Confession #1 : j’ai dit adieu à la monogamie

Nicolas Galita
Dépenser, repenser
23 min readMay 15, 2019

Devenir athée de la monogamie a été un des changements les plus libérateurs de ma vie. J’ai mis énormément de temps à remettre en question cette religion.

Puis j’ai mis encore plus de temps avant de me sentir capable de l’assumer en public. Notamment par respect pour mes partenaires.

Mais avant de vous en dire plus, je vais expliquer le concept des confessions.

Depuis le début, j’avais pour envie de monter un blog qui parlerait des grandes révélations de ma vie.

Voilà pourquoi cette publication Medium s’appelle “Dépenser-Repenser”. Voilà pourquoi j’ai commencé par «Pourquoi la France n’est pas une démocratie».

Mais…j’avais sous-estimé l’énergie qu’il fallait pour assumer en public. D’ailleurs c’est pourquoi j’ai changé d’axe. Au début, la série devait s’appeler “on m’a menti sur” ou “révélation sur”. Mais ça décrivait mal le procédé. En fait il s’agit bel et bien de confessions. Avec toujours le même point commun : une religion que les gens suivent sans jamais la remettre en question, en dépit de toute rationnalité.

Le cheminement est toujours similaire : d’abord je commence à voir des failles dans la “religion”. Ensuite je tombe sur un “athée” qui me pose des questions qui détruisent toutes mes croyances. Puis, je fais un premier coming-out naïf.

Sauf que…blasphémer n’est pas gratuit. Même au sein de mes amis je fais alors face à des agressions gratuites simplement parce que je me confesse.

Parlons donc de ma première confession : la monogamie. Mais avant de se confesser, il faut d’abord décrire la religion monogame…

Les préceptes de la monogamie

Commençons par les préceptes de la monogamie. Ce qui est le plus unanimement partagé sans être questionné.

Précepte #1 | L’amour est forcément monogame

La plupart d’entre nous confondent la monogamie et l’amour. Coucher avec quelqu’un d’autre serait donc la preuve que vous n’aimez pas votre partenaire.

À se demander pourquoi nous avons deux mots différents ? D’ailleurs, comme dans toutes les religions, prononcer le nom même de la religion c’est déjà commencer à l’interroger. Quand vous dites le mot “capitalisme” vous commencez déjà à le remettre en question. Il en va de même avec la monogamie. Souvent je prononce la phrase “quand j’étais en couple monogame”. Et souvent les gens rient, moqueurs, comme s’il s’agissait d’un pléonasme. Comme si un couple était nécessairement monogame.

Pourquoi des pingouins ? Parce que les manchots sont monogames. Alors oui…c’est pas la même espèce mais entre nous…qui sait vraiment faire la différence ?

Pire encore, on confond le sexe et l’amour. Certes, mai 68 est passé par là. Alors on admet à demi-mots qu’il est possible d’avoir du sexe sans amour. On admet bien moins facilement qu’on peut avoir de l’amour sans sexe. Mais surtout on répand l’idée que l’amour sublime la libido. Que si vous désirez quelqu’un d’autre c’est parce que votre amour diminue. Pourtant c’est précisément le contraire de ce que j’ai toujours vécu.

“Pourquoi la libido s’amenuise alors même que l’amour s’approfondit ?” — Sex at Dawn

On en conclut même que la jalousie est un signe d’amour. On m’a déjà dit que si je n’éprouvais pas de jalousie c’est parce que je n’étais pas vraiment amoureux.

La libido et l’amour sont deux notions liées mais indépendantes. Là encore, c’est pour ça qu’on a deux mots différents pour les désigner. Bien que l’existence même de l’expression “faire l’amour” montre qu’on aime les confondre.

Sauf que, pour beaucoup, la libido est liée à une notion de nouveauté, d’interdit, de transgression… On ne peut donc pas dire que désirer quelqu’un d’autre signifie que l’amour diminue.

D’ailleurs, selon les études on obtient entre 45 et 60% de français (hommes comme femmes) qui déclarent penser régulièrement à quelqu’un d’autre pendant qu’ils “font l’amour”. Même en prenant la fourchette basse, c’est énorme !

Précepte #2 | L’adultère est déviant

Métaphore visuelle : ça c’est un chemin. Un chemin dont on peut dévier

On nous dit également que le désir adultère est déviant. Pourtant les chiffres sont implacables : l’adultère n’est pas du tout un comportement minoritaire. Attention : je ne vais pas excuser l’adultère. C’est un comportement que je hais du plus profond de mon âme. Mais pas parce qu’il enfreint la monogamie. Je hais l’adultère parce qu’il enfreint la confiance, la vérité.

En revanche, ça ne m’empêche pas de comprendre d’où vient ce comportement. Puisque la vérité est un blasphème à la religion monogame certaines personnes choisissent de passer à l’acte dans le mensonge. Car ce serait trop dur d’assumer qu’on désire ailleurs.

En fin de compte, il est trop facile de condamner les joueurs adultères sans jamais remettre en question le jeu de la monogamie. Il est trop facile de refuser que la monogamie va contre la nature de beaucoup de personnes. Ce n’est pas une déviance.

D’ailleurs, une simple observation du monde animal suffit à démontrer que la monogamie est la construction sociale, pas la nature. Les animaux naturellement monogames n’ont même pas le désir d’ailleurs. Parce que justement ils sont naturellement monogames, à vie. Remarquez au passage que le pacte monogame commence à s’effriter. Normalement la monogamie est à vie. Nos grands-parents ont connu ce concept. Mais nous, nous faisons de la monogamie en série (ce qui est déjà une forme de non-monogamie). Nous sommes monogames…pour un temps limité.

La monogamie c’est “un seul partenaire pour la vie”. Aujourd’hui nous la transformons en “un seul partenaire à la fois”. Dans l’espoir inavoué de se réconcilier avec notre nature. C’est en effet un pacte bien plus supportable.

Mais c’est aussi la preuve que la non-monogamie est le comportement le plus facile, le plus naturel. Attention : je ne dis pas que ce qui est naturel est supérieur. En revanche, refuser cette force au point de l’appeler déviance est dangereux.

Précepte #3 | Le sexe est sale ou superficiel

Las Vegas, la ville du superficiel

Enfin, on continue à traiter le sexe comme s’il s’agissait de quelque chose de sale. A fortiori le sexe sans amour. Vous remarquez d’ailleurs que dans plusieurs langues “se faire baiser” veut dire se faire escroquer.

Vous remarquez également qu’on parle de relation “sérieuse” pour parler d’une interaction où le rapport sexuel n’est pas le but ultime. Seul l’amour est “sérieux”. Curieuse sémantique. À se demander si les gens qui disent ça vivent le même sexe que moi ? Parce qu’en ce qui me concerne, le sexe est une affaire éminemment sérieuse ! On doit se mettre tout nu devant quelqu’un d’autre. Et ce n’est pas une métaphore ! On doit littéralement se mettre tout nu.

Ce n’est pas fini : on peut attraper des maladies…et pas des petites ! Le Sida me terrifiait quand j’étais gamin. Pire encore… on peut attraper des enfants non désirés. D’ailleurs, le monde irait mieux si les gens traitaient le sexe de manière un peu plus sérieuse. On oublie un peu vite qu’on met potentiellement le sort d’un troisième être humain en jeu.

Les indices qui me faisaient douter de la monogamie

L’histoire de ma rupture avec la monogamie est intimement liée avec celle de ma rupture avec la religion chrétienne. Alors que j’étais en train d’essayer de m’y accrocher désespérément, j’ai relu la Bible. Jusqu’à tomber sur ce passage de l’évangile de Matthieu :

“Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son coeur. Si ton oeil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi; car il est avantageux pour toi qu’un seul de tes membres périsse, et que ton corps entier ne soit pas jeté dans l’enfer.”

En d’autres termes, le simple fait de désirer quelqu’un d’autre est assimilé à un adultère. Avec cette définition, j’ai commis l’adultère plusieurs centaines de fois au cours de ma vie.

#1 | Ma libido extra-conjugale ne s’est jamais éteinte avec l’amour

Pour une fois qu’on utilise ce meme au premier degré…

J’étais obligé de me rendre à l’évidence : je n’avais même pas l’impression qu’il était possible de ne pas désirer. Il a fallu que je discute avec des personnes qui y arrivent pour me convaincre que c’était humainement possible. Et encore…une partie de moi continue d’avoir l’impression que les gens font semblant. De la même manière que je n’arrive pas à croire que les gens aiment vraiment le vin rouge.

Pire encore, la première personne dont je suis tombé amoureux m’avait déjà fait remarquer que je regardais d’autres filles…INCONSCIEMMENT. Comment étais-je supposé lutter contre quelque chose qui allait plus vite que mon conscient ?

À ce moment je me suis dit que j’étais damné, possédé par le Diable. D’ailleurs, je ne le savais pas encore mais quelqu’un allait me dire exactement cette phrase par la suite.

J’avais donc un problème : ma libido ne devient jamais exclusive avec l’amour. Mais je me faisais à l’idée d’être une anomalie.

Je ne savais pas encore que le contenu pornographique faisait des millions de vues. Je ne savais pas encore que les deux sites web français le plus consultés au monde sont des sites pornographiques. On parle de 2,5 milliards de visites mensuelles chacun. Autant qu’Instagram…

Je ne savais pas non plus que 35% des hommes en couple avaient déjà regardé une personne s’exhiber en direct devant sa webcam.

Au final le pole dance dans un clul de strip-tease c’est un peu pareil…

Les frontières de l’adultère deviennent floues. Regarder quelqu’un en direct dans le cadre d’un plaisir solitaire…est-ce encore si solitaire ? Où s’arrête donc le porno, où commence l’adultère virtuel ?

35% ce n’est pas un chiffre marginal. On ne parle pas d’une déviance. il en va de même pour le pourcentage d’adultère…

#2 | Le taux d’adultère est bien trop haut pour être une anomalie

J’avais vécu toute ma vie en me disant que l’adultère était un comportement criminel. Un comportement aussi marginal que le vol ou l’agression physique. Que nenni ! La moitié d’entre nous commettent l’adultère à un moment dans leur vie.

Les chiffres varient selon les études et on obtient parfois une estimation basse de 40%. Mais ça reste énorme ! On ne parle pas d’un comportement à la marge mais bien de quelque chose de très courant.

Comment est-ce possible ? Nous serions donc autant à être pourris de l’intérieur ?

Ce n’est statistiquement pas réaliste. Quand autant de joueurs trichent, le souci est nécessairement dans le jeu.

#3 | Aucun homme ne m’a jamais dit qu’il était monogame

J’ai donc fini par mener mon enquête, autour de moi. Ce n’est pas une étude rigoureuse puisqu’il s’agit de conversations informelles. Mais il n’empêche que je n’ai jamais rencontré d’homme se disant monogame.

L’immense majorité est monogame par effet de dissuasion nucléaire. Ils le sont pour que leur partenaire le soit aussi. Si vous leur donniez une baguette magique qui garantit que personne ne le saura jamais, ils seraient nombreux à coucher avec une autre personne.

En ce qui concerne les femmes qui m’entourent c’est plus mitigé. Mais je ne crois pas une seule seconde à l’hypothèse d’une libido moins forte chez les femmes. Je pense que c’est surtout le résultat de la pression sociale. L’infidélité est socialement beaucoup plus dangereuse pour une femme.

https://www.lemonde.fr/societe/article/2017/01/10/les-femmes-de-plus-en-plus-infideles-mais-toujours-moins-que-les-hommes_5060379_3224.html

Si on enlevait cette pression, je suis convaincu qu’on se rendrait compte que les femmes sont des hommes comme les autres.

Comment j’ai dit adieu à la monogamie

Le modèle avait donc déjà montré des signes de faiblesse chez moi. Autant de coups de butoir qui allaient finir par faire céder tout l’édifice.

#1 | Les étincelles

Vous l’avez compris, la lecture de l’évangile de Matthieu a été un des coups de canif les plus décisifs. Je me rappelle encore de la détresse que j’ai ressentie à sa lecture.

Puis, quelques années plus tard, je suis tombé sur un article où deux personnes âgées racontaient leur parcours de vie. Ils expliquaient notamment qu’ils avaient toujours été fidèle l’un à l’autre. Leur fidélité n’était pas sexuelle. C’était un concept émotionnel, un concept de confiance et d’honnêteté. Pour la première fois j’ai découvert le mot « polyamour ».

Encore quelques années plus tard, j’en ai parlé à ma nouvelle partenaire… qui m’a envoyé dans les roses.

« Oui, ça se tient sur le papier, mais dans la vraie vie c’est intenable pour moi ».

Dont acte. En revanche j’étais décidé à appliquer au moins la partie honnêteté du couple de vieux. J’ai donc commencé à tout dire à ma partenaire. C’était déjà une énorme libération. Ne plus cacher la pornographie, ne plus cacher le désir d’ailleurs, ne plus rien cacher. D’un coup je me suis senti aimé pour ce que j’étais.

Certes j’avais promis fidélité sexuelle et je m’y tenais. Mais je pouvais parler de tout. Or, la vérité libère. Je le clame sans hésiter même si je sais que tout le monde ne me croira pas. Beaucoup de gens pensent que la vérité détruirait leur couple. J’en faisais partie. Je vivais avec cette épée de Damoclès en permanence : si l’autre découvrait mes pensées…

Peur de l’échec — Orelsan

La vérité m’a libéré de ce poids. J’ai d’ailleurs appris par la même occasion que certaines choses dont je me faisais une montagne étaient négligeables pour ma partenaire.

Puis un jour… on a rompu. C’est à ce moment que j’ai décidé que je ne concèderais plus l’exclusivité. Non pas que je n’en étais pas capable. Mais j’avais envie d’explorer cette facette…avec d’autres personnes.

Ironie de la vie : nous nous sommes remis ensemble. C’est donc avec elle que j’ai vraiment expérimenté le concept du polyamour. Avec tous les enjeux que ça comportait. Mais je m’écarte du sujet…

Nous avons donc acheté la Bible du polyamour : The Ethical Slut (la Salope éthique). Et là un monde s’est ouvert à moi : je n’étais pas seul. En plus, contrairement à l’article sur les deux vieux, les auteures ancraient tout ceci dans un temps long. On ne parlait pas d’une mode mais bien d’un mouvement. Il n’y avait rien de nouveau.

#2 | La théorie du polyamour

J’explorais donc pour la première fois le concept sérieusement. Avoir des intuitions c’est bien pour commencer. Mais ensuite il faut se reposer sur les personnes qui l’ont fait avant soi. C’est ainsi qu’avance l’humanité. Pourquoi faire les erreurs que d’autres ont déjà fait ?

J’ai donc découvert les bases théoriques du polyamour. À commencer par les enjeux sémantiques. En effet, il fallait un nouveau mot pour dire non-monogamie. Ce ne pouvait être « polygamie ». Le mot a été confisqué par une pratique unilatérale où un homme a plusieurs femmes, qui lui sont exclusives. Il fallait donc un mot qui dise juste « non-monogamie », de manière neutre. Les anglo-saxons ont choisi « polyamory ». Parfait.

En français c’est un peu plus délicat. La traduction de « polyamour » pose souci. Car le mot « amour » est un mot courant de la langue française. Alors qu’en anglais le mot « amory » ne l’est pas. C’est volontaire. On n’a pas choisi « polylove ». Afin d’éviter qu’on croit que la non-monogamie se résume uniquement à un schéma d’amours plurielles.

Malheureusement on doit faire avec le mot polyamour en français. Alors définissons-le. Rien à voir avec l’amour. On va appeler polyamour tout ce qui n’est pas monogame et qui est consenti par les participants.

(Certaines personnes proposent les mots de lutinage et de polyamorie afin de contourner le problème : http://lutineetcie.com/2019/02/pourquoi-je-prefere-la-polyamorie-au-polyamour/)

Quand je tape “polyamour” dans mon moteur de recherche d’images, je tombe sur plein de photos de ces bonbons. Énigme. Si quelqu’un comprend pourquoi, qu’il me le dise en commentaire !

Deux conditions toutes simples donc :

1) La non-exclusivité sexuelle et/ou émotionnelle

2) Tout le monde est consentant, donc au courant

Ce n’est donc pas l’adultère. L’adultère survient quand vous n’avez pas la seconde condition. Avec une définition aussi large, le polyamour peut prendre d’innombrables formes.

Tout d’abord la forme la plus connue historiquement : le libertinage. En résumé, le libertinage consiste à s’autoriser à avoir des rapports sexuels avec d’autres personnes. A condition de ne jamais en tomber amoureux.

Forme moins connue : les trouples (ou plus). Un trouple est un couple à trois. Vous avez donc trois personnes qui sont fidèles les unes envers les autres. Elles ne peuvent voir personne d’autre. Le modèle fonctionne également avec quatre, cinq, six personnes. Peu importe le nombre : il s’agit d’une exclusivité à plusieurs.

Ensuite vous avez le modèle des relations anarchiques. Au sens noble du mot. C’est-à-dire qu’une personne décide de fréquenter plusieurs partenaires, qu’elle place sur un pied d’égalité. Elle ne fait pas de hiérarchie.

Enfin, vous avez le modèle que j’ai choisi : les relations hiérarchisées. Avec un (ou plusieurs) partenaires qui sont une relation primaire. C’est-à-dire ce qui ressemble le plus à un couple monogame. Vous êtes amoureux de votre relation primaire et vous avez un engagement avec elle. Ensuite vous avez des relations secondaires : des personnes dont vous êtes ou non amoureux mais avec qui vous n’avez pas d’engagement.

#3 | Ce que j’y ai gagné

Le polyamour m’a permis de ne plus lutter contre mes inclinaisons. De ne plus me sentir limité. J’y ai gagné également en humilité : vous savez quand vous êtes en couple… vous avez toujours l’impression que votre couple vous empêche d’avoir une relation avec untel ou unetelle ? Que si vous étiez libre vous auriez…

Bah en fait c’est souvent une illusion. Le monde n’obéit pas à vos fantasmes et ce n’est pas la fin de la frustration sexuelle. Mais au moins vous n’en voulez plus avec votre partenaire : vous ne pouvez plus le rendre responsable.

D’ailleurs c’est un des effets les plus bénéfiques : j’attends moins de mon partenaire. J’arrête de la rendre entièrement responsable de mon épanouissement.

Et surtout… je me suis mis à vivre sans la menace constante de l’adultère. Pour la première fois de ma vie, je vivais sans être terrorisé par l’idée d’un jour commettre un adultère. Ça protège le couple. En effet, si coucher ailleurs n’est plus une menace de mort, une des premières causes de rupture disparaît.

Ou en tout cas je le croyais. L’avenir m’a prouvé que le comportement adultère est si solidement ancré dans nos modèles que votre partenaire peut vous tromper quand même…

Mais au moins j’avais réglé ce souci de mon côté.

Enfin, j’ai dû développer un rapport à la vérité encore plus intime. Pour qu’un couple libre fonctionne il faut encore plus de communication que dans un couple monogame. Ce n’est pas de tout repos : la vérité a quelque chose d’éreintant. Parfois on n’a pas envie de réconforter son partenaire qui vient de se faire larguer par une autre relation. Parfois on n’a pas envie de dire à son partenaire où on était ce soir.

Les réactions de l’inquisition quand je le confesse

Quand vous devenez athée, peu importe la religion, vous devez faire face à l’inquisition. On va essayer de vous faire rentrer dans le rang coûte que coûte. Ou au moins mépriser votre position. Parfois violemment.

Réaction #1 : « Tu as un problème »

Avec sa variante : « il te manque quelque chose ». C’est une des réactions les plus courantes. Même parmi vos amis les plus bienveillants. Pour pouvoir accepter l’existence d’un autre modèle ils vont avoir besoin d’en faire un modèle réservé à une déviance. Afin de ne pas se remettre en question.

Ils vont donc inventer que c’est parce que votre père est professeur de philosophie ou alors que vous avez été élevé dans une religion stricte. (Vous remarquez que les deux arguments se contredisent frontalement).

J’ai beau expliquer que je me sens comme ça depuis mon adolescence, ils ne m’écoutent plus : trop contents de pouvoir triompher avec une explication. Ils deviennent de meilleurs experts que moi-même. Sans jamais avoir essayé. Ce n’est même pas méchant. Même si c’est très violent à vivre.

Certains vont même jusqu’à m’animaliser.

Réaction #2 : « Tu n’as pas encore rencontré la bonne »

Avec sa variante « tu ne l’aimes pas vraiment ». Là encore, les gens ne réalisent pas la violence de leurs paroles. Ironique sachant le nombre de couples que je connais et qui ne s’aiment plus. Mais on n’oserait jamais leur dire « tu ne l’aimes pas vraiment, tu restes avec lui parce que vous avez des enfants ensemble ».

Croyez-moi : je suis fou amoureux au moment où je vous écris. Amoureux à m’en rouler par terre pendant les ruptures. J’ai rencontré la bonne (si tant est que ça veuille dire quelque chose). Là n’est pas la question. Je ne comprends même pas le rapport ? Enfin si…j’imagine qu’on en revient à la croyance du début : le lien entre la libido et l’amour.

D’ailleurs ces personnes essaient toujours de tester mes amours quand j’en ai deux en même temps. Mais elles abandonnent très vite devant mes réponses.

Avec toujours le même « ah… » à la fin de leur contrôle surprise.

Réaction #3 : « C’est juste une manière de profiter de l’adultère »

On ne me le dit presque jamais en face. On le dit toujours à ma partenaire. Je ne sais pas quoi répondre. Si ce n’est que la majorité des personnes qui le disent seraient terrorisés à l’idée de dire la vérité sur leur libido.

Réaction #4 : « Tu n’es pas un vrai polyamoureux en fait t’es libertin»

Avec sa variante « j’ai vu un reportage » ou « j’ai un ami qui ». Un peu comme les gens qui vous expliquent, à vous végétarien, qu’un végétarien mange du poisson.

J’ai fini par arrêter d’argumenter : je donne ma définition et je réponds qu’ils peuvent appeler ça « xubluq » si ça leur plaît. Le mot m’importe peu.

Réaction #5 : « Personne ne peut accepter ça »

Figurez-vous que je n’ai quasiment jamais rencontré quelqu’un pour qui c’est une condition rédhibitoire. Environ 90% des gens que j’ai rencontré ont accepté. Je suis moi-même surpris. À chaque fois que je me confesse lors d’un premier rendez-ous, je m’attends à ce que l’autre m’oppose une fin de non recevoir. Après tout…c’est ce que voudrait l’idéologie monogame.

Pourtant…l’écrasante majorité acceptent. Au début en tout cas. Car la culture monogame a cette immense hypocrisie qui est d’accepter le concept de l’entre-deux. Entre deux relations monogames, la plupart des personnes sont non-monogames. Entre deux relations «sérieuses» elles « s’amusent ».

Ce n’est que lorsque les sentiments apparaissent que ça devient un sujet.

En revanche, quand ça devient un sujet…c’est un vrai sujet. Et, effectivement, rares sont les personnes qui l’acceptent.

Guide pour débutant

Je ne peux pas finir sans écrire ce que j’aurais aimé qu’on me dise avant de me lancer dans l’aventure.

#1 | L’honnêteté commence par soi

Avant de se lancer il faut être très lucide sur soi-même. Apprendre à se connaître. Par exemple, ne pas se croire immunisé contre la jalousie. Personne ne l’est.

D’ailleurs c’est une des autres réactions de l’inquisition : « ah, tu ressens de la jalousie ? Tu n’es pas vraiment polyamoureux alors ».

Ce à quoi j’ai toujours envie de répondre « ah, tu ressens du désir pour d’autres ? Tu n’es pas vraiment monogame alors ».

Mais je m’égare : je disais qu’il faut développer une honnêteté envers son partenaire mais aussi envers soi-même.

Si vous êtes du type à vous mentir, vous aurez probablement beaucoup de mal.

Le polyamour vous demande de savoir ce que vous voulez. Notamment parce que la pression sociale se mettra contre vous. Donc si vous n’êtes pas un minimum solide dans vos volontés…

#2 | Il faut des règles

Le couple monogame a des règles. On en discute rarement car elles sont dans l’imaginaire collectif. Tout le monde les connaît plus ou moins. En revanche, un pacte polyamoureux peut prendre des formes multiples.

Vous n’avez pas le choix : il va falloir fixer des règles. Je vous donne par exemple les règles d’un ami polyamoureux avec sa copine :

1) On ne fréquente pas de gens de notre milieu professionnel, que l’autre peut rencontrer

2) On se protège systématiquement quand on couche avec quelqu’un d’autre

3) On ne se voit pas le même jour qu’un autre

4) On annule pas pour voir une autre personne

5) On se raconte la première fois avec une nouvelle personne et ensuite on ne se dit plus rien.

Mais ça aurait très bien pu être :

1) On ne se raconte pas nos aventures. On se dit juste si on est en libido « feu vert » ou « feu rouge » en ce moment. C’est-à-dire si on cherche à rencontrer de nouvelles personnes ou pas.

2) En revanche on ne ment jamais si l’autre nous demande ce qu’on faisait hier

3) Avant de coucher avec une autre personne on doit lui dire clairement qu’on est déjà en couple

Et je pourrais encore vous montrer des dizaines de pactes différents. Retenez simplement qu’il est primordial de définir ensemble le pacte. C’est ce qui permet de définir ensemble ce qui est de la trahison et ce qui n’est l’est pas.

#3 |La vérité vaut mieux que le mensonge

En cas de doute, il vaut mieux dire la vérité. Tout le temps. Ça ne veut pas dire que toute vérité doit être dite. Par exemple si dans votre pacte votre partenaire vous a explicitement stipulé qu’il ne voulait pas savoir. Mais dans ce cas précis vous ne doutez pas. Si vous doutez, penchez pour la vérité. Ça vous évitera tout malentendu.

“truth”, je crois que ça veut dire “vérité” en croate

D’expérience, il vaut mieux blesser l’autre en lui disant quelque chose plutôt que le blesser en ne lui disant pas. Car, le jour où il le découvre, c’est le sentiment de trahison qui submergera tout le reste.

Or, la douleur de trahison est bien pire que toutes les autres dans un couple.

#4 | Ce n’est pas tout rose

Enfin, on me fait souvent cette remarque : que ça a l’air facile quand j’en parle. Ça ne l’est pas. C’est simple mais ce n’est pas facile.

C’est simple : pour parler à votre partenaire il suffit de parler à votre partenaire. Ni plus ni moins. Mais parler est difficile.

Attendez-vous à des disputes, des incompréhensions, des jalousies… le polyamour n’est pas une formule magique.

Mais je crois que ce que j’aurais aimé qu’on m’explique avant c’est le concept de la double rupture.

Si vous tombez amoureux de deux personnes et que vous entretenez une relation avec les deux, vous vous exposez à la possibilité de vivre une double rupture.

Croyez-moi : une rupture simple c’est déjà éprouvant. Mais la double rupture c’est le niveau d’après. Rien ne m’avait préparé à ce tsunami.

Conclusion

Voici donc la fin de ma première confession. Même si on peut considérer que c’est le deuxième et que la première était « La France n’est pas une démocratie ». Je le réécrirai probablement sous le format “Confession : j’ai arrêter de voter”.

J’en profite pour lever un dernier malentendu : je n’ai pas écrit pour vous dire qu’il fallait être polyamoureux. J’ai écrit pour vous dire qu’on ne pouvait pas imposer la monogamie à tout le monde. Il ne s’agit pas de passer de la religion de la monogamie à la religion du polyamour.

Il s’agit plutôt de se poser la question avant d’embrasser un modèle ou l’autre. Sans a priori, sans l’emprise de l’idéologie dominante. Peut-être que ça vous renforcera dans la monogamie. Mais au moins ce sera une monogamie pleinement consciente et choisie.

Et ça, ce serait déjà une victoire en soi.

Hey ! Attends :D

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Annexes pour aller plus loin

Voici une liste des ouvrages ou articles sur le sujet. Les liens Amazon sont des liens affiliés, ce qui veut dire que si vous achetez ce livre (ou même un autre) via ce lien, Amazon me donne quelques centimes. En revanche ce ne sont pas des placements de produits : je n’ai pas de lien avec les auteurs et auteures.

La Salope Éthique (The Ethical Slut)

(La version française sur Amazon)

C’est un livre à lire avant d’essayer le polyamour. Ou alors juste après. Sinon il perd son potentiel : il est pensé comme une introduction. Il ne vous dit pas comment faire, il ne rentre pas en profondeur. Mais il pose les bases du concept et l’explique.

Il met des mots sur les choses. Or, on est beaucoup plus lucide quand on a des mots. Avoir les mots pour dire “relation primaire” et “relation secondaire” permet de penser le concept. Mieux encore, certains mots vous ouvrent à des réalités. Ça a été le cas pour moi du mot “compersion”. Je n’aurais même pas imaginé le concept possible s’il n’y avait pas de mot. Je n’y aurais même pas pensé.

La compersion c’est l’émotion qu’on éprouve quand on est content de savoir que son partenaire couche avec d’autres personnes, aime d’autres personnes. Puisque le sexe et l’amour peuvent lui apporter de la joie, on s’en réjouit pour l’autre. Comme on serait content de le voir obtenir le travail de ses rêves.

Il s’agit donc de l’inverse de la jalousie. Attention : ça ne veut pas dire que vous ne pouvez pas être traversé par deux émotions contradictoires. Souvent on ressent de la compersion ET de la jalousie à la fois.

Mais se fixer comme but d’atteindre la compersion n’est possible que si vous connaissez le concept.

De même, le livre vous donne des arguments pour répondre aux réactions les plus courantes. Notamment un argument qui fait mouche à chaque fois : “quand un parent a un enfant, puis qu’un deuxième arrive, est-ce que tu penses qu’il est possible pour lui d’aimer les deux à la fois ?”. Ce à quoi tout le monde répond “évidemment”. Il ne reste plus qu’à enchaîner avec “et bien c’est pareil pour l’amour romantique : l’amour ne se divise pas, il se multiplie. La seule chose qui se divise c’est le temps”.

Enfin, le dernier point qui m’a frappé c’est l’âge de ce livre. Il a été écrit il y a plus de vingt ans. Il s’agit du récit des deux auteures qui relatent donc des expériences qui ont plus de quarante ans. Ce n’est pas une mode : il a toujours existé des personnes qui remettaient en question la monogamie.

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Sex at Dawn

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Là où The Ethical Slut pose les bases du polyamour, Sex at Dawn est un essai qui se pose la question suivante : à quoi ressemblait les relations sexuelles à la préhistoire ? Comment se comportent naturellement les humains ?

Problème : nous n’avons pas d’écrits des humains de l’époque. C’est même la définition de la préhistoire. L’auteur va donc observer des tribus qui n’ont eu quasiment aucun contact avec l’Occident et qui sont restés dans un état bien plus proches : des chasseurs-cueilleurs.

Je ne vous spoile pas mais on va de surprise en surprise. Notamment le lien avec l’agriculture. Comment cette invention fait tout basculer, comment elle a démultiplié la domination des hommes sur les femmes, comment elle a imposé la monogamie, etc.

Autre voie pour observer le comportement sexuel naturel humain : regarder les deux espèces les plus proches de nous. Le bonobo et le chimpanzé. On va aussi à la découverte des espèces monogames pour découvrir ce qu’est la monogamie naturelle et ce qu’elle implique.

Je ne vous en dis pas plus ! C’est un livre vraiment passionnant. Cliquez ici pour le voir sur amazon.

Compersion : transcender la jalousie dans le polyamour

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Comme son nom l’indique, il traite de la compersion, dont on a parlé plus haut. Tout le monde m’en parle. Je l’ai acheté, commandé…et depuis il est sur ma table de chevet en évidence, comme un message à quiconque entre chez moi. Mais…je ne l’ai toujours pas lu. Je vais donc m’abstenir de commenter un ouvrage que je n’ai pas lu.

Si vous le lisez avant moi n’hésitez pas à venir faire un retour d’expérience dans les commentaires. Il est disponible sur Amazon en cliquant ici.

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Nicolas Galita
Dépenser, repenser

Tu as aimé ce que tu as lu ? Ce n’était qu’un amuse-bouche. Je partage bien plus de contenu ici : https://nicolasgalita.substack.com