Crise sanitaire : les designers numériques indépendants fortement fragilisés, les salariés temporairement épargnés

*designers interactifs* publie la synthèse d’une vaste enquête sur l’impact de la crise sanitaire sur les métiers du design numérique en France. 380 designers y ont contribué.

Benoît Drouillat
Designers Interactifs
5 min readMay 8, 2020

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Le Radeau de la Méduse, Théodore Géricault, 1818–1819

A l’épreuve de la crise sanitaire qui a débuté en début d’année et du confinement, l’emploi des designers numériques français a fait preuve de résilience jusqu’à présent. Pourtant, les indicateurs économiques annoncent, pour les mois à venir, une période très délicate : plongeon de 5,8 % du PIB au premier trimestre 2020, plus de 450 000 emplois nets détruits sur la même période, prévision de récession de 8 % sur l’année. Le secteur du numérique anticipe une baisse de chiffre d’affaires de 25 % sur le 2e trimestre 2020 (source : Syntec numérique).
Lueur d’espoir, dans l’analyse du site layoffs.fyi, les métiers du product management et du design ne représentent « que » 4,6 % des licenciements massifs que connaissent actuellement les entreprises tech américaines.
Ils font donc partie a priori des emplois les moins vulnérables au regard de la crise, une tendance qui semble se confirmer pour le moment aussi en France. Pour ce qui est des indépendants, la question est plus complexe, car ils ont été malheureusement en grande partie les variables d’ajustement du début de la crise. Voilà pour le contexte.

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Designers numériques indépendants : entre suspension d’activité et importantes pertes de revenus

  • Les designers numériques indépendants sont par nature plus exposés aux impacts de la crise sanitaire. De fait, leur activité a été fortement fragilisée, occasionnant des reports incertains sur des missions, voire des annulations pures et simples.
  • Ils sont aussi 3 fois plus impactés en termes de perte de revenus que les salariés.
  • Les perspectives sont assez sombres, avec une estimation de reprise tardive et une forte baisse de chiffre d’affaires.
  • Cette situation se traduit par des remises en question profondes et l’envie de mener des missions porteuses de sens en termes de valeurs et d’engagement sociétal.
  • 53 % des missions des indépendants ont été suspendues (avec ou sans visibilité dans le temps) et 21 % annulées.
  • 52 % des indépendants ne trouvent actuellement pas de nouvelles missions, mais 35 % déclarent en avoir trouvé pour démarrer à la sortie du confinement.
  • 62 % estiment avoir subi une perte de revenu, soit 3 fois plus que les salariés.
  • 23 % des indépendants déclarent avoir été victimes d’impayés.
  • 71 % s’attendent à une baisse de leur chiffre d’affaires en 2020 ; ils évaluent cette perte dans une fourchette médiane comprise entre 30 et 50 %.
  • Pour les indépendants, la reprise pourrait n’intervenir qu’en septembre (32 %) ou au premier semestre 2021 (21 %).
  • Enfin, 10 % envisagent une reconversion et 8 % envisagent de chercher un emploi salarié dans le même domaine.

Les designers numériques salariés : privilégiés et temporairement préservés

  • Les designers salariés ont été relativement préservés des impacts de la crise. Elle implique surtout des priorités modifiées ; peu de projets sont à court terme annulés.
  • La crise ne menace pas les emplois dans l’immédiat et la majorité des recrutements prévus est maintenue. La diminution du nombre de nouvelles offres est toutefois de l’ordre de 30 %.
  • Les perspectives sont plus mitigées, même si les designers salariés tablent sur une certaine stabilité. Pour autant, ce statut quo ne présage pas des implications que la récession aura à moyen terme sur l’emploi et sur les activités de design.
  • Les designers salariés des grands groupes sont sur-représentés dans l’enquête (48 %), contre 28 % de designers en agence.
  • 46 % des designers numériques salariés estiment que la crise sanitaire a modifié les priorités de leur équipe
  • Si l’impact est majeur (32 % des projets suspendus ou ralentis), une minorité de projets a été annulée (6 %).
  • Seuls 27 % des designers numériques salariés ont été placés en chômage partiel, avec un taux d’activité oscillant entre 50 et 90 % pour près de 70 % d’entre eux.
  • Pour le moment, les effets de la crise sanitaire n’ont pas suscité de vague de licenciements massifs parmi les designers numériques (2 % déclarent avoir perdu leur emploi).
  • 20 % sont concernés par une perte de revenus (y compris prime ou variable) ; on relève une fourchette de perte comprise entre 10 et 40 %.
  • Plus précisément, cette perte est de l’ordre de 10 % pour 44 % d’entre eux et de l’ordre de 20 % pour 28 % d’entre eux.
  • La moitié des entreprises a imposé soit des congés ou des RTT pour faire face à l’activité partielle.
  • Seules 7 à 9 % des périodes d’essai sont menacées par la crise pour le moment.
  • 14 % des entreprises ont mis fin à des missions de prestataires externes pendant le confinement.
  • 4 à 6 % ont procédé à des licenciements.
  • 1 tiers des entreprises a gelé les recrutements au sein des équipes de design (et 10 % supplémentaires l’envisagent).
  • A contrario, 18 % des entreprises ont recruté pour développer leur équipe de design.
  • Seuls 36 % des participants pensent que leur équipe recrutera dans les prochains mois.
  • Une majorité de designers estime que la crise sanitaire ne changera rien à l’intégration du design dans leur entreprise (seulement 12 % pensent que cela va l’accélérer).

Moral des designers numériques : l’optimisme règne

  • 48 % des professionnels sont plutôt optimistes, à comparer avec la satisfaction relevée dans l’enquête sur l’emploi et les salaires de début 2020
    (68 %).
  • Pour les designers numériques, l’impact de la crise sanitaire, sur une échelle de 1 à 10, s’établit en moyenne à 6,3.
  • 18 % des designers numériques craignent la perte de leur emploi dans les prochains mois.
  • Autre preuve de la résilience des designers numériques, 27 % ont engagé des démarches pour changer d’emploi (lancer une recherche, se positionner dans un process ou proposition déjà acceptée).

Télétravail : un bilan contrasté

  • Avant la crise sanitaire, l’adoption du télétravail était déjà bien ancrée pour 27 % des designers (en pratique régulière), avec seulement 24 % ne l’ayant jamais pratiqué (taux global d’adoption en France entre 8 et 17 % à titre de comparaison).
  • Parmi les principaux impacts positifs du télétravail, les designers numériques plébiscitent le gain de temps en évitant les transports, une meilleure qualité de vie et équilibre vie / pro / perso.
  • À l’inverse, ils déplorent l’augmentation du nombre de réunions, la difficulté à être déconnecté et pour 26 % d’entre eux, une baisse de motivation.
  • Si les designers sont très bien outillés pour réorganiser leur travail à distance, et même pour certains une meilleure productivité, ils soulignent la plus grande difficulté à mener la recherche utilisateur.
  • Globalement, les designers numériques n’ont pas mis à profit le confinement pour se former, seulement 19 % d’entre eux en ont bénéficié.
  • Une majorité des salariés envisagent d’étendre leur pratique du télétravail après le confinement : 60 %.

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Benoît Drouillat
Designers Interactifs

Head of Design Saint Gobain | President *designers interactifs*