homme marchant avec son vélo, il téléphone. En arrière plan, fresque murale évoquant l’écosystème saturé de la ville.
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Réinterroger la finalité stratégique de l’exploitation de la donnée

François VERRON
demain
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5 min readFeb 20, 2020

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Quel serait l’usage qui nous parlerait le mieux de l’écologie de la donnée ? Quelles en seraient ses limites et ses améliorations souhaitables pour répondre aux exigences multi-dimensionnelles (éthique, écologique, organisationnelle, de valeur d’usage…) que recommanderait un manifeste de la donnée, avec pour ambition sa symbiose avec l’écosystème Terre et le bonheur d’y créer de la valeur et d’y vivre sereinement ? Quel serait l’usage mature de la donnée ?

Il faut dépasser la vision anthropocène des données telle qu’elle se dessine aujourd’hui, dont leur traitement à dessein (la finalité stratégique) serait les seuls gisement et création de valeur. Leurs opérateurs, des multinationales numériques, sont en situation de monopole sur le marché de la relation client et de la confiance, car ils exploitent les données pour optimiser l’expérience consommateurs/usagers, on pense bien sûr aux GAFAM, NATU et BATX… A l’inverse, on s’effraie aussi des Etats qui font du traitement des données un gisement de valeur tourné vers le contrôle des citoyens. La Chine, mais pas que, l’Europe n’est pas en reste…

Quel que soit le modèle de traitement et la “cause” humaine qu’il sert, l’impact est le même : il affecte l’écosystème TERRE.

L’écologie de la donnée est donc une histoire d’usages mais aussi une histoire de machines au service d’autres machines organisées en réseau (smart grid). L’écologie de la donnée fait système, écosystème : elle est un réseau de capteurs, calculateurs, actionneurs qui visent à réaliser un objectif humain. Un écosystème qui agit comme une surcouche logicielle par-dessus la couche mère : l’écosystème Terre.

On l’a vu, l’écosystème Terre est menacé par la production d’un excédent de carbone issue des activités humaines qui aggrave le réchauffement. En cause, notre mode de fonctionnement industriel pour les uns, l’absence de vision et de financement et règlement en faveur d’une croissance verte pour les autres. Toujours est-il que les faits sont là : inquiétants et avérés. Au-delà des considérations de moyens (la technologie fossile pour produire plus versus l’innovation technologique et réglementaire pour polluer moins), la production de la donnée impacte fortement l’écosystème que constitue notre planète.

L’ère anthropocène à la vitesse du numérique

Nous vivons l’ère anthropocène, qui caractérise la période actuelle de l’histoire géologique de la Terre quand les activités humaines modifient, impactent durablement la planète. Mais l’âge digital accélère l’anthropocène à la vitesse du numérique, par l’innovation technologique fondée sur la logique de réseau imbriquant virtuel et réel, augmentant nos usages par des algorithmes qui se nourrissent de données tout en en produisant de nouvelles. Cette boucle technologique infernale est en roue libre car elle repose sur un parti pris anthropogénique : l’énergie nécessaire à son fonctionnement est open bar, sans limite. La planète s’épuise, le bonheur d’y vivre décroit pour le plus grand nombre, dont nous sommes. Et à ce tribut lourd s’en ajoutent deux autres : la tentation totalitaire et la déshumanisation des relations humaines.

Au bout du compte, la donnée et sa carapace technologique pèsent en empreinte carbone, éthique et existentielle. C’est la contrepartie exponentielle des usages qu’offre la donnée. Et nous avons donc un vrai problème et donc une responsabilité.

Dans ce cadre, face à ce parti pris de la croissance sans fin, mais surtout son corollaire, l’exploitation exponentielle des ressources, l’écologie de la donnée doit opposer une autre manière de penser la technologie. L’écologie de la donnée doit opposer une logique de réseau dans laquelle elle organise, produit, échange et transforme de la donnée pour fabriquer des usages en se souciant à la fois de l’humain, des relations humaines, quelle que soit l’organisation (une entreprise, une collectivité, une vie de quartier, une classe d’école…), tout en préservant l’impact sur le système Terre.

Pour des usages de la donnée à capacité résiliente

La solution passe par la compréhension et l’élaboration de l’écologie de la donnée comme paradigme technologique qui favoriserait l’équilibre de l’écosystème. Une écologie de la donnée qui ferait écosystème intelligent, capable de faire résilience (mettre en place des processus pour recouvrir son état naturel en cas de perturbations) dans ses impacts dans les sphères où nous vivons, agissons, où nous créons, travaillons, où nous innovons.

Et c’est précisément la notion de réseau, d’écosystème de la donnée, la manière dont on le pense, l’organise, le structure qui doit être au cœur de la solution pour réduire l’empreinte carbone tout en délivrant à la fois une promesse de valeur dans les usages et la préservation de la planète et le bien y vivre pour tous.

Ainsi, invitons-nous à prendre en compte cette logique de réseau propre à l’écosystème : la vision de collapsologie qui fait débat en ce moment, évoque la notion de résilience comme style de pensée, d’agir et de faire réseau.

L’écologie de la donnée ne devrait-elle pas être par essence un outil de résilience ? Et dans ce cadre, quels seraient la logique, les formes, les attributs de ce réseau de données ? Et du coup, élaborer une grille de lecture, un guide opérationnel ou une matrice de maturité de la capacité de résilience pour l’ensemble des cas d’usage inspirant de la donnée.

Qu’est-ce qu’être mature dans l’écologie de la donnée ?

On doit atteindre un niveau de maturité en écologie de la donnée, à savoir protéger l’intégrité de la personne, assurer la sauvegarde de la planète, et créer de la valeur tout en garantissant la souveraineté numérique.

L’écologie de la donnée fait le lien entre empreinte numérique et empreinte carbone. L’écologie de la donnée comme paradigme nous incite à répondre à cette question, en tant que personne comme en tant qu’organisation :

En quoi et comment maîtriser notre empreinte numérique c’est à la fois réduire notre empreinte carbone et reprendre le contrôle de nos données, mais aussi garantir la création de valeur ? Car peut-on avoir une maturité écologique de la donnée si au final la donnée durant son cycle de vie (stockage, traitement, circulation), aussi sobre soit-il, n’aboutit pas à une proposition de valeur, c’est-à-dire un usage ? La réponse est bien évidemment non. Mais à condition que l’humain et la planète soient respectés.

Il n’y a pas que les données à caractère personnel, qu’il faut bien sûr préserver, pour garantir une vision humaniste de la technologie. C’est tout le spectre de la donnée qui fait écosystème qui peut selon les forces qui l’animent asservir l’humain ou l’émanciper, polluer la planète ou la dépolluer, dominer des concurrents ou les respecter (compétition ou “coopétition”), perdre de la valeur ou créer des services efficients.

En définitive, la sobriété (moins de « gras numérique »), l’éthique (plus de numérique responsable) et la créativité numérique (plus de proposition de valeur) sont les 3 piliers sur lequel repose le paradigme de l’écologie de la donnée.

Alors, tous des « datavores » en résilience ?

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François VERRON
demain
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