Le syndrome du manque de nature : nouveau mal du siècle

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6 min readNov 5, 2019

Depuis quelques années, les conclusions des scientifiques concordent avec nos expériences de vie : la ville, il y en a marre, place à la nature ! Mais au-delà d’une nécessité globale, notamment autour de l’enjeu du réchauffement climatique, le besoin de nature touche chacun d’entre nous dans son vécu personnel : la vie éloignée d’un air sain et d’un environnement naturel est un véritable fardeau qui pèse sur notre santé physique mais aussi (et surtout) mentale.

Le syndrome du manque de nature : késako ?

Concept tout droit venu des Etats-Unis, ce syndrome naît sous la plume du journaliste Richard Louv dans son article Last Child in the woods. Il fait le constat alarmant que les enfants sont de moins en moins souvent en contact direct avec la nature, et cela malgré les effets positifs évidents d’une exposition régulière à des milieux sauvages ou naturels. Bien qu’inquiétant à l’échelle mondiale et à tous les âges de la vie, ce danger est particulièrement prégnant dans les pays industrialisés et auprès des plus jeunes, et a un impact direct sur leur santé. En effet, l’activité physique, les jeux, les promenades en extérieur contribuent à lutter contre un grand nombre de troubles médicaux, qui ont par conséquent augmenté de manière exponentielle au cours de dernière décennies : hyperactivité, prise de de poids, hypertension, diabète, asthme, dépression, et la liste continue. Tout cela en sachant que l’obésité causée par le manque d’exercice physique, par exemple, est l’un des plus grands problèmes sanitaires en Europe : il concerne 200 millions de personnes dont 3 millions d’enfants, et dans 99% des cas, l’influence de l’environnement est prépondérante.

Par delà des enjeux sanitaires évidents, le syndrome du manque de nature (nature-deficit disorder en anglais) a des conséquences environnementales importantes, notamment futures. En effet, le désir de protéger la nature ne peut naître que du contact avec celle-ci, qui permet de tisser un lien fort avec son environnement, dont découle la motivation intrinsèque à le préserver. L’éducation à l’écologie passe donc en grande partie par cette exposition aux milieux naturels ! Les enjeux liés à ce syndrome sont donc multiples, à commencer par des questions de santé physique et mentale, mais aussi d’écologie, qui engendrent avec elles celle de l’aménagement du territoire.

Causes et déclencheurs du problème

Les causes de ce syndrome sont multiples, mais toutes liées au mode de vie nouveau qui s’est développé au cours des dernières décennies. En effet, le problème principal est résumé par cette phrase de Richard Louv : “ les parents avaient grandi dans la nature, tandis que leurs enfants grandissaient dans la maison”.

Ainsi, pour premier déclencheur du syndrome de manque de nature : la sédentarisation. Au cours des trente dernières années, la superficie du territoire sur lequel les enfants peuvent circuler et jouer sans la supervision directe de leurs parents a diminué de 90%, et à cela s’ajoute le boum des nouvelles technologies, qui sont une incitation de plus pour les jeunes comme pour les adultes à ne pas sortir de chez eux : selon un article du Monde, aux Etats-Unis, les 8–18 ans passent en moyenne plus de 7h30 devant un écran. Et cela a une incidence directe sur la santé ! En effet, selon une étude publiée dans l’European Heart journal, les personnes possédant une télévision et une voiture ont un risque de crise cardiaque accru de 27% par rapport à celles qui n’ont ni l’un ni l’autre !

Autre cause, qui est intimement liée à la première : l’aménagement des territoires (dont les espaces verts et l’architecture durable sont de grands enjeux) et les opportunités d’immersion. A l’heure actuelle, les trois quarts de la population française vit en zone urbaine ou périurbaine (soit 47,9% de la population), et les villes occupent 21,8% du territoire. A fortiori, le phénomène de périurbanisation a renforcé l’éloignement des villes à la nature, et les espaces verts construits en milieu urbain sont loin de pouvoir remplacer une promenade dans une véritable forêt, d’autant qu’ils sont de plus en plus pauvres en matériel naturel utilisable spontanément par les enfants pour jouer (feuilles, morceaux de bois…). Non seulement cela a-t-il des conséquences sur nos modes de vie, mais aussi sur nos modes de pensée : l’éloignement de la nature supprime une part de l’intérêt des enfants pour celle-ci. A cet éloignement de la nature se couple une difficulté accrue à trouver des programmes d’immersion en milieu naturel : les classes de nature, très à la mode au XXe siècle, sont désormais rares et amputées d’une grande partie de leur potentiel pédagogique, la durée des séjours étant passées en quelques décennies de trois semaines à trois jours en moyenne.

Dernier grand élément déclencheur du syndrome du manque de nature : la peur. Ainsi, la sédentarisation, l’artificialisation et l’éloignement (décidément, tout est lié !), font que les parents sont plus effrayés de laisser leurs enfants jouer et évoluer à l’extérieur que ne l’étaient les leurs !

Les bénéfices de l’exposition à la nature et exemples d’initiatives

Les solutions au syndrome du manque de nature sont simples et peuvent avoir de grands bénéfices sur les individus et la société au global : une exposition plus importante aux milieux naturels, et une utilisation de la nature comme moyen pédagogique dès le plus jeune âge !

Dès le XIXe siècle, les colonies de vacances et classes de nature sont au coeur des préoccupation hygiénistes pour leurs effets positifs sur la santé physique et morale des enfants : une étude du Health Council of Netherlands prouvera bien plus tard que la nature aide en effet à guérir le stress et les grandes fatigues, non seulement pour les plus jeunes mais aussi quelque soit l’âge. Les contributions de la nature, et surtout des activités en milieu naturel, à éviter certains troubles médicaux comme l’obésité et le diabète ne sont également plus à prouver.

D’autre part, l’exposition à la nature possède aussi un effet direct sur le comportement des plus jeunes : les sorties éducatives en nature les aident à prendre de l’assurance, à améliorer leur estime d’eux-mêmes et à diminuer leur propension à l’incivilité et à la violence. Enfin, les activités en extérieur permettent le développement d’une plus grande créativité et d’une attitude coopérative dans leurs interactions avec les autres.

Mais quelles solutions pour assurer une exposition suffisante à la nature ? Plusieurs initiatives existent à travers le monde : au Royaume-Uni par exemple, plus de 350 programmes proposent des “promenades de santé”, dont le but est de combiner les facteurs environnementaux et sociaux nécessaires à un maintien de l’activité physique. Les “clubs-nature” sont aussi très au goût du jour. En France, le leader pour ce genre d’initiatives est la dynamique Sortir ! animée par le réseau École et Nature, qui a pour objectif de rendre visible et de promouvoir l’éducation dehors, dans la nature, et d’en valoriser les atouts pédagogique.

Bien sûr, si tout cela est un peu trop institutionnalisé pour vous, rien ne vaut une bonne promenade dominicale en forêt ou quelques jours de vacances dans le Vercors !

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