La course à l’Intelligence Artificielle, quels pourraient être les atouts de l’Europe pour la remporter?
Il y a 1 semaine, le député et mathématicien, Cédric Villani, a remis au Gouvernement son rapport sur l’intelligence artificielle. Il porte sur 3 grands thèmes: La recherche et la formation, les impacts sociétaux et la politique économique.
A travers ces 3 points l’Europe (dont la France), se doit de mesurer l’urgence de se démarquer des grands concurrents en matière d’IA. Face à elle: les Etats-Unis, berceau de l’IA, et la Chine un adversaire redoutable grâce à la vaste masse de données qu’elle emmagasine et leurs investissements considérables sur le sujet.
Il est donc de bon ton de vouloir comparer ces grandes puissances au regard de leur dominance actuelle sur le marché de l’IA, et de se demander comment la France et l’Europe pourraient tirer partie de leur cadre éthique et légal pour prendre l’avantage sur la scène internationale de l’IA.

Même si les Etats-Unis sont le berceau de l’IA, les autres participants de la course deviennent désormais redoutables:
- La Chine vient d’annoncer la création d’un programme de développement de l’IA de plusieurs milliards de dollars visant à prendre la tête du secteur au niveau mondial d’ici 2030. Elle s’est également déjà muni de sa propre réglementation en cybersécurité et protection des données.
- Et les US manifestent leur crainte de voir la Chine les dépasser dans le secteur de l’IA.

Face à ces grandes manoeuvres, il faut protéger notre innovation en tirant des leçons des erreurs de nos grands rivaux et trouver nos points de différenciations. Les Etats-Unis, malgré son potentiel de production et sa population nombreuse, sont pénalisés par leurs esprits nationaux et leurs lois qui limitent très fortement leurs capacités de recrutement et de production.
En effet, le délai de brevetage trop long (Leurs concurrents les copient) et leur réglementation complexe ralentit considérablement la création d’innovation, car le pays a limité les exportations des technologies d’encodage et des processeurs de base. Ce type de comportement engendre des marchés pour leurs rivaux tel que la Chine qui saisit immédiatement l’opportunité de se positionner sur ces marchés.
Ce manque de réactivité nuit aux US car aujourd’hui Chine est capable de développer ses propres technologies grâce aux “BATX” (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) , les piliers de son économie numérique.

Un autre point qui affaiblit les Etats-Unis dans la course à l’IA est son manque d’attractivité. En effet, selon une étude publiée par CB Insights sur les tendances en intelligence artificielle, la Chine a attiré 48% des investissements en valeur dans le secteur, contre 38% pour les Etats-Unis. C’est une première, car les investissements vers la Chine surpassent ceux des États-Unis dans ce secteur. Ils confirment ainsi la montée en puissance du pays et le retard grandissant des États-Unis.

Mais il faut garder à l’esprit qu’en matière d’IA la Chine a tout de même encore du chemin à parcourir, car le budget chinois consacré à la technologie ne représente que 30 % de son équivalent américain. D’autant plus que la Chine ne dispose pas encore de la force industrielle des US ou de l’Europe: elle est faible en matière de logiciels et de semi-conducteurs qui sont des matériaux indispensables et à la base de toute l’informatique moderne. D’autant plus que la vaste quantité de data que récolte la Chine grâce aux “BATX” (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) n’est pas suffisante pour remporter la guerre de l’IA. Par ailleurs, la récolte massive de donnée personnelles est justement l’un des sujets le plus controversé concernant l’avenir de l’IA.

Face aux géants de l’IA, il reste à l’Europe plusieurs cartes à jouer, dont une qui pourrait être son atout: le cadre légal européen en matière de protection des données. Effectivement, la protection des données personnelles est un des freins majeurs qu’il faut lever en terme d’éthique et de sociologie . Pour effacer peu à peu cette crainte, il faut encourager notre innovation par le biais de la recherche & l’enseignement et par l’accompagnement de la population grâce à l’éducation au numérique.
L’Europe dispose donc de plusieurs avantages qu’elle doit exploiter. Notamment un remarquable vivier de scientifiques et de start-up qui lui permet d’avoir un haut niveau de recherche & d’enseignement.
Dans son rapport Cédric Villani parle de cet enjeu clé: “Former des talents en IA, à tous niveaux: Un objectif clair doit être fixé : à horizon trois ans, multiplier par trois le nombre de personnes formées en intelligence artificielle en France, à la fois en faisant en sorte que l’offre de formation existante s’oriente vers l’IA, mais également en créant de nouveaux cursus et de nouvelles formations à l’IA (doubles cursus droit-IA par exemple, modules généraux…). L’ensemble des niveaux (bac +2, bac +3, master, doctorat) doit faire l’objet d’attention.

Pour preuve, la France accepte en partie de miser sur cet avantage concurrentiel qu’est la recherche, car suite à la remise du rapport sur l’IA, Emmanuel Macron a annoncé un projet d’amélioration des “conditions de travail et de l’accès à la puissance de calcul” de plus, Samsung ouvre un centre de recherche sur l’IA en France. Le groupe sud-coréen va y construire son troisième plus grand centre de recherche mondial, après ceux de Corée du Sud et des Etats-Unis.
Côté enseignement, il faut savoir que la 1ère école de l’IA a ouvert à Issy-Moulineaux début mars. Une école spécialisée qui peut être considérée comme le symbole des prémices de l’IA en France et en Europe.

Aussi, pour que le développement de l’IA en Europe soit un succès, elle doit aussi augmenter le financement dans les domaines des sciences et des nouvelles technologies afin de rivaliser avec les milliards de dollars que la Chine investit dans sa vision pour 2030 et celle des Etats-Unis.

Pour rassembler des fonds supplémentaire le rapport EY,Financement européens: un potentiel inexploitémentionne que l’Europe pourrait commencer par l’exploitation de tous les Fonds européens, encore insuffisamment mobilisés en France et très peu connus du grand public. En effet, faute de candidatures, une majeure partie du budget prévu pour l’innovation est perdu chaque année. Appelé programme H2020 (Programme “Horizon 2020” qui regroupe les financements de l’Union européenne en matière de recherche et d’innovation) le budget pourraient atteindre 600 millions. Or, selon le Ministre Cédric Villani, chargé du rapport sur l’IA, il faut Investir dans les infrastructures de calculs et dans le hardware.
Donc pourquoi ne pas lancer une vaste campagne de communication sur les différents moyens de financer les infrastructures et le matériels à destination des jeunes pousses innovantes?

Communiquer serait un très bon levier pour vaincre la peur de l’IA et la vulgariser. Lever les barrières sociales et éthiques est un des enjeux abordés dans le rapport Villani. Cet enjeu est primordial pour que l’IA prenne une place à part entière dans notre société européenne.

Afin que l’IA s’inscrive dans la société, il faut rassurer et informer les européens notamment au travers de la GDPR (texte de référence européen en matière de protection des données personnelles, cf l’explication simple et efficace de la GDPR par “Cookie connecté” ). S’appuyer sur la GDPR pour faire face aux freins pourrait être un levier pour l’IA car, pour toute organisation la donnée est centrale. Elle est la clef de voûte de la performance des entreprises et administrations contemporaines. Hors contrairement à la Chine et les Etats-Unis, la GDPR est un atout sur lequel il faut miser dans l’acceptation de L’IA. Pour cela il faut être clair sur les valeurs de l’IA et faire prendre conscience aux Européens qu’ils sont les utilisateurs les plus protégés.

Effectivement, côté français, suite à la publication du Rapport Villani sur l’IA , Emmanuel Macron s’engage à mettre de la transparence et de la loyauté au cœur des algorithmes. Ces deux enjeux seront au coeur de programmes d’éducation afin que nos futurs concitoyens soient formés à ces transformations.
Aussi, un groupe international d’expert sur l’intelligence artificielle sera créé, sur le modèle du “Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat” (GIEC). Le but est d’organiser une expertise mondiale indépendante.

Enfin, pour lutter contre la crainte de l’IA , le rapport Villani explique qu’il est essentiel que les chercheurs, ingénieurs et entrepreneurs “agissent de manière responsable, en prenant en considération les impacts socio-économiques de leurs activités. Pour s’en assurer, il est nécessaire de les sensibiliser, dès le début de leur formation, aux enjeux éthiques liés au développement des technologies numériques.”
Face à ces enjeux il apparaît clairement qu’inculquer une vraie culture de l’IA au travers la formation permettrait de faire adhérer la population à l’IA et d’atténuer la peur de l’IA.

En clair, l’Europe doit mesurer l’urgence de se positionner face à nos deux rivaux dans la course à l’Intelligence Artificielle en misant davantage sur nos atouts. L’IA ne pourra se développer en Europe qu’à condition de créer une culture du numérique et de tendre vers la culture scientifique pour une cohésion de la société.

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