Eclairages. Métropolitain.

Métropolitain.

Un lieu de passage. Un lieu de vie. Un lieu banal. Un lieu d’échanges. Un lieu d‘une certaine brutalité. Un lieu de connexion urbaine où paradoxalement les relations sociales sont atrophiées.

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3 min readJan 9, 2018

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Le métro. Ce moyen de transport séculaire a vu l’Histoire et la société inlassablement évoluer, défiler au dessus de ses roues quand celui-ci est resté quasi-inchangé. C’est une ville sous la ville, intemporelle. Ce grand réseau souterrain est empreint du temps des actualités et du passage de ses millions de voyageurs. Prendre les transports en commun c’est être et vivre en société. Mais aussi accorder sa confiance, accepter de perdre le contrôle d’une partie de sa vie pendant quelques minutes.

On n’y compte plus les hommes et les femmes en costumes gris ou bleus, pressés de rejoindre leur lieu de travail. Et si les accordéonistes et autres saltimbanques qui font la manche sont toujours là, ils clament leur détresse à des métropolitains toujours indifférents.

Les quais grouillent sous la masse aux heures de pointe bercés par le brouhaha ambiant, les lumières blafardes, les signaux sonores et les cliquetis métalliques des rames. Sous terre, ce lieu traversant la ville se voit être le seul où des personnes de tous horizons verront leurs chemins converger durant quelques instants.

Les trajets quotidiens deviennent automatiques, les réflexes s’établissent. Une fois descendu dans les souterrains, le voyageur enfile un masque, un costume. Il devient une personne inaccessible, silencieuse où un individualisme exacerbé le pousse à se jouer de tous les subterfuges pour faire partie des premiers à entrer dans la rame.
On se dit alors que oui, la fin justifie les moyens, quitte à abandonner quelques instants politesse et compassion, dans ce lieu où l’on veut entrer aussi vite qu’on veut en ressortir.
Une fois les portes automatiques fermées comme dans un sas, le voyageur est enfermé dans une zone d’inconfort, d’insécurité. Balancé dans quelques mètres carrés. Un face à face où les mouvements saccadés de cette locomotive urbaine sont simultanément liés à une certaine promiscuité.

Attentats, harcèlement, délinquance, insécurité… Ici, la peur, l’incompréhension entre les hommes défient la raison et la bienveillance.

Dans la foule, cette femme connectée à son smartphone écoute la dernière playlist conseillée par son amie, relisant quelques mails reçus dans la nuit.
Un moyen pour elle de rester ancrée à sa vie privée. Son téléphone la sécurise dans cet espace public où absolument rien n’est sous son contrôle. Captivée par l’écran, elle veut rester imperturbable. Mais le moindre regard, geste ou parole d’un inconnu deviendra pour elle une potentielle agression.

C’est alors comme une plongée en apnée qui prendra fin une fois remonté à la surface.

Un paradoxe pour ce moyen de transport établissant des connexions entre des lieux et des personnes. Le parfait reflet d’une société où les moyens de transport et de communication se tissent et performent de plus en plus alors que les relations humaines notamment entre les hommes et les femmes, n’ont jamais été aussi complexes et distendues.

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Journaliste. Pinard, procès et photographie 🍷⚖️📸