Should they stay or should they go : les scénarios post-#Brexit
Tout le monde en parle, mais peu ont exploré l’étendue des dégâts (possibles) en cas de #Brexit. On a essayé, à notre façon.
La semaine prochaine, les voisins britanniques se prononceront sur l’avenir du Royaume-Uni au sein de l’Union Européenne. Aujourd’hui, le #Brexit se rapproche du vote gagnant, même si le score est très serré. On a déjà la certitude de l’incertitude légale d’une sortie. Niveau politique et économique, c’est plutôt le brouillard : une majorité de traders de la City s’oppose à la sortie, l’avenir politique de Cameron aussi bien que l’interloculeur européen qui mènerait les discussions de sortie sont inconnus.
Dommage que ni Madame Soleil soit dans les parages, ni le plugin Boule de Cristal 2.0 pour Chrome soit sorti. Mais la bonne nouvelle est qu’on a sous la main des études et des simulations qui peuvent grandement aider à envisager l’avenir du Royaume-Uni en cas de #Brexit.
Une chose est certaine : les conséquences pour le Royaume-Uni dépendront des conditions de sortie, aussi bien politiques qu’économiques, qui seront négociées en cas de vote en faveur de la sortie. Trois scénarios sont probables.
1/ Yeah, ça boom !
Admettons que tout se passe de façon organisée : pas de remous, les #Brentry (ceux qui souhaitent rester) acceptent sans soucis la voix du peuple, les négociations avec l’UE sont organisées très rapidement pour éviter un fort effet de déstabilisation immédiatement après les résultats du référendum.
Pour qu’après la sortie, l’avenir du Royaume-Uni soit radieux, quelques menus changements devraient intervenir :
- amender des tonnes de règles européennes ayant trait à l’entrepreneuriat ;
- restaurer un contrôle aux frontières (et donc, au préalable, profondément modifier sa politique d’immigration laquelle aujourd’hui est en faveur des citoyens de l’UE) ;
- établir d’urgence des accords de commerce aussi bien avec des pays membres de l’UE que des non-membres.
Ce dernier point est intéressant. Comme on le voit dans le graphique ci-dessus, le Royaume-Uni exporte une quantité significative de biens vers les pays de l’UE — et vers des pays avec lesquels l’UE a des accords spécifiques (la Turquie, l’Afrique du Sud, etc., au total une bonne 60aine de pays). Du coup, on se retrouve avec plus de 60 % de biens exportés par les British qui sont conditionnés par une affiliation forte à l’UE.
Mais quid des pays membres de l’UE ? Le marché britannique est (très) important pour l’UE. Si on regarde l’UE comme une entité unique, seulement 18 % de ses exports sont destinés au Royaume-Uni. Comparé avec les 50 % d’exports que les British font vers l’UE, c’est tranquille. Mais — parce qu’il y a toujours un “mais” — les pays membres pris individuellement racontent une autre histoire :
Ainsi, à l’exception de l’Allemagne, le Royaume-Uni semble être un marché plus important pour les économies les plus grandes de l’UE que l’UE ne l’est pour chacun de ces pays.
Les pro-#Brexit clament que l’UE est protectionniste, qu’elle ne les laisse pas déréguler le marché comme ils le veulent. Probablement vrai. Mais si des accords se faisaient entre le Royaume-Uni et l’UE, les règles européennes de la libre circulation des biens et des personnes devraient s’appliquer… De plus, des accords déjà existants entre pays non-membres de l’UE (par ex., entre la Suisse et la Chine) montrent que la dérégulation tant chérie ne se fait pas en claquant des doigts et que les conditions ne sont pas plus favorables uniquement parce que les pays n’ont pas de lien avec l’UE.
En même temps, la production de biens est en déclin, au profit des services. Ces derniers ne sont pas soumis à des conditions tarifaires particulières. Du coup, même si ça serait compliqué à gérer niveau accords de commerce de biens, les services ne seraient pas impactés. Il est évident que cette embellie relative ne prend en compte que le point de vue commercial. Ainsi, l’idée selon laquelle la sortie de l’UE fera que le Royaume-Uni deviendra (auto-)magiquement un pays méga-prospère en quelques années semble avoir du mal à tenir face à la réalité de ce qui existe déjà.
2/ Mi-figue, mi-raisin (ni mieux, ni pire)
Admettons que la sortie soit tumultueuse, mais qu’après la tempête, les choses reprennent. Ainsi, dans cette nouvelle conjoncture, les interactions avec l’UE et autres pays sont normalisées et la vie reprend, sans impact notable en mieux ou en pire sur l’économie britannique.
L’idée sous-jacente ici est qu’être ou ne pas être membre de l’UE n’a pas d’importance capitale sur la prospérité économique du Royaume-Uni. Même si le commerce est important et les relations avec l’UE risquent de se détériorer, les interactions améliorées avec d’autres pays compenseront. Parce que, quelque part, les forces derrière la croissance économique que sont les investissements, l’entrepreneuriat, l’innovation, la compétitivité resteront inchangées.
C’est effectivement optimiste. Le menu souci, encore une fois, c’est la période de transition. D’aucuns craignent un retrait significatif d’investissements, ce qui rendrait le déficit budgétaire de 5 % très difficile à maintenir et contenir. Et on se retrouverait avec les sacro-saints marchés demandant des taux beaucoup plus élevés pour financer ledit déficit. Du coup, ce genre d’instabilité a des chances de s’installer et de créer des problèmes durables (non seulement transitoires donc). Une baisse significative des investissements directs étrangers et de la productivité seraient à envisager.
On parlait de commerce plus haut. S’y intéresser signifie aussi s’intéresser à la valeur de la monnaie britannique, la livre sterling.
La livre a énormément chuté depuis le début de cette année après avoir perdu presque 7 % par rapport à l’euro. Comme le souligne le journaliste des Echos :
La plupart des économistes s’attendent à un recul compris entre 15 % et 20 % , juste après le vote, en plus du recul déjà enregistré depuis le début de l’année. Et après ? Au-delà de cet impact immédiat, le flou le plus total règne sur l’évolution de la livre car il est impossible de prévoir ce que la Banque d’Angleterre ferait si les Britanniques votaient pour quitter l’Union.
On parlait aussi de services financiers et de la City. Le Royaume-Uni exporte une quantité non-négligeable de produits financiers (les surplus de ces activités comptent pour 1 % du PIB britannique en 2013).
Les services financiers ne sont pas soumis à tarification, comme le sont les biens. Cependant, il existe quelque chose qu’on appelle “passporting rights”. Ceux-là permettent à des institutions basées au Royaume-Uni de vendre des services financiers au reste de l’UE sans avoir de branche physique dans le pays de destination. Ce qui permet aussi à des banques, disons, américaines de vendre au sein de l’UE seulement en établissant une branche au Royaume-Uni.
Du coup, il se passe quoi si le Royaume-Uni quittait l’UE ? Les “passporting rights” seraient perdus mais quelle est l’importance d’une telle perte ? La solution la plus facile serait à ce que les banques installent des filiales dans les différents pays de l’UE et ensuite, on continue le business as usual. La possibilité est cependant réelle qu’à court terme, le Royaume-Uni perdra des volumes significatifs en termes de revenus provenant du commerce des services financiers.
La City ne devrait pas non plus énormément souffrir à long terme. Elle est idéalement positionnée à mi-chemin entre New York et l’Asie et bénéficie d’avantages indéniables tant au niveau des régulations britanniques qu’au niveau de ses propres moyens d’attirer des professionnels. Ainsi, même si les exports de services financiers en prenaient un coup dur parce que le marché européen leur serait compliqué d’accès, les opportunités de commerce avec les pays non-membres de l’UE pourraient compenser. Parce que la sortie de l’UE signifie que le Royaume-Uni ne serait plus soumis aux règles de la politique commerciale commune et pourrait donc conclure des traités bilatéraux avec d’autres pays.
On n’y voit pas très clair, dans cette eau de boudin, mais l’impression qui se dégage est de 1 partout, balle au centre…
3/ C’est la cata
Le troisième scénario est celui du désastre : l’économie britannique souffrira terriblement après #Brexit, les négociations des modalités de départ de l’UE sont empêtrées dans des difficultés terribles et les interactions commerciales avec l’UE ne s’améliorent pas. La compensation attendue (sous la forme de traités bilatéraux super avantageux) est très en retard, ce qui positionne le Royaume-Uni dans le peloton économique de queue.
Pour en arriver là, on peut penser à des négociations qui se traînent provoquant ainsi une perte de confiance dans les bonnes volontés et des crises politiques (notamment au Royaume-Uni). La libre circulation des personnes est empêchée (au grand satisfecit des pro-#Brexit), mais le prix de cette fermeture des frontières est un accès plus compliqué au marché européen pour les biens et surtout les services. De façon concomitante, le Royaume-Uni a des difficultés de signer des traités bilatéraux avec d’autres pays et les investissements directs étrangers se font rares.
Alors que des études prévoyait une embellie claire (variation du PIB positive) avant le début 2016, la tendance semble s’être effondrée. Ainsi, les projections réalisées en 2016 sont toutes plus négatives les unes que les autres. Du coup, les petits gains grappillés ci et là tels que la non-dépense de 8,5 milliards GBP de contribution au budget de l’UE. La baisse attendue des investissements et les temps “à vide” passés à négocier des accords bilatéraux et une sortie avec des avantages finiraient par enfoncer le clou. En effet, une majeure partie des investissements directs étrangers (notamment dans les domaines automobile et financier) parviennent au Royaume-Uni en raison de son statut de membre de l’UE.
Pour tout vous dire, on ne sait pas trop lequel de ces trois scénarios est le plus plausible. (Le plus simple serait que les British restent.) Qu’en pensez-vous ?
P.S. Vous pouvez aussi consulter les données de Pew Research sur les attitudes des pays membres de l’UE face au #Brexit.
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