Rencontre avec Dominique Roynet

Alessandra Marchione
Doc’… j’avorte ?
3 min readMar 8, 2017

Médecin pratiquant l’avortement et féministe, Dominique Roynet lève le voile sur certaines questions sensibles. Rencontre avec une fervente défenseuse des droits des femmes.

© 7/7.be

20.000, c’est le nombre officiel d’avortements réalisés en Belgique chaque année. 30.000, c’est le nombre réel d’avortements effectués dans le royaume. Qui sont ces 10.000 femmes supplémentaires ? “Ces 10.000 femmes subissent en réalité un curetage, dont les gestes sont les mêmes que l’avortement, mais le suivi et l’encadrement sont totalement différents.” Un avortement, qui se fait donc passer pour un curetage. Il suffit de se pencher sur les chiffres officiels de l’INAMI pour se rendre compte que ces deux pratiques n’en sont en fait qu’une seule dans la plupart des cas. Lorsque le curetage augmente, l’avortement diminue, et vice-versa.

Mais pourquoi une telle pratique?

Le problème, c’est la clause de conscience et les lobbys religieux. Chaque médecin à le droit de choisir, selon ses croyances, de pratiquer ou non une IVG (interruption volontaire de grossesse). Mais l’établissement hospitalier, lui, ne peut rien imposer. Or, certains centres hospitaliers catholiques refusent que les médecins qui y travaillent aient de telles pratiques. Cette opération est donc présentée comme un curetage, soit vider l’utérus comme si la femme avait eu une fausse couche. Mais le suivi qui est normalement prévu pour un avortement n’est pas présent ici, ce qui pose problème pour celles qui ont besoin de soutien après ce type d’intervention.

“Le problème c’est la grossesse, la solution c’est l’avortement”

Selon Dominique Roynet, 80% des femmes n’ont aucun problème psychologique lié à leur décision d’avorter. “Psychologiser l’avortement c’est entrer dans le jeux des anti-choix. Les femmes sont soulagées d’avoir avorté. Celles qui ont besoin de temps sont rares. La plupart des femmes qui viennent me voir sont décidées.” Et les révélations ne s’arrêtent pas là: “La plupart des femmes ne veulent pas attendre les six jours de réflexion prévus par la loi avant d’avorter. Si elles viennent et qu’elles sont convaincues de leur choix, je n’attends pas non plus. De toute façon, ils ne me mettront pas en prison pour ça, je suis trop vieille”.

“La loi devrait évoluer, s’adapter à la réalité d’aujourd’hui, dans la mesure où les praticiens n’ont plus peur de faire quelque chose de mal, mais les femmes oui. La loi est devenue obsolète, le délai des six jours n’a plus de sens, et l’état de détresse non plus, en tout cas dans la pratique. Quant au fait de donner aux femmes des alternatives, jamais un généraliste n’en parle, puisque la seule alternative est d’accoucher.”

En Belgique, la loi prévoit l’acceptation de l’avortement endéans les douze semaines et sous certaines conditions. Mais chaque année, entre 500 et 1000 femmes partent en Hollande pour avorter car ce délais est dépassé. Un déplacement coûteux, d’environ 850 euros, qui n’est évidemment pas remboursé par la mutuelle. Le problème, c’est la technique, car le fœtus est plus gros, et donc la pratique est légèrement différente. Les médecins belges d’aujourd’hui ne savent pas réaliser ce type d’opération, ils n’osent pas, car ils n’y sont pas formés.

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