S’écouter, faiblesse ou sagesse ?

Se laisser guider par sa boussole intérieure.

Stéphanie Piou
Durable et Solidaire
9 min readDec 20, 2017

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Crédit photo : Stéphanie Piou.

“Tu ne crois pas que tu t’écoutes un peu trop là ?”

Vous aussi vous l’avez déjà entendu ? S’écouter pour moi c’était ça : montrer de la faiblesse et tout bonnement être un peu fénéant.

Donc moi, c’était clair, je ne m’écoutais jamais.

Je n’étais malade qu’en vacances, je ne buvais jamais parce que je n’avais jamais soif (“1,5L par jour ? j’en bois beaucoup moins et je me porte très bien !”)... J’ai même terminé un raid multisport de 4 jours avec 2000 à 3000 m de dénivelé par jour sans entrainement (j’étais même très nulle en course)… J’étais fière de penser : “chez moi c’est la tête qui décide, et le corps suit”.

Les personnes autour de moi ayant l’air d’agir de même (en plus ou moins extrêmes), remettre en question cette approche ne m’avait jamais effleuré l’esprit.

Ce n’est pas moi, c’est mon corps !

Et puis, je suis tombée enceinte.

J’ai connu mon premier arrêt de travail. J’étais en quelque sorte déçue (fini le compteur intérieur “je n’ai jamais été arrêtée de ma vie”), mais bon, avec le stress et la fatigue d’une période d’astreinte endiablée infligés pendant la grossesse, je “pardonnais” avec bienveillance à mon corps sa baisse de régime et lui accordais ce temps pour récupérer. De toute façon, il était bien incapable de faire quoi que ce soit d’autre !

Mais au fil des mois, mon corps m’a très littéralement forcé à l’écouter. Je dis “l’écouter” volontairement parce que nous étions dissocié. Il me forçait, le bougre, comment osait-il ? Ce n’était pas moi, c’était lui !

Il a commencé unilatéralement à décider de la répartition de notre énergie. Et mon allocation pour penser était drastiquement réduite ! Au travail, il m’est arrivé plus d’une fois que mes collègues me parlent, que je les regarde parler, et que je réalise au bout de quelques instants que rien ne s’imprimait. Le choc ! J’ai vite appris à peser l’importance de la conversation : celle que l’on peut laisser filer : “ah oui… OK” ; celle qui nécessite plus d’attention : “excuse moi, tu peux répéter, je ne parle pas bien français… ah non, je suis enceinte et je ne comprends plus rien…”

Puis il s’est mis à me dire quoi manger. Pas sous forme de suggestion, de “tiens, est-ce que ça ne te dirait pas plus ceci que cela ?” ; mais plutôt d’ultimatum du type : “Je te préviens, si tu avales autre chose que des légumes vapeur, ça va barder !”. Il s’est mis exiger des litres d’eau, sinon il me réveillait la nuit avec un énorme mal de dos. L’esclave de toute une vie se révoltait et dictait sa loi ! Et il avait l’excuse de la grossesse, de cette petite vie que nous étions (enfin lui surtout) en train de créer, alors il avait tous les droits.

J’ai lâché prise. Je lui ai laissé les rênes. Puisque la bienveillance dictait mes relations aux autres, j’ai décidé de me l’accorder à moi-même. J’ai accepté que mes capacités cérébrales soient nettement diminuées (tout en croisant les doigts de les récupérer un jour), j’ai réglé mon tuner sur l’écoute des messages de mon corps et j’ai essayé de faire au mieux pour suivre ses indications. Après tout, c’est bien lui qui sait créer la vie, la nourrir, l’oxygéner, la protéger… Cette mécanique si incroyable, c’est lui qui la maîtrise, et d’ailleurs il n’avait que moyennement besoin de moi, tant que je ne me mettais pas en travers de son chemin. Une vraie leçon d’humilité…

Tourner le projecteur vers l’intérieur.

Comme pour toute chose que l’on n’a jamais apprise, il est difficile de savoir par où commencer pour débuter dans l’écoute de soi. Surtout quand on part d’aussi loin que moi...

La technique que j’ai trouvée la plus simple à mettre en oeuvre est ce que j’appelle “le projecteur intérieur”. Il suffit d’être au calme, d’avoir quelques minutes à soi. Parfait donc au moment de se coucher ou en cas d’insomnie, cela n’empiète pas sur la journée. On prend une position confortable et on va chercher à se détendre, d’abord globalement puis chaque muscle l’un après l’autre. Pour ma part je préfère partir du haut, mais libre à vous de faire autrement. Après avoir ordonné une détente globale, on focalise son attention sur chaque partie du corps. Cela m’aide de formuler la pensée “je détends… mon front, mes sourcils, mes joues, ma mâchoire…”. Je suis toujours étonnée de voir à quel point il reste de la marge de détente, alors même que je croyais que mon corps s’était déjà relâché. Il se peut tout à fait que vous vous endormissiez en chemin, c’est que vous avez été très efficace dans votre détente !

En soi cet exercice tient plus de la relaxation que de l’écoute, mais il permet de se reconnecter au corps, ce qui est une première étape quand on l’a, comme moi, relégué au rang d’esclave pendant des années.

Je découvre à présent, des mois plus tard, que la méditation utilise une pratique similaire qui s’appelle le “scan corporel”. Il s’agit là aussi de porter son attention sur chaque élément du corps, l’un après l’autre, puis d’élargir son attention à l’ensemble. La différence réside que plutôt que de projeter la détente, l’attention se fait écoute des sensations. Les sensations de contact, de l’air, des vêtements, du support sur lequel on est allongé ou assis. Mais aussi les sensations intérieures : la perception du volume de la zone observée, l’écoute des signaux envoyés, par exemple un picotement, une douleur, ou au contraire le bien-être. L’écoute se veut bienveillante et ne cherche pas à modifier la sensation observée. Ne pas chercher à agir est pour moi le côté le plus difficile de l’exercice, c’est là qu’on entre dans la démarche de méditation, dont j’aurai l’occasion de reparler.

L’intérêt de ces deux exercices est qu’on obtient très rapidement des résultats ! Car après quelques essais, l’esprit reconnait bien mieux les signaux envoyés par le corps, et leur laisse plus de place, même en pleine journée… Pour peu que l’on ait la volonté d’écouter.

Maîtriser ses émotions.

Si j’ai trouvé des bienfaits non négligeables à m’écouter enfin (du pount de vue de ma santé comme de mon mode de vie), je n’avais pas du tout fait de lien avec mes émotions. Il a fallu que je tombe, au hasard de mes lectures, sur les BDs de Art-Mella pour avoir cette illumination. Son travail est fouillé, exposé de manière étonnamment claire et ce qu’elle propose est très facile à mettre en oeuvre pour soi. Ses BDs valent vraiment une lecture attentive !

J’en partage ici quelques dessins, qui font partie du long extrait qu’elle met à disposition sur son site. Il y en a 18 pages à découvrir pour voir si cela vous parle, n’hésitez donc pas à y jeter un oeil !

Accueillir ses émotions, extrait de “Emotions, enquête et mode d’emploi, Tome 1” de Art-Mella.

Vous apercevez ici comment l’écoute de soi est une clé pour accueillir ses émotions (notion qui m’a toujours paru complètement floue, et qui est devenue limpide à présent). Elle permet ainsi d’éviter de les laisser s’envenimer et nous gâcher la vie… Ou de nous apaiser lorsque certaines ont déjà pris ce mauvais chemin.

Voilà une notion qui pourrait être utile à tous, mais qui est même fondamentale pour toute personne qui souhaite introduire des changements dans sa vie. Pour être réussi, ce changemement ne peut être une fuite, car ce que l’on fuit nous rattrape toujours. Il faut donc parvenir à apaiser le passé, à retrouver une feuille (a peu près) blanche pour écrire notre nouvelle vie.

Ainsi les émotions nécessitent préalablement notre reconnaissance et notre accueil, dont la clé est l’écoute de soi, comme le décrit Art-Mella. Elles ne sont pas seules, et nos expériences passées et présentes réclament également notre attention et une analyse bienveillante, ce qui fait partie du travail que je souhaite construire et partager avec vous via ce blog.

Quand la boussole intérieure aide à franchir le pas.

Cela fait bientôt un an que la grossesse est derrière moi, que mon esprit a repris ses droits. J’ai décidé de continuer à pratiquer cette nouvelle forme de communication intérieure. Et cela a eu des résultats étonnants.

(Tension subtile dans le creux du ventre, à l’arrière de la tête, dans les sourcils) “Tiens, c’est la pensée de retourner travailler qui me fait cet effet là ?”… “C’est vrai que ce serait un moment idéal pour vivre mes rêves, depuis le temps qu’ils ont appris à se passer de moi au travail.” (Légèreté, rush d’adrénaline, cascade d’idées…).

En écoutant ces signaux, il devenait évident que le moment était là, l’opportunité était à saisir. M’écouter m’a apporté la confirmation qu’il me fallait : je n’en étais plus aux pensées en l’air, j’étais prête, “corps et âme” !

J’ai d’ailleurs retrouvé ce concept dans les BDs évoquées ci-dessus, avec l’image de la “boussole intérieure”. En effet, les sensations et les émotions envoyées par mon corps m’indiquaient la direction à prendre : des sensations de crispation sur les chemins qui ne me convenaient plus, une vraie danse intérieure sur le chemin qui n’attendait que moi. Cette boussole est tellement utile ! Elle a l’avantage d’être toujours à disposition, pour peu que l’on sache où nous l’avons cachée, et que nous la préservons des parasites.

Tenir le cap et la distance !

Mais avant tout, avoir une attitude d’écoute bienveillante vis à vis de soi-même peut faire la différence sur notre capacité à tenir le cap, et arriver au bout du chemin que nous nous choisissons. Qui veut voyager loin ménage sa monture !

Notre corps nous indique de façon subtile des choses que nous ne sommes pas toujours prêts à admettre : un doute que nous ne regardons pas en face mais qui nous pince le ventre, la fatigue qui pèse alors que nous ne voulons pas ralentir le rythme… Nous pouvons les ignorer ; c’est ce que j’avais toujours fait, comme beaucoup d’autres. Mais jouer à ce jeu trop longtemps peut se révéler néfaste : on se réveille un matin en ayant perdu le plaisir, l’énergie, le courage de poursuivre.

Et puis, on ne se refait pas… Après plus d’une semaine de nuits hachées par un virus hivernal qui fortifie l’immunité de notre petit bonhomme, suivies de journées bien remplies, je me fais peur dans le miroir, je n’ai plus ni envie ni patience. Mon inspiration est en berne. Je suis passée à côté de mes signaux avant-coureurs de détresse, et je me suis retrouvée au bout du rouleau.

C’est là d’ailleurs que j’ai mesuré la flexibilité de travailler pour moi. J’aurais pu fouetter encore mon corps, traverser une nouvelle journée et une nouvelle semaine. Je lui ai accordé une matinée pour lui. “Dormir”, m’a-t-il demandé. À midi j’avais retrouvé de l’énergie et surtout de l’inspiration. Un beau rayon de soleil s’est mis à briller par la fenêtre. “Sortons !” criait mon corps. Après une heure de promenade dans un beau froid sec, mon énergie était tout à fait revenue !

“Sortons!”. Crédit photo : Stéphanie Piou.

Réorienter sa vie demande beaucoup d’énergie, des prises de contacts, un tourbillon irresistible de pensées, de choses à faire. On veut en faire toujours plus pour se donner le plus de chance de réussir. Il y a tant à faire. D’autant plus que tout nous passionne, car on est enfin sur notre voie ! On se retrouve donc souvent dans la situation paradoxale de pouvoir gérer son propre rythme, mais de s’autoriser aussi peu voire moins d’écoute de soi.

C’est un piège classique et il me semble très difficile d’y échapper, même si on sait souvent, dans le côté rationnel de notre esprit, que cela peut s’avérer contre-productif.

Dans ces circonstances, avoir ouvert la porte aux signaux de son corps et pratiquer de temps en temps des petits exercices d’écoute de soi peut aider à éviter le mur de fatigue où l’assèchement de l’inspiration. Et si on peut s’entrainer avant de se lancer, c’est encore plus simple ! Si cela ne vous parle pas pour l’instant, je vous encourage donc vraiment à tester les deux petits exercices que j’ai décrit plus haut. C’est simple, rapide et ça ne prendra pas nécessairement de temps sur vos journées bien remplies. Les bénéfices que vous pourriez en tirer seront plus qu’à la hauteur de l’effort !

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Stéphanie Piou
Durable et Solidaire

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