La valeur de l’argent d’ici et de là-bas

Philippe Nieuwbourg
Digital Nomad Philippe Nieuwbourg
4 min readNov 21, 2017

Quand vous décidez de voyager, vous avez le choix entre deux types de pays : les pays plus riches que le votre, et les pays plus pauvres. Cela peut sembler simpliste comme réflexion, mais c’est la réalité. Et donc, en fonction de votre choix, les aspirations des gens que vous croiserez seront différentes.

Si vous n’aimez pas lire un billet de blog qui enfonce les portes ouvertes, passez votre chemin. Car mon histoire de vie fait que je comprends et vit à 50 ans ce que d’autres ont compris 30 ans avant. Tant mieux pour eux, mais ne gâchez pas ma joie de découvrir le monde !

Je suis actuellement au Pérou, un pays moderne, très loin d’être un pays du tiers monde. Mais un pays où les différences entre classes sociales sont énormes. Le salaire minimum officiel est de 300 dollars par mois environ, pour 50 heures de travail hebdomadaires. Certes la productivité n’est pas la même qu’en Europe. Mais Lima est une ville immense et les transports publics sont limités.

Vous pouvez ainsi vous lever à 5 heures du matin, pour rejoindre votre travail à 7 heures, finir à 17 heures et rejoindre votre maison à 19 heures, soit 14 heures d’absence, 5 ou 6 jours par semaine, pour 300 dollars par mois. Et cela si vous avez un travail officiel, dans une entreprise qui a pignon sur rue. Des millions de personnes n’ont pas cette chance. Il travaillent 12 heures par jour pour gagner quelques dollars, dans des ateliers de confection, comme ouvrier, comme gardien.

Tiens, prenez le gardien de mon immeuble, celui qui fait la journée, il est présent 12 heures par jour, 6 jours par semaine, soit 72 heures de travail hebdomadaire. Ah, ce n’est pas très compliqué. Il surveille la porte, ouvre aux habitants, empêchent les gens de l’extérieur de rentrer, s’occupe du courrier, aide les gens à sortir leur voiture, etc. Il est sans doute la personne la plus importante de l’immeuble. Et pour ces 72 heures de travail hebdomadaire, il gagne environ 400 USD par mois… alors que chacun des 20 appartements qu’il surveille est loué environ 1000 USD par mois. Ah sa vie ne doit pas être facile tous les jours, mais il a un travail honnête, et peut certainement assurer à sa famille le minimum vital.

Si vous allez dans un pays dit “riche” vous entendrez les gens se plaindre du trafic lorsqu’ils traversent un pont dans leur 4x4 climatisé, ou de la fréquence des métros alors qu’ils en ont un au pied de leur appartement. Ici, une personne peut gagner 400 USD par mois pour 72 heures de travail hebdomadaire et voyager 3 à 4 heures par jour, et ne pas se plaindre.

Au Pérou, ces gens que je croisent, et dont la vie quotidienne est incroyablement difficile, ont une philosophie bien différente. Ils savent beaucoup mieux se satisfaire du peu qu’ils ont. Face à ces situations difficiles, bien sûr, ils aimeraient changer de vie, mais ils acceptent leur vie telle qu’elle est. Et ils tentent toujours d’y voir le positif. Ce n’est pas forcément notre façon de voir les choses dans les pays plus développés.

Et savez-vous que, paradoxalement, il peut être très difficile de changer de situation trop rapidement.

Imaginons que vous choisissiez d’être généreux, de partager un peu de votre temps et de vos gains avec une personne rencontrée ici. Il peut s’agir de votre conjoint, de sa famille, d’un ami très proche, etc. Paradoxalement, changer de niveau social se révèle très difficile.

Quand vous vous êtes habitué, depuis des années voir des décennies, à acheter chaque matin la nourriture nécessaire pour le repas du midi, et rien de plus, tout simplement parce que vous n’en avez pas les moyens; il est paradoxalement difficile de savourer le luxe d’aller une fois par semaine au supermarché pour faire les courses de la semaine. Quand vous êtes habitué à vous déplacer en bus collectifs pour moins de un dollar mais d’endurer des heures de voyage, il est paradoxalement difficile de passer au taxi rapide, mais qui coûte 3 dollars. On explique toujours que la chute de niveau social est difficile, et je peux bien le croire. Mais savez-vous que de progresser socialement et économiquement, peut être tout aussi difficile si la transition est trop brutale. Et paradoxalement, vous pouvez vous sentir plus en sécurité dans votre situation précaire précédente que dans une situation matériellement plus confortable, mais qui ne dépend pas de vous.

Pourquoi ce billet ? Simplement parce que le digital nomad a du temps. Parfois beaucoup trop d’ailleurs. Et il peut observer son environnement. Les gens qu’il croise sont tous source d’enrichissement pour lui. Avec mon billet précédent sur l’amour, et celui-ci sur la valeur des choses, cela fait de bons sujets un peu décalés pour un documentaire sur les digital nomades, n’est-ce pas Laurent ;-)

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