Repenser la valeur du commerce grâce à ses externalités : découverte d’un projet de recherche-action

Allyson Pallisser
Datactivist
Published in
6 min readSep 26, 2022

En partenariat avec la SEMAEST, Datactivist se lance dans un nouveau projet de recherche dans l’objectif de rendre visibles les externalités du commerce

En 2005, la Mairie de Paris a invité les Parisiens à donner leur avis sur des actions visant à protéger les commerces de proximité. Leur réponse a été presque unanime : 90 % d’entre eux se sont montrés favorables à l’idée de protéger le « commerce de proximité ». Comment expliquer cet attachement des riverains pour les petits commerces ? Mon hypothèse est simple : la relation entre le commerce, la ville et ses habitants va au-delà des échanges marchands. Les Français sont attachés à tout ce que les commerces apportent à la vie quotidienne et qui dépasse largement leur service rendu et leur contribution à l’économie.

Chaque commerce apporte un supplément au cadre de vie, à la sûreté, à la propreté, à la cohésion des habitants. Ces apports prennent le nom d’externalités. Mais qu’est-ce qu’une externalité ? Nous pouvons traduire par tout ce qu’un acteur économique produit « en plus » de sa fonction principale et dans le cadre de son activité, par exemple l’apport de biens essentiels dans le cadre d’une épicerie de quartier. Récemment, un exemple de cette animation de quartier proposée par le commerce de proximité a été mis en évidence par l’émission Karambolage d’Arte avec l’exemple des Späti berlinois, des superettes de quartier qui jouent un rôle essentiel pour le lien social dans la capitale allemande.

Ainsi, une externalité négative peut être le trafic généré à cause des livraisons reçues par le Späti ; tandis qu’une externalité positive peut être la propreté, au cas où les employés de l’épicerie nettoieraient leur pied d’immeuble par exemple.

Alors, envisager d’ajouter les externalités dans le calcul global du commerce pour le quartier nous fait réfléchir à la valeur du commerce. Et si notre compréhension de la valeur du commerce de proximité méritait davantage d’attention, d’analyse et d’investigation ? Une série de travaux se sont concentrés à l’étude sur la rencontre entre l’offre et la demande. Je propose plutôt de détourner le regard et de se concentrer à ce qui se passe au-delà du cadre de l’échange marchand, aux débordements de ce cadre.

Au fil de ces lignes, je vous propose de réfléchir à la relation entre le commerce, la ville et les « riverains-consommateurs ». Non pas les grands centres commerciaux en périphérie urbaine, mais les petits commerces de pied d’immeuble présents dans notre quotidien. Pour se faire, je propose que nous déplacions la focale, que nous regardions au-delà du cadre pour nous concentrer sur la contribution du commerce à la ville et ses habitants, au-delà de l’échange purement économique.

Ce premier billet vise à vous présenter mon projet de thèse : ses acteurs, le contexte dans lequel il s’inscrit et ses questionnements.

Comment rendre visibles les externalités du commerce : le projet passé à la loupe

La relation entre la ville et le commerce a été étudiée par une série de disciplines, l’économie, la géographie, l’urbanisme, etc. Depuis quelques années, les sociologues entrent également dans les discussions. Selon Michel Callon, la relation entre économistes et sociologues « est une longue série de rendez-vous manqués », comme le concept d’externalités par exemple, qui est pour Callon un chantier « économique » auquel la sociologie pourrait contribuer davantage. Mon projet de thèse s’inscrit dans cette lignée en proposant comme cadre d’analyse le commerce et ses débordements.

Dans le cadre du projet de recherche-action, nous utilisons comme terrain d’étude initial la ville de Paris et les commerces parisiens, notamment grâce à notre contact privilégié avec la SEMAEST. Nous comptons ainsi entrer en contact avec une série de commerçants, de riverains et d’autres acteurs intervenant dans l’espace public. Ce faisant, notre objectif est de rendre visibles ces externalités et de proposer la réinvention de la valeur du commerce. Cela revient à toujours imaginer la rentabilité du commerce comme le résultat des coûts moins les bénéfices, mais cette fois en ajoutant également les externalités positives et négatives dans l’équation. Comme nous l’avons déjà imaginé avec Emmanuelle Hoss de la SEMAEST dans le billet de blog de 2019 :

Rentabilité du commerce pour la ville = (coûts — bénéfices) + (externalités positives — externalités négatives)

En d’autres termes, si nos commerçants produisent des externalités au sein des quartiers, rendons ces effets visibles et mesurables, notamment pour pouvoir les reconnaître et les estimer à leur juste valeur. Néanmoins, de quelles externalités parle-t-on ? Quelles externalités les commerces de proximité produisent-ils ? Il pourrait s’agir de rendre visible et d’objectiver :

• La sécurité (par exemple, faire le lien entre la présence de commerces et la sécurité ou la sensation de sécurité dans les quartiers)

• La propreté (les commerçants collaborent avec les services de la Mairie en nettoyant leur pied d’immeuble, comment rendre cette externalité visible et objectivable ?)

• Le lien social dans les quartiers (comment mesurer l’amitié entre un retraité et son commerçant ? Comment rendre ça tangible ?)

• D’autres externalités ? (Quelles autres externalités pouvons-nous imaginer ?)

Ces questionnements seront au cœur de mes travaux de doctorat en sociologie des sciences et des techniques pour les trois prochaines années. D’ailleurs, revenons sur le cadre administratif du projet et les acteurs présents.

Datactivist, la SEMAEST et le partenariat avec le Centre de Sociologie de l’Innovation de l’École des Mines

Depuis au moins 2019, Datactivist et la SEMAEST (Société d’Économie Mixte de la Ville de Paris) interrogent les manières de rendre visibles les externalités du commerce. Ces discussions ont donné lieu à un travail en commun, le Challenge Data à Science Po Saint-Germain-en-Laye en 2019 suivi d’un un billet de blog signé par Joël Gombin et Emmanuelle Hoss à la fin de la même année. Aujourd’hui, nous sommes parvenus à l’acceptation du projet de thèse auprès du Centre de Sociologie de l’Innovation (CSI) de l’École des Mines. La thèse est conduite par celui qui vous écrit, Allyson Pallisser et encadrée par Alexandre Mallard, directeur de recherche et directeur du CSI. Alexandre est spécialiste du commerce, notamment du petit commerce.

Si pour la SEMAEST rendre visibles les externalités du commerce est au cœur de sa raison d’être (en tant qu’aménageur commercial), pour Datactivist l’intérêt peut paraître éloigné pour le lecteur extérieur. Deux sujets intéressent davantage la coopérative dans ce projet :

• le processus de collecte de données auprès des commerçants (processus très qualitatif, il intéresse pour Datactivist de tester et éventuellement d’envisager de nouvelles méthodologies au sein de ses projets) ;

• la valorisation de données (une fois les externalités identifiées, le projet doit réfléchir davantage à la valeur du commerce, ce qui impliquerait d’imaginer comment valoriser les données. Cette compétence est au cœur des activités de Datactivist).

De plus, depuis des années nous investissons dans la Recherche et le Développement et nous réfléchissons à accroître notre compétence en interne afin de mieux accompagner nos clients.

Enfin, depuis le tout début de son histoire, Datactivist travaille en partenariat avec des acteurs divers et variés afin d’accomplir sa mission : être à côté de ceux qui ont besoin d’ouvrir leurs données, de les rendre utiles et utilisables. Le partenariat avec l’École de Mines entre dans cette dynamique et permettra à ce projet de recherche de s’enrichir du suivi des chercheurs du Centre de Sociologie de l’Innovation.

Pour finir, lors des trois prochaines années, ces questions seront au cœur de mes travaux et j’espère pouvoir partager les avancées de cette aventure au fur et à mesure, notamment par de nouveaux billets de blog. Des analyses préliminaires commencent à sortir, mais je compte les partager une fois que nous aurons des résultats stables. D’ici là, “stay tuned” et n’hésitez pas à nous contacter pour devenir partenaire de ce projet. Nous aimerions embarquer d’autres collectivité de tailles diverses et variés ainsi que des acteurs de la ville dans l’aventure.

--

--

Allyson Pallisser
Datactivist

PhD Candidate in STS at CSI @Mines_Paris / Consultant #OpenData at @datactivi_st /📍 Marseille/Paris — FR