Graphe de table

Maryse Colson
data-science.be
Published in
5 min readSep 19, 2017

Cela fait un moment que j’ai envie de vous parler de mariage…

J’aime bien les mariages. Les discours des témoins, le curé qui se trompe de prénom, les enfants qui s’endorment pendant que leurs parents se déchaînent sur un vieux tube des Backstreet Boys.

C’est lors d’un mariage que m’est venue l’idée de cet article. Durant le repas, j’observais les convives assis autour des tables rondes dressées sous la charpente d’une ferme du 18e siècle illuminée d’un milliers de petites ampoules aux reflets dorés. Et tous ces gens qui devisaient joyeusement, toutes ces conversations qui éclosaient, étaient en fait le fruit d’un plan de table réussi.

Vous avez déjà fait un plan de table pour un mariage?

Etablir un plan de table, c’est devoir composer avec les familles recomposées, neutraliser les semeurs de zizanie, éloigner les grands-mères des courants d’air et les trouble-fêtes des susceptibles. C’est décider d’une stratégie de com’ interne. Choisir de brandir un drapeau blanc ou déclarer la guerre. Récompenser ou punir. Vexer ou s’assurer d’une reconnaissance à vie. Bref, c’est un enfer.

Et c’est là que je me dis qu’il devrait exister un outil graphe pour aider la planification de tables.

Imaginons un repas de mariage pour 60 invités. De manière traditionnelle, les convives seront placés par groupes de 10 autour de tables rondes. Un mois avant la date fatidique, la future mariée organise une réunion au sommet avec sa mère et sa belle-mère (voir les grands-mères qui ont souvent un grain de sel à ajouter dans cette matière et détestent vraiment les courants d’air) pour placer 60 nominettes sur 6 grands cercles tracés sur une nappe en papier.

De manière assez instinctive, les convives seront rassemblés selon leur lien de parenté ou d’amitié avec les mariés. Un peu comme suit:

C’est une configuration classique qui a moult fois fait ses preuves — et d’excellents repas de mariage, au demeurant. Seulement voilà, cette configuration classique a ses failles quand il faut passer à la granularité inférieure. Qui placer à côté de qui? Est-ce politiquement correct de mettre les électrons libres à une table fourre-tout? Met-on un bout-en-train à chaque table? Provoque-t-on la rencontre entre deux célibataires éplorés? Comment gère-t-on une famille décomposée qui ne souhaite plus se parler?

J’espère que la mariée et ses acolytes sont épaulés par un Spritz durant cette épreuve stratégique.

Choisissons un problème : celui de la famille décomposée. Disons que les parents du marié ont eu trois enfants, deux garçons et une fille. Ils ont divorcé et se sont chacun remariés.

Voici les désidératas de chacun:

  • la soeur ne veut plus parler à son grand frère mais bien au marié
  • la mère ne veut plus voir le père de ses enfants mais s’entend comme larrons en foire avec sa fille
  • le frère déteste sa mère
  • la seconde épouse du père fait du rentre-dedans au marié (et ça gêne un peu la mariée)
  • la mère veut être placée à côté du marié
  • tous ces gens sont en couple et souhaitent être assis à côté de leur conjoint

A priori, nous sommes face à un sac de noeuds… Justement! Et si on utilisait le graphe pour résoudre cet inextricable problème?

Le graph est une manière de représenter un ensemble de données par des … noeuds (des entités) et des arêtes (des relations). J’espère ne blesser aucune oreille data-scientifique avec cette définition hyper simpliste, mais c’est cela.

Les petites guéguerres familiales transposées en graphe donneraient ceci :

Dans ce graphe, les membres de la famille du marié sont représentés par des cercles vides et leurs conjoints, par des cercles pleins. Les relations de rejet sont représentées par un trait noir et les relations de proximité (physique ou non) sont représentées en rouge. La perspective est totalement différente!

En effet, on observe de suite que la mère de cette famille est au centre de beaucoup de ressentis : elle est l’objet ou le sujet de 5 relations extrêmes, d’amour ou de haine. C’est elle qui demandera le plus d’attention. D’ailleurs, la mère se présente comme un point de centralité, autour duquel certaines personnes sont plus demandées (la soeur et le marié : 1 trait entre la mère et eux, ou 1 hop) que d’autres (les conjoints de ces derniers : 2 traits, 2 hops).

Vous l’aurez compris : le graphe permet de regarder les données sous un nouveau jour, de changer de perspective.

L’année passée, nous avons travaillé avec un grand groupe qui produit des composants chimiques pour diverses industries. Certains lots de composants étaient défectueux malgré une chaîne de production inchangée. L’utilisation du graphe a permis de donner une nouvelle dimension aux données de production, de les regarder sous un autre angle et de finalement découvrir des paramètres qui ont été déterminants dans la qualité obtenue.

Plutôt chouette, non?

Et vous, pensez-vous à un problème dont les données mériteraient d’être considérées sous un tout nouvel angle? Si ces données partagent des relations complexes et imbriquées, le graphe pourrait certainement leur donner un éclairage visuel nouveau.

Sinon, il y a toujours le plan de table de Noël sur lequel s’essayer…

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Maryse Colson
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