Tour d’horizon sur l’évolution des données ouvertes en Afrique Francophone

Jaurès Kangah
data354
Published in
6 min readNov 21, 2022

Du 1er au 3 Juin 2017 a eu lieu la première conférence d’Afrique francophone sur les Données Ouvertes et sur le gouvernement ouvert[1]. Cette première conférence du genre a montré l’intérêt croissant des pays africains pour l’Open Data.

Cependant, quel est aujourd’hui l’état de l’évolution de cette initiative dans les pays francophones africains ? Comment l’Open Data transforme les habitudes des citoyens de ces pays ?

Dans cet article, nous allons examiner dans un premier temps l’état de l’évolution des données ouvertes en Afrique Francophone et dans un second temps nous présenterons les statistiques de l’utilisation d’une plateforme nationale.

Qu’est-ce que l’Open Data ?

L’Open Data ou « ouverture des données » est une philosophie d’accès à l’information et une pratique de publication de données librement accessibles et exploitables par tous. Il s’agit donc de mettre à disposition de tous des données ouvertes sur l’économie, les transports, la démographie, les dépenses publiques, les statistiques, le numérique, l’environnement, etc[2].

Toutefois, accéder à ces données, les utiliser et les partager librement ne suffit pas pour les qualifier d’Open Data. Pour avoir ce qualificatif, ces données doivent avoir les caractéristiques suivantes :

  • Être accessibles en ligne;
  • Être disponibles sous une forme commune lisible (XML, Excel, csv, html, json, …) par les machines;
  • Être sous une licence qui autorise non seulement un usage libre mais aussi qui autorise les utilisateurs à transformer, combiner et partager ces données, même à des fins commerciales.

Les débuts de l’open data en Afrique Francophone

Émergeant sur la scène politique et médiatique africaine dans les années 2010, les initiatives en faveur d’un accès libre aux données publiques se multiplient à travers l’Afrique. Cependant leurs nombres demeurent faibles, entre limites techniques et restrictions politiques[1].

Le véritable accélérateur va venir de l’initiative Open Data For Africa”. Il s’agissait d’une initiative lancée en 2012 par la Banque Africaine de Développement (BAD) et qui visait à créer une plateforme pour rendre public des données sur les 54 États africains[1]. Grâce à cette plateforme Open Data, les usagers peuvent accéder à un large éventail de données sur le développement des pays africains, recoupées à partir d’une variété de sources officielles, internationales et nationales.

Après le soutien de cette grande institution financière, des initiatives plus importantes, portées cette fois-ci par des gouvernements vont se mettre en place. En Afrique francophone, plusieurs initiatives nationales telles que le Burkina Open Data Initiative (2013), l’initiative Open Data Côte d’Ivoire (2014) ou encore plus récemment le Projet d’assistance technique pour l’appui à la conduite du changement Open Data au Bénin (2022) vont ainsi voir le jour.

Dans le même temps, des pays comme le Burkina, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali, le Maroc, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, les Seychelles, le Tchad, le Togo, la Tunisie vont insérer dans leur législation des lois facilitant l’accès à l’information d’intérêt public. Ces lois sur l’accès à l’information (également connues sous le nom de lois sur le droit à l’information) visent en premier lieu à réglementer la publication active d’informations ainsi que les mécanismes par lesquels les citoyens peuvent réclamer certaines informations auprès des institutions publiques. Elles définissent aussi le champ d’application de l’accès à l’information (qui peut accéder à quoi) ainsi que les exceptions et les refus possible de demande d’accès à l’information.

Parallèlement à toutes ces actions, six pays (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Maroc, Sénégal, Seychelles, Tunisie) ont adhéré au Partenariat pour un Gouvernement Ouvert (PGO), une initiative mondiale lancée en 2011 et qui vise à rendre les gouvernements plus ouverts, plus responsables et plus réceptifs aux citoyens.

L’appartenance à cette organisation a incité certains de ces six (06) pays à lancer leur propre portail de données ouvertes. À ce jour, seuls la Côte d’Ivoire, le Maroc, Madagascar et la Tunisie disposent de tels dispositifs nationaux.

Plateformes nationales de données ouvertes : Exemple de la Côte d’Ivoire — data.gouv.ci

La plateforme nationale ivoirienne « data.gouv.ci » est la traduction technique des engagements pris par l’État de Côte d’Ivoire dans le cadre de son Plan d’Action dans l’Open Government Partnership dont la Côte d’Ivoire est membre depuis 2015[3].

La mise en œuvre de cette plateforme nationale a démarré en 2016 par une phase pilote qui a bénéficié du soutien technique et financier du Programme d’Appui aux Gouvernements Ouverts Francophones (PAGOF). Ce programme visait à accompagner les administrations et la société civile (dont les médias) à améliorer la gouvernance ouverte, l’accès à l’information et la participation citoyenne dans la construction et le suivi de l’action publique en Tunisie, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Maroc et au Sénégal[4].

La plateforme pilote déployée a profité de l’engagement de 16 structures publiques et regroupé jusqu’à 327 ensembles de données[3] couvrant 17 thématiques (santé, éducation, emploi, agriculture, technologies de l’information et de la communication –TIC-, etc.).

Face aux succès de cette phase pilote, une seconde initiative plus ambitieuse et toujours soutenue par le PAGOF a été lancée. Elle avait pour but de doter la Côte d’Ivoire d’une plateforme moderne d’Open Data et de former des fonctionnaires des différents ministères aux bonnes pratiques de l’Open Data. Cette mission a été confiée à data354, Cabinet de Conseil, Expert de la Data en Afrique.

Après un minutieux travail de nettoyage et de mise en forme des données, le portail officiel d’Open Data de l’État de Côte d’Ivoire a été mise en service le 16 septembre 2021.

En date du 16/11/2022, 17 001 fichiers ont été téléchargés pour 426 jours d’existence soit environ 40 fichiers téléchargés par jour.

En une (01) année, le portail a accueilli plus de 30 000 visiteurs. Ce qui équivaut à 83 visites par jour. Et l’immense majorité de ces visiteurs proviennent de Côte d’Ivoire (24 000 visiteurs).

Conclusion

Pour clore notre propos, nous pouvons avancer qu’il reste beaucoup à faire pour que l’ouverture des données publiques en Afrique Francophone soit vraiment effective. Cependant, les résultats relativement bons obtenus en Côte d’Ivoire montrent que les populations locales s’intéressent aux données ouvertes et les utilisent quotidiennement. Afin donc de maintenir cette dynamique, des efforts continus doivent être entrepris. Et parmi ces efforts, nous pouvons en mentionner quelques-uns :

  • Accroître la visibilité des plateformes en organisant fréquemment des hackathons autour de l’Open Data pour la société civile (élèves, étudiants, entrepreneurs, journalistes, ONG, etc.);
  • Mettre en place sur les portails Open Data des programmes de formation sur les données ouvertes accessibles à tous les citoyens;
  • Inciter les décideurs politiques à publier régulièrement sur les portails Open Data les données de leurs activités (la fourniture des services essentiels, l’accès au logement, l’utilisation des finances publiques, le ramassage des ordures etc.);
  • Former les fonctionnaires et agents de l’État dans l’extraction, le formatage et la publication des données sur les portails Open Data;
  • Sensibiliser les décideurs politiques sur l’importance de publier régulièrement des données complètes, à jour, de qualité et non fragmentaires sur les portails de données ouvertes.

Sources :

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