Le “making of” de notre fresque des données ouvertes

Maëlle Fouquenet
Datactivist
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9 min readDec 20, 2023

Créé fin 2022 pour le BercyHub dans le but d’acculturer les agents à l’open data, la fresque des données ouvertes est un atelier participatif construit par Datactivist sur le modèle de la Fresque du climat. Récit de son processus créatif.

L’objectif de la fresque des données ouvertes est pour les participants de comprendre et appréhender les tenants et aboutissants, ainsi que les enjeux et les impacts d’ouvrir des données et les rendre disponibles au public.

Si l’idée paraît simple, elle a engendré de nombreuses interrogations et nécessité une méthode de création itérative, en collaboration avec la cliente. Nous vous racontons ici comment nous sommes passés d’une idée enthousiasmante à un produit de médiation opérationnel qui a fait ses preuves.

Pour démarrer, vous vous demandez peut-être comment l’idée de la fresque des données ouvertes est née ?

L’idée germe dès octobre 2021, alors qu’un des Datactivist envisage de participer à une Fresque du climat. Au départ, la forme qu’elle pourrait prendre et son périmètre sont encore très flous mais elle est identifiée comme un “super outil de data literacy” par Samuel Goëta. Les uns et les autres abondent la discussion. On le voit, il y a quelque chose à faire là, mais ce n’est pas encore clair.

En juin 2022, la Fresque du climat revient dans les discussions et une adaptation en fresque de la donnée est intégrée dans une proposition commerciale pour le BercyHub. Elle ouvre un cycle de quatre modules de formation et elle est imaginée comme un module obligatoire afin de s’assurer que les uns et les autres partagent des bases communes sur le sujet des données. A ce stade, elle est pressentie plutôt comme une “fresque du rapport Bothorel”.

Fin août 2022, la proposition globale a été acceptée par le BercyHub, “y’a plus qu’à !” comme on dit. On démarre les séances de brainstorming pour concrétiser cette idée.

De l’idée aux cartes plastifiées

Nous sommes 4 Datactivist à cogiter sur cette fresque (Samuel — déjà cité plus haut-, Magalie Dartus, Clément Mandron et moi — Maëlle Fouquenet), nous avons mené plusieurs sessions de travail entre nous et avec le BercyHub pour parvenir à un produit satisfaisant. Une session test était dès le départ prévue pour affiner les éléments du jeu et l’animation.

Le 1er septembre — Et si on faisait un jeu de tarot ?

Réunion avec notre référente au BercyHub. Elle aime l’idée de la fresque, on échange sur le dispositif, on s’interroge sur des éléments concrets comme l’accrochage sur les murs des panneaux de la fresque ou pas (est-ce qu’on a le droit, si oui comment techniquement on fait, avec quoi on colle, quel papier on choisit…). On définit le périmètre physique de notre futur terrain de jeu.

On se questionne aussi sur la façon de proposer les cartes aux participants. Est-ce qu’on distribue toutes les cartes d’un coup ou par parquet ? Si on le fait par paquet, est-ce qu’on thématise les paquets, est-ce qu’on imagine un ordre spécifique ou pas ? Est-ce que cet ordre risque d’influencer les participants ?

Une Datactivist se demande si les cartes ne pourraient pas être inspirées d’un jeu de tarot. Mais oui ! Pourquoi ne pas créer un tarot de l’open data à la place d’une fresque ? A ce stade, tout est ouvert. Mais cette piste n’est finalement pas creusée plus.

On se décrit alors nos premières visions de la fresque, on commence à scénariser l’animation : avec quoi faudrait-il démarrer, quels sont les éléments essentiels à avoir et pourquoi (DDHC, Bothorel, Lemaire, CADA…) ?

Puis on crée une base Airtable et on commence à structurer tous ces éléments après en avoir dessiné une ébauche.

Concrètement, dans cette étape de conception, nous avons :

  • imaginé les cartes qu’il faudrait créer, ce qui signifie : se mettre d’accord sur les thèmes à aborder ; sur le nombre de cartes à créer ; sur leur contenu
  • rédigé les textes : on s’est réparti la rédaction des 44 cartes par affinité selon les 5 thèmes identifiés
  • trouvé des illustrations pour chaque carte (c’est trèèèèèès chronophage) : avec l’impératif que tout soit libre de droits et sourcé ; on s’est même demandé si on allait tester DALL.E ? ; finalement on a utilisé des illustrations dans des banques en CC et une image personnelle (la fleur)
  • maquetté les cartes : il fallait dessiner les cartes, leur aspect visuel , on s’est inspiré des cartes de jeux (montrer propositions de dessins) ; le design a été un sujet d’évolution sur plusieurs points : les tags à faire apparaître, si on mettait des couleurs ou pas et pourquoi…
  • imaginé comment animer la session : nous nous sommes inspirés de la Fresque du climat, notamment pour évaluer le degré d’implication des Datactivist en tant que facilitateurs (ne pas trop intervenir, mais aider un groupe qui partirait dans une mauvaise direction, rappeler le timing pour aller au bout de la fresque et avoir un rendu, que chaque groupe soit en mesure de faire une restitution en 3mn de sa fresque)
  • maquetté un livret d’accompagnement qui regroupe toutes les cartes avec leur définition ainsi qu’un glossaire

Tout cela est répertorié et organisé dans le fameux Airtable. C’est depuis cette base Airtable que se fait aussi l’impression des cartes chez un prestataire qui les plastifie et les découpe dans la foulée.

Le livret, lui, est un document hébergé sur Google Drive (pour pouvoir travailler à plusieurs) et imprimé pour chaque participant·e.

15 septembre — Qu’est-ce qui manque ?

Lors de cette réunion, là aussi avec notre référente au BercyHub, on évoque l’animation, on a lu les wikis sur la Fresque du climat, on a demandé aux personnes qu’on connaissait qui l’avait faite et on rappelle notre objectif : que les participants s’approprient l’histoire de l’open data.

On définit aussi le nombre de participants par groupe, le nombre de facilitateurs qu’il faudra mobiliser pour la session test qui se déroulera le 10 octobre. On se met d’accord sur le rôle de ses facilitateurs (quel degré d’intervention, quels apports…).

Il est clair qu’il faudra bien expliquer les consignes au départ pour que les participants démarrent sur de bons rails, donc qu’on soit très clair aussi sur ce qu’on veut réaliser. On revient également sur les cartes, car les textes sont trop longs, il faudra les raccourcir pour une bonne partie d’entre eux.

On identifie des sujets manquants et on ajoute des cartes qui nous manquent.

22 septembre — Max 325 caractères par texte

Réduire la longueur semble simple. Mais tous les journalistes et gens qui écrivent vous le diront, ça demande énormément de temps car il convient de couper sans perdre le sens, sans dénaturer, en s’assurant de garder l’idée essentielle. Et dans notre cas, il faut en plus être d’accord tous les quatre sur les coupes et réécritures !

On prend alors un temps ensemble pour réduire la taille des textes sur les cartes pas encore remaniées. On discute des termes appropriés, de ceux trop complexes, trop flous… Avec une limite à 325 caractères, il faut trouver la bonne formulation, synthétique, claire, efficace. Pas toujours simple quand il faut expliquer le secret statistique ou les données d’intérêt général !

Chacun cale des moments de relecture, de correction dans son agenda individuel pour effectuer ce travail très chronophage.

30 septembre — Dernière ligne droite

On finalise les cartes après une grosse session de relecture. Pour valider une carte, on doit être tous d’accord sur les textes et l’illustration. Chacun·e apporte son point de vue et enrichit la discussion. Cette étape prend énormément de temps.

On envoie le descriptif du projet “Fresque des données ouvertes” à notre référente du BercyHub. On y détaille comment on prévoit d’animer la session, les objectifs, le rôle qu’on aura. On joint la liste des cartes et une première maquette.

On prépare les détails, la logistique (quel matériel est nécessaire, comment organiser la salle, qui sera présent, comment on constitue les groupes, qui imprime les cartes, à partir de quel fichier, est ce qu’on plastifie ou pas…), on se rappelle l’heure du rdv, l’adresse, bref, on cale tout pour la session pilote qui a lieu le 10 octobre à Bercy.

On va bientôt sauter dans le grand bassin et ce sera sans brassards ^^

Quelles évolutions ont été apportées au fur et à mesure ?

Le 10 octobre, une session pilote permet de tester cette première version des cartes. Le but était d’améliorer notre fresque pour qu’elle soit la plus parfaite possible quand on la déploierait auprès des agents. Cette version beta nous a permis d’améliorer les cartes, modifier des éléments, en supprimer certains, en ajouter d’autres. Elle a été très utile pour affiner notre produit et notre démarche.

Ce qu’on a changé sur les cartes après la session test

  • L’aspect visuel des cartes a été modifié :
    nous avions démarré avec le visuel d’un coté et le texte de l’autre mais les participants devaient sans cesse tourner les cartes pour lire le texte alors que le titre et le visuel se trouvaient de l’autre côté. Ce n’était pas du tout pratique, nous avons donc redessiné les cartes pour avoir toutes les informations sur une même face.
    nous nous sommes aussi beaucoup posé la question des indices graphiques sur les cartes, un symbole, une couleur… ?

Inspirations pour maquetter nos cartes qu’on veut ludique, esprit jeu :

  • Les textes ont également été revus en partie, pour les rendre plus digestes et moins administratifs, afin qu’ils parlent à tout le monde. Pas besoin de s’y connaître en données, en ouverture des données, ni même en acronyme pour comprendre de quoi la carte parle.
  • On décide aussi d’ajouter un glossaire imprimé pour reprendre tous les termes de la fresque, afin que les participants repartent avec un document récapitulatif. (Il faudra l’écrire et le maquetter lui aussi)
Aperçu des deux cartes finalisées

Ce qu’on a changé dans l’animation après la session test

  • Nous avons opté pour une distribution des cartes complète dès le départ et sans ordre précis, avec une recommandation sur laquelle nous insistons fortement qui est de lire tous les textes avant de se lancer dans leur positionnement.
  • Lors de la seconde session, en temps et conditions réels puisque c’était une session réelle, nous avons ajouté des jokers pendant le jeu pour redynamiser ou débloquer les participants de manière ludique : la possibilité de supprimer une carte ; la carte blanche pour ajouter une notion qui manquerait ; l’appel à un-e amie.
  • Nous avons également formalisé un récapitulatif des connaissances acquises par le Top 5 des cartes les plus importantes selon les participants. Cela permet de vérifier si des notions essentielles sont identifiées comme telles par les participants.
  • Cette étape est suivie par une synthèse des cartes importantes, synthèse animée par les Datactivist. Cette phase a pour vocation de répéter et clarifier les cartes/notions importantes de l’open data dans l’esprit des participants tout en concluant la session.

Ce qu’on retient de cet exercice de création et du rendu

Clairement, la version beta de notre fresque des données ouvertes a été très importante pour proposer un jeu vraiment opérationnel et bien huilé. Elle nous a permis de réajuster certains éléments, en modifier, supprimer ou ajouter d’autres. Elle nous a aussi permis de valider ou infirmer des intuitions.

Autre élément important, nous avons passé beaucoup de temps à écrire, lire, relire, corriger, s’accorder sur les textes, les notions, les termes à utiliser ou non. Les cartes à garder ou pas. Créer ces 42 cartes a été un gros travail éditorial mené à 4, de manière asynchrone en raison de nos calendriers respectifs. Aurions-nous gagné en efficacité en sacralisant plus de moments communs ? Probablement. Ce sera un élément à avoir en tête au démarrage si nous concevons un autre produit original.

Pour que cette fresque des données ouvertes voie le jour, nous avons aussi eu la chance que le projet soit soutenu par Guillaume Coldre, l’administrateur ministériel des données en charge de BercyHub, et Natacha Roger qui était alors en charge de l’open data. Elle s’est impliquée, a participé à nos échanges de manière très pro-active.

Enfin, en “conseil” très pragmatique, on recommande vivement d’utiliser l’expérience parentale (quand elle existe) pour faire les bons choix matériels. Comme prendre des nappes de pique-nique assez larges pour créer les panneaux de fond de fresque, et des feutres pour enfants (parce que ça s’efface et qu’on peut écrire avec sur les cartes plastifiées !). Car dans toute notre démarche c’est bien la dimension jeu qui nous a guidé et qui anime les participants.

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Maëlle Fouquenet
Datactivist

Journaliste en formation/reconversion data analyst, ex responsable numérique @ESJPRO. Algo, transparence, audio, ❤#Berlin, #Nantes, #freediving et #lindyhop