Ecran vs. Papier: Le vrai combat, c’est le pourquoi

Maryse Colson
data-science.be
Published in
4 min readDec 19, 2017

Parfois, chez EURA NOVA, il y a des moments de joie. Enfin, il y en a souvent. Des gâteaux d’anniversaire, des gâteaux d’euraniversaire, des lunchs improvisés entre collègues… et des colis ! Comme beaucoup de gens actifs et irrités par les magasins surpeuplés le samedi après-midi, nous nous faisons livrer au bureau. Certains matins, le tri du courrier prend des airs de distribution des cadeaux de Noël (ou des bulletins de fin de trimestre à une classe de primaire, mais je vais réprimer mes vieux fantasmes).

Dernièrement, donc, les trois cancres du fond de la classe se sont vus livrer deux nouveaux gadgets technologiques. Le déballage des cartons, les emballages de protection qui traînent un peu sur le sol, la joie impatiente de la première utilisation… C’était un peu Noël avant l’heure chez EURA NOVA. Et aussi, un moment qui nous rappelle le vrai sens de la technologie — et donc, celui de la data science.

Les deux gadgets technologiques en question, ce sont des versions 2.0 du papier.

D’une part, un smartphone couplé d’un Moleskine et d’un stylet : lorsque l’on écrit ou dessine dans le carnet, une page virtuelle se remplit en temps réel sur l’écran du smartphone, grâce à la petite caméra fixée sur le stylet et aux points de coordonnées en filigranes sur le papier. Le smartphone garde en mémoire le tracé et peut le rejouer, il peut lire à voix haute votre contenu et, bien sûr, enregistrer ou partager la feuille virtuelle. Si l’exécution en temps réel est impressionnante, la pertinence de la cohabitation papier/écran n’est pas évidente et reste toute conditionnelle (il faut ce carnet-là, et pas un autre ; il faut deux supports ; il faut appuyer trois secondes sur le bouton du stylet et le recharger régulièrement…). Cela dit, c’est un bon compromis pour celui qui s’impose une digital detox pendant les vacances, veut quand même griffonner quelques idées et ne veut pas se retrouver avec des coins de nappe en papier et des enveloppes recyclées en to-do lists à la rentrée. Le célèbre carnet proustien est comme un secrétaire que l’on glisserait en poche.

D’autre part, une tablette reMarkable qui permet de lire, d’écrire, d’effacer, de réécrire, d’enregistrer et de retrouver tout ce qui vous passe par l’esprit et la plume avec la promesse de retrouver la vraie sensation du papier — vous savez, cette petite caresse minérale et ronde qui ronronne sous la pointe de votre crayon? La tablette pour les “paper lovers”, disent-ils. Ici, plus besoin de déforester une partie de l’Amazonie: la tablette se suffit à elle-seule… pour la prise de note. Pour les appels, Internet, l’appareil photo et la tripotée d’applications, vous irez voir ailleurs, Messieurs-Dames. reMarkable chouchoute votre concentration en interdisant toute notification (numérique s’entend, elle ne met pas encore vos collègues en sourdine et n’empêche pas vos enfants de vous appeler pour admirer trois kapla empilés).

Un mois plus tard, je me suis interrogée sur l’usage effectif des nouveaux joujoux. Conclusion? En anatomie, on dit que la fonction crée l’organe. Pas l’inverse. En high tech, c’est un peu la même chose. Quentin est fan de sa reMarkable parce qu’il utilise un objet à la place de plein de carnets et est ravi de retrouver ses notes instantanément — parce qu’il en a besoin. Les deux autres compères n’ont pas encore validé leur carnet à stylet connecté, parce qu’ils utilisent plus souvent des tableaux blancs pour exprimer leurs idées et qu’ils n’ont pas encore le Moleskine greffé dans la paume gauche.

Aussi excitante et disruptive soit-elle, la technologie atteint sa limite au contour de son public cible. Au sein d’une entreprise en particulier, elle s’adopte si elle est utile, pertinente et intuitive. Si elle remplace, simplifie, aide.

La data science aussi.

Il nous est arrivé de mener de beaux projets de data science. Le proof of concept était validé, les résultats étaient probants, les équipes enthousiastes. Et pourtant, les projets n’ont pas résisté au stade du business case. Quelle valeur pour l’entreprise? Un gain de temps, une étape procédurière en moins, des ressources libérées?

En 2017, EURA NOVA a mené un proof of concept avec un éditeur de logiciel comptable. L’éditeur souhaitait exploiter ses données pour voir s’il était possible de catégoriser de manière automatique et sans a priori des entreprises référencées sur la base de critères particuliers, de telles catégories pouvant simplifier le travail du comptable. En trois semaines, nos data scientists ont réussi à prouver qu’effectivement, un algorithme de Machine Learning permet de trouver des similarités entre des sociétés. Ensuite, une question s’est posée : que va-t-on faire de ce nouveau super-pouvoir? Quel effort consent-on à mettre dans sa production? Des clients sont-ils prêts à l’acheter?

Les bêta-testeurs sont restés ébahis devant les prédictions de l’algorithme. Cela ne signifie cependant pas que le marché est mature pour accueillir cette nouveauté. “Le succès d’un produit tient souvent à deux choses : la qualité de sa finition et la maturité du marché. Les exemples sont légions : Newton, l’assistant personnel d’Apple lancé en 1993, la caméra digitale Kodak DC40 ou la N-Gage de Nokia. Soit le produit est mal conçu et déçoit les utilisateurs qui en ont pourtant l’appétit, soit le marché n’est pas prêt et le produit se prend les pieds dans le tapis… ça ne remet pas en cause l’idée initiale et ça permet souvent de belles analyses de cas”.

En effet, le proof of concept a ouvert des opportunités de développement auxquelles l’éditeur n’avait absolument pas pensé avant de démarrer le projet. Une belle histoire à la Christophe Colomb qui au bout de sa course découvre inopinément l’Amérique.

En somme, la question de l’utilité est déterminante, mais elle doit intervenir au bon moment, entre l’expérimentation et la mise en production. De cette façon, l’utilitarisme ne tue ni la créativité ni l’innovation, mais il questionne avec raison et pertinence la valeur d’une trouvaille.

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Maryse Colson
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