Si ces communes de moins de 300 habitants ouvrent des données, qu’attendez-vous ?

Guillaume Martin
Datactivist
Published in
6 min readFeb 16, 2023

Par Guillaume Martin et Etienne Pichot Damon

Six années et quatre mois : c’est le temps qui s’est écoulé depuis la promulgation de la Loi Pour une République Numérique, qui a fait de l’open data la règle et non plus l’exception.

Depuis, près de 1000 administrations ont ouvert des données. Des progrès ont été réalisés sur leur qualité, grâce à des standards de plus en plus adoptés et une montée en compétence des professionnels au sein des collectivités. Témoin de cette bonne progression : la France est en première position de l’Open Data Maturity Report en 2022.

Mais cette course à l’ouverture n’est pas du tout homogène. Malgré les obligations légales et la maturité des acteurs et des solutions (data.gouv.fr, portails mutualisés, outils du type Validata), certaines collectivités en sont encore au stade zéro de l’open data. Et il ne s’agit pas là uniquement des plus petites communes :

57% des communes de 80 000 à 100 000 habitants n’avaient pas encore ouvert de données en octobre 2022 selon l’observatoire open data des territoires.

Source : https://www.observatoire-opendata.fr/resultats/

Même si ce sont globalement les plus grandes communes qui ont lancé une démarche open data, on ne trouve toujours aucune donnée ou presque pour plusieurs grandes villes et départements.

Et pourtant, des communes de moins de 300 habitants ouvrent des données. Qui sont-elles et comment font-elles ? Nous vous proposons de détailler un cas pratique: celui de Lys-Saint-Georges.

Publication des subventions de quelques dizaines d’euros : une transparence totale

Quelles sont ces communes de moins de 300 habitants qui ouvrent des données ?

Elles s’appellent Baudignan, Lubbon, Doncières, Rochebrune… et sont des communes de moins de 300 habitants avec un point commun : elles ont déjà ouvert au moins un jeu de données. Au 1er janvier 2023, on compte 50 communes françaises de moins de 300 habitants qui “font de l’open data”.

Parmi elles, Lys-Saint-Georges, commune de 250 habitants située dans le département de l’Indre. Catégorisée par l’INSEE comme commune très peu dense, la ville s’est inscrite à la 5e édition du Challenge Data organisé par Datactivist avec le soutien de Sciences Po Saint Germain en Laye et de l’ANCT. L’accompagnement d’une commune de cette taille était un véritable challenge pour les étudiants. Et sans vouloir divulgâcher la fin de l’article, la mission est largement remplie.

Les données publiées par Lys-Saint-Georges sont disponibles sur data.gouv.fr

Pourquoi une petite commune ouvre-t-elle ses données ?

En premier lieu, il s’agit d’une motivation politique. Lys-Saint-Georges ne comptant qu’une seule agente administrative à mi-temps dans ses effectifs, l’impulsion est venue d’un des onze élus municipaux. Notons que cet élu est ingénieur de profession et qu’il est familier de l’open data sans pour autant travailler dans ce domaine : ça peut aider.

Il a toutefois réussi à convaincre le reste du conseil municipal et son agente administrative d’ouvrir des jeux de données en soulevant l’enjeu de la transparence vis-à-vis des habitants de la commune. Les jeux de données ouverts permettent à la commune de rendre des comptes plus facilement sur son activité (budget, marché, délibérations, subventions) dans ses outils de communication institutionnelle.

Le site internet de Lys-Saint-Georges mis à jour à partir du jeu de données “registre des associations de la commune de Lys-Saint-Georges en 2022”

Mais avant d’ouvrir des données, faut-il déjà les récupérer et améliorer leur qualité. Et c’est dans ce grand principe du “eat your own dog food” (ou en français, autoéquipement), c’est-à-dire utiliser soi-même les données ouvertes, que s’inscrit le deuxième objectif de Lys-Saint-Georges. Il n’y avait quasiment aucun jeu de données formalisé au sein du système d’information de la commune. Il s’agissait en grande partie d’informations parcellaires et éparpillées dans divers documents numérisés ou non.

Le processus d’ouverture des données a ainsi permis à la commune d’améliorer très fortement la qualité de ses données et donc de faciliter le travail de son agente administrative. Le recensement des délibérations, des subventions, des budgets, des associations de la commune, des monuments historiques et des bacs de tri sélectif sont désormais dans des formats numériques, standardisés, interopérables et facilement réutilisables.

Alors non, Lys-Saint-Georges ne deviendra pas un exemple de “ smart city”, mais ce village malin montre comment l’open data peut faciliter le travail de ses services.

L’ensemble des jeux de données publiés par Lys-Saint-Georges ont une qualité des métadonnées maximales et respectent, lorsqu’ils existent, les standards de schema.data.gouv

Une petite commune, plus agile et “open data compatible” qu’une grande administration ?

La première étape de l’open data réside dans l’identification des sources de données. Dans le cadre du Challenge Data, les étudiants partent à la “chasse aux données” et contactent les directions métiers productrices de données. Or, le petit nombre d’interlocuteurs permet d’éliminer assez rapidement les jeux de données pour lesquels les données seront introuvables dans le temps imparti et de récupérer très facilement les données à ouvrir.

Le cycle de la donnée est plus court tout comme le processus de validation et de prise de décision, frein non négligeable à l’ouverture de données dans une grande administration.

À Lys-Saint-Georges, les étudiants du Challenge Data étaient en contact quotidiennement avec l’élu et l’agente administrative. Ils ont évalué dès le premier jour le travail de mise en qualité nécessaire à l’ouverture de certaines données et se sont concentrés sur sept jeux de données.

La mairie de Lys-Saint-Georges en 2014 (François Goglins, cc-by-sa)

Enfin, les données d’une petite commune contiennent souvent moins d’entrées que celles d’une grande administration. Par exemple, la ville de Lys-Saint-Georges ne compte qu’un seul marché public en 2022 et ne dispose que de cinq associations sur son territoire. Ainsi, les étudiants ont pu aisément contrôler l’exactitude des données collectées en contactant directement les associations.

Quels sont les défis pour mettre à jour des données ?

Une observation légitime pour tout utilisateur régulier de données publiques : publier des données c’est bien, les mettre à jour c’est mieux. Lors du Challenge Data, cet enjeu de mise à jour était pris au sérieux par les étudiants et bien compris des territoires participants.

Alors comment faire en sorte que les communes respectent ce principe ?

  1. Aucune sanction n’est prévue par la loi ;
  2. Un engagement de bonne volonté serait certes signé avec enthousiasme sur le moment mais n’aurait probablement aucun effet.

L’usage, ou d’abord la perception de l’utilité réelle des données est certainement le meilleur moyen de garantir leur mise à jour. Par exemple, si les données sont intégrées dès leur publication sur un site web communal ou dans un processus existant, elles devront naturellement (et avec moins de souffrance) être actualisées lorsque nécessaire.

À Lys-Saint-Georges, la commune avait prévu dès l’origine d’utiliser ces données dans les guides touristiques mis à disposition des hébergements locaux.

Open data : les atouts et défis des petites communes

Ce retour d’expérience nous montre que les petites communes ont plusieurs atouts : elles peuvent initier une démarche plus rapidement, bénéficier d’un cycle de la donnée plus court. Les défis qu’elles ont à relever sont néanmoins importants : constance dans la mise à jour, absence de poste relatif au numérique et de ressources, manque ou absence de données tout court. Mais malgré les petits volumes de données publiées, la qualité est au rendez-vous, et des usages sont déjà mis en place pour garantir la pérennité de la démarche.

Les plus grandes communes qui n’ouvrent pas encore leurs données rencontreront d’autres difficultés, notamment parce qu’une ingénierie sera nécessaire sur certains types de données. Mais il nous a semblé important, par cet article, de mettre en avant ces exemples issus du Challenge Data : le plus dur est de commencer, car toutes les ressources existent pour publier vos premiers jeux de données.

Datactivist remercie à nouveau l’ANCT, financeur du Challenge Data, les étudiants de Sciences Po Saint Germain en Laye pour leur motivation sans faille et la commune de Lys-Saint-Georges désormais la plus exemplaire en open data des communes de moins de 300 habitants !

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Guillaume Martin
Datactivist

Consultant #opendata chez @datactivist (et Chief Babyfoot Officer) - ex chargé de mission #data à la @MEL_Lille - ex coordinateur de @legrandbarouf