[Tourisme responsable #7] Tourisme de masse : comment ne pas faire partie du problème ?

En 2017, nous avons été 1,3 milliard de personnes à partir à la découverte du monde, guide du Routard dans une main et téléphone portable dans l’autre. Entre tour-du-mondistes et vacancier·e·s de quelques semaines, le tourisme connaît un développement exponentiel qui ne devrait pas s’arrêter.

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edeni stories
6 min readAug 17, 2018

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L’augmentation du tourisme est une excellente nouvelle pour le développement économique, urbain, voire patrimonial de certaines régions du monde. Un ras-le-bol se fait pourtant sentir dans les zones touchées par ce tourisme de masse. Les villes comme Dubrovnik, Barcelone, Venise ou encore Santorin, ont décidé de passer à l’action pour limiter son impact.

Toujours plus loin, toujours moins cher

Le Tourisme est une industrie qui a le vent en poupe et qui ne compte pas s’arrêter là. Avec une croissance de 7 % par an, les pays regorgent d’ingéniosité pour attirer toujours plus de touristes : budgets de communication en hausse, complexes hôteliers et autres logements toujours plus abordables, croisières all inclusives… Cette vive bataille entre les villes se comprend très facilement quand on pense au nombre d’emplois créés (non délocalisables ! ) que cela apporte.

Une exaspération des locaux

Toutefois, il va sans dire que ces afflux n’ont pas que des externalités positives. En effet, face à un nombre croissant de touristes à travers le monde (Européen·ne·s dans un premier temps mais également Brésilien·ne·s, Indien·ne·s et Chinois·es) certaines villes développent un sentiment de tourismophobie.

32 millions de visiteurs cette année pour Barcelone, pour 1,6 million d’habitants.

17 millions de visiteurs pour Amsterdam, pour à peine 830 000 habitants.

On peut facilement comprendre l’augmentation du concept de « tourists go home » quand les magasins d’alimentation générale sont remplacés par des boutiques à magnets et mugs, et quand le vie de quartier est plongé dans une illusion du made in local… un Disneyland du voyage.

Des simples heures d’embouteillage quotidien, aux problèmes de logement, aux infrastructures pensées pour les touristes, en passant par une augmentation des déchets que ces afflux entraînent, les Européen·ne·s sont de plus en plus amer·e·s face au tourisme de masse.

Des pneus de bus de tourisme crevés en Catalogne, des manifestations au Pays Basque, des seatings à Berlin, la mise en place de quotas à Dubrovnik, ou encore des projets artistiques à Venise pour sensibiliser sur la montée des eaux dans la ville, cette tourismophobie se déploie de différentes manières à travers l’Europe :

Les Barcelonais·es identifient le tourisme comme leur problème n°1, selon les statistiques de la ville.

Le tourisme est une superbe manière de faire découvrir un pays, une région ou une façon de vivre, mais en aucun cas il ne doit folkloriser le mode de vie, ou pire, uniformiser les capitales, et avoir pour conséquence de repousser les habitants vers des zones annexes.

Ce qui fait l’attractivité des villes visitées, c’est aussi leur authenticité et le sentiment de vivre le quotidien des locaux. Hors, la gentrification s’accélère.

Exemple à Lisbonne, où, pour redynamiser certains quartiers laissés à l’abandon, les pouvoirs publics ont favorisé les investissements immobiliers, souvent venus de l’étranger, et ont privilégié les investissements dans la location saisonnière, plutôt qu’à long terme, en réduisant les taxes pour la première.

De fait, on a pu voir l’émergence des plateformes de location entre particuliers, comme Airbnb, qui a fait grimper les prix des loyers et empêche les locaux d’accéder aux logements de leur ville (ce qui ne devrait pas s’améliorer avec l’arrivée de partenariats entre les agences immobilières et le géant américain).

Le souffle court pour la planète

Cette problématique sociétale s’accompagne évidemment d’un problème écologique énorme.

Selon « The Carbon footprint of the global tourism » , le tourisme est responsable de quasiment un dixième des émissions de CO2 mondiales.

En prenant en compte le coût complet de ces voyages (trafic aérien des personnes et des marchandises, consommation des touristes sur place, hébergements, achats de goodies venus tout droit de Chine, construction de bâtiments, déforestation ou encore recyclage… ), on comprend facilement que ce tourisme a un impact négatif sur l’environnement. En Corse par exemple, 50 % des déchets sont générés sur la période estivale de juin à septembre.

Et devinez quoi ?

Comme pour tout pan de l’économie, réduire la consommation et les émissions de gaz à effet de serre a un intérêt pour l’industrie du tourisme parce que tout ce qu’elle vend / propose / invite à visiter dépend de la préservation de l’environnement !

Comment aller au ski si les stations n’ont plus de neige ?
Comment se rendre à Andernos s’il n’y a plus de plage ?
Comment découvrir Venise si elle est sous l’eau ?

Alors comment voyager responsable ?

Il en va de l’intérêt de la planète entière de revoir notre manière de consommer le voyage.

Comment pouvons-nous passer nos journées dans des open spaces, à faire des trajets dans des bus ou des métros bondés et pourtant, vouloir passer une semaine auprès de millions de visiteurs au même endroit ?

Pourquoi ne pas simplement opter pour un tourisme qui respecte les lieux, l’environnement et les habitants ?

En France par exemple, l’idée même de ne voyager en Île de France pourrait sembler un pâle reflet de la richesse du pays. Pourtant, Paris est le champion du monde de tourisme, et puis , qui connait bien le Limousin, les Ardennes ou l’Ardèche ?

Les régions françaises comme la Nouvelle-Aquitaine, développent de nouveaux concepts touristiques, qui permettent de sortir des sentiers battus et de consommer moins, toujours à petit prix.

Et si on se séparait de nos Routards un instant ? Si on essayait de découvrir un pays pour ce qu’il est, c’est à dire en respectant ses habitant.e.s et leurs lieux de vie ?

Cela passe par un intérêt réel pour la découverte du pays :

Visitez les musées et autres lieux emblématiques de la ville si le coeur vous en dit réellement si, et seulement s’il ne s’agit pas d’une énième étape, dite obligatoire, de votre guide. Si c’est le cas, faites le choix de ne pas le visiter et laissez place à d’autres activités, quitte à ce qu’elles soient hors saison :

  • voyager tout en participant aux projets de sensibilisation de l’environnement menés par les habitants : plogging, marches vertes, nettoyage des plages et des chalets de montagne sont organisés toute l’année aux quatre coins de la France,
  • découvrir le cyclotourisme et les voyages en mode de déplacement doux, plutôt qu’un VTC pour chaque course,
  • mieux choisir son logement en favorisant les éco-gîtes ou éco-logements.

Nous pouvons faire en sorte que nos villes ne soient pas victimes de leur surfréquentation. Même si voyager moins loin reste une solution efficace pour réduire son impact, il est urgent de revoir notre vision du voyage marketée.

Le calme et la détente des vacances peuvent se trouver en dehors des sentiers battus. Prêt.e.s à tester ?

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