Enquête sur le niveau de maturité du design numérique dans les entreprises françaises

Reconnu pour sa valeur, mais sans stratégie établie, le design numérique manque encore de maturité. Son indice s’établit à 81/200 pour les entreprises utilisatrices et 88/200 pour les prestataires et les agences. Plusieurs défis prioritaires sont à relever dans les équipes : l’absence de budget dédié, de process formalisé, d’indicateurs de performance, une faible anticipation de son intervention, peu d’initiatives de sensibilisation et de formation au design et une culture faiblement diffusée. En revanche, le design numérique français dispose d’atouts-clés : une excellente collaboration entre les métiers (notamment les développeurs), une bonne compréhension de ses apports par les autres métiers, un indice de valeur perçue assez bon (4,5/7), une influence réelle sur les décisions et la recherche d’une bonne intégration avec l’agilité.

Benoît Drouillat
Designers Interactifs
6 min readJul 17, 2018

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Entre avril et juillet 2018, *designers interactifs* a mené une enquête auprès des entreprises sur leur niveau de maturité en termes de design. Le questionnaire comportait un ensemble de critères inspirés par le modèle de Jeff Sauro :

  • la structuration de l’équipe design
  • les méthodes de travail
  • la qualité du management et la présence d’une culture de design
  • le niveau d’intégration du design
  • la formation au design et les compétences
  • la mesure de la performance du design

209 entreprises, aussi bien des prestataires (“agences”) que des utilisatrices (“annonceurs”) de design ont répondu au questionnaire en ligne. Nous synthétisons dans cet article les enseignements-clés issus de leurs réponses. Sur la base d’une quarantaine de critères, nous avons réalisé un système de scoring permettant d’établir le niveau de maturité des entreprises sur une échelle de 200 points.

Les enseignements-clés de l’enquête

Le profil des entreprises

  • En dehors des agences et prestataires, logiciels (20,9%), informatique (14,9 %) et activités financières (7,46 %) sont les secteurs d’activités qui ont le plus recours au design numérique
  • La clientèle principalement adressée par le design numérique est l’entreprise (B2B — 61,1 %) (en prenant soin d’exclure les agences de ce calcul), le B2C ne représentant que 19,4 % des utilisateurs finaux
  • PME et ETI sont les types d’entreprises les plus représentées parmi celles utilisatrices de design (hors agences et prestataires), soit 64,8 % ensemble
  • 77,5 % des entreprises utilisatrices de design numérique réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 1 million d’euros (19,4 % réalisent un CA supérieur à 250 millions d’euros)

L’équipe de design

  • Pour 17,1 % des entreprises utilisatrices, le design numérique est intégré depuis plus de 10 ans (38,7 % depuis plus de 5 ans)
  • Les rôles les plus représentés au sein des entreprises sont UI designer (65,7 %), UX designer (48,5 %) et chef de projet (44 %) ; les fonctions spécialisées comme UX Researcher (14,1 %) ou ergonome (21 %) occupent une place réduite dans les équipes de design
  • A noter, 28,4 % des équipes sont dotées d’un design manager (part quasiment égale en agence)
  • L’équipe typique comporte de 1 à 5 designers (68,7 % des entreprises utilisatrices au total) ; en agences ces équipes ont globalement une taille plus importante
  • Les activités de design les plus représentées sont les maquettes graphiques (UI) (89,5 %), le wireframing (79,8 %) et le prototypage (78,3 %)
  • La plupart des équipes de design ne disposent pas d’un budget dédié (seulement 49 % au sein des agences mais seulement 9 au sein des entreprises utilisatrices)
  • 66 % des participants à l’enquête estiment que la taille de l’équipe de design intégré n’est pas suffisante pour répondre aux besoins, alors qu’en agence 57 % pensent au contraire que cette taille est suffisante

Les méthodes de travail

  • Une majorité d’entreprise dispose de process de design partiellement formalisés (55 % des entreprises utilisatrices) ; 30 % n’en ont aucun ; les process sont davatange présents en agence.
  • La fréquence d’intervention des designers n’est systématique que dans 27,6 % des entreprises utilisatrices (versus 38 % en agence)
  • La compétence design est principalement mobilisée pour réaliser des maquettes, réaliser des wireframes et des prototypes, comprendre les besoins et les attentes des utilisateurs, autant en agence que dans le design intégré
  • Les équipes de design ne sont pas toujours sollicitées en amont du projet (mais davantage en agence), ils le sont plus couramment lors de l’étape d’exécution en maquette
  • A noter, les entreprises utilisatrices prototypes et testent davantage que les agences, qui elles investissent davantage dans la recherche utilisateur

La qualité du management et la culture de design

  • 50 % des entreprises utilisatrice disposent d’un département (ou d’une direction) design identifié (en agence ce pôle monte à 60 %)
  • L’équipe design des entreprises utilisatrices est rattachée à la direction générale (21,6 %) ou à la direction produit (13,4 %)
  • Pour 17 % des participants, la direction identifie le design comme une activité prioritaire (29,8 % sont plutôt d’accord avec cette affirmation). En agence, cette adhésion est beaucoup plus forte (31 % et 28 %)
  • 33,5 % des entreprises utilisatrices estiment que l’équipe design adapte ses méthodologies à l’agilité ; cette adhésion est moins forte en agence (22 %)
  • 80 % des entreprises ne disposent pas de stratégie de design écrite
  • Seuls 16,4 % des entreprises utilisatrices organisent des initiatives de sensibilisation au design en interne (47 % ponctuellement et 36,5 % jamais) ; la sensibilisation est plus présente en agence
  • Pour près d’1/4 des entreprises utilisatrices (24,6 %), les décisions de design sont réalisés sans l’équipe design

Le niveau d’intégration du design

  • La compétence design est mobilisée en amont du projet pour toutes les structures, mais encore davantage pour les agences (33 % le sont toujours, versus 21 % pour les entreprises utilisatrices)
  • La perception globale de la compréhension du design par les product managers et les chefs de projet est positive
  • La collaboration avec les développeurs est systématique pour 44,7 % des entreprises utilisatrices (contre 40 % en agence)
  • Concernant la participation de l’équipe design aux roadmaps produits, celle-ci est moins systématique : 14,9 % (entreprises utilisatrices) et 11 % (agences)
  • La valeur perçue du design est de 4,5 / 7 en moyenne

La formation et les compétences

  • Autant en agence qu’au sein des entreprises utilisatrices, la formation au design est peu présente ; seuls 7 % et 8,2 % le planifient sur une base régulière
  • Les collaborateurs profitent seulement ponctuellement des événements et conférences externes
  • Les entreprises utilisatrices permettent davantage aux équipes de se former à de nouvelles méthodologies (29,1 % contre 18 % en agence)
  • On capitalise davantage sur les connaissances en agence (37 %) qu’au sein des entreprises utilisatrices (29 %)
  • Globalement, tous ont un accès facile aux derniers outils du marché (69 % des entreprises utilisatrices et 65 % des agences)

La mesure de la performance du design

  • La culture de la mesure de la performance du design reste faible mais est davantage ancrée dans les entreprises utilisatrices, qui sont seulement 3,7 % à la mettre en œuvre systématiquement
  • Le design est évalué le plus souvent lors du prototypage (52,9 % des entreprises utilisatrices et 48 % des agences)
  • Les principaux indicateurs mesurés sont le taux de satisfaction, l’analyse d’audience et le taux de conversion ; 29,8 % des entreprises utilisatrices ne mesurent aucun indicateur

Le score de maturité du design :

  • Entreprises utilisatrices : 81 / 200
  • Prestataires/agences : 88 / 200

Conclusion

D’importants efforts de sensibilisation au design doivent être menés pour faire connaître ses activités, sa démarche, ses compétences et ses apports. Dans les différentes thématiques explorées, les différences entre les agences et leurs clients ne reposent pas sur des écarts importants : les pratiques sont relativement homogènes. La distinction entre entreprises utilisatrices et agences s’opère essentiellement au niveau de la marge de manœuvre pour mettre en place les méthodes et outils du design ; les entreprises utilisatrices sont plus agiles. Toutefois, le design apparaît plus fragile au sein des organisations qui ne sont pas des prestataires ; son influence est moindre.

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Benoît Drouillat
Designers Interactifs

Head of Design Saint Gobain | President *designers interactifs*