Concours kamishibaï plurilingue Kamilala : témoignages d’apprenants de la Vallée d’Aoste

Gabriella Vernetto — Quelles sont les retombées de la participation au Concours kamishibaï plurilingue Kamilala pour les élèves ? Le point de vue des apprenants apparait de manière indirecte dans les témoignages des enseignants qui participent au Concours ou dans les Carnets de bord qui accompagnent leur candidature, mais il s’avère plus difficile d’interroger de manière systématique et directe les élèves.

Edilettre Association
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5 min readApr 25, 2023

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Le Concours kamishibaï plurilingue en Vallée d’Aoste

Promu en 2015 par l’association française D’une Langue à l’Autre (DULALA), le Concours kamishibaï plurilingue s’est rapidement affirmé et élargi à d’autres territoires, dont celui de la Vallée d’Aoste — qui est également partenaires d’un projet Erasmus+, Kamilala, portant sur le même thème.

Pour cette région italienne, située à la frontière avec la France et la Suisse, la participation au Concours et au projet Erasmus+ a été un choix cohérent avec son contexte multilingue et son système scolaire bi-plurilingue. L’intégration des approches plurielles (Candelier, 2008) dans les curricula scolaires de la région et l’accompagnement qui s’en est suivi (formations et publication de supports pédagogiques) a facilité la diffusion du Concours et favorisé la participation des enseignants. Une enquête sur la mise en œuvre des nouveaux curricula, réalisée en 2017, montre que les kamishibaïs sont largement utilisés, à côté d’autres outils tels que les albums bi-plurilingues, les sacs d’histoires et les boîtes à histoires, pour soutenir une didactique plurilingue, notamment à l’école de l’enfance (https://scuole.vda.it/images/adattamenti/monitoraggio17.pdf).

Malgré les difficultés liées au confinement, suite à la Covid, le nombre de participants au Concours est resté stable et a nettement augmenté après le retour à la normale : 22 kamishibaïs présentés en 2019, 24 en 2020 et 2021, 37 en 2022.

Image d’une planche d’une histoire au Kamishibaï “Martin et ses voisins”

Les retombées sur les élèves

Dans le cadre du projet Erasmus+ Kamilala, les partenaires ont réalisé un Guide à l’intention des organisateurs (Dulala, Universités d’Aveiro, Paris 8, Thessalonique, Région autonome Vallée d’Aoste, 2022) qui analyse, entre autres, les effets liés à la mise en œuvre du Concours. Ce guide reprend les effets sur les apprenants en se basant sur les remarques que les enseignants ont consignées dans les Carnets de bord. C’est à partir des retombées indiquées dans ce document que nous avons bâti notre enquête:

• la prise de conscience de la diversité linguistique et culturelle;
• l’acceptation d’autres points de vue;
• l’autonomie dans l’apprentissage;
• l’importance de la coopération et de la collaboration;
• le développement de compétences de communication plurilingue.

L’enquête menée en Vallée d’Aoste

Les apprenants ont été sollicités par le biais d’un questionnaire proposé aux élèves d’école secondaire du premier (11–13 ans) et du deuxième degré — premier cycle (14–16 ans) ayant participé aux éditions 2021–22 et 2022–23 du Concours.

Ce questionnaire se composait de:

  • deux questions à réponse fermée (choix multiple à plusieurs options);
  • six affirmations à réponse fermée type Likert où les élèves devaient se positionner (cinq options : de « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord »);
  • deux questions ouvertes sur les aspects positifs et les limites de la participation au projet.

Le Guide (cf. supra) et les descripteurs du Cadre de référence pour les approches plurielles, CARAP (Candelier, M. et al., 2012) sont à la base des questions posées.

Ce questionnaire, proposé à 289 élèves, 159 d’école secondaire du premier degré et 130 d’école secondaire du deuxième degré, a recueilli 44 réponses (29 du premier degré et 15 du deuxième degré).

Les résultats de l’enquête

Les réponses à la première question ont permis de mieux cerner la prise de conscience de la diversité linguistique et culturelle chez les répondants. Les options « découvrir les langues et les dialectes que mes camarades connaissent » (26 réponses), « comprendre qu’il est important de connaître plusieurs langues et dialectes indépendamment de leur diffusion dans le monde » (24 réponses) et « me rendre compte des langues et des dialectes que je connais » (21 réponses) ont obtenu le plus grand nombre de réponses.

Il est intéressant de noter que si la réalisation du kamishibaï plurilingue a permis aux répondants de mieux saisir le potentiel multilingue de la classe (les langues des camarades, 26 répondants), il n’en est pas de même pour le potentiel multilingue régional (7 réponses). Il aurait été intéressant de les interroger sur les raisons. Connaissaient-ils déjà la richesse linguistique de leur région ? N’attribuent-ils pas d’importance à ce facteur ? Malheureusement, en Italie, l’application stricte des normes sur la protection de la vie privée des mineurs en contexte scolaire rend extrêmement difficile tout contact direct avec des élèves.

La deuxième question concernait les compétences de communication plurilingue. Les options qui ont reçu le plus grand nombre de réponses positives concernent la prise de conscience de l’importance de connaître plusieurs langues et dialectes (35) ; la curiosité vis-à-vis des langues et cultures (35) ; la disponibilité à partager ses connaissances linguistiques et culturelles avec d’autres (34) et la sensibilité à différents aspects de la langue et/ou de la culture qui peuvent varier d’une langue à l’autre, d’une culture à l’autre (33). L’option qui a récolté le moins de consensus a été apprendre à mieux se connaître (21) en contradiction apparente avec la réponse à la question n° 1. Là aussi, il aurait été intéressant d’en explorer les raisons.

L’importance de la coopération et de la collaboration, l’acceptation d’autres points de vue et l’autonomie ont fait l’objet de la dernière question fermée. Les réponses confirment la dynamique que la participation au projet crée dans la classe : la participation active à la réalisation du kamishibaï (33 réponses) ; la collaboration avec les autres (30 réponses) ; être à l’écoute des idées des autres (25 réponses) ; se sentir responsable du résultat (22 réponses). Une seule option semble poser problème : la prise en compte des idées personnelles (10 répondants).

Les réponses libres ont confirmé l’importance attribuée à la découverte d’autres langues et cultures ainsi que le plaisir de collaborer avec le groupe et la valeur ajoutée de cette approche. Parmi les aspects négatifs, moins nombreux par rapport aux aspects positifs, nous trouvons les difficultés de communication, d’organisation du travail de groupe, du respect des idées de tout le monde.

Conclusion

Malgré un certain nombre de limites liées au contexte d’application dans une seule région, au nombre réduit de répondants par rapport à l’échantillon concerné, à l’impossibilité d’effectuer des interviews individuels ou collectifs, cette enquête a permis de valider, bien que partiellement, certaines affirmations sur les retombées chez les élèves relevées dans le Guide. Le principal aspect critique concerne la coopération entre élèves : si, d’un côté, la participation au Concours s’avère extrêmement bénéfique pour l’acquisition de cette compétence, de l’autre, les difficultés qui demeurent devraient encourager les enseignants à proposer davantage de projets et d’initiatives qui favorisent une approche coopérative en vue de la résolution d’une tâche.

Gabriella Vernetto
Italie
Edilettre, N°1, 2023

Références pour aller pour loin

Candelier, M. (2008). Approches plurielles, didactiques du plurilinguisme : le même et l’autre, Recherches en didactique des langues et des cultures.

Candelier, M. et al. (2012). Le CARAP — Compétences et ressources. Strasbourg : Conseil de l’Europe. https://carap.ecml.at/

Dulala, Universités d’Aveiro, Paris 8, Thessalonique, Région autonome Vallée d’Aoste. (2022). Concours Kamishibaï plurilingue, Conception et mise en œuvre. https://kamilala.org/wp-content/uploads/2022/08/Livret-dingenerie-MAJ-2022-ok-2.pdf

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