Cette couverture représente les termes les plus fréquemment utilisés dans cet article, leurs relations et leur musicalité.

Interactions humains-données

Comment vont-elles augmenter notre capacité de perception, de compréhension, et d’analyse ?

Dataveyes
Dataveyes Stories (VF)
9 min readFeb 17, 2020

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(An english version of this article is available here)

Il y a un an et demi, nous avons repensé notre identité, rénové notre site internet, et entrepris de mieux expliquer notre activité. Nous avions l’habitude, avant cela, de nous présenter comme une entreprise spécialisée dans les interfaces de visualisation de données, mais nous constations que cette dénomination reflétait mal l’étendue des défis et des compétences mobilisées lors de nos missions. Nous avons donc commencé à utiliser le terme interactions humains-données pour décrire notre activité, ou “Human-Data Interaction” (HDI), en anglais.

Ce terme désigne un courant qui met l’Humain au centre de l’industrie des données. Il est encore rarement utilisé à l’exception de quelques publications scientifiques anglo-saxonnes (voir Richard Mortier, Hamed Haddadi, Tristan Henderson, D. McAuley et J. Crowcroft sur http://hdiresearch.org/).

Les interactions humains-données regroupent tous les dispositifs destinés à améliorer la façon dont nous comprenons et utilisons l’information contenue dans les données. Elles transforment notre façon d’apprendre et de comprendre notre environnement, nos relations aux autres et à nous même.

VERS UNE MEILLEURE DATA LITERACY

Les données sont devenues un moyen privilégié d’encapsuler l’information toujours plus complexe produite par nos sociétés. Nous générons des volumes de données considérables, désormais qualifiés de Big Data, lorsque leur volume, leur vitesse, et leur variété, mettent à mal les outils informatiques traditionnels et nous obligent à renouveler nos approches statistiques.

Dans cette course en avant vers des données toujours plus riches, le facteur limitant n’est pas la technologie, qui s’améliore en continu, mais bien les Humains qui essaient de suivre derrière. Les ordinateurs et les logiciels ont été conçus pour “passer à l’échelle”, pour produire et gérer de plus en plus d’information complexe. Nos cerveaux humains, en revanche, n’ont pas été faits pour passer à l’échelle dans une même mesure. Notre capacité à comprendre et traiter des données est limitée, et elle a déjà décroché par rapport aux progrès continus de notre environnement technologique.

Tout comme il y a des sons que nous ne pouvons pas entendre, il faut désormais admettre qu’il y a des logiques que nous n’arrivons pas à penser. Les algorithmes qui déterminent les marchés financiers, les programmes qui conduisent nos voitures ou régulent nos villes, etc. : ces systèmes complexes échappent à la compréhension de la plupart d’entre nous. De la même façon que nous avons construit des outils pour entendre les sons inaudibles, il ne nous reste plus qu’à construire des outils pour comprendre ces systèmes de données insaisissables.

Ainsi, la véritable révolution des données n’est pas dans la capacité à faire tourner en parallèle des dizaines de serveurs. Elle est dans la capacité à amener un plus grand nombre de personnes à une meilleure data literacy, c’est à dire à une meilleure compréhension et une meilleure intuition des données.

Voilà pourquoi il est nécessaire de s’intéresser à la façon dont les humains vont, à l’avenir, accéder, comprendre, et utiliser les données. Ils y parviendront grâce à de multiples interactions avec des systèmes connectés : voici justement le champ d’action et de réflexion de notre discipline, celle des interactions humains-données.

LES PROMESSES DES INTERACTIONS HUMAINS-DONNÉES

Les interactions humains-données ont pour ambition d’apporter une dimension plus cognitive aux multiples interactions des Humains avec les systèmes connectés, grâce au design et aux technologies qui le supportent.

Voici 5 promesse des interactions humains-données (HDI) pour «augmenter» notre capacité à nous approprier les données.

1 — Voir l’invisible

Le premier défi des HDI consiste à créer de la confiance autour des dispositifs qui utilisent des données.

Il s’agit de rendre visibles les données qui irriguent aujourd’hui un grand nombre de systèmes complexes. Villes intelligentes, réseaux énergétiques décentralisés, voitures autonomes, ciblage publicitaire, etc. : une part de plus en plus importante de notre environnement est orientée par des algorithmes, se nourrissant de données, que bien souvent nous ne voyons pas.

Il y a là un double défi pour notre libre-arbitre : celui de ne pas se satisfaire d’un environnement informationnel que nous comprenons de moins en moins, et celui de ne pas laisser des services tiers influencer nos comportements sans en saisir les fondements. Nous ne pouvons pas vivre entourés d’algorithmes et d’objets connectés qui se comportent comme des boîtes noires.

Chez Dataveyes, ce premier défi correspond à des missions où il nous est demandé de réaliser des applications qui apportent de la transparence sur les données, et sur les données personnelles en particulier. Permettre à un large public de voir des données aussi aisément qu’il voit des images ou entend des sons, pour lui permettre de prendre confiance dans cette nouvelle ère des données riches et massives.

Pour consulter une étude de cas sur les données de déplacements en métro, nous vous invitons à consulter cet article sur notre site.

2 — Comprendre facilement de grandes quantités d’information

Le second défi des interactions humains-données consiste à inventer un langage visuel capable de rendre spontanément compréhensibles d’importants volumes de données. Il correspond à une discipline déjà bien établie : la visualisation de données.

La visualisation consiste à traduire visuellement de l’information contenue dans les données. Elle s’appuie sur la capacité de notre cerveau à s’approprier des quantités d’information bien plus conséquentes lorsque ces dernières lui sont présentées visuellement, grâce à la spatialisation de l’information, et aux métaphores visuelles.

Il ne s’agit pas d’une discipline nouvelle, mais elle était jusque là réservée à quelques domaines techniques ou scientifiques. Elle doit aujourd’hui s’adapter aux nouveaux besoins de publics non-experts, auprès de qui les successions de line-charts, bar-charts ou pie-charts ne suffisent pas à créer du sens.

Chez Dataveyes, ce deuxième défi correspond aux missions où nous devons rendre parlants des jeux de données riches et hétérogènes. Par exemple, pour permettre à tous les citoyens de s’approprier de vastes jeux de données médicales, ou pour aider des responsables marketing à travailler avec les nouvelles masses de données sociales. Notre travail consiste alors à inventer des codes visuels les plus signifiants possibles pour traduire les données.

Pour consulter une étude de cas sur la visualisation de données médicales, nous vous invitons à consulter cet article sur notre site.

3 — Manier des données compliquées sans que cela soit son métier

Le troisième défi des interactions humains-données suppose de permettre aux plus grand nombre “d’avoir prise” sur les données, c’est à dire de rendre aisé, agréable, et simple le maniement de données complexes.

Il s’agit de remplacer les lourds requêteurs des analystes ou le code informatique des développeurs, par des interfaces qui permettent au plus grand nombre de réaliser des opérations dans les données : filtrer, trier, sélectionner, croiser, calculer, etc., sans même avoir été obligé de suivre une formation pour apprendre à faire cela.

Chercher à faciliter les interactions avec les données va avec le besoin constant de réduire la complexité des données. L’interactivité permet en effet de découper de l’information trop dense en fragments plus faciles à appréhender pour un humain, et de laisser chacun explorer ces fragments comme il lui convient. Lorsqu’il zoome, navigue, sélectionne, déplace, glisse, active ou désactive, l’utilisateur s’approprie l’information à son rythme et selon ses besoins. Il est plongé dans une posture active, qui facilite l’appropriation de la connaissance.

Chez Dataveyes, ce troisième défi correspond aux missions où il nous est demandé d’imaginer de nouvelles façons de prendre en main les données. En plus des interfaces tactiles et mobiles désormais classiques, nous sommes de plus en plus souvent amenés à explorer des dispositifs sans contact, qui autorisent une palette de mouvements bien plus riches. C’est le cas des technologies comme Kinect ou Leap Motion, ou encore des dispositifs multi-devices au sein desquels des objets familiers, comme son téléphone, permettent d’interagir à distance avec les données.

Pour consulter une étude de cas sur des interactions multi-devices avec les données, nous vous invitons à consulter cet article sur notre site.

4 — Dépasser les limites de notre capacité d’attention

Un quatrième défi pour les interactions humains-données réside dans une meilleure gestion de notre capacité d’attention. De plus en plus, nous déléguons à notre attention périphérique la consultation de jeux de données mineurs, pour faire face à la multitude d’information disponible autour de nous.

A force de chercher à fluidifier les opérations de maniement des données, nous voyons apparaître des situations où les interactions avec les données s’effacent totalement pour devenir “diffuses”, voire passives. Ces interactions “sans frictions” sont le fruit d’interfaces dites “ambiantes”, c’est à dire des interfaces qui se fondent dans notre univers quotidien pour nous apporter de l’information en périphérie de notre attention. Aujourd’hui ce sont des panneaux de contrôle, des “murs-sociaux” dans les halls des entreprises, de grands écrans urbains, des cadres connectés, etc. Demain, cela pourra être aussi son miroir, son pare-brise, le mur des bâtiments publics, la route, l’éclairage, etc.

A une époque où le déluge informationnel submerge notre concentration, ces dispositifs sont suffisamment discrets et harmonieusement intégrés dans notre environnement, pour que nous finissions par oublier leur présence. Ils n’ont pas vocation à monopoliser notre capacité d’analyse, au contraire, ils ne nous demandent pas d’effort, et distillent de façon à peine perceptible de l’information, tout au long de la journée.

Chez Dataveyes, ce quatrième défi correspond aux missions où il nous est demandé de travailler sur des sujets de prospective associant système algorithmiques, données, et information. Par exemple, imaginer comment nous nous informerons dans les transports en commun de demain, ou anticiper la façon les voitures connectées vont communiquer avec leur passagers.

Pour consulter une étude de cas sur interfaces ambiantes et capacité d’attention, nous vous invitons à consulter cet article sur notre site.

5 — Accéder aux informations clés, sans même passer par les données

Le cinquième défi des interactions humains-données réside dans l’analyse automatique des données : construire des interfaces qui ne nous affichent pas toutes les données, mais uniquement les informations intéressantes, de façon synthétique.

Même en mobilisant son attention périphérique, le temps qu’un humain peut consacrer à l’exploration et la compréhension de données reste forcément limité. Pour nous libérer de la charge informationnelle que représentent toutes les données à notre disposition, il convient de mettre en place des dispositifs intelligents, adaptés à nos besoins, capables d’extraire au sein des données de l’information utile, pré-traitée, et de nous la proposer dans le bon contexte.

En définitive, les meilleures interactions humains-données sont celles qui nous aident au quotidien à mieux nous approprier notre univers sans nous obliger à nous confronter à sa complexité. Celles qui vont attirer notre attention uniquement sur les points saillants, les informations importantes, les variations significatives.

Aujourd’hui, elles sont déjà à l’oeuvre dans les moteurs de recommandation sur Amazon, Google, ou Netflix, ou dans les régulateurs électriques intelligents : ils captent des données sur nos usages, il apprennent de nos habitudes pour améliorer leurs analyses et nous restituer de l’information de plus en plus pertinente.

Chez Dataveyes, ce cinquième défi correspond aux missions où nous construisons des systèmes intelligents pour conditionner les informations présentées à un utilisateur en fonction du contexte.

Par exemple, des dashboards qui mettent l’accent sur les actions à prendre plutôt que sur l’exhaustivité des données, ou bien des applications qui alertent les utilisateurs lorsque les données décrivant leur environnement changent significativement. Nous intervenons alors sur toute la chaîne de valeur des données — collecte, structuration, traitement, visualisation, etc. — pour que chaque étape participe à la mise à jour du sens dormant au sein des données.

Pour consulter une étude de cas sur un dashboard, nous vous invitons à consulter cet article sur notre site.

Le titre de cet article parle “d’augmenter” l’Humain au sens métaphorique et non au sens “transhumaniste”: nous souhaitions montrer comment, grâce à un meilleur design des interactions humains-données, nous pouvons augmenter nos facultés de comprendre et d’utiliser les données.

Néanmoins, nous ne pouvons ignorer que ces dispositifs d’interactions avec les données risquent d’avoir sur nous une influence plus profonde, car ils induisent des gestuelles, favorisent des postures, sous-tendent des idées, qui laisseront leurs marques. Voilà pourquoi il est important que ces nouveaux dispositifs intelligents soient accompagnés d’une prise de conscience, et d’une éducation.

En définitive, notre métier ne consiste pas uniquement à penser les interactions avec les données. Il nous invite aussi de penser les interactions avec les systèmes qui traitent nos données, ce qui ouvre notre discipline à des chantiers juridiques et économiques aussi profonds que stimulants.

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