Entres les lignes… Les Mondes de Sam de Keith Stuart

Elodie Baslé
Milady
Published in
8 min readMar 23, 2018

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L’histoire extraordinaire du garçon qui construisait un monde meilleur

Sam, huit ans, n’est pas un garçon comme les autres. Il est même hors du commun : autiste, c’est comme ça que ça s’appelle. Son père peine à tisser un lien avec lui, et son mariage ne résiste pas à cette épreuve. Alex atterrit donc sur le canapé de son meilleur ami. Alors qu’il renoue avec sa vie de célibataire et découvre les joies de la garde alternée, son fils se lance dans un nouveau jeu vidéo : Minecraft. Grâce à son imagination, Sam donne naissance à un monde parallèle qu’il peut partager avec son père. Sur les ruines du passé, ils construisent ensemble un avenir radieux.

Inspiré de la relation de Keith Stuart avec son fils autiste, ce livre émouvant, drôle et incroyablement juste, est un hymne à la différence.

“ Une histoire chaleureuse, drôle et touchante sur la paternité et la famille.” Sunday Mirror

“ Un magnifique roman qui vous fera chaud au cœur.” Daily Mail

“Une lecture merveilleuse.” Huffington Post

“ La sensation éditoriale de l’année : un premier roman captivant, bouleversant et déchirant.” Mail on Sunday

“ On sent bien qu’il y a du vécu dans cette histoire touchante et digne qui nous ouvre avec pudeur les portes si inquiétantes du monde de l’autisme.” Le Dauphiné Libéré

L’auteur

Keith Stuart est un journaliste spécialisé, responsable de la rubrique Jeux Vidéo du Guardian. En 2012, l’un de ses fils a été diagnostiqué autiste. C’est alors que Keith et les deux garçons se sont mis à jouer ensemble à des jeux vidéo, en particulier Minecraft.

Son premier roman, Les Mondes de Sam est inspiré du partage créatif qui s’est instauré dans la famille à travers l’univers vidéoludique, et du lien que le père a pu développer avec son fils grâce à ce jeu.

Les mots de Keith

“ Lorsque notre fils Zac avait deux ans, ma femme a lu qu’à cet âge-là, la plupart des enfants ont un vocabulaire d’environ cinquante mots. Zac en maîtrisait dix. C’était le premier indice que quelque chose ne se passait pas comme prévu. (…)
Ce n’est qu’à l’âge de sept ans que son autisme a été diagnostiqué. À ce moment-là, on en était déjà bien convaincus.
Son langage et sa mémoire de travail étaient encore très limités, il détestait le moindre changement, avait du mal à se socialiser, trouvait l’école terrifiante.”

“ Dans la vie, j’écris sur les jeux vidéo, et notre maison regorge de jeux et de consoles. (…) Quand Zac a eu six ans, nous avons téléchargé Minecraft,
le simulateur de construction.

Zac adorait ce jeu. C’était merveilleux de le voir si heureux, si engagé dans quelque chose. C’était une activité qu’il réussissait aussi bien que son frère
et leurs amis ; il n’était pas en retard. Presque aussi important : il apprenait. Il s’est mis à dire des nouveaux mots, et il aimait nous parler de ce qu’il construisait, et de ses projets. Chaque fois qu’on lui posait des questions sur l’école, ou sur lui en général, il ne répondait qu’en quelques mots, haussait les épaules ou nous ignorait, mais lorsqu’on mentionnait Minecraft son visage s’illuminait. C’était une révélation.”

“ J’ai souvent écrit sur Zac et Minecraft pour le Guardian, et j’ai reçu à chaque fois des lettres de parents dont les enfants sont autistes ou juste un peu différents. Ils expriment le même soulagement, le même bonheur et l’excitation que nous avons ressentis dans notre famille lorsque Zac a découvert Minecraft et s’est mis à l’utiliser comme moyen de nous parler de lui.”

Les Mondes de Sam : « Le texte de Keith Stuart est une merveille d’honnêteté et de sincérité. »

J’ai adoré Les Mondes de Sam. D’abord, il évite l’écueil du misérabilisme, du récit triste, du témoignage déprimant. Mais plus important à mes yeux, il s’abstient de ce discours lénifiant et culpabilisant qui prétend que l’autisme est une richesse, une chance, qu’avoir un enfant autiste est un bonheur de chaque instant. Non, avoir un fils ou une fille autiste est un combat jamais complètement gagné pour faire accepter son enfant, trouver la meilleure prise en charge, l’aider à progresser. C’est aussi une lutte contre soi-même, ne pas baisser les bras, ne pas s’énerver… Sur ce point, le texte de Keith Stuart est une merveille d’honnêteté et de sincérité. Il n’oublie pas non plus de montrer combien le regard des autres est pesant pour le parent, dont l’enfant est constamment jugé « mal élevé ». Je me suis retrouvée dans sa description des conseils bien intentionnés de tous ces gens qui ne savent rien de ce que nous vivons au quotidien, mais se sentent investis de la mission de nous éclairer. L’anecdote de la tranche de jambon déguisée en Peppa Pig est aussi drôle que vraie.

Parmi les points qui m’ont le plus touchée dans ce livre, le passage où le narrateur explique que la réalité de l’autisme n’a rien à voir avec l’image d’Épinal qu’on s’en fait.

« Les enfants autistes n’ont pas de superpouvoirs. »

Mon fils me dit souvent qu’il en a marre qu’on lui demande « Alors, t’es surdoué pour quoi ? Les maths ? Les dates ? » Comme il le dit lui-même, il n’est surdoué pour rien. Il est autiste, c’est tout.

Le personnage auquel je me suis le plus identifiée, c’est celui d’Isobel, qui comme moi, est seule avec son fils autiste.

« Isobel est drôle et spirituelle. Malgré tout ce qu’elle a traversé en élevant seule un enfant autiste, elle garde un optimisme à toute épreuve. Le verre n’est pas à moitié plein, il déborde carrément. Elle a les yeux qui pétillent derrière ses grosses lunettes… »

Ça n’est pas très modeste de dire cela, mais lorsque j’ai traduit ce passage, je me suis dit « Isobel n’est pas un personnage de fiction. Isobel, c’est moi. Jusqu’aux grosses lunettes ! »

Enfin, ce que j’ai trouvé le plus magique dans ce livre, c’est le moment — que je ne dévoilerai pas — à la toute fin, où le père découvre que son fils, depuis toujours, est très attentif à lui. C’est l’une des grandes surprises des parents de jeunes autistes : on s’aperçoit que nos enfants, loin d’être comme on le croit parfois enfermés dans une bulle, sont très sensibles à nos émotions, à nos histoires. Ils sont, peut-être plus encore que les enfants « neurotypiques », des éponges émotionnelles.

Un roman émouvant et juste sur l’autisme. L’imagination de Sam trouve un terrain de jeux idéal dans Minecraft. Voilà un monde qu’il peut construire à la mesure de ses désirs. Un monde auquel il n’a pas à s’adapter, mais qui s’adapte à lui. Un monde qu’il peut en n partager avec les autres.

Tous ceux qui croient que le jeu permet d’échapper à la réalité comprendront qu’ils ont fait fausse route : l’approche ludique du réel que propose le jeu vidéo permet justement de se réconcilier avec le monde.

Isa

La première fois qu’Isabelle m’a parlé des Mondes de Sam, de la relation de ce père paumé avec son fils autiste, j’ai compris pourquoi elle avait jeté son dévolu sur ce roman. Il y a presque toujours, entre les pages des romans qu’elle aime, un personnage malade, handicapé, différent, quelqu’un qui souffre et qui doute d’arriver à trouver sa place dans le monde. Et presque toujours aussi, il y a l’espoir de s’en sortir, d’aller mieux, de trouver un sens au temps qu’il reste et d’en faire quelque chose, une bonne fois pour toutes. Mais l’histoire de Sam m’a touchée au-delà de tout, parce qu’elle parle, je crois, à l’enfant qui persiste en moi.

Nous avons tous fait l’expérience du décalage, ou éprouvé parfois un vague malaise à l’idée de ne pas être à notre place, d’être inadapté. Pour Sam et ses parents, c’est une épreuve de chaque instant. Jody et Alex se retrouvent avec un enfant en proie à des angoisses qui l’empêchent de vivre comme les autres. Il se met à parler bien après les autres enfants, supporte mal la frustration, il a des manies, il a peur de tout, et le diagnostic finit par tomber : Sam est autiste.

Dès lors, tout se complique : l’école devient un lieu d’exclusion, la sortie au parc un calvaire, la fête d’anniversaire un drame, le monde extérieur une menace. Et pour chacun de ces aspects du quotidien, il faut trouver une parade et désamorcer les peurs. Si les mots de Keith Stuart sonnent si juste, c’est qu’il sait de quoi il parle. Avec son fils autiste, il a traversé bien des épreuves et s’en est inspiré pour écrire ce livre. Et il a découvert une autre façon d’appréhender le monde grâce à lui, grâce à ce jeu dans lequel son fils peut laisser libre cours à sa créativité débordante, un jeu dans lequel il peut même choisir d’être qui il veut : pas ce gamin qu’on n’invite plus aux goûters d’anniversaire et qui n’a personne à qui parler dans la cour de récréation, non. Cette fois, il peut devenir un bâtisseur et construire sa propre légende.

Le jeu offre un espace de liberté supplémentaire et permet à Sam d’évoluer dans un univers où la logique du monde extérieur est inversée : il n’a plus peur, et c’est lui qui prend la défense de son père. On assiste avec émotion au déploiement de cette liberté prodigieuse qu’offre le jeu, une liberté dont Sam s’empare pour créer un monde merveilleux. L’expérience du virtuel est ici l’occasion rêvée pour se réconcilier avec le réel.

Quand on referme ce livre, on se dit que finalement, en y mettant un peu du sien, les miracles sont à portée de main.

Sarah

Vous avez-dit Minecraft ?

Minecraft est un jeu qui permet d’exprimer sa créativité avec un système de règles fixes. Pour des enfants autistes, comme Sam ou Zac, les événements imprévisibles de la vie de tous les jours sont effrayants. Dans l’espace du jeu, qui devient un endroit sûr, ils peuvent acquérir de la flexibilité, partir à la découverte de nouveaux horizons , sans faire face à leurs angoisses puisqu’ils y sont en sécurité.

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