Comment être fashion sans trahir ses principes écolos ?

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10 min readOct 15, 2019

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Industrie parmi les plus polluantes au monde, désastres écologiques et sociaux à répétition, l’impact plus que néfaste de l’industrie de la mode n’est plus à prouver et éclate au grand jour depuis maintenant quelques années. Les changements concrets sont cependant lents à venir et leurs acteurs peinent à se démarquer des ancestrales marques de fast-fashion qui polluent notre environnement et notre santé : développement d’une flopée de marques éthiques qui le sont plus ou moins, retour au “vintage” plus par attrait pour la mode des années 70 que pour son bénéfice environnemental… faire des choix fashion et éthique devient de plus en plus compliqué et exigeant.

Comment concilier (prise de) conscience écologique et attrait pour la mode ? Quelques conseils et astuces d’une fashion addict repentie !

Découvrez notre podcast Fripes ou Marques éthiques : peut-on encore shopper responsable ?

Comprendre le besoin de changement

Avant d’entamer un tri draconien de vos armoires et un changement drastique vers une vie de minimalisme et purifiée de tout vêtement superflu (le bootcamp edeni peut vous y aider !), le plus important est de comprendre les raisons profondes qui font du changement de notre mode de consommation une nécessité non seulement pour la planète, mais aussi pour nous-mêmes. Aucun changement durable ne peut se faire en une soirée d’intense motivation, sous peine de voir remplacés en moins d’un mois tous les vêtements inutiles que vous aviez péniblement triés à la sueur de votre front.

La clé du changement, c’est d’être persuadé·e qu’on ne le fait non pas pour avoir la conscience tranquille, mais parce qu’on est intimement convaincu·e que c’est la bonne chose à faire. Pour cela, plusieurs méthodes, au fondement desquelles se placent toujours la réflexion et la prise de conscience. Les documentaires choc se démultiplient autour du thème de la fast-fashion et de ses méfaits (on notera par exemple The True Cost, disponible sur Netflix), et si les choix d’images et de récits sont parfois quelque peu hollywoodiens, ils sont une bonne base pour prendre pleine conscience de l’ampleur du travail à fournir, et surtout de notre part très personnelle dans les désastres provoqués par cette industrie. On ne le dira jamais assez, consommer, c’est voter.

Le compte Instagram de Fashion Revolution (@fash_rev) peut aussi être un bon début pour une prise de conscience sur l’impact de la mode.

Si les chiffres et les images d’ordre général ne provoquent pas chez vous le déclic attendu, se rendre compte de l’absurdité de sa propre consommation de vêtement peut être un facteur déclenchant. On sait par exemple que la majorité des Français n’utilisent que 30% de l’ensemble des vêtements et accessoires qu’ils possèdent, laissant à l’abandon au fond de leur placard l’équivalent de plusieurs centaines d’euros dépensés en “je suis pas sûr·e de l’aimer mais bon on ne sait jamais, et puis il coûte presque rien”. Pour s’apercevoir de la part de nos vêtements que l’on n’utilise absolument jamais (et on insistera sur le terme “absolument”, qui s’applique souvent à beaucoup plus de pièces qu’on ne le pense), rien de tel qu’un pré-tri : mettre dans une boîte toutes les choses que l’on hésite à vendre ou à donner, sans se restreindre, et stocker cette boîte quelque part chez soi pendant 6 mois. Si au bout de ces 6 mois, vous n’avez jamais eu besoin de l’ouvrir, plus de doute à avoir, ces vêtements sont bons pour un départ imminent chez Emmaüs. Bien entendu, cette opération est renouvelable des dizaines de fois avec toujours de nouvelles pièces, puisqu’on n’est jamais à 100% honnête envers soi-même lorsque l’on trie !

Arguments sociaux, écologiques ou économiques, quelques lectures ou visionnages vous aiderons à trouver cette motivation interne qui vous permettra de mettre en place les quelques conseils et alternatives présentés plus bas dans cet article. Le tout est bien sûr de le faire avec honnêteté et bienveillance envers soi-même : toute transition nécessite un travail, qu’il ne faut pas minimiser !

Choisir ses alternatives

La mode écoresponsable

Même si loin d’être la plus viable, elle est l’alternative la plus simple à mettre en place et la moins douloureuse pour les plus fashion addicts d’entre nous, d’autant que les marques écoresponsables se font de plus en plus diverses et faciles à trouver sur le marché, aussi bien en ligne qu’en physique.

Les plus : Les vêtements produits sont plus sains et plus écologiques. Les matières sont choisies avec soin pour réduire au maximum l’empreinte carbone du vêtement, en favorisant par exemple le lin, le chanvre, ou le coton biologique. De même, les conditions de travail de toutes les personnes intervenant dans la confection de la pièce sont surveillées par des organismes tiers, qui veillent entre autres à un salaire juste, à la sécurité du lieu de travail et à des horaires raisonnables.

Plusieurs labels existent pour garantir le caractère responsable de la fabrication des vêtements à tous les stades de la chaîne de valeur : GOTS, qui exige un audit de tous les sites de production par lesquels passe le vêtement, Oeko-Tex, qui garantit la non-utilisation de produits chimiques nocifs pour la santé et l’environnement, ou encore Fairtrade. Un récapitulatif sommaire mais bien fait des plus grands labels de la mode durable est disponible sur le site de WeDressFair, pour s’initier au jargon de la jungle des labels, et commencer à y voir plus clair (attention, label n’est pas raison !).

Les moins : Il fallait s’y attendre, la problématique du·de la fashionista écolo ne trouve pas sa résolution dans la mode écoresponsable. En effet, même si elle questionne l’industrie de la mode en profondeur et sa manière de produire, la mode écoresponsable reste une forme de production. Certes moins nocive et plus respectueuse des hommes et de la planète, elle reste toutefois une énième raison de puiser dans des ressources rares et limitées, alors même que nous croulons déjà tous sous une montagne de vêtements dont nous ne savons que faire. Toute écoresponsable qu’elle soit, la mode éthique obéit elle aussi à un mode de production capitaliste fondé sur la création d’un besoin chez le consommateur.

Le bilan : La mode écoresponsable est une belle initiative pour l’industrie, mais elle reste insuffisante au niveau du consommateur, puisqu’elle engendre une nouvelle production et donc l’utilisation de ressources. Bien sûr, si vous avez absolument besoin d’un nouveau pantalon, mieux vaut qu’il soit en coton bio ou en lin plutôt que tout droit sorti des entrepôts Zara, mais inutile de remplacer toute votre garde-robe par des équivalents écoresponsables ! De même, on notera qu’une marque écoresponsable n’est pas forcément irréprochable sur tous ses produits, et qu’il faut donc toujours faire usage de son esprit critique et décrypter les étiquettes de composition : gare au greenwashing !

Les fripes, le vintage et le seconde main

Très à la mode en ce moment avec le grand retour des années 70 et 80, les friperies sont au coeur du mouvement vers une mode plus responsable : elles permettent de se procurer des vêtements qui sont nouveaux pour nous, mais vieux pour celui ou celle qui as voulu s’en débarrasser. Les plateformes et initiatives pour faciliter l’achat et la revente de vêtements d’occasion fleurissent depuis quelques années et redoublent d’inventivité : Vinted, la plus connue d’entre toutes et favorite de la jeune génération, les boutiques spécialisées dans la fripe comme Guerisol, ou dans le vintage comme Love & Dress par exemple (dont les petits plus non négligeables sont les conseils personnalisés apportés par Julia, la fondatrice).

Les plus : Contrairement aux marques de mode écoresponsable, les fripes, brocantes et autres sources de vêtements de seconde main ont le mérite (et quel mérite) de ne pas puiser dans nos ressources terrestres limitées pour fabriquer de nouvelles pièces dont personne n’a réellement besoin. Elles permettent à chacun·chacune de renouveler sa garde-robe sans pour autant sacrifier la santé des hommes et de notre environnement.

Les moins : L’idée que la seconde main n’a pas d’impact négatif sur les ressources est vraie mais n’excuse pas l’excès. En effet, ces vêtements étant déjà fabriqués, autant qu’ils soient utilisés par d’autres personnes si leur propriétaire originel·le n’en veut plus. Cependant, il ne faut pas prendre cet argument en excuse pour se précipiter dans la première friperie que l’on croise et s’acheter 15 pantalons différents alors qu’on en possède déjà 10 tout à fait utilisables chez soi : la notion de besoin ne doit pas être supplantée par celle de désir.

Peut-être m’opposerez-vous l’argument classique du “mais puisque personne n’en veut autant que je les prenne !”, mais là encore tout n’est pas si simple. D’une part, pour vous-même et votre santé mentale, vous avez déjà sans doute remarqué que trop n’est pas forcément bon : on met plus de temps à choisir ses vêtements le matin, on a plus de pièces à laver et à repasser puisqu’on est plus enclin à se changer plusieurs fois par jour, on peine à ranger son dressing, et un mois suffit pour qu’on ait finalement l’impression de ne plus rien avoir à se mettre. La sensation de plénitude offerte par le foisonnement n’est qu’éphémère, et devient rapidement étouffante. D’autre part, vous conviendrez qu’en réalité, vous n’avez absolument aucune idée du degré de vérité contenu dans la proposition “personne n’en veut”. Admettons qu’une heure après que vous ayez dévalisé le Guerisol le plus près de chez vous, quelqu’un (peut-être même quelqu’un de moins convaincu que vous par la nécessité d’acheter d’occasion) entre dans le magasin avec pour idée de trouver précisément un pantalon en velours côtelé noir, comme celui que vous venez d’acheter alors même que vous n’en aviez ni besoin ni vraiment envie. Après quelques longues minutes de recherche acharnée mais pourtant veine, ressortant bredouille du magasin, il·elle se rend directement chez H&M pour finalement acheter le pantalon qu’il·elle avait initialement repéré sur le net mais auquel il·elle avait renoncé dans un élan de soucis éthique. Alors certes, vous n’avez pas vous-même mis les pieds dans les rouages de la fast-fashion, mais indirectement, vous avez contribué à un achat qui augmentera un peu plus le chiffre d’affaire de l’industrie de la mode, et son impact négatif sur notre environnement. Morale de cette fable : on n’achète ce dont on a besoin, ou en tout cas on réfrène ses pulsions d’acheteur·se compulsif·ve !

Bilan : On a au global un bilan très positif pour la seconde main en elle-même, mais en gardant bien en tête qu’elle n’excuse pas toutes les folies !

L’abstention

Ce mot aura déjà fait fuir les plus fashion addicts d’entre nous, mais rassurez-vous, s’abstenir d’acheter des vêtements peut avoir ses côtés positifs !

Les plus : La créativité ! Eh oui, en plus du bénéfice écologique évident, arrêter d’acheter des vêtements permet de se concentrer sur ceux que l’on possède déjà (et bien souvent, ils sont pléthore, puisqu’en moyenne 70% de notre garde-robe reste à l’abandon !). Non seulement peut-on exercer notre sens du style en créant des silhouettes inédites, qui nous permettront de découvrir nos vêtements sous un nouveau jour, mais en plus les possibilités de transformation et upcycling de nos vieux vêtements sont sans limites (quelques idées ici), si on leur accorde un peu de notre imagination.

Les moins : Eh bien c’est qu’il n’y en n’a pas vraiment, en tout cas pas pour notre planète ni notre santé !

Le bilan : Ne plus acheter de vêtement reste la seule vraie solution 100% durable. Bien sûr, n’étant pas moi-même un robot, je conçois bien que cela puisse s’avérer un peu compliqué. Mais pas de panique ! Avoir pour objectif de ne plus acheter de vêtements, c’est tendre à un idéal viable, et c’est déjà très bien ! Rien n’empêche de se faire plaisir de temps en temps avec un nouvel achat, tant que celui-ci reste raisonné et occasionnel (on évite les Zara et autres enseignes fast fashion quand même !).

Les alternatives au serial shopping sont nombreuses, et si elles peuvent sembler plus compliquées, ou plus chères, il n’en est rien : la mode écoresponsable devient rentable à partir du moment où l’on régule sa consommation, les fripes et la seconde main deviennent faciles lorsque l’on a trouvé sa plateforme de référence et qu’on en a pris l’habitude. L’essentiel est de comprendre qu’il est de la responsabilité de chacun de modifier la manière dont on consomme la mode, de prendre ses résolutions selon ses possibilités et avec bienveillance (tout n’a pas à être parfait en un claquement de doigts), et surtout de les tenir dans la durée !

Pour une discussion argumentée et bonifiée des points de vue d’experts sur le sujet, nous vous invitons à assister à notre conférence sur la mode, ce lundi 21 octobre 2019 !

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