Ce que j’ai retenu de mes 10 ans de lecture

Les 15 enseignements que j’en ai tiré

Nicolas Galita
Dépenser, repenser
23 min readApr 22, 2020

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Je ne sais pas pourquoi, un jour je me suis dit que j’allais faire l’inventaire de toutes mes connaissances.

Une sorte d’encyclopédie personnelle qui recense : les livres, articles, vidéos, conférences, films, qui m’ont le plus marqué durant ma vie adulte.

J’ai commencé avec les dix livres qui m’ont le plus marqué, pour enchaîner avec les dix articles qui m’ont le plus marqué. Et comme j’aime bien avancer dans le désordre, voici désormais la conclusion : le résumé des enseignements qui m’ont le plus marqué dans toutes ces sources de savoir.

Bien entendu, cette liste est subjective : c’est ce que j’aurais adoré pouvoir dire à mon ancien moi, en 2006.

Avant de nous lancer dans le sujet…si tu veux t’abonner à ce que j’écris : clique ici et laisse ton email pour avoir du contenu de moi régulièrement. Tous les matins de la semaine à 09h00 j’envoie gratuitement un email anti-zombie : utile, épanouissant et intemporel. C’est-à-dire l’inverse des actualités superficielles, angoissantes et éphémères que tu scrolles machinalement comme un zombie le matin.

Ceci étant dit, c’est parti

#1 | L’histoire est écrite par les vainqueurs et les dominants.

Ce n’est pas juste un proverbe que l’on dit aux enfants. Si les allemands avaient gagné la seconde guerre mondiale on enseignerait le bombardement d’Hiroshima comme un crime de guerre et une des plus grandes horreurs de l’humanité, et non pas comme une fierté.

“L’ennemi est con, il croit que c’est nous l’ennemi alors que c’est lui.”

En fait, l’histoire c’est simplement de la politique cristallisée. Vous voyez tous les événements politiques que vous vivez ? Comme les élections présidentielles ? Et bien l’Histoire c’est la version filtrée et cristallisée de tout ça. Et, par définition, la politique est lue différemment selon votre camp politique.

Plus quelque chose est loin dans le passé est plus on oublie qu’il y a une version de droite et une version de gauche. Par exemple, quand on repense à Jacques Chirac on oublie que c’était un homme de droite. Ne parlons même pas de Charles De Gaulle. Aujourd’hui des gens de gauche le citent comme modèle alors qu’ils l’auraient violemment affronté s’ils avaient vécu à son époque. La gauche parlait d’ailleurs de coup d’État quand il est arrivé au pouvoir. Au premier degré.

Par conséquent, il y a bien une histoire de droite et une histoire de gauche. Vous comprenez bien que si, dans 50 ans, vous demandez à Marine Le Pen de vous raconter les élections de 2017, elle ne vous donnerait pas la même version que celle d’Emmanuel Macron.

Il y a autant d’histoires possibles que d’observateurs de cette histoire. D’où le proverbe “l’histoire est écrite par les vainqueurs”. J’ai mesuré l’ampleur et l’importance de ce phénomène en m’intéressant à l’histoire des indiens d’Amérique.

Quand j’étais petit on m’avait présenté les cow-boys comme des gentils héros qui venaient botter le cul à une poignée de sauvages Indiens. Et, que de nos jours, il en restaient quelques centaines dans des réserves. J’en étais resté là pendant très longtemps avant de me prendre des claques.

Première claque : certains estiment à 30 millions le nombre d’amérindiens qui ont été massacré. Deuxième claque : il y a encore 3 millions d’amérindiens aux USA. Et voilà comment en un claquement de doigt ma vision du sujet a été complètement bouleversée.

Et troisième claque, trois ans après l’écriture de ces lignes : j’ai découvert la semaine dernière que la majorité des cow-boys n’étaient pas blancs ! Un tiers était noir, une moitié était hispanique.

Autre exemple de claque : le jour où l’on m’a expliqué que la France n’est pas une démocratie. Et que le modèle de la révolution française n’était pas la Démocratie d’Athènes mais bien la République de Rome. Que les opposants à l’idée démocratique ont réussi à faire appeler “démocratie” le contre-sytème qu’ils avaient précisément conçu comme une alternative à la démocratie.

On peut être d’accord ou pas d’accord mais une chose est certaine : votre vision change à tout jamais si vous acceptez d’écouter la théorie.

Pour aller plus loin

#2 | Les gens ne savent pas ce qu’ils font. Ils ne savent pas pourquoi ils le font, non plus

Personne n’ose le dire par peur de paraître ridicule. C’est pour ça qu’il faut faire très attention : le nombre n’est jamais un indice de vérité. Pour vous en convaincre une fois pour toutes, rendez vous à la station Clichy-Levallois et observez les gens courir tous ensemble comme si le train était sur le point de partir alors qu’il n’est pas arrivé.

Pire encore, les gens n’en sont pas toujours conscients. Ils ont l’impression de savoir ce qu’ils font parce qu’ils copient ce que font les autres. Et même quand vous les interrogez, ils essaient de produire un discours cohérent pour contredire l’évidence.

La plupart des conseils d’adultes sont des clichés de merde. Car ils ont pas compris le jeu mais qu’ils suivent les règles.

Pire encore, comme personne ne veut avoir l’air ridicule, tout le monde fait semblant de savoir. Les conséquences sont parfois dramatiques.

Par exemple, il y a un phénomène qui s’appelle l’apathie du spectateur : vous avez quelqu’un qui a besoin d’aide dans la rue. Mais personne ne l’aide parce que tout le monde se regarde en chien de faïence pour savoir s’il faut vraiment aider la personne en question.

On remarque dans la vidéo que ce n’est pas une question de méchanceté : dès qu’une personne brise la paralysie, plein d’autres personnes viennent l’aider.

#3 | Tout le monde devrait au moins essayer une fois de s’adonner à chacun des arts

Créez votre chanson, écrivez votre roman, dessinez quelque chose, prenez vous pour un photographe… Peu importe que vous chantiez comme une casserole ou que vous ne sachiez pas dessiner, vous en ressortirez avec une autre perspective du monde.

On sous-estime le potentiel libérateur de s’adonner aux arts en amateur. J’ai écrit un roman autobiographique, écrit des mélodies et des chansons d’amour, dessiné et scénarisé une bande dessinée toute nulle (avec des ronds et des bâtons en guise de personnage puisque je ne sais pas dessiner)… J’ai monté des clips, fait des montages photos, etc.

Rien de tout ça n’était fantastique. Mais on s’en fiche : l’intérêt est ailleurs. En faisant ça, vous aller développer votre créativité et votre confiance. En faisant ça vous allez comprendre comment on crée une oeuvre de A à Z.

En faisant ça j’ai appris à faire des choses qui m’ont servi plus tard. Le montage vidéo par exemple. Et surtout, la sensation que l’on ressent quand on finit une “oeuvre” est indescriptible. Ça vous apprend l’amour de finir les choses. Ça vous apprend que le secret de l’action c’est de finir.

Pour aller plus loin

#4 | La plupart de vos peurs sont irrationnelles

Souvent, les gens que vous pensez être courageux ont juste un jugement plus exact des dangers. N’oubliez jamais qu’un jour vous avez eu peur du noir.

Aujourd’hui la peur du noir a été remplacée par la peur d’être licencié, la peur de finir à la rue, la peur du regard des autres…mais ça reste irrationnel. La plupart des choses que vous craignez n’arrivent jamais.

Pire encore, la plupart des choses que vous craignez ne sont pas vraiment dangereuses. Comment expliquer que les gens aient davantage peur de démissionner d’un métier qu’ils détestent que… de fumer ? Sachant que personne ne meurt en démissionnant…

La peur ne veut pas dire qu’il y a un vrai danger derrière. La peur est juste un signal. Un signal qui peut se tromper et qui se trompe d’ailleurs souvent. D’ailleurs, vous remarquerez un phénomène absurde : quand on fait une chose souvent, la peur disparaît.

On a peur la première fois qu’on conduit une voiture. Puis la peur disparaît. Ce n’est pas parce que le danger a disparu mais simplement parce qu’on a pris l’habitude.

Pire encore, la peur est souvent davantage le signal d’une chose qui compte plutôt que le signal d’une chose dangereuse. Ce qui veut dire qu’il faut souvent suivre la peur plutôt que la fuir.

Vous feriez quoi si vous n’aviez pas peur ?

En mettant de côté la peur de la mort, il y a de grande chances que toutes les choses qui vous font peur sont exactement les choses que vous devriez faire.

Pour aller plus loin

#5 | La psychologie est contre-intuitive

Si la psychologie était intuitive nous serions tous des mentalistes. Malheureusement, la plupart des gens ont l’impression de comprendre la psychologie humaine et affirment des contresens comme des grandes vérités de la vie. Les vérités psychologiques sont contre-intuitives.

Notamment : le libre arbitre est une notion beaucoup plus discutable qu’il n’y paraît. Il est limité par la nature humaine, des réflexes animaux et la structure dans laquelle on évolue. Par exemple, si vous naissez dans un pays musulman vous avez plus de chances de devenir musulman que chrétien. Si vous naissez dans un pays chrétien, vous avez plus de chances de devenir chrétien que musulman.

Au lieu de vous demander comment des sociétés ont pu : exterminer les civilisations d’amérique, réduire des humains à l’esclavage, coloniser des peuples, empêcher les femmes d’exprimer leur citoyenneté, se fracasser dans deux conflits mondiaux, gazer des humains en appelant ça une solution, instaurer un régime d’apartheid ou de ségrégation … il convient de vous demander ce que NOUS faisons qui sera incompréhensible pour les générations suivantes.

Une fois que vous avez trouvé cette chose, constatez à quel point tout le monde autour de vous la trouve banale. Observez les mécanismes de détournement du regard et de laissez-faire. Constatez que vous-mêmes vous faites cette chose et que même le jour où vous comprenez que c’est une atrocité vous allez continuer à le faire. Voilà : vous avez la réponse à la première question.

Et ce n’est qu’un biais cognitif parmi les autres. L’apathie du spectateur dont on parlait plus haut est un autre exemple. Pourquoi vous entendez régulièrement dans les grandes villes des histoires d’agression où personne n’a rien fait alors qu’il y avait beaucoup de spectateurs ? Ce n’est pas parce que les gens sont méchants. Non, c’est justement parce qu’il y avait beaucoup de spectateurs que l’apathie du spectateur s’est déclenchée et a paralysé les gens. Connaître la psychologie humaine vous amène à la conclusion inverse de ce que souffle l’intuition.

#6 | Le temps n’est jamais le problème

Vous avez le temps. À chaque fois que vous répondez “je n’ai pas le temps de faire X ou Y” vous êtes en train de mentir. Si vous n’aviez pas le temps vous n’iriez jamais ni au cinéma, ni sur Facebook, ni même en vacances. C’est toujours une question de priorité, d’énergie et de concentration. Si la vie d’un de vos proches en dépendait vous arrêteriez tout ce que vous êtes en train de faire.

En vrai, ce qu’on veut dire c’est n’est donc pas qu’on manque de temps. En fait on veut dire qu’on manque de priorité, d’énergie ou de concentration. Pour faire les choses vous avez besoin de ces trois ingrédients. Si quelque chose n’est pas votre priorité vous ne le ferez jamais. Votre mauvaise foi le sait parfaitement.

De la même manière, si vous n’avez pas d’énergie vous ne ferez rien. Je ne sais pas pour vous mais le Dimanche mon énergie est particulièrement basse. J’ai le temps de faire ce que je veux, mais je finis toujours vautré dans mon lit à faire des choses qui me demandent peu d’énergie.

Enfin, si vous n’êtes pas concentré, vous n’arrivez à rien non plus. Parce que vous allez disperser et gaspiller votre énergie.

Pour aller plus loin

#7 | Les privilèges sont, par définition, invisibles

On ne voit que les privilèges des autres. C’est pour cela que si vous êtes un homme vous aurez tendance à très fortement minimiser l’omniprésence du sexisme, si vous êtes blanc vous aurez tendance à être aveugle au racisme, si vous êtes dans une classe sociale vous aurez tendance à minimiser les difficultés de la classe inférieure, etc.

Pire encore, votre instinct vous poussera à réagir en refusant la réalité et en vous voyant comme étant vous-même la victime. C’est ainsi que je me retrouve régulièrement à discuter avec des gens qui gagnent 2500€ nets mais qui se considèrent comme étant de la classe moyenne. Alors que le salaire médian est de 1800€ nets. Ce qui veut dire que la moitié des gens gagnent moins que cette somme. Et trois-quarts des gens (donc l’immense majorité) gagnent moins de 2500€.

L’autre instinct qui nous fait nier nos privilèges c’est de nous concentrer sur nos efforts. On se dit “j’ai mérité ce que j’ai car j’ai fait des efforts”. Le problème c’est que ce n’est pas la question. Chaque individu va plus ou moins fournir des efforts. Les privilèges c’est ce qui existe indépendamment des vos efforts. En gros, si on dit “pour le lièvre comme pour la tortue, la ligne de départ sera la même”, alors on privilégie le lièvre.

Pour aller plus loin

#8 | Vous vous connaissez très peu

Il est extrêmement compliqué d’entrendre sa propre voix intérieure dans le brouhaha des voix des autres.

“Ce qu’ils appellent être adulte c’est commettre l’adultère : tromper l’enfant qui est en toi pour devenir ce qu’on t’a dit d’être”.

Si on rajoute à ça que certains mécanismes psychologiques sont totalement inconscients, vous vous connaissez beaucoup moins bien que ce que vous pensez. Nous sommes bardés de biais cognitifs qui nous empêchent de nous connaître correctement.

Exemple très simple : 80% des gens pensent être des conducteurs meilleurs ou égaux à la moyenne. Et même quand on leur dit, ils continuent à se penser meilleurs ou égaux à la moyenne. C’est le biais d’excès de confiance. Celui qui fait qu’on a l’impression que les malheurs n’arrivent qu’aux autres.

#9 | Vous ne savez pas grand chose. Répéter n’est pas savoir

Si quelqu’un vous dit que la Terre est plate et que vous n’êtes pas capable de réfuter son argumentation c’est que vous ne savez pas que la Terre est “ronde”. Vous le répétez juste. Ce n’est pas un drame : les autres non plus ne savent presque rien. Mais si vous vous laissez bercer par l’illusion de connaissance vous allez droit vers l’ignorance. La bonne nouvelle c’est que “tout ce que vous ne savez pas s’apprend”. Car Internet a eu lieu.

Un exemple frappant c’était le jour où la vidéo du Cheikh prétendant que la Terre ne tourne pas est devenue virale sur Facebook. J’ai vu des gens se moquer allègrement de son ignorance.

Et mon premier réflexe a été le même : me moquer. Il semblait évident que c’était lui l’ignorant. Mais d’un coup j’ai été saisi d’un énorme doute : suis-je capable de réfuter son argumentation ? Puis j’ai été saisi de panique : je ne savais pas réfuter proprement son argumentation. Qui est ignorant dans ce cas ? Ce Cheikh qui essaie de développer un raisonnement critique (même s’il est faux) ou bien moi qui me moque de lui parce que je répète ce qu’on m’a dit à l’école ?

Alors j’ai posé la question autour de moi, j’ai cherché …et finalement j’ai enfin trouvé la démonstration. Le plus marrant c’est que je me suis ensuite amusé à demander aux gens qui se moquaient “mais au fait, pourquoi il a tort” et la majorité des gens me répondaient quelque chose d’encore plus faux que lui : “l’air tourne aussi et donc l’avion est entraîné par l’air”.

#10 | La perfection ce n’est pas quand il n’y a rien à rajouter, c’est quand il n’y a rien à enlever

Photo by Jimmy Chang on Unsplash

Il faut énormément de temps pour le comprendre. On a été formaté à rajouter, toujours rajouter. Alors qu’on devrait faire l’inverse : épurer, toujours épurer.

Surtout quand notre temps est limité.

Si vous voulez que je donne une présentation de deux heures, je suis prêt aujourd’hui. Si vous voulez que je donne un discours de 5 minutes, il va me falloir deux semaines pour le préparer

J’adore cette citation. Parce qu’elle illustre le problème à la perfection : c’est difficile de faire simple.

La simplicité et la facilité sont deux concepts différents, souvent opposés. Quand on ne tranche pas, on arrive à des solutions complexes. Prenons un exemple trivial des réunions inutiles.

Comment on en arrive là ? Et bien on invite une personne clé à la réunion, puis on se demande si on devrait inviter untel qui serait vexé. Objectivement sa présence ne servira à rien, mais on a peur de sa réaction, alors on le rajoute. Mais… comme on l’a rajouté, on doit rajouter unetelle qui serait jalouse. Et ainsi de suite. Voilà comment on peut passer d’une réunion simple de 3 personnes à une réunion plus complexe de 12 personnes.

Si vous avez déjà organisé un mariage vous en avez conscience. Organiser un mariage simple avec une vingtaine de personnes demande bien plus d’énergie et de conversations difficiles que d’inviter trois cent personnes.

Voilà pourquoi les entreprises qui arrivent à insuffler de la simplicité peuvent obtenir d’énormes succès commerciaux sont souvent des produits qui simplifient. Quoi de plus simple que le moteur de recherche de Google ?

Pareil, quand on fabrique des ordinateurs, la voie la plus facile est de rajouter un produit au catalogue à chaque fois qu’on identifie un besoin.

Voilà pourquoi Apple se démarque : par cette obsession de garder une gamme simple.

Au point que Google me répond quand je pose la question : 21 produits dont 4 ordinateurs portables.

Alors que ça ne marche pas si je tape HP, Acer ou Samsung. Je dois aller chercher à la main.

Donc pour HP, je trouve 81 ordinateurs portables.

Pour celles et ceux qui ont fait de la physique après le bac, on pourrait dire que c’est une application du second principe de la thermodynamique.

Sinon on peut dire plus simplement que si personne ne met d’énergie, les choses vont spontanément vers plus de complexité.

Voilà pourquoi on dit que la perfection c’est quand il n’y a plus rien à enlever : parce que tout le monde peut faire un truc complexe. Le défi est de faire simple.

#11 | La modération est votre ennemie

Je ne crois pas que la vertu soit dans la mesure, ou que ce qui est excessif est insignifiant. En tout cas quand il s’agit de mener un combat idéologique.

Ce genre de dicton est déconnecté de la réalité. Comment on s’oppose modérément à un meurtre par exemple ? Et puis…qui définit le juste milieu ?

Dans les années 50, la plupart des américains pensaient que le mariage entre noirs et blancs était une mauvaise idée. La position du milieu était donc celle-ci.

Je pense, qu’au contraire, ce sont les idées radicales qui font avancer le monde.

Parce que sinon, on a tendance à maintenir le statu quo. La modération profite toujours au statu quo. La question qu’il faut se poser est “somme-nous satisfaits du statu quo ?”

Cette idée va de pair avec celle de la simplicité. Car il est rare qu’une idée simple ne soit pas radicale. On a tendance à vouloir adoucir avec de la langue de bois, des circonvolutions. Du coup, le camp adverse ne comprend pas ce qu’on dit et il ne s’oppose pas. Mais, toute idée digne de ce nom, quand elle est exprimée simplement est radicale.

Par exemple, je pense qu’on devrait interdire l’héritage. Quand je le dis je n’essaie pas de l’envelopper dans des chiffres ou des citations pour me cacher derrière un auteur. Je le dis comme ça. Et, très souvent ça part en pugilat verbal. C’est une des choses que je pense qui déclenche le plus d’opposition.

À quoi ça sert d’exprimer simplement et donc radicalement ce que l’on pense ? On gagne du temps et on démultiplie son impact.

Vous avez déjà entendu parler de la fenêtre d’Overton ? En résumé, on part du principe qu’il existe des idées que la majorité accepte en un instant t. Et d’autres qui sont considérées comme extrémistes. Sauf que les idées majoritaires d’hier peuvent devenir les idées extrémistes de demain.

Une des meilleures illustrations de la fenêtre d’Overton est cette citation de Chirac :

Notre problème, ce n’est pas les étrangers, c’est qu’il y a overdose. C’est peut-être vrai qu’il n’y a pas plus d’étrangers qu’avant la guerre, mais ce n’est pas les mêmes et ça fait une différence.

Il est certain que d’avoir des Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d’avoir des musulmans et des Noirs […]

Comment voulez-vous que le travailleur français qui habite à la Goutte-d’or où je me promenais avec Alain Juppé il y a trois ou quatre jours, qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler !

[applaudissements nourris]

Si vous ajoutez à cela le bruit et l’odeur [rires nourris], eh bien le travailleur français sur le palier, il devient fou. Il devient fou. C’est comme ça. Et il faut le comprendre, si vous y étiez, vous auriez la même réaction. Et ce n’est pas être raciste que de dire cela.

Plusieurs choses à retenir. Premièrement, nous sommes en 1991. Nous ne sommes pas dans les années 60. Chirac tient ce propos en 1991. J’étais déjà né. Je le redis car je n’en avais moi-même pas conscience. Je connaissais le discours. Mais je pensais qu’il datait de l’époque de mon père.

Deuxièmement, Chirac est alors candidat du parti de droite de gouvernement. Il n’est pas dans un parti d’extrême droite. Ceci est donc une position qu’on acceptait venant de la droite classique.

Troisièmement, on verrait mal un responsable politique dire ça aujourd’hui. Même Marine Le Pen, n’oserait plus le dire. C’est parce que la fenêtre d’Overton s’est déplacée.

Quatrièmement, on prend souvent cette citation sans la suite. Or, la suite nous intéresse : elle prouve que Chirac a parfaitement conscience de la fenêtre d’Overton.

Nous n’avons plus les moyens d’honorer le regroupement familial, et il faut enfin ouvrir le grand débat qui s’impose dans notre pays, qui est un vrai débat moral, pour savoir s’il est naturel que les étrangers puissent bénéficier, au même titre que les Français, d’une solidarité nationale à laquelle ils ne participent pas puisqu’ils ne paient pas d’impôt !

[…] Il faut que ceux qui nous gouvernent prennent conscience qu’il y a un problème de l’immigration, et que si l’on ne le traite pas et, les socialistes étant ce qu’ils sont, ils ne le traiteront que sous la pression de l’opinion publique, les choses empireront au profit de ceux qui sont les plus extrémistes

Il le dit explicitement : “les socialistes étant ce qu’ils sont, ils ne le traiteront que sous la pression de l’opinion publique”. En disant ça, il dévoile ouvertement sa stratégie : il veut que ça devienne un sujet de débat.

Un autre exemple du déplacement de la fenêtre d’Overton ? Nos réactions face au blackface. En 2011, il y a eu un cas de blackface dans mon école. En 2020 on a eu celui du Slip Français.

Les mêmes personnes qui défendaient le blackface en 2011, le défendaient en 2020. Alors à quoi bon ? Et bien j’ai été, par curiosité, chercher ce qu’ils disaient en 2011 et je leur ai montré. L’un d’entre eux était choqué par ses propres propos de l’époque.

Parce que la ligne de flottaison s’est déplacée. Maintenant le centre de gravité est beaucoup plus proche de la position “le blackface n’est pas acceptable” qu’il ne l’était en 2011.

À l’inverse, en 2012 dire “le grand remplacement” vous envoyait directement à droite de l’extrême-droite. Aujourd’hui, l’expression est prononcée par des journalistes grand public.

Pendant longtemps j’ai cru à la fable : y’avait le gentil Martin Luther King et le méchant Malcom X. Il a fallu que je m’intéresse réellement à cette partie de l’histoire pour comprendre le rôle des Black Panthers et l’importance du mouvement armé dans l’obtention de la fin de la ségrégation raciale.

Sans Black Panthers, il n’y aurait pas eu d’ouverture pour Martin Luther King, car le centre de gravité aurait été trop loin. Le centre de gravité, par définition, est influencé par l’état des deux positions les plus extrêmes d’un côté, comme de l’autre. Si on a d’un côté des membres du Ku Klux Klan qui lynchent des noirs et de l’autre, des noirs qui dans la version la plus extrême s’assoient pacifiquement… ça ne marche pas.

#12 | Done is better than perfect

Photo by Jason Leung on Unsplash

Ce qui est fait est bien meilleur que ce qui est parfait…dans ta tête.

Cette idée est tellement contre-intuitive que je me bats avec tous les jours. En écriture, le concept est implacable : pour avoir un manuscrit à corriger et améliorer…il faut avoir écrit un premier jet.

Or, le premier jet est toujours moyen. Donc on a tendance à bloquer en se disant : ce que j’écris est nul, je ne peux pas aller au bout.

Sauf que ce qui est fait sera toujours supérieur à ce qui est imaginé.

“Une marche de 20 minutes que je fais est meilleur qu’un jogging de 7 kilomètres que je ne fais pas. Le livre imparfait que je publie est meilleur que le livre parfait qui ne quitte jamais mon ordinateur.”

Une fois qu’on comprend ça, on comprend à quel point il est important de finir des choses. Il vaut mieux faire un petit article fini, que de vouloir faire un grand livre qu’on fantasme uniquement dans sa tête.

#13 | Voler comme un artiste

Photo by Nicole Geri on Unsplash

Souvent, les gens qui débutent dans la création ont un fantasme de l’originalité.

Ils pensent que pour être original il faut partir de rien, créer ex nihilo. Une sorte de fantasme divin. Dieu dit que la lumière soit et la lumière fut. Avant, il n’y avait rien.

Une oeuvre originale est une oeuvre dont tu ne connais pas les sources

Il est impossible de créer à partir de rien. Je n’ai pas inventé le langage, je n’ai pas inventé ma discipline, je n’ai pas inventé le genre de ce que je crée ou de ce que je pourrais créer (conférence, sculpture, roman policier, etc).

Pire encore, les personnes qui ont le fantasme de la création divine finissent par faire des choses sans intérêt. Parce qu’elles refont un truc banal fait 100 fois. C’est paradoxal. La meilleure manière de faire quelque chose de banal c’est d’essayer d’être original en ne s’inspirant de rien.

Quelle est la probabilité qu’un individu qui refuse de s’inspirer des plus grands de son domaine fasse un truc intéressant ?

L’originalité consiste à mélanger des trucs qui existent déjà et à y apporter ta personnalité.

Vraiment, l’obsession de ne pas copier et de ne pas être copié, je l’ai rencontré uniquement chez des personnes qui ne comprenaient rien à la création artistique.

Pour aller plus loin

#14 | Nous sommes de mauvais détecteurs de mensonge

Photo by Toa Heftiba on Unsplash

Nous sommes incapables de déceler le mensonge. Mais nous avons une arrogance folle. Pourtant on devrait le savoir : si on savait détecter le mensonge, nous n’aurions plus besoin de faire des enquêtes policières. Et le poker (ou le loup-garou) deviendrait un jeu ennuyant.

Le problème c’est que nous avons un biais de surconfiance en notre capacité à voir le mensonge. On se dit que nous on y arrive.

Certaines personnes arrivent à détecter plus habilement que le mensonge que les autres. On observe d’ailleurs une corrélation entre la présence d’un adulte violent dans leur enfance et cette capacité. Ce serait parce que l’enfant apprend à lire les émotions de l’adulte pour anticiper ses accès de violence.

Mais dans tous les cas, cette capacité est très rare.

Pourquoi ? À cause de l’erreur d’Othello. C’est-à-dire le fait de prendre la vérité pour un mensonge. Souvent on croit que le problème vient de l’inverse : croire un mensonge. Mais justement : on cherche tellement à compenser qu’on finit par ne plus croire la vérité.

Si on veut voir des indices de mensonge alors nos biais de confirmation se chargeront d’en trouver. Il parle peu ? C’est parce qu’il ment. Il parle beaucoup ? C’est parce qu’il ment.

Il se gratte le nez ? Il ment. Il ne se gratte pas le nez ? Il ment et il sait qu’il ne doit pas se gratter le nez.

Il se met en colère ? Il ment. S’il n’avait rien à se reprocher il resterait calme. Il reste calme ? Il ment. S’il était innocent, il s’énerverait d’être faussement accusé.

Tout ce qu’on peut faire sur le sujet c’est de cultiver son humilité. Pour l’immense majorité d’entre nous il est impossible de détecter le mensonge à partir du comportement non-verbal.

Bien entendu, nous sommes en revanche capable de repérer les contradictions dans une histoire.

#15 | Les journalistes racontent n’importe quoi

Photo by NeONBRAND on Unsplash

“Toutes les histoires que vous lisez [ou voyez] dans les journaux sont vraies, sauf celles que vous connaissez personnellement”.

Et, à cause de ce que l’on vient de dire précédemment, plus un sujet est médiatisé et plus il est compliqué de le connaître. Plus un sujet est médiatisé, plus les journalistes racontent n’importe quoi et plus les gens répètent ce qu’ils ont entendu dire les journalistes. Cerise sur le gâteau : plus un média produit fréquemment du contenu et plus ce contenu est approximatif.

Ce n’est pas de la faute des journalistes mais du modèle économique de la presse. Pour vendre de la publicité, il faut écrire ce qui génère le plus d’audience. Et non pas ce qui est le plus véridique.

Pour aller plus loin

Conclusion

J’avais envie de finir en disant que je ne savais pas ce que me réservait la prochaine décennie de lectures. Mais en vrai, je sais un peu. J’ai écrit le début de cet texte il y a maintenant trois ans et demi. Je ne comptais pas le publier un jour, j’avais abandonné.

Puis, j’ai demandé aux abonnés premium de l’Atelier de me donner leur avis sur cet article inachevé. J’avais écrit jusqu’au neuvième point. Ils m’ont encouragé à le finir. C’est grâce à eux que tu as pu le lire en forme complète.

Mais du coup, il y a déjà un tiers de décennie qui s’est écoulé. J’ai donc déjà d’autres enseignements. Ces deux dernières années ont été un millésime particulièrement époustouflant en termes de lectures. Pour deux raisons : la première c’est que j’ai écrit un premier jet de livre au début de l’année 2018, la seconde c’est que j’ai créé une école à la fin de cette même année. Dans laquelle j’étais le seul professeur, la première année.

Je n’ai donc pas eu d’autres choix que de lire intensivement. Un livre ça s’écrit avec d’autres livres. Et pour enseigner il faut apprendre.

Alors comment conclure ? En te disant à dans sept ans pour le bilan de la deuxième décennie de lecture ? Ou en te souhaitant à toi une bonne décennie ?

Une dernière chose : quand je dis lecture, je ne pense pas forcément à des livres. Je pense à n’importe quel format long et enrichissant : livres, films, conférences, articles de fond, etc. Ah ! Je crois que j’ai trouvé ma conclusion…

Cultive-toi, enrichis-toi, le secret est dans la lecture.

Avant de me quitter…

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Tu as besoin de plus d’arguments ? Alors regarde plutôt par ici pour une explication du concept :

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Nicolas Galita
Dépenser, repenser

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