Vincent Van Gogh — La chambre à coucher, 1888

Pourquoi vous ne devriez jamais sortir de chez vous le dimanche

Charles Guillet
Dardar
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3 min readSep 21, 2016

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Dimanche matin, 11h03. Quel délice d’ouvrir l’œil sans angoisse, d’allumer mon smartphone — qui pour une fois m’a épargné ses hurlements dès potron minet — et d’avoir en perspective une journée qui m’appartient.

Je commence par décortiquer mes fils d’actu sur les réseaux sociaux, tous encombrés de vestiges des soirées de la veille. Un ricanement satisfait m’échappe en voyant Céline, l’ex qui m’a piétiné le cœur, en selfie avec 3 greluches au café Oz, duckfaces et décolletés plongeant sur bêtise abyssale. Je tombe ensuite sur le Facebook live du semi-marathon dominical de mon pote Antoine. Au programme : gouttes de sueur et satisfaction égocentrique. Mais pourquoi diable s’inflige-t-il cela un dimanche matin ?

Le crépuscule des corvées

Il fut un temps où le mot « dimanche » était synonyme de corvées sociales. Messe, déjeuner de famille, activités de plein air pour les braves bourgeois en représentation. De nos jours, c’est au lit que ça se passe, soyons honnêtes. Ou à la rigueur, pour les plus téméraires d’entre nous, sur le canapé du salon.

Moi c’est pantoufles vissées sur petons et binge watching de la dernière série HBO. Dimanche, mon cocon c’est mon royaume ! Royaume de la langueur, empire de la douce paresse, khalifat de l’oisiveté déculpabilisée. Je l’assume. Je me vautre sans vergogne dans cette volupté domestique gagnée au prix d’une semaine de labeur.

Partie de chasse aux plats cuisinés

Mais après 1 épisode de Game of Thrones, je sens la faim monter ! Hop, je lève un pied, doucement, j’embrasse ma meilleure moitié qui n’a pas quitté notre couche et je me dirige vers le frigo probablement vide. Mission impossible, s’il en est. En outre, depuis l’invention de Deliveroo, n’est-ce pas un sommet de crétinerie que de se mettre aux fourneaux le dimanche matin ?

Ni une ni deux, j’allume mon mac. Effort conséquent, j’en conviens, mais la récompense me met déjà l’eau à la bouche. Lèvre pendante, œil vitreux, je scrolle, je scrolle, je scrolle, je scrolle… Dilemme cornélien : faire un choix parmi la pléthore de plaisirs culinaires proposés par le kangourou en slip vert.

Après réflexion, je tranche. Ce sera 2 plats, 1 pour moi et 1 pour celle que j’aime et qui continue de dormir… Avec 1 dessert aussi, non 2 et puis 1 boisson aussi tant qu’à faire, non 2, on ne sait jamais. Fi des grincements de la carte bleue, il faut bien se remettre des émotions de la veille. « Votre commande est acceptée » Bingo ! Retour canapé.

Jubilation de l’homme moderne

La route jusqu’au sofa est longue et semée d’embuches : linge éparpillé, sacs égarées, coup de fil de Mère-Grand à esquiver, textos à ignorer. Ouf, me voilà assis sur mon trône de cuir — Chesterfield chiné avenue Trudaine — les yeux rivé sur l’écran tant convoité.

Ça sonne ! Debout sur le paillasson, le livreur Deliveroo est nimbé d’une auréole que moi seul aperçoit par la grâce de mon appétit. Bonjour, merci, au revoir. Je claque la porte, je m’installe, je déguste. Explosion de bonheur. Il est 12h58, nous sommes dimanche, comparé à moi Oblomov n’est qu’un vulgaire amateur et j’atteins le paroxysme de l’oisiveté dominicale.

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