Le Pérou s’arrête une journée pour se compter

Ce dimanche 22 octobre est une journée de congé forcé pour tout le Pérou. Oh, ce n’est pas dramatique, la dernière a eu lieu il y a 10 ans, en 2007. Mais en effet, aujourd’hui, le Pérou s’arrête de travailler pour se compter. C’est la journée du recensement national. Apparemment le Pérou n’est pas le seul à pratiquer ainsi, mais pour un digital nomade, c’est une expérience intéressante à partager.

Depuis plusieurs jours, dans les rues de Lima, les discussions sur le recensement ont remplacé les échanges interminables sur la qualification rêvée pour le prochain mondial de football.

Principale question qui revient, ai-je le droit de sortir de chez moi le dimanche 22 octobre.

Cela vous semble bizarre, à moi aussi… laissez-moi vous raconter.

Le Pérou, comme tous les pays, a besoin de se compter. L’INEI (Instituto Nacional de Estadística e Informática) est là pour cela. Et bien sûr, de ses travaux, découlent les orientations budgétaires publiques, et les indicateurs indispensables à la gestion du pays.

Pour mesurer à un instant T la population, ses conditions de vie, d’éducation, de logement, de travail, le recensement est l’outil utilisé dans toutes les régions du monde. Mais son mode de mise en place est différent en fonction des cultures et des contraintes locales. En France, le recensement est devenu un processus tournant, et permanent, plus efficace et à jour que les grandes campagnes décennales. Mais il suppose une importante organisation humaine, statistique, et informatique. Le coût en serait de l’ordre de 1 euro par habitant et par an, soit 66 millions d’euros en 2014.

Au Pérou, c’est une journée complète qui est consacrée à cet exercice. Principale conséquence, le pays est à l’arrêt pendant toute la journée, d’où le choix du dimanche, pour impacter au minimum l’économie du pays. Comme nous sommes en 2017 et que le dernier recensement avait eu lieu en 2007, ce n’est pas bien grave. Principal défaut de la méthode, la température du pays n’est prise qu’une fois tous les dix ans… ce n’est pas facile d’ajuster ensuite les politiques publiques dans un pays où la démographie et l’économie sont en plein bouleversements.

Le pays est à l’arrêt car il est tout simplement interdit de travailler, de voyager, de sortir de chez soi entre 8h du matin et 17h. Vous devez rester chez vous, et attendre l’agent du recensement. Les rues sont vides ce matin, presque aucune voiture ne circule. Les magasins sont fermés, car il est interdit d’aller travailler.

Bien sur il y a quelques exceptions, pour les services d’urgence, les hôpitaux, la presse, et si vous deviez voyager, vous deviez demander un laisser-passer à l’INEI avant la date du recensement, et enregistrer avant vos données de recensement.

Rien que pour la ville de Lima, la capitale, ce sont 180 000 agents de recensements qui sont employés, encadrés par des chefs de section et 10 000 chefs de zone. Chaque agent de recensement doit réaliser le recensement de 13 logements, et chaque questionnaire, qui compte plus de 40 questions, prend environ 20 minutes. Une organisation quasi-militaire. La police et l’armée sont d’ailleurs mises à contribution pour veiller au bon déroulement des opérations, et surveiller d’éventuels faux agents qui tenteraient de s’introduire dans les logements à cette occasion. Il faut tout prévoir. Dans des cas extrêmes, la police peut également placer en détention quelqu’un qui se déplacerait sans sauf conduit, et sans avoir été recensé préalablement ! Si une personne de votre famille décède, vous ne pourrez pas vous y rendre dans la journée. Vous devrez attendre 17h, que la vie normale reprenne son cours :-)

Toutes les réunions publiques sont bien sûr interdites, dont les célébrations religieuses, un comble le dimanche pour un pays très catholique.

Le coût de l’opération n’est finalement pas si élevé que cela. Le directeur de l’INEI, Aníbal Sánchez, parle de 173 millions de soles, soit environ 45 millions d’euros pour un recensement décennal. Cette organisation militaire est finalement très efficace. Son seul défaut, est de ne pas pouvoir être réalisée fréquemment.

Pour en savoir plus, en espagnol, sur cet événement :

• Un article du journal El Comercio: https://elcomercio.pe/lima/sucesos/censo-2017-quienes-empadronaran-reconocerlos-noticia-459857
• Une vidéo explicative de La República: http://larepublica.pe/sociedad/1111321-censo-nacional-quienes-podran-transitar-con-normalidad-el-domingo-22-de-octubre
• Un article de Perú21: https://peru21.pe/lima/censos-poblacion-vivienda-realizaran-setiembre-ano-65503