Pourquoi la police française est-elle si violente ?

Nicolas Galita
Dépenser, repenser
41 min readFeb 23, 2024

Bienvenue dans le troisième épisode de cette saga sur la police. Dans le premier on analysait les grandes causes de dysfonctionnement de l’institution :

On y avait notamment vu que La Police avait subi les attaques que les autres services publics ont subi. Que, malgré un discours de face pro-Police, les différent gouvernements depuis Sarkozy ont dégradé les conditions de travail.

Le tout se couple à une culture toxique qui règne dans la hiérarchie policière. Une culture que beaucoup de policiers comparent à la mafia : ne jamais dénoncer un camarade, toujours couvrir l’institution, laver son linge sale en privé…

On avait ensuite vu, dans un second épisode, pourquoi il y avait autant de racisme au sein de la Police :

Il y a un cocktail d’explications multiples et complexes mais l’une d’entre elles c’est justement qu’en échange des conditions de travails déplorables, la hiérarchie ferme les yeux sur les comportements racistes et sanctionne les personnes qui alertent. Parce qu’un policier raciste c’est aussi un policier efficace et susceptible d’accepter la politique du chiffre sans trop rechigner.

Il est désormais temps d’analyser la question des violences illégitimes. Ce qu’on appelle parfois les violences policières.

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La problématique des violences illégitimes

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Pourquoi dire violence illégitime ?

Parfois on parle de bavure policière. Je trouve que ça donne trop l’impression de simples accidents. Alors que certaines violences sont très conscientes.

On dit aussi “violences policières”. Moi le premier, quand je suis dans une discussion privée. Mais… je me suis rendu compte que le terme apporte de la confusion quand on le tient en public.

En effet on risque de s’embourber dans des débats avec des gens qui répliquent que la police a le droit d’être violente. Or, in fine, c’est vrai : la police exerce des violences légitimes.

Si la police tire sur quelqu’un qui s’apprête à tuer sa femme, qui s’en indignerait ?

En revanche, certaines violences sont illégitimes. En réalité quand on dénonce les violences policières ce qu’on veut dire c’est les violences policières illégitimes.

Alors, pour plus de précision c’est ce terme que je vais utiliser.

Le choc des gilets jaunes

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Beaucoup de personnes été choquées par la manière dont la Police a traité les Gilets Jaunes. En effet, on a vu se déployer en direct une avalanche de violences illégitimes. Avec notamment des mutilations.

C’était une des premières fois qu’on voyait autant de ces violences en direct dans les médias. Jusqu’ici elles avaient tendance à s’exercer dans les banlieues, à l’abri des regards et des caméras. Comme le rappelle très justement Mame-Fatou Niang :

« J’ai été assez étonnée des réactions « on peut pas voir ça en France en 2020 », « je ne reconnais pas ma France » mais il faut traverser le périphérique et demander à certaines personnes d’une certaine carnation : c’est leur quotidien depuis 30 ans, depuis 40 ans, depuis plus longtemps. » ¹

« Il faut les images pour qu’une partie de la population puisse enfin découvrir, puisqu’on en est là, à défaut de pouvoir croire l’expérience de personnes qui jusque là n’étaient pas crues » ²

« Je suis absolument pas surprise, les insultes raciales, les insultes homophobes (…) c’est le quotidien de beaucoup d’adolescents (…) dans les zones reléguées » ³

« J’aimerais insister sur cet aspect d’une nouveauté que la France a pu découvrir à l’occasion par exemple de la crise des gilets jaunes, de cette violence là qui devient visible car elle va s’abattre sur des corps normaux, sur des corps blancs, au coeur de Paris. Alors que c’est une violence qui,
lorsqu’elle s’abattait sur des corps dits racisés : noirs, arabes ou dans des endroits qui étaient considérés hors de l’Etat de droit (…) ces actions étaient absoutes et comprises » ⁴

« Là cette violence, parce qu’elle se généralise et qu’elle s’abat sur des corps différents (…) les gens sont horrifiés alors que moi, je ne suis pas blasée, mais toutes ces séquences me sont malheureusement très familières » ⁵

L’opinion publique s’est réveillée à ce moment. Mais ça ne veut pas dire que le problème est nouveau.

Coluche le disait bien avant

Expliquez-moi comment un policier qui fait son devoir tire toujours sur un arabe de dos, en tombant.

Expliquez-moi ce que les policiers foutent dans le dos des arabes avec un revolver à la main, et à chaque fois ils tombent ?

Racontez-moi pourquoi, du moment qu’il y a une raison moi j’suis d’accord. Le problème c’est que y’a pas de raison.

Enfin il y’en a une : c’est que les policiers se croient extrêmement couverts.

Moi je suis pour le principe de la police, personne peut être contre. Ce serait ridicule de dire qu’il faudrait pas de police. Enfin, je crois.

Mais je pense que les policiers devraient être mieux recrutés car y’a des lots.

(…)

On a vraiment l’impression d’être attrapé par une bande de brigands quand on va au commissariat, vraiment. Ça fait peur ⁶

Les rappeurs le disent également quasiment depuis le début du rap. Mais bon… je sais que, pour beaucoup, ce sera plus crédible de l’entendre de la bouche de Coluche.

C’est malheureusement une partie du problème : la police violente des personnes dont elle sait qu’elles ne seront pas crues. C’est parfois conscient avec des propos comme “mais qui va te croire ?”.

Le cas particulier du LBD (Flashball)

Parmi toutes les violences illégitimes, celles commises avec un LBD ou un flash-ball (ce sont deux marques concurrentes) sont de plus en plus pointées du doigt.

Certains pays ont même décidé que l’usage en soi des fusils à balle en caoutchouc était illégitime.

Déjà, il faut rappeler que malgré le concept qui semble presque mignon : lanceur de balle en caoutchouc… ce sont des armes qui peuvent tuer.

Les vendeurs de lanceurs de balles en caoutchouc (Flashball et LBD) ont longtemps nié cette possibilité. Elles poursuivaient même en justice les gens qui disaient ça. Mais c’est désormais impossible à nier. Plusieurs personnes sont mortes par l’effet direct d’un tir de LBD dans la poitrine ou la tête.

C’est d’ailleurs arrivé récemment pendant les émeutes de 2023 qui ont suivi la mort de Nahel :

Quand leurs effets étaient encore peu connus, les lanceurs de balles de défense ont fait couler beaucoup d’encre dans les revues scientifiques médicales.

À travers le monde, des médecins se sont interrogés sur les effets de ce type de munitions sur le corps humain, notamment en cas d’impact à la tête. Une donnée est frappante : la multiplication des lésions oculaires irréversibles.

Dans plusieurs cas, les balles en caoutchouc sont restées logées dans l’orbite oculaire des victimes. Nombreuses sont celles qui ont perdu un œil ou la vue. Les médecins semblent unanimes sur le fait qu’en raison des risques encourus, les tirs de balles en caoutchouc ne doivent absolument pas viser la tête.

Nombreux sont ceux qui mettent également en garde contre les risques provoqués par un tir de balle en caoutchouc au niveau de l’abdomen et de la poitrine, notamment lorsqu’il s’agit de tirs à courte distance.

D’après les études examinées et les médecins rencontrés par l’ACAT, des tirs atteignant une personne au thorax peuvent causer des blessures graves aux organes internes et provoquer des contusions pulmonaires sévères pouvant entraîner le décès.

Forts de ces constats, certains médecins recommandent que toute blessure à la poitrine causée par une arme intermédiaire d’impact à projectiles soit considérée comme potentiellement létale. ⁷

À l’origine on vendait les LBD comme un moyen de diminuer l’usage de l’arme à feu. Mais ça n’a pas été le cas. Les LBD sont utilisés dans des situations où le policier n’aurait pas fait usage de l’arme à feu. On le voit notamment en manifestation.

D’ailleurs, là encore c’est presque une exception française :

Le Flashball et le LBD ne repoussent pas, mais frappent. (…) Leur devise, c’est “en frapper un pour terroriser tous les autres”. ⁸

Le jeu en vaut-il la chandelle ? La réponse est non. D’autres pays l’ont compris et ont choisi de renoncer à utiliser ces armes en raison des conséquences disproportionnées qu’elles entraînent.

Contrairement au Taser les lanceurs de balles de défense sont peu utilisés par les forces de l’ordre étrangères.

Alors, pourquoi on a cet usage en France ? Si je te dis que c’est à cause d’une personne, tu devrais deviner qui…

Oui. Encore Sarkozy. À l’origine les CRS ont été réticents à s’équiper en LBD. Dès 1997, Christian Arnould, alors chef du bureau des équipements du service central des CRS, se montrait sceptique quant aux lanceurs de balles de défense.

« Symboliquement, en matière de maintien de l’ordre, cela signifie que l’on tire sur quelqu’un, alors que, depuis des années, on prend soin de tirer les grenades à 45 degrés, sans viser les personnes en face. Le Flashball implique une visée et un tir. » ⁹

Or, dans ces situations de foule, la visée est rendue difficile par la distance et le mouvement des personnes ciblées. Les tirs dans ces contextes occasionnent beaucoup de victimes mutilées.

Mais, en 2002, Nicolas Sarkozy va insister pour qu’on puisse “impressionner les voyous” avec. En effet, ce sont des armes qui ont des esthétiques militaires.

Au Nom du maintien de l’ordre : https://www.youtube.com/watch?v=KJRG-EUQJpg

Pour autant, les CRS restent réticents. Ce n’est pas un hasard si les mutilations au LBD sont souvent le fait de la BAC ou d’autres unités. Les CRS cherchent à gérer la foule. C’est leur expertise. Or, un LBD ne permet pas de gérer une foule, il permet d’en dégommer un dans la foule.

Je ne dis pas que les CRS ne l’utilisent jamais, mais c’est beaucoup plus rare. Et on revient au problème de mettre des profs d’anglais (BAC) pour donner des cours de maths (gestion de foule CRS).

Cf l’épisode 1 de cette saga pour approfondir sur le problème des policiers qui sont affectés à des missions qui ne sont pas celles de leur unité, pour lesquelles ils ne sont pas formées : https://medium.com/p/4ebe62feb46d

La doctrine imposée par la hiérarchie de la Police est toxique

Le constat est là : la Police française a un problème de violences illégitimes. Mais…

Il faut toujours rappeler que les policiers obéissent aux ordres

Quand on dit que les policiers commettent des violences illégitimes on oublie très souvent de préciser qu’ils suivent soit des ordres, soit des gestes appris à l’école. Ils sont rarement en improvisation.

On a vu dans l’article précédent à quel point la théorie de la brebis galeuse ne tient pas la route. Le pouvoir sait pertinemment ce qu’il fait. Sa Police n’est pas hors de contrôle, bien au contraire.

Par exemple, alors même que les instances européennes ont déjà alerté la France sur la dangerosité des clés d’étranglements, ce dernières sont enseignées dans les écoles. Alors qu’elles ont tué énormément de citoyens.

C’est d’ailleurs souvent la défense, logique, des policiers mis en cause : “j’ai appris ce geste à l’école de police”.

On peut trouver ça rageant, mais il n’a pas totalement tort. Pourquoi a-t-il appris ce geste à l’école s’il est si dangereux ?

Quand on dit que les policiers ont éborgné des gilets jaunes on oublie de dire que c’est le ministère de l’Intérieur qui l’a fait.

En leur donnant des LBD, en leur autorisant à tirer, en ne sanctionnant pas les tirs, parfois même en donnant l’ordre. Certaines unités de police ne peuvent agir en manifestation QUE si et seulement si un ordre du QG leur est donné.

Attention, je ne dis pas que le ministère ou la direction de la police cherche sciemment à éborgner. Je dis qu’elle autorise à effectuer des tirs de LBD dans la tête. Puis se lave les mains des conséquences.

Le policier sur le terrain n’est que le bras armé d’un cerveau. Ce cerveau c’est la hiérarchie de la police : les haut cadres et le ministère.

La police ne commet pas de “bavures” par hasard. C’est le ministère de l’Intérieur qui radicalise sa police. Au lieu de tenir son rôle d’autorité régulatrice il tient une position démagogique. Michel Delpuech, le prédécesseur de Didier Lallement (préfet de police de Paris) va jusqu’à affirmer que c’est grâce aux mutilations qu’on a évité d’avoir un mort pendant les Gilets Jaunes. Qu’on devrait se féliciter de n’avoir eu aucun mort.

Moi, je vais vous dire la chose suivante. On n’a pas eu de morts, ni d’un côté ni de l’autre. Le risque était là. Il n’y a pas eu de morts, il n’y a pas eu de morts. Retenez cela. ¹⁰

Le ministère dit en substance : vous pouvez commettre des violences en échange des conditions de travail horrible que je vous propose.

C’est bien le ministère de l’Intérieur français qui équipe les policiers de LBD (quand la plupart des autres pays s’y refusent car c’est trop dangereux).

C’est bien le ministère de l’Intérieur français qui couvre les policiers racistes.

C’est bien le ministère de l’Intérieur français qui autorise les clés d’étranglements.

C’est bien le ministère de l’Intérieur français qui décide du contenu de la formation des policiers.

Le problème de la formation

Le réalisateur Damien Salama a voulu faire un documentaire sur la formation des policiers. Problème : en se sachant filmés, il n’obtenait pas ce qu’il avait vu ou entendu via des témoignages.

Il a donc créé un film basé sur des témoignages de policiers anonymes. Ce qui va suivre est donc un échange fictionnel : ce sont des acteurs.

Contexte : ce sont des élèves CRS et ils commencent à débattre. En effet, comment faire pour séparer les bons des mauvais manifestants (sous entendu les casseurs).

Élève A : Ouais mais t’es d’accord qu’il faut faire la part des choses parfois ?

Élève B : Demande-leur, je sais pas, mais je dirais que non

Précision : l’élève B, on va le voir est en réalité d’accord avec le A. Il dit “je dirais que non” au sens de “je ne pense pas que ça soit ça que l’école veut nous dire”.

Élève A : Brigadier ? Là, dernièrement sur les manifestations Gilets jaunes on a bien vu que face à nous, il pouvait y avoir une diversité. Enfin, que… comment dire… Que chaque individu était très différent. On pouvait autant avoir des gens avec une attitude agressive à côté d’autres gens qui manifestent tout simplement dans leur droit.

Élève B : Ce qu’on veut savoir, brigadier, c’est comment on va faire pour isoler un groupe de casseurs tout en protégeant le reste de la manifestation.

Élève A : En gros, c’est ça.

Le formateur : Pff ça, c’est… Faire le distinguo est quasi impossible et de toute façon, on part du principe qu’une personne qui voit que ça casse, qui reste au milieu, elle cautionne. D’accord. Donc faut voir ça d’une certaine façon. Après, on aura toujours lors des interpellations. T’entends ? J’allais chez mon grand père. J’allais… Tu comprends ? Voilà. Il y a toujours ce phénomène de la flûte comme on l’appelle et auquel on ne prête pas attention parce que nous, on reste concentré. En gros, il faut prendre ça comme un jeu.

Élève C : C’est un jeu, ils nous casse les couilles, ils ont juste envie d’être dans leur rôle. Désolée, mais c’est ça…

Le formateur : Effectivement, c’est toujours la même comédie. Les gens aiment se faire peur. Et pour te répondre Aurélien, notre doctrine se base sur des analyses scientifiques. On n’invente rien. Une foule, globalement, c’est homogène. Donc le mouvement, les slogans, le bruit, tout ça, ça fédère, ça fait un corps, ça crée une masse. Le détail, on laisse ça aux copains de la BAC. Nous, on gère la masse, on est outillés pour ça. Et encore un truc : si tu parles aux gens en début de journée et qu’après on te donne l’ordre de charger, forcément, ils vont pas comprendre. Donc faut être cohérent.

Élève B : Mais du coup chef, on doit, on doit généraliser les gens qui sont dans la foule, on ne peut pas avoir un côté qui va différencier les personnes qui sont là pour manifester, ceux qui sont là pour, pour casser, faut qu’on faut vraiment.

Élève D : Tu veux leur faire remplir un sondage, pendant que t’y es ?

Élève B : Non mais c’est pas…

Le formateur : Visiblement, tu as plus d’expérience que moi. Tu vas peut être faire le cours à notre place.

Élève B : Non.

Le formateur : Hein ?

Élève B : Non, chef ! ¹¹

Ce qui est fou c’est que l’élève B pose une bonne question : comment différencier les manifestants des casseurs. On lui répond directement que y’a pas à faire cette différence. Un manifestant qui se tient à côté d’un casseur est complice.

Donc tous les manifestants sont vus comme des complices des casseurs, ce qui justifie la violence.

Quand il insiste, on l’humilie en lui demandant s’il veut faire cours à la place du prof.

Le tout en ayant prétendu que cette philosophie se base sur des principes scientifiques. Alors que la police allemande fait exactement l’inverse précisément parce qu’elle se base sur des principes scientifiques : communication, désescalade…

Et là, pour le coup, c’est un reportage ¹² :

Un rapport instrumental à la loi

Tu te rappelles de ce syndicaliste policier qui criait le problème de la Police, c’est la justice ?

D’où ça vient ? Du fait que la doctrine du ministère de l’Intérieur français c’est de chercher l’ordre et non le respect de la loi.

D’ailleurs les ministres aiment bien dire les forces de l’ordre.

Sauf que l’ordre et la loi sont deux concepts différents. On le voit sur la sévérité à géométrie variable sur les drogues. Les policiers n’arrêtent jamais les jeunes des beaux quartiers qui fument du cannabis. Ils comprennent que même si c’est illégal, ça n’est pas du désordre.

À l’inverse, ils vont contrôler des jeunes de banlieues uniquement parce qu’ils marchent dans Paris. Ils comprennent que même si c’est légal, c’est du désordre.

il y est largement admis que les policiers de rue cherchent moins à faire respecter la loi — qu’ils connaissent rarement et ne peuvent d’ailleurs jamais maîtriser parfaitement — qu’à maintenir l’ordre social comme incarnation publique de la loi et de l’État.

Parmi ces études, les perspectives critiques insistent sur le fait que la police défend moins l’ordre national établi qu’un ordre en formation permanente, un « ordre en train de s’établir, à partir du désordre et à travers lui ».

C’est un point important : il s’agit d’analyser la production de violence policière comme un processus traversé de contradictions et lié à des rapports de forces en transformation constante. Ces études débattent généralement pour savoir si c’est l’intensité des inégalités ou la peur ressentie par les policiers qui déterminent principalement leurs pratiques de brutalisation.

Car il semble en effet que la perception d’un environnement hostile et « l’indice d’exposition du policier à l’agression violente » entrent en jeu. S’il est évident, lorsque l’on regarde depuis le champ de bataille, que la brutalisation policière n’est pas toujours déterminée par de la peur ou des menaces réelles, la question du rapport de forces semble bien décisive, mais elle reste déterminée par la race et la classe ¹³

On crée volontairement des cibles pour la Police

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Désigner un quartier comme sensible ou prioritaire permet d’y déployer des unités de polices spécialisées pour systématiser l’agression de ses habitants ¹⁴

On a volontairement créé des banlieues (qu’on appelait à l’époque des cités de transit). C’est un choix politique, d’ailleurs dans beaucoup de pays la banlieue n’existe pas et les populations pauvres habitent plutôt au centre-ville.

Or, dans ces banlieues, loin du regard du centre-ville on peut déployer une police d’exception qui va harceler les habitants.

On les désigne comme des zone de non-droit, ce qui permet ensuite de se comporter au mépris du droit.

Le déni du ministère aggrave la situation

Au lieu d’essayer de faire de la transparence, le ministère de l’Intérieur arbore une position de déni stratégique et démagogique. Pour cajôler ses policiers. Sauf que ce déni aggrave la situation et la défiance de la population.

Quand on écoute le secrétaire d’état du ministère de l’intérieur c’est flagrant. Un journaliste lui demande si des verbalisations illégitimes ont eu lieu pendant le confinement :

- Vous répondez à côté de la question. Vous n’avez pas l’air de considérer qu’il peut exister une différence de comportement des policiers selon les populations. Il y a pourtant une histoire du contrôle d’identité en France. En 2017, une enquête du Défenseur des droits montrait que la probabilité d’être contrôlé était 20 fois plus élevée pour les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes que pour les autres personnes interrogées. C’est dans ce contexte qu’a débuté l’état d’urgence sanitaire…

— Non, le contrôle est fait quand des personnes se déplacent — et on vérifie si elles sont habilitées à le faire — ou quand elles se rassemblent sur la voie publique. Aucun critère comme ceux que vous venez de citer n’entre en ligne de compte. Les policiers sont-ils plus sévères en Seine-Saint-Denis que dans d’autres territoires ? Je ne le pense pas. Pour les contrôles des personnes qui circulent, l’attestation est valable ou pas : si elle ne l’est pas, on verbalise.
¹⁵

Voilà. Juste “non”. Il ne prend pas le temps de dire que les faits constatés en 2017 sont grave. Il les nie.

Il en va de même du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin qui déclare : “Quand j’entends le mot violences policières, je m’étouffe”.

Au déni, il rajoute ici la provocation puisqu’il fait cette déclaration peu de temps après la mort de George Floyd qui est mort sous le genou d’un policier américain en disant “I can’t breathe” (je ne peux plus respirer).

Il rajoute : “La police exerce une violence, certes, mais une violence légitime”

Et on revient à ce que je disais : le détournement de l’expression violences policières. C’est le point faible de ce mot puisque le ministère aura beau jeu de dire bien sûr que y’a une violence mais une violence légitime.

Sauf que, on l’a dit, quand on dénonce les violences policières ce qu’on dénonce en réalité ce sont précisément les violences illégitimes.

Par exemple si, toutes choses égales par ailleurs, une violence est exercée davantage sur les personnes qui ne sont pas blanches alors elle est nécessairement illégitime.

Ceci étant dit… Lino avait-il raison de rapper dans Sentier de Gloire :

Quand un flic tire, souvent, un nègre ou un bicot meurt

Il semblerait que oui.

D’après les données recueillies par l’ACAT, les membres de minorités visibles représentent toujours une part importante des personnes victimes.

C’est particulièrement le cas concernant les décès. Sur les 26 décès survenus dans le cadre d’opérations de police ou de gendarmerie et examinés par l’ACAT, au moins 22 concernaient des personnes issues de minorités visibles.

La différence de traitement est régulièrement mise en avant :

Plusieurs témoignages soulignent le traitement différencié de l’État face aux violences des manifestants selon les publics qui l’exercent.

Tandis que certaines manifestations entraînent un fort déploiement de la force publique, d’autres semblent provoquer un usage de la force moindre.

Selon Christian Mouhanna, sociologue spécialiste de la police que l’ACAT a rencontré dans le cadre de son enquête, « alors que les agriculteurs peuvent manifester de façon violente, la
police — et l’État — sont beaucoup plus cléments avec eux qu’avec les jeunes des quartiers dits sensibles. Il y a des gens qui ont le droit d’allumer des feux et
d’autres pas. »

De même, Noël Mamère affirmait dans le cadre d’une commission d’enquête parlementaire sur le maintien de l’ordre que « les forces de l’ordre sont particulièrement clémentes avec des agriculteurs suréquipés, qui peuvent détruire la préfecture de Morlaix et provoquer de graves dégâts, sans être inquiétés. » ¹⁶

Le problème c’est que cacher ses faiblesses c’est ce priver la possibilité de s’améliorer. Là où au Canada, il y a eu un changement de doctrine (qui a d’ailleurs permis de diminuer drastiquement le nombre de suicides chez les policiers).

À cet égard, d’autres pays ont adopté des pratiques bien plus transparentes. À Montréal, le service de police de la ville publie chaque année le nombre de blessés ou de tués au cours de poursuites automobiles, le nombre d’incidents liés à des armes à feu, ou encore le nombre d’utilisations par les policiers d’armes intermédiaires. Aux États-Unis, le Bureau fédéral des statistiques judiciaires propose un recensement des personnes décédées au cours d’interventions policières ¹⁷

L’impunité

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Pire encore, même quand la violence illégitime atteint son point culminant : un meurtre, les policiers restent en impunité.

Si les faits ne sont pas filmés, la hiérarchie couvre avec des faux en écriture. S’ils le sont on déchaîne les syndicats dans les médias pour dire que la victime était un délinquant et qu’elle méritait son sort.

C’est toujours le même mécanisme.

Il faudrait un article à part entière pour raconter les dizaines de meurtres perpétrés par des policiers. En voici un seul, mais qui est représentatif du mécanisme, celui d’Ali Ziri.

Le 9 juin 2009, Ali Ziri, retraité algérien de 69 ans, est menotté sur le sol du commissariat. Il restera comme ça, par terre dans son vomi, pendant 1h15. Il meurt 2 jours plus tard, à l’hôpital.

Que s’est-il passé ? Ce qu’on sait c’est qu’il était le passager d’une voiture conduite par son ami de 61 ans : Arezki Kerfali.

Ali est de passage en France pour le mariage de son fils. Les deux amis fêtent leurs retrouvailles et boivent. Le conducteur est donc en infraction puisqu’il conduit en état d’ivresse.

Selon les policiers, ils ont été arrêté. Ils obtempèrent. Ils sont interpellés. À partir de là ce qui se passe est très flou car nous n’avons que la version des policiers.

La policière présente déclare qu’Ali Ziri est menotté sur le siège arrière de sa voiture. Mais qu’il s’agite.

Alors elle lui applique la (dangereuse) technique du pliage durant quelques minutes.

Cette technique a déjà tué, 6 ans auparavant, un jeune de 24 ans en bonne santé. Donc on sait à ce moment que c’est dangereux. Les policiers ramènent les deux hommes au commissariat.

Et là il y avait des caméras de vidéosurveillance donc la suite est beaucoup moins floue…

« Ali Ziri est littéralement expulsé du véhicule (…), il est dans un premier temps jeté au sol puis saisi par les quatre membres, la tête pendante sans réaction apparente, et emmené dans cette position jusqu’à l’intérieur du commissariat »¹⁸

On les met sur le sol. Ils vomissent. On les laisse dans leur vomi. Tout le monde les voit. Un témoin déclare qu’un policier serait même venu utiliser la tête d’Arezki comme une serpillère en disant « tu vas essuyer » puis en joignant le geste à la parole avec à son pied.

Ils restent là pendant environ une heure et demie avant qu’Ali soit finalement emmené à l’hôpital où il mourra.

Après 6 ans de bataille judiciaire et malgré les vidéos et les autopsies qui montre qu’Ali a bien été asphyxié, la justice française déclare un non-lieu…

Alors, la famille continue jusqu’à la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Cette dernière dit qu’il est impossible de certifier que la technique du pliage a tué Ali.

Et que de toute façon elle était proportionnée à la situation MAIS… que ce qui est intolérable c’est qu’ensuite un homme si vieux, dans un état d’ébriété et en train de vomir, ne soit pas pris en charge médicalement. Qu’il soit laissé par terre de manière inhumaine et dégradante pendant plus d’une heure.

Voilà.

Typique des histoires que j’ai pu lire. Sauf que d’habitude ça s’arrête au non-lieu. Et quand y’a une condamnation c’est de la prison avec sursis.

En résumé on a un mélange de ces ingrédients :

1) La plupart du temps la victime n’est pas blanche

2) Les policiers commencent par rédiger une fausse version (ce qui est illégal mais jamais sanctionné)

3) Si c’est possible on essaie de faire croire que la victime est morte d’autre chose

4) On insiste sur le fait que la personne était en infraction et quand c’est possible on exhume son casier judiciaire

5) Le procureur de la République demande un non-lieu

6) Quand la famille va au bout ça dure des années pour un résultat maigre.

Le pouvoir radicalise lui-même sa Police

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On l’a vu, le pouvoir fait le choix démagogique du déni. Sauf que :

Si le but recherché c’est que les policiers se sentent mieux paradoxalement ce serait pas con de leur demander de se comporter mieux. Mais c’est pas du tout le discours des syndicats de police avec leurs propositions démagogiques et répressive ils ne font qu’entretenir le cercle de la violence et de la défiance.¹⁹

Encore une fois, le changement de doctrine au Canada, a débouché sur une diminution des suicides de policiers. Traiter la police comme une enfant gâtée qui peut faire tout ce qu’elle veut n’est pas lui rendre service.

Mais pourquoi le pouvoir se comporte-t-il ainsi ? Beaucoup de gens avancent l’idée selon laquelle un pouvoir qui cherche à faire passer des réformes de casse sociale, a trop besoin de sa police pour faire autrement.

Il y a probablement du vrai, mais on oublie une dimension essentielle : depuis 2016 la peur et l’angoisse ont explosé chez les policiers. À cause d’un double événement.

L’impact anxiogène des attentats de Magnanville et Viry

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On se souvient des attentats du Bataclan mais moins de l’attentat de Magnanville.

J’en ai parlé dans l’épisode précédent donc je te remets l’extrait tel quel :

L’attentat de Magnanville a été perpétré par un terroriste se réclamant de Daesh. Il a pénétré dans le domicile d’un couple de policiers. Il attend Jean-Baptiste Salvaing dans son jardin et le poignarde à neuf reprises.

Puis, le terroriste prend Jessica Schneider, la femme de Jean-Baptiste, en otage avec leur fils de 3 ans et demi.

Quand il comprend que le RAID va intervenir, il décide de lui trancher la gorge. Devant son fils.²⁰

Horreur absolue. On vient les tuer chez eux et non plus seulement en mission.

Je ne mentionne pas le nom du terroriste car une des manières de lutter contre est selon moi de ne pas en faire des héros (même négatifs) dont les noms atteignent la postérité. Je préfère que dans 20 ans on se rappelle du nom des victimes, jamais de celui des terroristes.

Et… moins de quatre mois plus tard a lieu la tentative de meurtre de Viry-Châtillon.

L‘affaire dite des « policiers brûlés à Viry-Châtillon » débute le 8 octobre 2016 vers 15 h par l’attaque de deux voitures de police postées en observation au carrefour menant à La Grande Borne, un quartier de Viry-Châtillon (Essonne) connu pour ses nombreuses agressions.

Une vingtaine de personnes s’en prennent au véhicule à coup de barres de fer et de pierres, puis jettent des cocktails Molotov en direction des agents à l’intérieur des voitures. Une policière est grièvement brûlée aux mains et aux jambes tandis que le pronostic vital d’un adjoint de sécurité très grièvement brûlé est engagé. ²¹

L’enchaînement de ces deux événements va déclencher un ras-le-bol et une angoisse chez les policiers, un sentiment d’abandon par l’état. Au lieu d’améliorer les conditions de travail et la protection de ses fonctionnaires, le pouvoir choisit plutôt d’attiser les passions réactionnaires, main dans la main avec les syndicats d’extrême-droite.

Quoi de mieux que des attentats pour fanatiser une population ?

Le pouvoir est coupable de dégrader la Police, par son laxisme

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Paradoxalement, si on veut que les policiers se sentent mieux il vaudrait mieux leur proposer une autorité bienveillante qui est intransigeante avec les abus. En échange de conditions de travail décentes.

Comme avec un enfant. La bienveillance est vitale mais il faut quand même un cadre, notamment pour empêcher l’enfant de se blesser physiquement.

Là c’est pareil : la police se fait mal à elle-même en se comportant ainsi. Car la confiance des citoyens chute en retour. Ça crée une spirale négative.

Si on leur demandait de mieux se comporter (et évidemment qu’on mettait fin au management inhumain) alors on enrayerait le mal-être des policiers.

Il y a d’autres doctrines

On l’a évoqué : Canada et Allemagne gèrent différemment.

Mais même en France, n’oublions jamais qu’il existe un deuxième corps de Police : la Gendarmerie. Or, quand on écoute le discours des dirigeants de la Gendarmerie on sent directement une autre doctrine. Ici par exemple à propos de l’affaire Nahel, le directeur de l’organisme de contrôle de la gendarmerie (IGGN) s’exprime :

Le refus d’obtempérer. Je mettais dans mon rapport d’activité qui, je l’ai dit, parut il y a un mois, donc bien avant le décès de Nahel, je disais que nous n’avions aucun mort lié à l’action des gendarmes, même si je vous rappelle que nous avons eu 30 tirs de gendarme pour immobiliser des véhicules, notamment sur les roues.

Mais ces 30 tirs, je le dis, sont pratiquement inutiles. D’ailleurs, les Allemands ne tirent pas sur les véhicules parce que vous n’arrêtez pas un véhicule avec une arme à feu. Quand vous êtes en danger, quand on fonce sur vous, que le gendarme, il sauve sa vie ou celle de son camarade, c’est normal, on appelle ça de la légitime défense et c’est le code pénal qui le prévoit. Et ça, on l’applique, il n’y a pas d’échappatoire.

Après, ce que je veux vous dire, c’est que pourquoi j’étais fier de dire que nous n’avions aucun ? Parce que j’ai bien vu qu’il y avait une sensibilité. Je vous parlais tout à l’heure des kits pédagogiques. Là, c’est un kit pédagogique qui a été diffusé fin octobre, début novembre et vous pouvez le regarder, il porte sur les refus d’obtempérer. Il est arrivé dans toutes les brigades et on a rappelé aux brigadiers quelles étaient les conditions d’usage des armes.

Avec quelque chose que vous connaissez, une structure que vous connaissez qui s’appelle le Centre de Formation qui est à Saint-Astier, qui s’occupe de l’intervention professionnelle comme du maintien de l’ordre, nous avons arrêté une infographie sur comment arrêter un véhicule en mouvement avec l’obligation d’essayer de travailler dans la profondeur.

Vous voyez qu’il y a toute une démarche pédagogique et le travail que j’initie avec mes personnels et vous avez vu, ils sont peu, les 117. Quand nous avons des résultats, quand nous avons des retours, quand nous avons une baisse de l’adversité, quand nous avons une baisse des tirs, quand nous avons une baisse du nombre de saisines graves, une saisine pour des faits de racisme. Une saisine pour des faits de racisme en 2022, nous en sommes, je le dis, légitimement fiers et il n’y a pas lieu d’être pas fiers de certains résultats. ²²

Bien sûr ça ne veut pas dire que la Gendarmerie est exemplaire mais ça explique probablement pourquoi elle a une meilleure réputation que la Police.

Ne parlons même pas de la doctrine anglaise qui ferait faire des cauchemars aux syndicats policiers français d’extrême-droite :

Il n’y a que 5% des policiers britanniques qui sont autorisés à porter des armes à feu.

Non seulement 19 policiers sur 20 ne sont pas armés mais en plus : ils ne le veulent pas.

En 2010, à la suite de la blessure grave d’un officier non armé lors d’une attaque au couteau, le président du Police Memorial Trust, Michael Winner déclara qu’il avait rendu hommage à 44 agents et qu’il pensait qu’il était « presque certain qu’au moins 38 de ceux-ci [les policiers] seraient encore en vie s’ils avaient été armés ».

En réponse, le président de la Metropolitan Police Federation Peter Smyth dit : « Un grand nombre de policiers ne veulent pas être armés. Nous ne voulons pas un appel aux armes, je ne pense pas que ce soit nécessaire ».

Les enquêtes menées par la Fédération de la police d’Angleterre et du Pays de Galles continuèrent de montrer une résistance considérable des policiers à être armés au quotidien. Dans la plus récente enquête, datant de 2006, Agent/Armement de la Fédération, 82 % des agents ayant répondu étaient contre l’armement au quotidien de la police, bien que 43 % soutenaient une augmentation du nombre d’agents formés et autorisés à utiliser des armes à feu ²³

Ce qui est fou c’est que c’est vraiment ancré dans la culture. Ça ne date pas d’hier. Mais de 1829 !

Car, avant ça, l’armée britannique occupait la fonction policière et ça a créé un traumatisme dans la population. Voilà pourquoi, à la création de la police, on a posé les bases d’une doctrine qui s’appelle La police par consentement.

Voici comment la résume GPT :

Le concept de la “police par consentement” est fondamental dans la philosophie du maintien de l’ordre au Royaume-Uni, et il est souvent attribué aux principes établis par Sir Robert Peel, le fondateur de la Metropolitan Police de Londres en 1829.

Ce concept repose sur l’idée que la légitimité de la police découle de l’approbation et du consentement du public, plutôt que du pouvoir de l’État ou de l’autorité imposée. Voici quelques-uns des principes clés qui sous-tendent la police par consentement :

  1. La police est le public et le public est la police : Ce principe souligne que la police n’est pas une force séparée du public mais en fait partie. Les officiers de police sont des citoyens en uniforme, chargés de maintenir l’ordre au nom de leurs concitoyens.
  2. La prévention du crime plutôt que la répression par la force : La police par consentement met l’accent sur la prévention du crime comme son objectif principal, cherchant à réduire la nécessité d’utiliser la force pour maintenir l’ordre public.
  3. L’importance de la coopération du public : Le maintien de l’ordre dépend de la confiance et de la coopération entre la police et le public. La police doit donc travailler pour gagner le respect et l’approbation du public, garantissant ainsi leur soutien volontaire.
  4. L’usage de la force en dernier recours : Bien que la police soit équipée et autorisée à utiliser la force si nécessaire, ce principe stipule que la force doit toujours être proportionnée, minimale et utilisée uniquement comme dernier recours.
  5. La responsabilité envers la loi : La police doit exercer ses fonctions avec intégrité et respect de la loi, garantissant que leur pouvoir est exercé de manière juste et non arbitraire.

Le concept de police par consentement reflète une approche communautaire de la sécurité publique, où le maintien de l’ordre est accompli avec le soutien et sous le contrôle de la communauté, plutôt que par la peur ou la contrainte. Cette approche cherche à établir une relation de confiance mutuelle entre la police et le public, ce qui est essentiel pour une société démocratique.

Est-ce que ça a été un long fleuve tranquille ? Non. Y’a eu des meurtres de policiers qui ont ému le grand public et qui ont fait monter le taux d’armement de la police britannique. On est monté jusqu’à 17% (ce qui est dérisoire comparé à la France où nous on parle plutôt d’armer les policiers même hors de leur service).

Mais après plusieurs affaires inverses où ce sont des policiers qui ont injustement tué des civils… on est revenu au taux de 5–7% :

La question de l’armement au quotidien en Grande-Bretagne fut soulevée après l’affaire Derek Bentley en 1952, dans laquelle un agent de police fut tué et un sergent gravement blessé, et de nouveau en 1966 après le massacre de Braybrook Street, dans laquelle trois policiers de Londres furent tués.

En conséquence, environ 17 % des agents à Londres furent autorisés à porter des armes. Après la mort d’un certain nombre de civils, dans les années 1980, tués sur la police, le contrôle des armes fut considérablement renforcé, de nombreux agents eurent leur autorisation de port d’arme révoqué, et la formation pour les autres fut grandement améliorée.

En 2005, environ sept pour cent des agents de police à Londres était formés à l’utilisation des armes à feu. Les armes à feu n’étant délivrées à un agent qu’avec des directives strictes ²⁴

Et quand il y a une situation qui nécessite une arme à feu et bien les policiers non armés, appellent les policiers armés qui viennent à bord d’Armed Response Vehicles, pensés pour être sur place rapidement 24h/24, 7 jours sur 7.

C’est fou parce que je suis sûr que si demain on proposait de désarmer les policiers français il y aurait une bronca générale.

Si les gardiens ne sont pas gardés ça ne peut pas bien se passer

Si les policiers n’ont pas de vrai contre-pouvoir pour limiter les abus, peut-on s’étonner qu’il y ait des abus ?

On parle beaucoup du fait que l’IGPN (la police des polices) ne soit pas indépendante. C’est effectivement un grave problème : l’IGPN est sous l’autorité directe de la DGPN (la direction générale de la police nationale).

Mais ce n’est qu’une partie de l’équation. En effet, il y a une multitude d’autres barrages à la régulation des abus commis par des policiers. J’en ai identifié 8 principaux (mais la liste n’est pas forcément exhaustive).

Voilà le manuel des 8 barrages à placer sur la route de la régulation des policiers.

Préparation du terrain : les fausses déclarations

Photo by Bernard Hermant on Unsplash

Ce n’est pas la première étape, c’est l’étape zéro. Celle qui permet d’étouffer les procédures.

« La police est une institution qui a mille moyens en sa possession pour altérer la vérité. Les policiers ont la compétence technique des dossiers (…). Ils s’estiment seuls aptes à juger de la violence nécessaire. Les violences sont le fait le plus grave dans l’éventail des fautes, mais c’est celui qui se livre le plus facilement à la réécriture en l’absence de témoin. » ²⁵

On l’a vu dans plusieurs affaires médiatiques où la vidéo est venue contredire la version policière. Je dis LA version policière car les policiers se mettent souvent d’accord sur une et une seule version.

Il y a de nombreux faux en écriture. Le faux en écriture est déjà un délit pour un citoyen lambda. Mais c’est un crime quand c’est un policier qui le fait. En théorie.

Je dis bien “en théorie”, car dans la pratique les faux sont très courants dans la Police et très rarement condamnés.

Au regard de la multitude d’histoires dans lesquelles les faux en écriture publique ne sont pas ou peu poursuivis, les avocats en sont persuadés : les policiers écrivent ce qui les arrangent sur les procès-verbaux. Et le témoignage de six policiers dans un livre paru le 1er décembre, Police : la loi de l’omerta, confirme cette facilité à produire des faux. ²⁶

La commission nationale de déontologie de la sécurité était une autorité indépendante créée par le gouvernement Jospin pour veiller au respect de la déontologie dans la Police. Elle a été supprimée par le gouvernement Sarkozy.

Durant ses 10 années d’existence elle a eu le temps de mener des enquêtes et de rédiger des rapports. L’un d’eux est édifiant :

Au vu d’auditions de fonctionnaires de police menées depuis quatre ans, la Commission constate qu’un esprit de corps conduit des fonctionnaires à se solidariser et à uniformiser leurs dépositions au risque de couvrir les actes illégaux de collègues. Cette observation rejoint l’analyse du CPT dans son rapport 2004.²⁷

Combien d’affaires n’ont pas éclaté parce que l’absence de vidéos nous empêche de mettre à jour les fausses versions ?

Premier barrage : la police refuse les plaintes contre des collègues

Photo by Claudio Schwarz on Unsplash

Le premier barrage est le plus simple : si un citoyen essaie de déposer plainte contre la police, la police l’en empêche.

Voilà pourquoi de plus en plus de victimes vont porter plainte à la gendarmerie (ou inversement quand c’est un gendarme qui a dérapé)

Lorsqu’il s’agit de déposer plainte auprès d’un policier ou d’un gendarme concernant des faits commis par un membre du corps auquel il appartient, il n’est pas rare de se voir opposer un refus.

À de très nombreuses reprises, la CNDS puis le Défenseur des droits ont dénoncé ces pratiques. La CNDS constatait ainsi en 2010, et ce pour la dixième année consécutive, des refus de la part d’agents d’enregistrer des plaintes contre les membres du corps auquel ils appartiennent.

Des témoignages de refus de plainte ont également été portés à la connaissance de l’ACAT au cours de son enquête. Plusieurs avocats rencontrés estiment que les refus de plaintes dans des affaires d’usage excessif de la force par la police ou la gendarmerie sont fréquents.

Certains ont ainsi expliqué à l’ACAT qu’ils conseillent désormais à leurs clients d’adresser leur plainte directement au procureur de la République, afin de leur épargner des démarches inutiles. ²⁸

C’est le cas par exemple dans le cas de la mort de Claude Jean-Pierre, un homme âgé d’une soixantaine d’années qui a trouvé la mort en Guadeloupe suite à une interpellation violente et apparemment sans raison valable de gendarmes.

La famille a d’abord essayé de porter plainte à la gendarmerie : refus catégorique.

Cette technique est très efficace. Il en existe une variante : dissuader la personne plaignante en lui expliquant la longueur des procédures et la faible probabilité de gagner.

Deuxième barrage : discréditer la victime dans les médias

Photo by Ricardo Lopez on Unsplash

Chaque fois c’est la même chose. Les syndicats de police, les chefs de la police et le procureur font des déclarations en faveur de la police. Parfois sans disposer du moindre fait (je le dis comme ça pour ne pas les accuser de mensonge conscient).

L’exemple le plus caricatural c’est l’affaire Geneviève Legay où cette manifestante pacifique de 73 ans est très gravement blessée après avoir été projetée au sol par un policier.

Les policiers insistent auprès de Geneviève Legay pour qu’elle déclare que c’est un journaliste qui l’a poussée.

Puis le procureur de Nice confie l’enquête à la femme du commissaire incriminé. Alors qu’elle faisait partie des policiers présents à la manifestation. Il déclarera “je ne vois pas en quoi ça pose un problème”.

Il déclare également que la chute de Geneviève Legay n’a pas été provoquée par un policier. Il va jusqu’à affirmer que c’est ce que montre une vidéo (qui n’est évidemment pas accessible au public) :

Ce dont on est sûr aussi à la vue des images, pixels par pixels, c’est qu’elle n’a pas été touchée par les forces de police, par un bouclier ou par un homme ²⁹

Puis c’est carrément le président de la République qui s’en mêle :

« Je souhaite d’abord qu’elle se rétablisse au plus vite et sorte rapidement de l’hôpital, et je souhaite la quiétude à sa famille. Mais pour avoir la quiétude, il faut avoir un comportement responsable », a déclaré le président de la République dans son interview au quotidien niçois.

« Je lui souhaite un prompt rétablissement, et peut-être une forme de sagesse », a-t-il ajouté. « Quand on est fragile, qu’on peut se faire bousculer, on ne se rend pas dans des lieux qui sont définis comme interdits et on ne se met pas dans des situations comme celle-ci », a-t-il poursuivi, tout en soulignant que « cette dame n’a pas été en contact avec les forces de l’ordre ». ³⁰

Heureusement, deux vidéos de presse (France 3 et Cnews) ainsi qu’une photographie vont permettre à l’avocat de prouver que c’est bien un policier qui a poussé sa cliente.

Le procureur rétropédale et change de version… il dit désormais que c’est bien un policier qui l’a poussée mais se demande si c’est volontaire.

Photo by Jon Tyson on Unsplash

Pour rappel, le procureur est censé être la personne qui cherche et fait chercher les infractions. Pour caricaturer c’est l’inverse de l’Avocat de l’accusé. Dans des affaires normales il est donc la personne qui accuse.

Sauf que… ce n’est pas le cas quand un policier est en cause. Déjà parce qu’il a un lien hiérarchique avec la police. C’est là que l’expression Procureur de la République prend tout son sens : quand c’est un policier qui est mis en cause il est du côté de l’accusé. Car il estime que la République c’est le policier, pas le citoyen.

Cette histoire est symptomatique. J’ai volontairement pris une histoire où ce sera impossible de mettre en cause Geneviève Legay, une femme de plus de 70 ans qui se baladait avec un drapeau pacifique.

Même dans ce cas, on cherche à la décrédibiliser en disant qu’elle est tombée toute seule ou à se demander pourquoi elle manifeste à cet âge.

Bien sûr, quand les affaires concernent des personnes qui commettaient une infraction cette technique tourne à plein régime.

Voilà comment le raconte Nathalie Torselli, mère de Quentin Torselli, blessé par flashball en 2014 :

[Les proches] vont devoir vivre avec le ressenti très net que leur fils, leur frère, leur ami est désormais perçu comme un individu dangereux selon l’idée répandue par la police et les responsables politiques, et entretenue par une certaine presse, que s’il a été blessé par la police, c’est qu’il l’a bien cherché et qu’il l’a mérité. » ³¹

Troisième barrage : le procureur de la République demande un classement sans suite

Photo by Tony Hand on Unsplash

On vient de voir le rôle des procureurs de la République en cas de violences illégitimes d’un policier.

Mais ça ne s’arrête pas à l’impact médiatique. Les procureurs vont carrément demander des classements sans suite.

Ils n’ont pas le pouvoir de l’imposer. Les familles peuvent saisir un juge d’instruction qui a le pouvoir de passer outre. Sauf que ça dissuade énormément de familles de continuer.

Après un classement sans suite, ou lorsque le procureur ne s’est pas prononcé dans un délai de trois mois, les plaignants peuvent en effet se constituer partie civile.

La constitution de partie civile entraîne systématiquement la saisine d’un juge d’instruction et permet d’accéder au dossier. Cependant, les décisions de classement sans suite du Parquet sont rarement suivies de contestation, de citation directe ou de plainte avec constitution de partie civile par le plaignant, comme l’a confirmé à l’ACAT le procureur de la République de Seine-Saint-Denis.

Se constituer partie civile nécessite, pour les victimes et leurs familles, des ressources économiques et culturelles qui ne sont pas accessibles à tous et peuvent représenter un obstacle insurmontable pour de nombreuses personnes. ³²

Attention : ça ne concerne que les violences illégitimes. Les policiers ne sont pas particulièrement couverts par la justice s’il sont soupçonnés de corruption par exemple.

Plusieurs magistrats rencontrés par l’ACAT estiment que les plaintes pour violences policières sont davantage classées sans suite que d’autres types d’infractions.

Quatrième barrage : la justice locale couvre la police

Photo by Sincerely Media on Unsplash

Il faut insister sur le caractère local. Il y a des liens étroits entre les policiers et les magistrats. Des liens fonctionnels.

Prenons le fameux juge d’instruction que l’on peut saisir si le procureur de la république demande un classement sans suite :

« Si un juge d’instruction met en examen des policiers, (…) ça peut vite impacter son travail au quotidien. Après une mise en examen d’un policier, le juge d’instruction peut être black-listé. Et si tu es black-listé par un certain nombre de commissariats, le métier de juge devient plus difficile. » — Stéphane Maugendre, avocat ³³

Ce n’est pas un complot ni même une volonté. Mais, contrairement à ce que martèlent les syndicats de policier dans les médias, le problème de la police n’est pas la justice. Ce sont au contraire deux institutions qui sont collègues par la force des choses.

La position de la justice vis-à-vis de la police n’est pas simple, car l’une et l’autre de ces institutions ont des liens quotidiens dans le cadre de leur mission.

L’ambiguïté résultant ainsi de la relation entre police et justice est une clé de compréhension importante lorsqu’il s’agit d’examiner le contrôle judiciaire effectué sur les accusations de violences policières. Une partie du quotidien
judiciaire est fait du contact avec les policiers et vice versa.

Tout le travail d’un juge pénal est fondé sur la confiance qu’il porte dans le travail de la police. Les relations entre forces de l’ordre et magistrature ne sont par ailleurs pas toujours simples.

Le juge est parfois considéré comme trop laxiste par la police (« on arrête les délinquants, ils les relâchent »). Or, comme le rappelle Fabien Jobard, « la justice dépend d’une coopération excellente avec la police pour mener ses affaires pénales à bien ». ³⁴

Certains magistrats auront alors sans doute intégré que les policiers sont critiques envers eux et pourront se montrer réticents à les mettre en cause dans des poursuites pour violences.

L’idée est par ailleurs ancrée que les policiers font un travail difficile, avec lequel il faudrait être indulgent lorsqu’un « dérapage » se produit.

Ces divers éléments conduisent indéniablement à une différence de traitement, par la justice, entre victimes « classiques » et victimes de la police.

Cinquième barrage : on produit une contre-plainte contre les victimes qui portent plainte

Photo by Tony Hand on Unsplash

Le cinquième barrage est peut-être le plus vicieux. Comme la police connaît les rouages judiciaires elle sait comment faire des procédures baillons. Des contre plaintes qui servent à faire taire une personne qui porte plainte.

Par exemple, elle va porter plainte pour outrage et rébellion. Parfois des victimes de violences policières très graves vont se voir poursuivies et cette procédure étant plus rapide, elles se retrouvent en premier au tribunal en tant qu’accusées.

Quand c’est un policier qui dénonce des abus perpétrés par des collègues on va le poursuivre pour manque de loyauté ou dénonciation calomnieuse.

Sixième barrage : les enquêtes sont menées par le service de police incriminé

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Comme je le disais : le manque d’indépendance de l’IGPN n’est qu’un élément parmi les autres. Nous n’y sommes toujours pas. Car pour que l’IGPN soit saisie il faut que les faits soient jugés suffisamment graves.

Sinon, dans la majorité des cas c’est le service de police incriminé qui enquête sur lui-même !

Je ne sais pas quoi rajouter.

Septième barrage : si l’IGPN est saisie elle sabote sa propre enquête

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Nous voici donc enfin arrivés à l’IGPN. On l’a dit : elle n’est pas indépendante. Alors que dans d’autres pays européens (ex : Danemark, Belgique, Suisse, Angleterre…) on a un organe indépendant de la police, ce n’est pas le cas chez nous.

L’IGPN est un organe appartenant à la police et qui doit enquêter sur la police.

Pire encore, quand le policier Alexandre Langlois a voulu attaquer le directeur de la police nationale et bien, sans surprise, il ne s’est pas auto -saisi (il est le supérieur hiérarchique de la cheffe de l’IGPN).

Un sévère rapport de la Cour des comptes, révélé par le journal L’Express, signalait en juillet 2010 de graves dysfonctionnements au sein de l’IGPN et de l’IGS. Le rapport mettait notamment en doute l’impartialité de ces institutions : « à la différence de certaines de leurs homologues européennes, elles sont toutes deux placées sous l’autorité directe du responsable des forces de police soumises à leur pouvoir d’enquête ».

La Cour des comptes dénonçait ainsi l’absence d’intervention
extérieure dans le processus de contrôle et concluait qu’« en l’absence de réformes instaurant une organisation à la fois plus intégrée et plus transparente, la question de la pertinence d’un tel système de contrôle interne de la police pourrait se poser, au regard des institutions indépendantes créées dans d’autres pays européens » ³⁵

Mais pourquoi alors, l’IGPN a une réputation de sévérité dans les rangs de la police ? Beaucoup de policiers en ont peur.

C’est parce que l’IGPN est sévère sur les cas impliquant la probité des agents. Quand un policier commet un acte qui enfreint sa probité (voler quelque chose, utiliser sa fonction pour obtenir des faveurs, participer à de la corruption, etc) alors la sanction est probable.

En revanche, 36% des saisies de l’IGPN concernent des violences illégitimes en services mais elles représentent seulement 7% des sanctions.

« LTe ministère de l’Intérieur est bien plus sévère pour les manquements aux règles internes que pour les violences policières. Ces dernières représentent, au bout du compte, moins de 5 % des sanctions disciplinaires prononcées sur le territoire de la préfecture de police de Paris. »

Même constat pour le sociologue Fabien Jobard, selon lequel « les recherches montrent que les sanctions prononcées contre les policiers sont inversement proportionnelles à la gravité des faits allégués. ³⁶

Ainsi, les policiers poursuivis ont un risque beaucoup plus élevé d’être sanctionnés pour la perte de leur carte professionnelle ou de leur badge, que pour violence illégitime».

Selon Dominique Monjardet, « comme toutes les administrations, la police semble bien plus attentive (…) au respect de (ses) règles internes de fonctionnement que du traitement réservé à (sa) clientèle ».

Le journal Médiapart rapporte ainsi que « l’échelle des sanctions paraît parfois surprenante. Un usage frauduleux de cartes de carburants et un vol de téléphone portable seront l’un et l’autre sanctionnés d’une exclusion ferme de deux ans, tandis que les deux seuls cas de violences volontaires en service sanctionnés (l’un sur des gardés à vue, l’autre lors d’une mission) ne donnent lieu qu’à une exclusion ferme d’un an (plus un an de sursis). Quant à la dizaine de révocations ou de mises à la retraite d’office prononcées, aucune ne concerne apparemment des violences commises en service». ³⁷

De même, le rapport d’activité de l’IGPN pour 2014 nous apprend que les manquements au devoir de probité entraînent des propositions de sanctions beaucoup plus fortes que pour d’autres faits : sur 40 enquêtes relatives à ce manquement, 20 ont abouti à une proposition de renvoi en conseil de discipline. L’IGPN explique d’ailleurs que « le manquement au devoir de probité constitue une atteinte grave à la confiance accordée par l’Administration et le citoyen au policier fautif. Pour cette raison, dans la majorité des cas, ce dernier est renvoyé en conseil de discipline. » ³⁸

Au total, un quart des renvois en conseil de discipline proposés par l’IGPN en 2014 concernait des manquements au devoir de probité.

Huitième barrage : si on va jusqu’au bout de la procédure, la sanction est faible ou inexistante

Photo by Possessed Photography on Unsplash

Enfin… pour les personnes qui surmontent tous ces barrages, le calvaire ne fait que commencer. S’ouvre alors le temps long de la justice.

Ces procédures sont longues et coûteuses. Elles nécessitent pour les victimes de disposer de nombreuses ressources sociales, financières et intellectuelles, ainsi qu’une capacité à se mobiliser.

Beaucoup d’entre elles se découragent et renoncent. Lorsqu’elles parviennent à faire reconnaître la responsabilité d’un agent, ce qui est rare, les sanctions judiciaires paraissent faibles au regard d’autres condamnations pénales prononcées en France.

Plus encore que la commission des faits, l’ACAT s’inquiète de l’impunité créée de facto par cette situation. Tant que les violences ne seront pas reconnues et sanctionnées par la justice et par les autorités disciplinaires, elles perdureront.

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Les sources

[1, 2, 3, 4 et 5] À l’air libre (35) Violences policières, racisme: « Un puissant déni » — Mediapart — Mame-Fatou Niang

[6] Coluche

[7, 8] L’ordre et la force — enquête sur l’usage de la force par les représentants de la loi en France — Acat, 2017

[9] Christian Arnould tel que rapporté par Mediapart et l’Acat.

[10] Au nom du maintien de l’ordre — Reculez (1/2) | ARTE ARTE

[11] Notre doctrine — Court-métrage (fiction) — Damien Salama

[12] Au nom du maintien de l’ordre — Reculez (1/2) | ARTE ARTE

[13, 14] La domination policière — Mathieu Rigouste —La fabrique éditions

[15] Source à retrouver

[16, 17] L’ordre et la force — enquête sur l’usage de la force par les représentants de la loi en France — Acat, 2017

[18] Affaire Ali Ziri : autopsie d’une enquête judiciaire — Acat

[19] Usul. La police républicaine va mal — Mediapart

[20] Article Wikipédia — Double meurtre du 13 juin 2016 à Magnanville

[21] Affaire des policiers brûlés à Viry-Châtillon

[22] Audition du Général Alain Pidoux devant la commission des Lois — Juillet 2023

[23, 24] Règle d’utilisation des armes à feu par la police au Royaume-Uni — Article Wikipédia

[25] Les policiers sont sanctionnés… rarement pour des violences — Mediapart — propos rapportés de Fabien Jobard

[26] Police : le tabou judiciaire du faux en écriture publique — Politis — Nadia Sweeny

[27] Rapport d’activité 2004 de la CNDS

[28] L’ordre et la force — enquête sur l’usage de la force par les représentants de la loi en France — Acat, 2017

[29] Procureur de Nice dans une conférence de presse du 25 mars 2019, rapportée par Libération

Conférence de presse intégrale :

[30] Emmanuel Macron, propos rapportés par le Parisien

[31] Témoignage de Nathalie Torselli

[32] L’ordre et la force — enquête sur l’usage de la force par les représentants de la loi en France — Acat, 2017

[33] Extrait du dossier de presse du film « Qui a tué Ali Ziri ? »

[34, 35] L’ordre et la force — enquête sur l’usage de la force par les représentants de la loi en France — Acat, 2017

[36, 37] Idem que 25

[38] Rapport d’activité 2014 de l’IGPN

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Nicolas Galita
Dépenser, repenser

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