Notes sur la Product Conference 2017

Charlotte Rayer
Doctolib
Published in
10 min readJul 7, 2017

La Product Conference (LPC) est un événement annuel organisé sur une journée et destiné à contribuer au développement du product management en France. Cette année 16 product managers ou fondateurs d’entreprises centrées sur le produit ont partagé leur expérience. Nous avons assisté à 5 talks axés sur le produit et l’organisation des équipes produit : en voici une brève restitution.

1. Interview — DRIVY (Paulin Demanthon)

LPC : Qu’est-ce qui a fait que Drivy a réussi ?

P. Demanthon : Tout d’abord le focus produit, c’est ce qui permet de se différencier sur le marché. L’arbitrage entre le produit et l’expansion est compliquée. Blablacar a choisi l’expansion d’abord, Drivy le produit avec une expansion plus lente.

Ensuite la force de l’intuition, surtout au début. La satisfaction des utilisateurs est guidée par l’intuition puis validée par la data.

Le fait de toujours garder en tête la mission : pour Drivy la mission consiste à faire un service simple (convenient). Il faut afficher les principes au mur pour toujours les avoir en tête. Exemple du boîtier Drivy Open : c’est un pari fondé sur la convenience, mission de Drivy, pour lequel une start-up a été créée dans la start-up avec une équipe produit différente.

Un enjeu de poids pour Drivy est de faire grossir l’offre et la demande de voitures en même temps, tout en conservant la qualité.

LPC : Comment est organisée l’équipe produit ?

P. Demanthon : Il y a une distinction entre produit et design : le design s’occupe de la collecte des feedbacks clients, de concevoir des solutions pour améliorer l’expérience client, de la qualité de l’offre (contenu).

L’organisation produit est un défi avec la croissance de l’équipe : les interactions croissent exponentiellement avec le nombre de personnes. Il y a 8 personnes dans l’équipe produit de Drivy avec des squads formées depuis un an.

Chez Drivy le rôle de product owner (PO) correspond à la gestion du projet, à l’interface avec les équipes extérieures. Les product managers (PM) s’occupent de la production des spécifications fonctionnelles et de la recette.

Des réunions roadmap ont lieu 2 fois par quarter.

Une fois par trimestre est organisé un meeting avec toute l’entreprise : il s’agit de présenter la vision et la stratégie. Cependant cela ne suffit pas, la vision n’est toujours pas claire pour tout le monde : il faut la communiquer au maximum au jour le jour.

Conseil sur le benchmark : ne pas commencer par regarder ce que font les autres, savoir d’abord ce qu’on veut faire puis faire un benchmark.

LPC : Comment appréhendez-vous l’arrivée des voitures autonomes ?

P. Demanthon : C’est l’un des piliers des grosses révolutions qui arrivent. C’est une évolution très positive pour Drivy : le problème de confiance lié à la mauvaise conduite va disparaître. De plus, cela amènera une évolution très positive en terme de convenience et de confort : la voiture arrivera toute seule chez le client. Les voitures et les trajets coûteront plus cher : la pression de partage sera plus forte et cela générera plus d’argent pour Drivy.

L’arrivée des voitures autonomes va rebattre les cartes de qui fait quoi entre Uber, Drivy, Blablacar, etc.

La question de la maîtrise des sinistres est également importante : 1/3 des concurrents ont disparu à cause d’une mauvaise maîtrise des sinistres. Chez Drivy, il y a une équipe de claim management ainsi qu’une équipe qui gère les assurances.

LPC : Le mot de la fin ?

P. Demanthon : Croire en son intuition pour satisfaire ses clients.

2. Passer de 3 à 40 PM en 4 ans — ZENDESK (Maxime Prades)

Maxime Prades a débuté son expérience chez Zendesk avec 3 PM, 10 000 clients, 1 produit. Il l’a terminée avec 40PM, 80 000 clients, 7 produits. Voici les différentes étapes qui ont permis de développer l’équipe avec succès.

Structuration du produit

Il est arrivé un moment dans le développement du produit où il y avait trop de features : les clients ne suivaient plus et l’équipe en interne non plus. Cela a entrainé la naissance du product marketing, qui consiste à structurer les développements de fonctionnalités. Cela s’est traduit par le développement d’Arturo, un outil interne de déploiement de fonctionnalités qui a permis l’itération et le développement maîtrisé et structuré.

Communication de la vision

Il est important de continuer à communiquer sa vision quand on grossit. Chez Zendesk sont mises en place des campagnes internes pour communiquer la vision en permanence. Par exemple, Zendesk a fait venir un astronaute dans les bureaux pour faire passer le message “les relations sont compliquées”, la mission de Zendesk étant de simplifier les relations clients.

Accélération des décisions

C’est aux PO de définir comment les décisions se prennent en interne. Le PO doit devenir le facilitateur d’idées et non le créateur. Il doit communiquer le process de prise de décision. Enfin, il doit toujours écouter et non convaincre les autres, toujours se remettre en question.

Les offsites produits

Les offsites créent des interactions qui n’existent pas au bureau. C’est dans les moments de pause que les gens avancent le plus car ils ont des discussions qu’ils n’ont pas en travaillant et trouvent des alignements.

Le changement ne s’arrête jamais

Les problématiques d’aujourd’hui ne sont pas celles de demain. La seule chose qui ne change pas quand on grossit c’est que les choses changent, il faut toujours rester ouvert au changement, ne jamais s’attacher. Toujours se remettre en question, se demander ce qui est le mieux pour l’entreprise.

Il faut embaucher, créer une structure de management. Le head of product doit avoir été PO et inspirer les PO.

Faire de la roadmap un événement

Il faut faire en sorte que le lancement de la roadmap devienne un événement auquel tout le monde participe. Partager la roadmap, la publier.

Ne pas aller trop loin dans la roadmap, pas plus loin que Q+2.

Q+1 : precise vision -> engaged and passionate.

Q+2 : rough ideas -> planning and investigating.

Q+… : blank page -> curious and open-minded.

Le 4ème trimestre n’existe pas dans une roadmap à cause des sujets qui shiftent sur les 3 premiers !

Le mot de la fin

Penser à créer un produit qui aide les sales.

Ne pas créer de distance entre le produit et le reste de l’entreprise, être toujours à l’écoute de tout le monde.

Ne pas se prendre la tête trop longtemps sur les questions organisationnelles mais plutôt penser aux clients.

Se forcer à faire du terrain, prendre le temps de le faire, pour rester proche des clients.

3. Idées reçues sur le produit — MOLOTOV (Luc Behar)

A. Users don’t see our features? Let’s add an onboarding screen!

Commençons avec l’exemple de Google Doc pour l’ajout d’un nouveau document : ils ont commencé par ajouter un tooltip sur le bouton + en bas à droite très peu visible, puis ils ont finalement changé le design de la page : plus besoin de tooltip.

Principes à suivre :

Eviter de mettre trop d’informations texte au moment de la première utilisation, cela empêche d’avoir une bonne expérience. Au global, éviter le texte au maximum dans l’onboarding.

Plutôt que de tout présenter au début, présenter seulement 1 ou 2 fonctionnalités clés. Disséminer les autres dans le temps et ne les présenter que si l’utilisateur ne les a pas découvertes par lui-même.

B. Many users are leaving the app? Let’s retarget them with an ad.

Si le churn est élevé, il faut trouver d’abord quel est le problème de rétention avant d’essayer de le résoudre par du média. Ne pas dissocier le marketing du produit.

Principes à suivre :

Il existe deux approches dans la conception et la distribution d’un produit :

  1. Make a product people love.
  2. Make people love the product.

La deuxième approche est pour les produits de grande consommation qui ont une barrière de distribution forte. Par exemple pour une marque de bouteilles d’eau, il y a un enjeu de différenciation dans la manière dont les consommateurs voient le produit et non dans le produit lui-même et son utilisation.

La première approche est celle que l’on doit suivre : concevoir un produit que les gens aiment. Il faut convaincre les utilisateurs au moment où ils utilisent le produit et pousser la bonne action marketing au bon moment.

C. It’s easy to grow for Facebook, they are a social network.

Les produits sociaux sont en fait les plus difficiles à faire grossir : ils ne sont rien tant qu’ils ont peu d’utilisateurs.

Principes à suivre :

Pour qu’un réseau social fonctionne, il y a deux options :

  1. Offrir une immense valeur intrinsèque instantanément : exemple de Whatsapp.
  2. Reposer sur une forte motivation intrinsèque pour inviter des amis (self pride, etc.) : exemple d’Instagram.

Il faut se concentrer sur l’acquisition, l’activation et la rétention avant de parler de viralité.

Anecdote : le head of product de Facebook interdisait à ses équipes de parler de viralité.

Il faut également optimiser le bouche à oreille : tous les produits en bénéficient, spécifiquement les produits gratuits. Par exemple 70% des utilisateurs de Shazam ont connu l’application grâce au bouche à oreille.

Pour acquérir de nouveaux clients, il faut commencer par avoir un NPS élevé (autour de 50–60). Il faut également avoir un produit et un service client de très bonne qualité. On peut alors amplifier la recommandation avec un referral program.

D. Hard to retain users? Wait for this killer feature!

On ne résout pas un problème de rétention ou une friction avec une killer feature. La rétention doit être adressée tôt dans le cycle de vie de l’utilisateur. Quand l’utilisateur décide de partir, c’est déjà trop tard.

Principes à suivre :

Ne pas se contenter de développements incrémentaux.

Ne pas être trop drivé par la concurrence juste pour sortir une killer feature que la concurrence n’a pas.

Ne pas faire que ce que les utilisateurs demandent, sinon on entre dans le product death cycle :

Si on ne demande leur avis qu’aux clients, on ne sait pas ce que les autres veulent donc aucun moyen de les acquérir.

Le mot de la fin

Suivre le framework AARRR (Acquisition Activation Retention Referral Revenue), guide pour définir les actions marketing. L’enchainement des actions marketing et le moment auquel on les déclenche est clé pour “make a product people love”.

Le marketing est responsable de la collecte des insights clients et de leur structuration. Les analytics sont le socle sur lequel se rejoignent product et marketing.

4. L’assurance santé 100% digitale — ALAN (Jean-Charles Samuelian)

Alan est une assurance santé (mutuelle) digitale, la seule en Europe : l’inscription se fait 100% en ligne, très simplement, pour les entreprises et les particuliers.

Alan a une approche produit et tech en contre courant du marché existant des mutuelles. Les concurrents ont un IT très vieux, leurs produits sont ciblés actuariat et non utilisateurs : ils n’ont pas de produit, pas de tech.

La mission d’Alan est de rendre l’assurance santé plus simple et plus transparente.

Pourquoi une assurance ? Pour maîtriser toute la chaîne de valeur, notamment avec l’intégration avec Payfit.

L’équipe d’Alan a rédigé un article de blog qui explique simplement les remboursements santé.

Structuration de l’équipe

L’équipe est constituée de 15 personnes en tout, il n’y a pas de PO/PM.

Sur chaque projet, une personne prend le lead et crée des issues dans Github pour poser des questions et résoudre les problèmes : il n’y a pas de réunions, tout se fait à l’écrit. L’équipe trouve l’écrit plus efficace : les choses sont clairement expliquées dès le début car chacun prend le temps de les rédiger. Les réunions font perdre beaucoup de temps.

Un process de roadmap a été créé dans Trello. Les sujets y sont priorisés et chacun pioche en tenant compte de la priorisation. Une boucle de feedback hebdomadaire permet de recadrer les projets. La roadmap actuelle a été construite en une semaine en offsite comme expliqué sur le blog d’Alan.

Le service client n’a pas d’équipe dédiée, tout le monde y répond. Cela est bénéfique car chacun en profite pour poser des questions aux clients.

Construction du produit

Le produit doit servir l’acquisition. Alan a un enjeu de différenciation par rapport aux mutuelles classiques : le produit doit avoir une qualité qui lui permet de se différencier dans le secteur des assurances et de la santé plus généralement. La vision long terme est de rendre la santé plus simple. La priorisation des features à développer est un réel enjeu.

La construction du produit repose en grande partie sur l’intuition et les discussions avec les utilisateurs. Ceux-si sont impliqués dans le développement de nouvelles fonctionnalités grâce à des tests utilisateurs et des mesures de l’usage.

Comment définir le pricing ? A partir des offres existantes et de modèles mathématiques construits par l’équipe. Les couvertures existantes sont analysées en continu et le pricing est ajusté pour servir au mieux les utilisateurs.

Le marketing passe beaucoup par le bouche à oreille.

5. How bad positioning can kill your product — SPRINTLY (April Dunford)

Quand un produit ne se vend pas, il faut se demander si on l’a bien positionné avant de conclure que le produit est mauvais.

Le contexte dans lequel on présente son produit est très important. Prenons un exemple : pour une expérience, on fait jouer un violoniste prodige dans le métro. Il ne se fait pas remarquer bien que sa musique soit exceptionnelle. On le remarque beaucoup plus au milieu d’un orchestre dans une belle salle de concert. En fonction du contexte il n’est pas du tout perçu de la même manière. C’est la même chose pour un produit : il faut réfléchir au contexte dans lequel on le présente pour le rendre attrayant.

Un nouveau produit requiert une nouvelle façon de penser. Cela change la manière dont les utilisateurs perçoivent le produit. Si le produit ne se vend pas, il faut essayer de changer de contexte, de changer la manière dont on le présente en suivant ces étapes :

  • Se défaire du passé.
  • Identifier les facteurs clés de succès du produit.
  • Se positionner sur un marché où ces avantages sont évidents.

Nouvel exemple : un robot qui ne se vendait pas a été repositionné en “véhicule autonome pour intérieur” et a très bien marché.

Make sure your awesome is obvious.

Conclusion

Pour conclure retenons 6 recommandations, leitmotives de cette journée centrée sur le product management :

  1. Toujours garder en tête la mission.
  2. Toujours être à l’écoute et se remettre en question.
  3. Être souvent sur le terrain pour être proche des clients.
  4. Croire en son intuition pour satisfaire les utilisateurs.
  5. Communiquer la vision au maximum en interne.
  6. Partager la roadmap.

--

--