Entretien avec Amandine Lafont, formatrice engagée
Experte en formation digitale, Amandine Lafont a décidé il y a un an de se lancer en freelance afin de soutenir des projets à impact. Maman de deux petites filles, elle a fait le choix d’entamer sa transition en quittant son poste dans une entreprise du secteur de la chimie afin de mettre ses compétences au service des causes qui lui tiennent à cœur et notamment l’écologie. Ce changement lui a donné une énergie incroyable et la jeune femme avoue être désormais heureuse de ne plus subir la dissonance cognitive qui rythmait son quotidien professionnel ces dernières années.
Amandine répond aujourd’hui à nos questions sur son métier, ses engagements et ses choix de vie. Elle nous livre également son ressenti à la suite de la formation ESE (Ecologie, Santé, Ethique) d’Edeni.
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Peux-tu nous parler de ta vie « d’avant » ?
Dans mon entourage, j’ai toujours été vue comme l’écolo de service, car j’étais une championne du tri sélectif et des déplacements à vélo dans Paris. Mais à côté de cela, je voyageais énormément en avion (je collectionnais les tampons sur mon passeport), j’étais une accro du shopping et je travaillais pour une boîte de chimie (le fameux « aller travailler chez Monsanto à vélo » de Cyril Dion, c’était moi !). Une vraie caricature de la bobo qui se donnait bonne conscience en ne jetant pas ses papiers par terre quoi !
Après, j’essaie aussi d’être indulgente avec moi car ce comportement reflétait moins de la superficialité qu’un désir de revanche sur la vie. Venant d’un milieu modeste, j’ai vu mes parents peiner à boucler les fins de mois et je me suis promise petite de bien travailler à l’école pour trouver un bon boulot et ne surtout pas connaître cela. Le problème c’est le modèle de réussite largement répandu est celui de l’accès à la société de consommation : je consomme donc je suis. Et je suis bêtement tombée dans ces excès.
Cette expérience me permet aujourd’hui d’avoir une certaine empathie pour les classes les moins favorisées qui veulent à juste titre « leur part du gâteau ». Je pense qu’il est réellement temps d’imaginer comment nous pourrions changer les notions de réussite, en créant d’autres modèles désirables, plus sobres et responsables.
Quel a été le déclic qui t’a poussé à changer de vie ?
Je ne dirais pas qu’il y a eu un déclic mais une série de déclics qui se sont enchaînés et faits écho. Comme beaucoup de parents, l’arrivée de mes 2 filles a été une révélation et même une révolution. J’ai commencé tout d’abord à m’intéresser à l’alimentation, en comprenant qu’avec ce que je mangeais, je pouvais potentiellement empoisonner mon futur bébé.
Ensuite il y a eu la lecture de « Zero Waste » de Béa Johnson, qui m’a projeté à la figure l’absurdité du monde dans lequel nous vivions. A partir de ce moment là, j’ai vraiment changé ma façon de consommer, sur la base des 5R (Refuser / Réduire / Réutiliser / Recycler / Rendre à la terre). J’ai suivi la philosophie Zero Waste : j’ai installé un lombri-composteur sur ma terrasse, j’ai commencé à acheter en vrac, à faire mes produits ménagers, à n’acheter quasiment plus rien de neuf etc. Et surtout, j’ai continué à me former et m’informer sur tout ce qui touchait à l’écologie.
J’ai réalisé que je n’avais jamais compris la réelle ampleur de la situation, notamment d’un point de vue climatique.
Quelque temps après, Nicolas Hulot annonçait sa démission du gouvernement, ce qui m’a profondément choquée et désespérée. Je me suis dit qu’il me fallait également agir au niveau professionnel. J’ai au même moment été félicitée pour un de mes projets pro, par le responsable d’une équipe qui introduisait des produits phyto-sanitaires (des pesticides) sur le marché. Et là, je crois que j’ai littéralement touché le fond : si mon travail servait à rendre plus performants des personnes qui contribuaient à accélérer le changement climatique et la perte de biodiversité, alors tout ce que j’avais mis en place dans ma vie personnelle ne servait juste à rien. J’ai donc décidé d’aligner mes actes à mes convictions et 6 mois après, je quittais mon poste pour me lancer en tant qu’indépendante. Je voulais continuer mon métier qui me plaisait mais le mettre au service de projets engagés dans la transition.
J’ai donc crée ma société Savoirs Précieux afin d’accélérer la diffusion des connaissances et savoirs nécessaires à la transition écologique et solidaire. Je suis aujourd’hui experte en formation digitale, j’aide à la création de MOOC, eLearning, formations mobiles sur des thématiques engagées. Formatrice et facilitatrice d’ateliers pour des projets à impact, je suis notamment la mentor qui accompagne les jeunes parents de la communauté Edeni dans leur transition familiale, en animant la classe virtuelle « Parentalité éco-responsable »
Il y a un an tu as suivi notre formation ESE (Ecologie, Santé, Ethique). Peux-tu nous dire ce que celle-ci t’a apportée ?
Je me suis rapprochée d’Edeni car après m’être beaucoup formée et informée toute seule, je sentais que j’avais besoin du collectif pour faire craquer les derniers verrous qui restaient. Je cherchais également à asseoir la crédibilité de ma transition professionnelle vers le secteur à impact et je savais que la certification ESE pourrait me l’apporter.
Et un an après, je peux dire que ça a été un bon choix. J’ai rencontrée des personnes avec lesquelles je partage les mêmes convictions et avec lesquelles nous nous soutenons dans notre combat, car pour bon nombre d’entre nous, ce n’est pas toujours simple avec notre entourage familial ou amical. J’ai également eu connaissance d’une quantité incroyable de ressources qui m’ont permis d’approfondir mes connaissances et améliorer mon esprit critique sur tout ce qui touche à la transition écologique. Ces savoirs m’ont beaucoup servi sur certains projets de formation en ligne que j’ai créé pour mes clients par la suite.
Et bien-sûr, je suis très heureuse que l’équipe d’Edeni m’ait fait confiance en me confiant l’animation de leur classe virtuelle à destination des jeunes parents engagés.
As-tu rencontré des difficultés lors de ta transition ?
Nous avons tou.tes dans une transition des sujets sur lesquels il peut être plus difficile de changer. Pour certain.es, ça va être d’arrêter de prendre l’avion, pour d’autres ça va être l’alimentation. Le piège peut être de vouloir tout changer trop vite et de se décourager et renoncer. Même si il y a urgence à changer, il faut savoir y aller par étape et trouver le moment où vous aurez la motivation et l’énergie pour vous attaquer à un nouveau sujet. Par exemple, pendant longtemps, j’ai fait un blocage sur les couches lavables, je ne voulais même pas tester, cela me paraissait insurmontable. Et j’ai rencontré une maman qui m’a dit l’avoir fait à temps partiel car il ne fallait pas que ça devienne trop contraignant et ça m’a enlevée une pression énorme. J’ai pu tester pour ma 2ème fille avec la solution de location Ma Petite Couche, qui m’a donné énormément de conseils et j’ai été convaincue. Comme quoi, mon blocage ne tenait pas à grand chose !
Après, je pense que le plus difficile quand on entame une transition, c’est l’entourage, quand on n’évolue pas dans un milieu très engagé ou militant. Tout à coup, les gens ont l’impression d’être face à une autre personne qui rejette ce qui a été un mode de vie partagé durant des années — et c’est vrai. Cela les renvoie aussi à leurs propres contradictions, leur propre chemin qui reste à parcourir et ça peut être assez violent. Du coup, ça peut tendre énormément les relations avec des personnes très proches, et encore plus lorsqu’il y a des enfants. Et pour la personne en transition, c’est difficile, car elle peut parfois se sentir très seule. D’où l’importance de s’entourer d’autres personnes qui sont dans la même démarche.
As-tu l’impression que les gens prennent conscience des changements à venir et du besoin urgent de transitionner ?
Les gens qui évoluent dans le milieu de la transition écologique sont unanimes, il y a vraiment eu un changement dans l’opinion publique. Le terreau est beaucoup plus favorable et nous sommes enfin pris.es au sérieux, on nous écoute et nous sommes chaque jour plus nombreux.ses à passer à l’action.
Pour autant, je pense que la majorité des personnes ne réalise pas à quel point les efforts à faire pour inverser la tendance sont énormes. Pour respecter les accords de Paris, il faudrait diviser notre empreinte carbone moyenne par 6 en France. Cela implique donc des efforts que peu sont encore prêt.es à faire.
D’où le succès des mythes tels que la croissance verte, le recyclage, la compensation ou encore les innovations technologiques qui parviendraient à nous sauver… Personnellement, même si je ne fais pas un rejet en bloc de ces initiatives qui ont leur rôle à jouer dans la transition, elles ne sont intéressantes qu’associées en priorité à de la sobriété à tous les niveaux. Attendre une solution-miracle qui ne demanderait pas d’efforts et de remise en question personnelle profonde est une chimère.
Quel conseil donnerais-tu à des personnes qui comme toi souhaitent changer de vie et se entamer leur transition ?
Allez-y, n’attendez plus ! Nous avons besoin de toutes les énergies volontaires dans ce combat ! Mais n’y allez pas seul.es : entourez-vous, rejoignez des collectifs, formez-vous !
Je crois aussi beaucoup à la logique des petits pas : au début on avance un peu à tâtons, on tente une chose, puis une autre, et ça devient vite si gratifiant qu’à partir d’un moment, on se rend compte qu’on s’est au final embarqué dans une course et on n’a plus envie de revenir en arrière ! Belle route à tou.tes !