Se présenter, c’est aussi simple (ou compliqué) qu’écrire une bio Tinder.

Victoria P
Digital storytelling & nouvelles écritures
5 min readNov 13, 2017

Aujourd’hui, il est impossible de nier le fait qu’Internet et les réseaux sociaux ont bouleversé notre manière de vivre. Leur développement a modifié nos habitudes de consommation, notre relation à l’information, mais aussi, notre manière d’interagir avec les autres. Surtout pour les « digital natives », ces enfants et jeunes adultes qui ont grandi avec la technologie et n’y connaissent pas d’alternative. De nombreuses études ont été menée pour comprendre l’impact de la technologie sur leurs vies, et nous mettent en garde contre une utilisation trop fréquente des réseaux sociaux. Cependant, selon une étude de la Fondation Mac Arthur sur l’usage des réseaux sociaux par les jeunes, cet usage serait essentiel pour créer et renforcer les liens sociaux, mais aussi pour définir et ensuite gérer leur image publique.

Dans un monde où notre image est devenue accessible à tous, de par la nature ouverte des réseaux sociaux, et où notre image est aussi très modulable, s’adaptant au réseau utilisé, se présenter devient une partie intégrale et inévitable de la vie sociale sur Internet, tout comme dans la vie quotidienne. Avec les réseaux sociaux, nous assistons à une multiplication de contextes sociaux, et donc la nécessité de toujours se présenter de nouveau, mais dans de différents formats. Pouvons-nous dire que la manière dont nous devons nous présenter a évolué pour répondre à ces différents formats ?

Se présenter, encore et encore

La présentation de soi est une composante vitale de nos interactions sociales. Aujourd’hui, en plus des présentations en face à face, lors d’une fête par exemple, à des amis ou des inconnus, nous devons aussi constamment nous présenter sur les réseaux sociaux. Indépendamment de la mise en scène méticuleuse de nos profils sur Facebook, Instagram, ou même sur des sites de rencontres, nous présentons aussi un aspect de notre vie ou notre personnalité à chaque fois que nous publions une photo ou un texte.

Nous devons aussi nous présenter professionnellement, aussi bien avec des CV virtuels sur des sites tels que LinkedIn, que physiquement lors d’entretiens d’embauche. Ces différentes manières de se présenter peuvent sembler diamétralement opposées, mais les conseils pour se mettre en valeur lors de présentation se rejoignent très rapidement, peu importe le format.

Que ce soit une bio Tinder ou un entretien, les experts conseillent d’être authentique, montrer notre différence, être vendeur, avoir le sens de l’humour tout en restant sérieux et raisonnable. Chaque détail doit être réfléchi et défini au préalable, pour ne rien laisser au hasard. Il faut une stratégie pour piquer la curiosité de son public, une phrase d’accroche qui incite la curiosité, des détails qui invitent les questions, des mots clés qui permettent au public de saisir notre personnalité à partir de quelques indices.

À travers tous ces conseils, un fil rouge revient. Pour se présenter de manière convaincante en capturant rapidement l’attention de son public, il faut savoir raconter une histoire. Par conséquent, toute forme de présentation, à la fois en ligne et hors ligne, est une forme d’histoire, une manière de se raconter soi-même.

Se présenter, c’est se raconter

Les histoires sont essentielles à l’être humain. Nous nous racontons des histoires pour tisser des liens sociaux, et pour organiser et comprendre le monde qui nous entoure. De nombreuses études ont démontré l’importance des histoires pour les individus et pour le groupe social. Les histoires forment une partie intégrale de la manière dont nous interagissons avec les autres. Certains scientifiques proposent l’hypothèse que ce sont les histoires qui nous ont permis de devenir des êtres sociaux : nous partageons des histoires pour créer des liens avec nos compagnons et pour transmettre des informations vitales. Jennifer Aaker, professeure en marketing du Stanford Graduate School of Business estime que les gens retiennent 22 fois plus de faits quand ils sont intégrés à une histoire.

Les histoires sont donc essentielles pour nous aider à comprendre le monde qui nous entoure. Fritz Heider et Marianne Simmel l’ont aussi démontré à travers leur étude menée sur 34 participants à Smith College. En 1944, ils ont montré aux sujets de l’étude une vidéo dans laquelle des formes géométriques se déplaçaient sur l’écran. 33 participants racontaient une histoire pour expliquer les mouvements des formes, et un seul participant disait voir uniquement les formes géométriques. Nous cherchons toujours à expliquer ce que nous ne comprenons pas, et les histoires nous permettent de transmettre ces informations et nos hypothèses rapidement, de manière à ce que l’on s’en souvienne. C’est pourquoi raconter une histoire sur soi-même est la meilleure manière de se présenter.

Mais le rôle le plus important des histoires dans ce contexte est l’impact qu’elles ont sur nos émotions. Les histoires aident les gens à être plus empathiques, en leur permettant de voir un évènement du point de vue de quelqu’un d’autre. Raconter une histoire lors d’une présentation permettrait à notre interlocuteur de se mettre à notre place, pour s’identifier avec nous, créant facilement un lien d’empathie entre les deux.

Les histoires sont donc inexorablement liées à notre manière d’interagir avec le monde, et nous devons les intégrer à notre identité pour pouvoir nous présenter de manière claire et efficace. Les histoires permettent d’intéresser notre public rapidement, pour qu’il ait envie d’en savoir plus, et pour qu’il s’investisse dans notre récit.

Il y a bien sûr différentes manières de raconter des histoires pour se présenter, dont certaines sont très formatées. Par exemple, le CV et la lettre de motivation exigent une mise en forme particulière, tout comme la bio Tinder limite la présentation à 500 caractères. Peu importe le contexte, une bonne présentation tire sa force de l’élément de surprise, tout comme une bonne histoire. C’est l’inattendu qui poussera le public à se poser des questions et qui maintiendra son attention.

Mais qu’est-ce que ça veut dire ?

Nous comprenons donc que la capacité à raconter des histoires est devenu une compétence très importante aujourd’hui. Raconter des histoires est un avantage car celles-ci sont polyvalentes, et c’est un talent qui s’adapte à plusieurs contextes. Se présenter est une des manières les plus fréquente de se raconter soi-même, de proposer une histoire sur notre vie.

Comme nous l’avons vu, la présentation de soi est devenu omniprésente dans notre société moderne. La multiplication des formats de présentation (impliquant souvent une forme de valorisation de soi qui passe par l’exagération) et le rapprochement entre histoires et présentations, peuvent brouiller la distinction entre fiction et réalité. Il est commun d’embellir les histoires pour les rendre plus intéressantes, mais à quel point pouvons-nous le tolérer lors de présentations ? Selon Le Figaro, 26% des candidats trichent sur leurs diplômes lors d’entretiens ou sur leurs CV. Les exagérations qui peuvent paraitre anodines dans d’autres contextes deviennent plus grave dans cette situation, et mettent en avant la nécessité d’enseigner à tous l’importance de distinguer entre une invention et un fait avéré.

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