Tordure d’esprit

Mamadou Diallo
4 min readMay 27, 2014

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manifestation première: l’extrémisme

Mon souci avait longtemps été:

  • De faire la révolution. Sanglante la révolution, obstinée, qui colle aux trains de réactionnaires partis dans de grandes enjambées, rattrapés malgré tout et raccourcis quand même… devenus cadavres, devenus profanés, je danse moi, smurf à côté.
  • D’une manière ou d’une autre, faire parade de mon caquet.

Grandiloquent à ce point, sans titre ni haut fait pour le justifier, pleutre physique, sadique en idées, me traversent quand même des éclairs de lucidité qui disent: “mec, t’as le cerveau mal configuré »… du dehors, je ne fais pas de remous, je suis tout comme un carreau lisse et monotone qui, parfois, l’ouvre et dit de gentils policées choses d’une voix presque muette. Quand arrivera l’heure de la justice d’anticipation, avec ses procureurs informés de ce qui se trame jusque dans les consciences de sadiques sous cape, on me fera des piqures là où sa cogite, j’aurais la langue pendante et la syntaxe a Ribery.

Manifestation seconde: le mépris du monde

M’y voilà plongé justement dans le monde. y vont et y viennes des élégantes en robes d’étoffes légères aux coloris comme des fruits. Brillent des lumières blafardes et voluptueuses qui sur des épaules dénudées se posent. Les alentours sont tapissés de sourire brights et contrefaits. Sur des plateaux passent des breuvages… j’en attrape un: ça va me mettre en train… Ça grouille de monde, un peu comme chez Iba le premier samedi du mois. Diffèrent sensiblement la démographie et le dress code. Il y a là des mondaines et des mondains, leurs postures cadrent tout à fait avec l’heure et l’endroit. Pas l’ombre d’une incongruité, partout règne la même infiniment chiante bonne tenue.

Je tombe sur Didier, aspirant tycoon. Toujours, quand il est de sorti celui-là, il se met à l’affut des importants, n’importe qui, pourvu qu’il soit important. Il trépigne, se recueille et s’arme de tout ce qu’il possède de savoir faire courtisan pour s’en aller fayoter tel ou tel important. C’est quelque chose que de voir ce grand gaillard, solidement charpenté, en train de fayoter un important. Il prend l’allure exacte d’un élève qui, une fois finis ses coups de crayon, s’en va montrer à la maitresse comme il a bien dessiné. Pathétique. Ça serait un caniche Didier, en de pareilles circonstances, il aurait la queue toute frétillante.

J’entends déjà s’émouvoir… « mais! c’est de la médisance! » Tout à fait, la médisance donne sens à l’éloge.

J’en ai rien à faire moi des importants. Par contre, je ferais des pieds et des mains pour m’entretenir avec un talent qui m’a touché, fut-il en guenilles. Juste lui dire merci, bravo, au plaisir…

L’on me tape dans l’épaule et j’entends qu’on m’interpelle

Une voix de bonhomme… celle de Saliou.

-Comment tu vas ?

- B…

Je n’ai pas le temps de répondre, il s’en fout de savoir comment je vais d’ailleurs, et je ne lui en veux même pas, c’est réciproque.

- t’a vu Assane?

- N..

-À plus tard

Comme la copine à Pape Diouf, il est parti; je lui souhaite bon vent, un peu fétide quand même le vent, et je finis mon verre.

Manifestation ultime: la sentimentalité

Tiens, là, tout au bout, seule, qui déambule le long du mur, la plus singulière des personnes, dans un espace-temps autre, le sien. Pas du tout fondu dans le monde, pas dépareillée non plus, elle est d’un autre ordre, elle se tient à sa façon et n’a pas placardé sous son nez un sourire en toc. Son visage statuesque ne trahit aucune émotion particulière, même pas la sérénité, même pas l’indifférence. Dieu qu’elle est belle, assez pour que je me laisse aller à citer Patrick Fiori.

Il y’a là une scène, foisonnante, de mouvements, de pigments, de petits détails piquants, de postures humaines et puis elle, joyau en son sein nichée , mais s’en démarquant tout à fait, comme une fenêtre ouverte sur un autre monde. D’avoir comme ça son univers a soi, parallèle à celui qu’habitent tous les autres, avec des frontières distinctement délimitées, jalousement gardées, appelons ça la Personnalité.

J’ai tôt fait de l’appeler impératrice, c’est évident qu’elle règne, sublime souveraine d’elle même, et ça n’est pas rien qu’elle même.

Elle fait un peu peur, comme une insondable béante cavité que l’on devine profonde, dont les mystères piquent la curiosité, mais dont l’exploration implique une grande témérité. Plus curieux que téméraire, je lui tourne autour. Dès que possible, je jette, aussi loin que ma myopie le permette, mes yeux exorbités. Ensuite, une jambe posée sur le sol assuré, je risque l’autre dans ses mystères, au risque d’être tout entier happé.

Je me perdrais là dedans, j’avancerais à tâtons, il est probable que je n’avance pas du tout, que je tourne en rond. Je n’y verrais pas très clair. Elle si.

D’observer pareille empatté, mi-résolu-mi-froussard, sa doit lui faire tout drôle. Moi, sa m’amuserait.

Passerais -je ainsi toute une vie à faire le siège de ses alentours? Ce serait une apnée sans fin. Une performance, soit, mais masochiste et morbide.

Comment faire autrement? Jamais Problème ne m’a autant préoccupé. J’y ai consacré des heures, à le tourner dans tous les sens, à formuler des hypothèses, j’ai même fait des putains de requêtes Google… Au bout du compte, considérations faites de mes aptitudes, modestes, de séducteur, voici ce pour quoi j’ai opté: lui aménager des petits coins de non-réciprocité, d’inégalité foncière où, pour seul devoir, elle a celui de tout se permettre et moi celui de tout tolérer. En somme, un espace où il lui est loisible de s’en battre les couilles… c’est une image; elle est une femme d’origine non brésilienne.

Très honnêtement, ça me va, je suis plutôt content de faire carpette. Veut elle une chose, quel qu’elle soit, tout déguerpit et fait place éminente à son bon vouloir.

Je ne suis pas un être violent, probablement que faute de moyens je ne les commettrais pas, mais pour peu qu’elle en fasse la demande insistante, je piloterais bien, par amour, deux trois génocides, dans la gueule des peuplades qu’elle aura désigné.

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