré en l’entendant. J’ai vibré quand il a ressuscité. On ne me l’a pas présentée comme une histoire à laquelle on choisit de croire ou non. On me l’a présentée comme la vérité.

Même si vous ne le forcez pas, un enfant n’est pas armé, son libre-arbitre n’est pas encore complet : il a tendance à vous croire sur parole et à être davantage influencé par le fait que tout le reste de la famille croit la même chose. Le consentement d’un enfant, ne vaut pas celui d’un adulte. Je répète : on est à un âge où on croit encore au Père Noël sans le discuter.

Pire encore, les religions carburent à la peur. Voici le verset écrit en première page de la Bible que mes parents m’ont donné quand je quittais le domicile :

La crainte de l’Eternel est le commencement de la sagesse; Tous ceux qui l’observent ont une raison saine. Sa gloire subsiste à jamais.

D’ailleurs, je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir peur en recopiant certains passages de la Bible, parce que l’enfant en moi a encore une peur bleue d’aller en Enfer à cause des relations sexuelles hors-mariage. J’ai 28 ans et j’ai encore peur en lisant ce texte. Je n’y crois plus mais la peur est encore ancrée profondément.

Le paradis c’est la carotte, l’enfer c’est le bâton. Et donc malheur à ceux qui ne croient pas. Quand j’étais enfant j’avais un esprit critique assez développé qui m’a valu des mésaventures que je vous épargne. Mais, en revanche, je savais que je ne pouvais pas remettre en question l’histoire de Jésus : car il faut croire pour être sauvé. Si je ne crois pas alors ma mort est définitive.

Or, la mort pour un enfant, ce n’est pas comme pour un adulte. Il n’est pas armé pour la comprendre. Et donc j’étais terrorisé à la fois par l’idée de la mort et l’idée de l’Enfer. Ce n’est pas par choix que j’ai cru en la résurrection : c’est par peur avant tout.

D’ailleurs, je me haïssais de ne pas croire assez fort. Je me haïssais de ne pas être capable de me sauver de la damnation en croyant.

Je me rappelle de ma soeur me disant en pleurant que je n’étais pas un assez bon chrétien, que même si j’étais gentil j’allais brûler en enfer et qu’elle ne savait pas quoi faire pour sauver mon âme. Ce sont des discussions que nous n’aurions jamais dû avoir à cet âge.

Il en va de même pour l’Apocalypse : ce livre effroyable qui raconte la fin du monde et rajoute qu’elle peut arriver à n’importe quel instant. Comment vous voulez terroriser davantage un enfant ? Je me réveillais au milieu de la nuit parce que je croyais avoir entendu les trompettes de l’Apocalypse. Allez savoir pourquoi, c’est la chose que j’avais le plus retenu : il y a avait des trompettes.

Un enfant manque d’esprit critique et n’a que peu conscience des enjeux. J’ai été entouré de figures bienveillantes dans la vie de tous les jours mais qui disaient que les musulmans étaient damnés quand elles parlaient d’autres religions. Que le Coran était un livre écrit directement par Satan. Je n’avais même pas rencontré un seul musulman de ma vie que j’avais déjà ce genre de phrase en tête. Et, encore une fois, c’était des gens parfaitement sympathiques qui me le disaient.

De même, comment voulez-vous qu’un enfant n’absorbe pas tout le sexisme de l’idéologie religieuse ? Elle s’ancre à des niveaux très profonds puisque l’enfant n’a pas encore de quoi se défendre intellectuellement. Si on lui dit que l’homme est le chef de la femme et bien l’homme est le chef de la femme, c’est tout.

Il en va de même pour la question sexuelle. Est-ce bien l’âge pour transmettre une idéologie aussi marquée et oppressante sur le sexe ? Je me rappelle de métaphores (dans des BD chrétiennes) qui se sont ancrées à jamais dans ma mémoire, comme :

On doit être vierge avant le mariage. Est-ce que tu aimerais manger les restes d’une pizza ?

Je vous laisse apprécier la grandeur et la classe d’une telle image, les dégâts qu’elle peut provoquer chez un humain qui n’a pas encore d’activité sexuelle. Et je ne vous parle même pas de la pression d’avoir des gens, des figures d’autorité, qui vous décrivent le sexe comme quelque chose de sale. Alors que vous-même vous ne savez pas encore ce que c’est.

On enseigne la philosophie en Terminale car on considère que les enfants ne sont pas mûrs avant. Alors pourquoi leur enseigne-t-on la religion dès le plus jeune âge. Ça ne devrait pas être l’inverse ? D’abord on enseigne l’esprit critique et ensuite on présente à l’enfant plusieurs religions en lui demandant s’il veut en choisir une ? Plutôt que de lui imposer la nôtre ?

Conclusion

Au risque de me répéter, je ne vous dis pas qu’on ne doit pas enseigner les religions. Mais, au vu de tous les dangers, j’aurais préféré qu’on me l’enseigne à un âge où j’avais déjà développé un esprit critique.

Il existe des leçons formidables dans les textes si on les prend avec le recul, le contexte, etc. David et Goliath par exemple. Mais on ne peut pas continuer à avoir autant d’indulgence pour le reste. Ce ne sont pas des idéologies innocentes ou sans danger.

De la même manière que l’alcool n’est pas sans danger. Donc il est interdit aux moins de 18 ans (oui, oui, même si on l’oublie souvent). Conduire une voiture n’est pas sans danger, donc on l’interdit aux moins de 18 ans. Et ce n’est même pas pour des raisons techniques : il y a des gens de 15 ans qui conduisent techniquement mieux que des gens de 45 ans. Mais on considère que c’est trop jeune pour bien avoir conscience des enjeux de vie et de mort sur la route.

Le vote n’est pas autorisé avant 18 ans, non plus. Parce qu’on considère qu’un mineur n’a pas encore le recul pour exprimer un avis politique. Donc on considère que quelqu’un est trop jeune pour savoir s’il faut ou non redistribuer les richesses plus équitablement mais pas pour accéder à des textes qui demandent des niveaux d’interprétation très poussés pour ne pas être dangereux ?

Ce qui m’interpelle c’est d’avoir aussi peu de conscience collective au sein des athées. Souvent par ignorance. Je ne compte plus le nombre de gens qui m’ont dit “la religion c’est l’amour” et sont tombés de leur chaise quand je leur ai montré des passages de la Bible. Parce qu’ils n’ont aucune idée de ce qu’est une religion.

D’ailleurs, vous avez régulièrement des caméras cachés de gens qui vont dans la rue en faisant croire qu’ils lisent le Coran et non la Bible. Car, pour une raison qui m’échappe, une partie des gens admet collectivement et bien volontiers que le Coran est violent mais ne l’admet pas pour la Bible. Alors que les cinq premiers livres (le Pentateuque) disent globalement la même chose.

L’autre intérêt d’attendre que les enfants soient mûrs (ce qui n’empêche pas de faire des initiations) c’est qu’on pourrait leur proposer un choix de religions. Ils pourraient donc choisir la religion qui leur va le mieux et non adopter celles de leurs parents. Ils pourraient aussi choisir de ne pas croire. Mais sans l’influence. Sans le manque d’esprit critique. Regardez les réactions de certains adultes quand on met une chanson Disney de leur enfance si vous voulez comprendre ce qu’est un impact durable sur un enfant.

Regardez le nombre de gens qui trouvent que, comme par hasard, la musique était mieux avant : pile entre leurs 8 et 18 ans, quand ils n’avaient pas d’esprit critique. Quand je regarde les anciens Power Rangers je trouve ça génial. Parce que je les ai découvert enfant. Quand je regarde les nouveaux, je trouve ça nul. Je vois toutes les failles : incohérences du scénario, cascades très mal exécutées, doublage énervant… Alors qu’objectivement on pourrait faire les mêmes critiques aux anciens.

Enfin, ça permettrait également de faire plutôt des initiations à la spritualité. Encore une fois, la spiritualité est incontournable dans une vie. Se demander pourquoi la mort devrait être une boussole, c’est de la spiritualité. Se demander pourquoi on fait tel métier et quel impact il a sur le monde, c’est de la spiritualité. À partir du moment où je me pose la question “quel est le sens de la vie”, c’est de la spiritualité. Et on peut faire de la spiritualité en dehors des religions pré-conçues. Pour laisser à chacun la liberté de trouver la spiritualité qui lui convient.

Hey ! Attends :D

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Annexes et sources

Pour ceux qui veulent développer leur spiritualité mais à qui aucune religion ne va :

La vidéo de Sophia Aram où elle affirme le lien entre persistance du sexisme et religion :

L’utilisation de la Bible comme document historique, moquée par un humoriste.

Comment la religion s’est posé en obstacle, article qui réfléchit à l’histoire des religions et pourquoi elles se sont mises à poser problème alors qu’elle partait d’une excellente intention :

Extrait d’un site chrétien qui explique ce qu’on doit penser de la fornication :

Tous les versets de la Bible utilisés

Jalousie : Exode 34:14

Homosexualité :Lévitique 20,13

Les règles : Lévitique 15:19–21

Meurtres ou guerre :Deutéronome 20: 16, 1 Corinthiens 7:38–39, Deutéronome 7: 15–16

L’homme est le chef de la femme : 1 Corinthiens : 11, 3–5 puis 8–9

Le Glaive : Ésaïe 65:12

Jésus n’est pas venu abolir : Matthieu 5:18

Sexisme : 1 Tim 2, 11–15, 1Corinthiens 14:35

Sexualité et fornication : Colossiens 3:5–6, Éphésiens 5:3

Le fils d’Abraham : Genèse 22:10–12

La crainte de Dieu : Psaume 111:10

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Nicolas Galita
Dépenser, repenser

Tu as aimé ce que tu as lu ? Ce n’était qu’un amuse-bouche. Je partage bien plus de contenu ici : https://nicolasgalita.substack.com