Rencontre avec Axelle AYAD N’CIRI, co-fondatrice de Mapatho

Mario Chalhoub
Digicare
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6 min readNov 3, 2020

Fin juillet, nous avons eu la chance d’interviewer Axelle Ayad N’Ciri, fondatrice de Mapatho, co-fondatrice des Ateliers Mercure et auteure de Lonely Patient.

Comment t’es venue l’idée de Mapatho ?

L’idée m’est venue quand je travaillais dans l’industrie pharmaceutique. On arrivait à identifier les soignants en fonction du type de patients qu’ils recevaient et selon leurs pathologies. Je me suis dit que cette information était également très riche pour les patients. Aujourd’hui, on a en effet accès aux spécialités des médecins, mais pas concrètement aux pathologies associées.

Il existe par exemple 25 types de cancers différents, il est donc intéressant en tant que patient que l’on puisse être soigné par le médecin qui connaît notre type de cancer précis.

Au final, c’est du temps perdu pour les patients, pour la sécurité sociale et les mutuelles.

J’ai donc lancé Mapatho pour rendre cette information accessible à tous et optimiser le parcours de soins.

Comment l’aventure a commencé ?

Une fois que je m’étais dit que c’était très intéressant pour les patients d’identifier les soignants en fonction de leur expertise, il fallait que l’on trouve une solution pour le faire sans demander aux soignants de s’identifier eux-mêmes sur une plateforme. Cela est, en effet, considéré comme de la publicité et est donc interdit.

Il y avait un vrai manque dans l’identification des KOL (key opinion leader) soignants qui est pourtant une donnée importante : cela équivaut à savoir chez qui consultent les patients, qui ils écoutent et qui est très impliqué avec les associations de patients.

L’objectif de Mapatho était ainsi d’identifier tous ces soignants-là donc nous avons commencé à créer des partenariats avec des associations de patients (une vingtaine à l’heure actuelle) qui partagent la même problématique : aider les patients à trouver le bon spécialiste. Grâce à notre plateforme disponible 24/7, les associations peuvent rediriger les patients qui en ont besoin et prendre du temps pour faire autre chose.

Il existe 250 pathologies chroniques. Pour chaque pathologie, on échange avec les associations de patients concernées pour comprendre quels praticiens les patients doivent voir, quel est leur parcours de soin, quelles sont les problématiques de ces patients et elles m’aident ainsi à définir comment on pourra aider les patients pour une pathologie donnée.

Nous sommes aujourd’hui une équipe d’une dizaine à travailler sur Mapatho avec la même volonté d’aider les patients. Nous sommes vraiment dans le cadre d’une société à impact, avec du sens et sur le domaine de la healthtech for good.

L’équipe Mapatho

Comment fonctionne votre outil ?

On demande aux patients qui sont les médecins qui les ont pris en charge et dont ils sont satisfaits et ainsi, plutôt que de faire du bouche à oreille autour de soi, on va déposer le nom sur la plateforme de façon anonyme pour aider les personnes qui sont en dehors de son cercle proche.

Ainsi, pour chaque pathologie, on pourra assurer aux patients de trouver un médecin qui saura bien le prendre en charge. L’information est disponible de façon gratuite sur notre site en y créant un compte.

Depuis notre lancement, il y a un an, une quarantaine de pathologies sont disponibles et nous avons pu orienter 15 000 patients.

Quel est votre modèle économique ?

On a cherché un business model qui puisse aider le système de santé et les patients. On propose le service Mapatho Plus, le compagnon adapté à chaque malade chronique. En fonction de l’adresse du patient, on lui propose un parcours optimisé en indiquant l’hôpital et le centre expert le plus proche, l’ensemble des médecins qui pourront interagir dans sa prise en charge, mais également un contenu exclusif de vidéos sports, rituels Yoga et recettes de cuisine adaptés à sa pathologie.

Nous permettons ainsi de simplifier et d’optimiser le parcours, limiter le nombre de consultations, diminuer le temps perdu par les patients et par la même occasion limiter les coûts des mutuelles.

Cette fonctionnalité est proposée par la mutuelle à leurs adhérents.

Quelles sont vos prochaines étapes ?

Notre objectif est de développer de nouvelles pathologies, d’accroître la connaissance autour d’elles et de se faire connaître d’un maximum de patients pour éviter l’errance diagnostique. Nous faisons donc de la communication auprès des patients pour leur indiquer que s’ils ont un doute ou s’ils cherchent une prise en charge, ils peuvent trouver les informations nécessaires sur notre site.

Quelles difficultés dans le développement et le lancement ?

J’ai mis un an à lancer le projet en parallèle de mon travail dans l’industrie pharmaceutique, à réfléchir à la façon dont je pouvais avancer et tout faire valider. J’ai rencontré le Ministère de la santé et l’Ordre des médecins pour vérifier que l’on n’aurait pas de barrières réglementaires. Nous sommes aujourd’hui les seuls à utiliser un process validé par tous, ce qui est un prérequis pour travailler avec les associations de patients. Le fait qu’elles soient en partie subventionnées leur impose de la rigueur dans ce qu’elles font.

La volonté de passer par les patients a également été une barrière au départ. En effet, cela veut dire que l’on reconnaît l’expertise expérientielle du patient. On dit que le patient, qui est malade chronique et pris en charge, est capable de recommander un médecin.

Enfin, on a mis du temps à trouver un business model pertinent qui était éthique et capable de générer un fort impact.

Quel accompagnement pour une boite à impact ?

Il est difficile de trouver un accompagnement sur l’impact en santé. Il existe beaucoup d’incubateurs santé et beaucoup d’incubateurs impact, mais pas vraiment une offre qui englobe les deux.

Nous sommes donc dans un incubateur très généraliste qui nous permet de ne pas nous limiter à un domaine d’activité donné où le risque est d’oublier les autres business models existants.

Étant donné que l’on est un site grand public (1 français sur 3 est concerné par les maladies chroniques), cela fait tout son sens pour nous permettre de rester ouverts et à l’écoute.

J’ai par ailleurs été accompagnée lors de mon master d’entrepreneuriat à Centrale-ESSEC cette année sur les sujets liés à l’entrepreneuriat (création d’une société, business plan, l’écosystème…) et développer mon réseau.

Quel rôle a eu le livre que tu as écris dans ton aventure entrepreneuriale ?

En tant que patiente, je me suis rendu compte que la place du patient dans l’innovation en santé n’est pas prépondérante, contrairement à d’autres marchés où ce sont des expériences d’utilisateurs qui ont permis de révolutionner le marché. Par exemple, le créateur d’Airbnb était un voyageur.

En santé, ce sont souvent les médecins ou l’industrie pharmaceutique qui innovent, mais pas les patients eux-mêmes.

Nous ne sommes pas forcément légitimes à innover alors que ce sont nous les utilisateurs ainsi que les payeurs du système de santé, via les impôts et les mutuelles.

En tant que patiente, je pensais être seule à rencontrer des difficultés puis en entreprenant et en travaillant avec les assos de patients je me suis rendue compte que l’on avait tous les mêmes problématiques qui concernent toutes les malades chroniques : trouver le bon médecin, avoir un rendez-vous à la bonne heure, d’être pris au sérieux quand on va voir un médecin et de se souvenir de tout notre historique médical, trouver une prise en charge lorsque l’on déménage et avoir son dossier médical complet, …

Pourtant, les patients sont souvent infantilisés, nous sommes finalement très peu formés sur le fonctionnement de notre maladie, la manière d’en parler à ses proches, quels sont les signes d’une rechute, les centres d’urgences les plus proches…

J’ai pris la plume, car je me suis rendu compte que ma petite expérience était plus générale et j’ai rencontré pas mal de succès, car beaucoup de patients se sont reconnus dans ce que je racontais.

Avez-vous prévu des partenariats pour améliorer le parcours de soin global?

Depuis septembre, on devient Mapatho, la boite à outil de la pathologie. En effet, de nombreuses start-ups développent des outils pour aider les patients, mais ces derniers n’en ont pas forcément la connaissance. On va donc agréger sur notre site tous les produits et services que l’on a pu trouver sur une pathologie notamment pour aider les patients à suivre leur maladie grâce au digital.

L’objectif est aussi de faire profiter de notre visibilité auprès des patients, car c’est souvent difficile de se faire connaître au début en tant que startup.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site web de Mapatho : https://www.mapatho.com/

Rédigé par Mario Chalhoub, co-fondateur de Digicare

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Mario Chalhoub
Digicare

Co-founder of Digicare — President of YES & Start in Saclay — Pharm.D & Ecole Polytechnique student