#premiersInstants — Riders #6 de Lorelei James

Elodie Baslé
Milady
Published in
11 min readMay 17, 2018

Découvrez le début de Chevauchée vibrante !

Dans les #premiersInstants, on vous propose ni plus ni moins que de découvrir les premiers chapitres de nos histoires préférées. Comme ça, sans contreparties, juste pour vous faire plaisir. Bonne lecture !

Chapitre premier

Pour fêter sa première année de sobriété, Colt McKay grimpa sur le dos d’un taureau qu’il chevaucha pendant huit secondes complètes.
Pour fêter sa deuxième année de sobriété, Colt McKay grimpa dans un avion et sauta en parachute.
Pour fêter sa troisième année de sobriété, Colt McKay avait espéré grimper sur une femme et mettre un terme à son abstinence des trente-six mois précédents.
Il s’était imaginé la lumière tamisée des bougies, les baisers tendres, la peau douce sous ses doigts, un matelas moelleux au-dessous de lui…
Au moins, cette partie de son fantasme s’était réalisée. Colt se trouvait bel et bien sur un lit. Il y était même allongé sur le ventre, sur une couette moelleuse dont le coton avait été teint à la main, et une femme se tenait à côté de lui. Sauf qu’il n’était pas en train de se détendre après un épisode de sexe torride ; non, il grimaçait de douleur. Il avait l’impression qu’on venait, pour la énième fois, de lui planter un tisonnier brûlant dans les fesses.
— Bordel. Ça fait mal.
— C’est presque terminé. Encore deux derniers minuscules points et vous pourrez y aller, gazouilla le docteur Monroe de sa voix guillerette incroyablement irritante.
« Y aller. » Parfait. Et où était-il censé aller, bordel ?

« Snip snip. » Des chuchotements. Tout devint flou. À cause de ses antécédents d’addiction à l’alcool, Colt avait refusé les calmants proposés par l’abominable doctoresse. Son adrénaline devait donc être en train de refluer et il était sur le point de s’effondrer. Violemment.
Génial. Exactement ce dont il avait besoin. Avoir l’air encore plus pathétique, impuissant et faible.
— Tu vois ? Ce n’était pas si terrible, si ?
Colt leva la tête pour fusiller du regard la femme à la voix rauque qui avait osé lui adresser la parole. À n’importe quel autre moment, le remords qui noyait ses superbes yeux couleur saphir l’aurait poussé à se montrer doux avec elle.
Mais pas là. Et peut-être plus jamais.
Bien qu’il meure d’envie de lui hurler dessus, Colt s’exprima d’une voix posée : — « Pas si terrible » ? Pour qui ? Bon sang, Indy, tu m’as tiré dans le cul ! Difficile de faire pire que ça.

Chapitre 2

— C’était un accident !
Colt poussa un grognement.
— Pourquoi as-tu fait irruption comme ça, d’ailleurs ? renchérit India.
Colt fit un effort pour tourner la tête et la fusiller du regard. Une fois de plus. Le pouls d’India se précipita.
— Tu es sérieuse ? s’enquit-il. Trois punks étaient en train de t’emmerder. Tu étais seule. La nuit.
— Et alors ? Ce n’est pas la première fois et ce ne sera pas la dernière. En plus, je maîtrisais la situation.
— Eh ben, ça se voyait pas. Pourquoi n’as-tu pas tiré sur eux avec le pistolet à clous, d’ailleurs ?
— C’est ce que j’aurais fait si j’y avais pensé.

— Eh bien, quelles qu’aient été les intentions d’India, vous avez eu beaucoup de chance qu’elle s’y soit prise sous un mauvais angle et que le clou n’ait traversé que l’épiderme sans venir se loger dans l’os, intervint le docteur Monroe.
— De la « chance ». Super.

— J’ai terminé, déclara la doctoresse.
Pendant quelques secondes, l’odeur entêtante de l’antiseptique envahit la pièce. Le froissement d’un papier qu’on déchire fut aussitôt suivi du claquement des gants en latex que le docteur Monroe retirait.
— Vous êtes certain de ne pas vouloir de calmants, Colt ? demanda-t-elle. L’effet de l’anesthésique local s’estompera d’ici une heure ou deux.
— Ça ira.
— J’étais sûre que vous répondriez ça. (Elle lui tapota l’épaule.) Je repasserai vous voir demain pour m’assurer qu’il n’y a pas d’infection.
— Ce n’était pas à ça que servait l’injection contre le tétanos ?

— Non. La seule raison pour laquelle je ne vous envoie pas à l’hôpital, c’est… l’endroit délicat où se situe votre blessure. En ville, les colporteurs de ragots feraient leurs choux gras de cet incident, surtout à la lumière de votre ancienne réputation. Je comprends pourquoi votre frère a jugé préférable que je vous soigne ici. (La doctoresse plissa les yeux.) Cela dit, si vous vous sentez fiévreux ou que la douleur devient intolérable au cours des douze prochaines heures, filez aux urgences. Illico.
— Que doit-il faire, maintenant ? demanda India.
— Dormir. Dormir autant qu’il peut. Ibuprofène toutes les six heures, s’il accepte d’en prendre.

Le docteur Monroe se leva et referma sa mallette noire. À voix basse, elle s’adressa à Indy :
— Je vous suggère de le laisser tranquille, India. Quelqu’un d’autre peut-il garder un œil sur lui ?
— Quoi ? Mais Colt est installé dans ma chambre d’amis ! protesta la jeune femme.
— Je sais, mais vous semblez… l’agiter. Or, il a besoin de repos.
Les joues d’India s’empourprèrent. Bon sang ! Elle n’était pas totalement incompétente pour s’occuper de quelqu’un. Le rôle de Florence Nightingale lui irait comme un gant.

Cam McKay s’avança d’un pas tranquille et proposa :
— Après avoir déposé le doc, je peux revenir veiller sur Colt ce soir, si tu veux.
— Arrêtez de chuchoter, je suis là ! lança ce dernier d’un ton tranchant.
India et Cam échangèrent un regard. Lorsque Colt tenta de se redresser sur le matelas, Cam posa une main dans son dos et le recoucha avec douceur.
— Oh là. Vas-y doucement.

— Ouais, je ne voudrais pas t’« agiter » plus que je ne l’ai déjà fait, susurra India.
Colt riva son regard au sien. La jeune femme réprima un frisson en croisant ses yeux bleu foncé à l’expression sévère.

— C’est India qui reste, décréta Colt. C’est elle qui a joué à l’apprentie charpentière en proie à une crise de démence et qui a pris mon cul pour cible. Elle peut donc très bien s’occuper de moi. (Il lui décocha le sourire d’un requin sur le point de mordre sa proie.) L’idée que tu fasses la bonniche pour moi me plaît bien, trésor.
— J’imagine, ouais.
— Maintenant que c’est réglé, on s’en va, déclara Cam en posant le téléphone portable de Colt à portée de sa main. Je repasserai prendre des nouvelles. (Il s’adressa à India.) Si t’as besoin de quoi que ce soit, appelle sur mon portable, pas au commissariat, d’accord ?

— D’accord.
India suivit Cam et le docteur Monroe dans l’escalier qui débouchait sur le parking de derrière. Puis elle referma la porte à clé et tira le verrou.
Putain. Quelle soirée de folie. Elle inspira profondément pour apaiser un soudain accès de nervosité. Elle n’avait aucune raison de se sentir anxieuse. Elle s’était retrouvée seule en compagnie de Colt McKay des centaines de fois au cours des trois dernières années.
Mais jamais après lui avoir tiré dans les fesses.
Toute cette histoire était complètement surréaliste.

Trois types étaient entrés en titubant, exigeant des tatouages identiques. Elle leur avait demandé de partir en désignant la pancarte indiquant qu’elle ne tatouait pas les clients défoncés. Comme leurs tentatives pour l’amadouer n’avaient pas fonctionné, les trois hommes étaient devenus agressifs. India avait eu affaire à assez de mecs bourrés pour ne pas se laisser démonter face à leur petite démonstration de machisme. Comme si leur comportement de Néanderthaliens allait la faire changer d’avis ! N’importe quoi.

Elle était sur le point de les convaincre de repartir lorsque Colt et Cam avaient fait irruption. L’attitude hostile de Colt aurait déjà été suffisante, mais Cam venait tout juste de quitter son poste au bureau du shérif du comté de Crook, et il portait encore son uniforme. Ainsi que son arme de poing.
Les types avaient paniqué. Ils s’étaient enfuis par la porte de derrière, renversant au passage un établi de menuisier chargé d’outils.

« Cam les avait pris en chasse avec autant d’efficacité qu’un flic affublé d’une prothèse pouvait le faire.
Dans la mêlée, Colt s’était penché pour ramasser les outils et India s’était emparée de l’énorme pistolet à clous. Alors qu’elle tentait d’éviter les vis éparpillées partout comme des punaises, elle avait trébuché sur le tuyau du compresseur et était tombée… droit sur Colt. Droit sur les fesses de Colt, plus précisément. Au contact d’une surface dure, le mécanisme du pistolet « s’était déclenché, libérant un clou de huit centimètres. En plein dans le jean Wrangler de Colt, pénétrant sa fesse gauche.
Colt n’avait pas hurlé de douleur. Il était simplement tombé à quatre pattes et avait ordonné à India de poser le pistolet sur le comptoir.
Au retour de Cam, la blessure pissait le sang. Cam étant un garçon raisonnable, il avait essayé de convaincre son frère de se rendre à l’hôpital.
Colt avait refusé.

Après quelques minutes de discussion stérile, il avait fait un truc incroyablement stupide : il s’était redressé avec effort, s’était emparé d’une paire de tenailles au milieu du fouillis d’outils entassés, puis il était remonté presque en courant jusqu’à l’appartement d’India par l’escalier de derrière.
Cam et India lui avaient couru après et l’avaient plaqué sur la première surface horizontale qu’ils avaient trouvée — le lit de la chambre d’amis. Ensuite, Cam avait téléphoné à sa bonne copine, le docteur Monroe. India s’était demandé jusqu’à quel point Cam et la doctoresse étaient « bons amis », car le médecin était arrivé moins de dix minutes après.
Après avoir retiré le clou, le docteur Monroe avait administré un anesthésique local ainsi que le vaccin contre le tétanos à Colt, ce qui avait semblé lui causer davantage de désagrément que la blessure elle-même.
India s’était forcée à le regarder se faire recoudre, même si seuls trois points s’étaient révélés nécessaires. Le sang et les aiguilles faisaient partie de son job de tatoueuse ; ça ne l’avait jamais perturbée. Alors, pourquoi son estomac s’était-il soulevé à la vue du sang de Colt ?

Tu n’étais pas à deux doigts de gerber. Tu avais ingurgité trop de Red Bull, c’est tout.
Si c’était vrai, pourquoi restait-elle à l’extérieur de la chambre, tremblante ?
Par culpabilité ? Par crainte qu’il l’engueule, à présent qu’ils étaient seuls ?
Rien à foutre. Colt ne pouvait pas la faire se sentir plus mal qu’elle ne l’était déjà.
India se faufila dans la chambre et se percha sur le fauteuil pliant que venait de libérer le docteur Monroe, à côté du lit.
Colt avait les cheveux trempés, ébouriffés, les mâchoires crispées. Sa poitrine se soulevait rapidement à chacune de ses respirations haletantes. Son corps était aussi rigide que la table de nuit.

India aurait voulu pouvoir soulager sa douleur. Cela le détendrait-il si elle posait une main sur son front fiévreux ? Si elle passait les doigts dans ses cheveux noirs et brillants, fermerait-il les yeux de béatitude ? Si elle massait ses larges épaules, pousserait-il un grognement de plaisir ? Si elle posait ses lèvres sur les siennes, accueillerait-il son baiser ?
L’embrasser ? Mais enfin, d’où lui venait donc cette idée ? Colt était son pote, son meilleur ami, son baromètre, son client. Sans oublier le fait qu’elle était sa marraine aux Alcooliques anonymes. Elle lui lança un regard furtif.
Parfois, ce parrainage était une vraie calamité.
Colt McKay était sans aucun doute un bel homme. Trop beau pour être honnête. Il avait un visage d’ange — d’ange déchu, évidemment –, un sourire coupable capable de rivaliser avec celui du diable en matière de tentation, le corps musclé d’un athlète discipliné, et il étincelait davantage qu’une bijouterie. Pour résumer, il était parfait.

Et totalement inaccessible, même si, de toute manière, il n’avait jamais donné aucun indice montrant qu’il s’intéressait à elle autrement que comme une amie.
La voilà, ta vraie raison de pleurer.
Les yeux bleus et fiévreux de Colt se posèrent sur elle.
India n’avait pas la moindre idée de ce qui se passait dans son cerveau quand il la regardait ainsi, mais elle adorait ça. Elle posa une main sur son épaule, pour la retirer aussitôt lorsque Colt tressaillit.
— Désolée.

— Ne t’excuse pas. Ça m’a surpris, c’est tout. Tu ne me touches jamais comme ça.
En as-tu envie ?
— Je… (Frustrée, India laissa échapper un soupir.) Merde, Colt. Je suis désolée. Foutrement désolée. Quelle empotée. Je n’avais pas l’intention de te tirer dans les fesses.
Colt se contenta de la dévisager.
— Quoi ? demanda India.
— Tu pourrais les embrasser, pour qu’elles aillent mieux, répondit-il.
— Très drôle. C’est douloureux ?
— T’imagines même pas.

Indy grimaça.
— Je suis désolée, répéta-t-elle.
— Si ça ne te répugne pas trop, je prendrais bien un peu d’ibuprofène.
India bondit sur ses pieds.
— Pas de problème.
Elle se précipita vers la table de nuit et prit deux cachets orange, qu’elle lui tendit avec un verre d’eau.
— Tiens.
— Merci.
Colt se fourra les cachets dans la bouche et but deux longues gorgées. Il s’étouffa avec la seconde et des gouttelettes d’eau restèrent accrochées à sa barbe naissante.

Sans réfléchir, India les essuya du doigt.
— Bon sang, s’exclama Colt. T’as les mains froides.
— Désolée.
India retira sa main, mais Colt lui saisit le poignet.
— Continue, dit-il. C’est agréable.
— C’est vrai ?
— Ouais. J’ai le visage en feu.
Lorsque India lui caressa le visage du front jusqu’au menton, il laissa échapper un long soupir. Elle ne parvenait pas à détacher son regard des traits anguleux de Colt, qui contrastaient avec ses lèvres pleines. Pendant une éternité, elle le caressa, le scrutant du regard et des mains, presque comme si elle le voyait pour la première fois.

Il finit par faire remarquer :
— Tu restes silencieuse.
— Ça t’étonne, on dirait.
— Bien sûr. Tu ne restes jamais silencieuse.
— C’est vrai.
— Parle-moi, alors.
— De quoi ?
— N’importe quoi.
— Tu crois que tu seras remis pour la réunion ? demanda India.
— Parle-moi de n’importe quoi sauf des Alcooliques anonymes, rectifia Colt en changeant de position. Décris-moi le dernier tatouage que t’as fait.
— Rien de bien excitant. Encore une étudiante qui avait apporté un symbole chinois trouvé par un de ses potes sur Internet, avec une signification prétendument ésotérique.

— En d’autres mots…
— Une belle connerie. À ce que j’en sais — et elle aussi, d’ailleurs –, j’aurais pu lui tatouer l’idéogramme signifiant « chiottes » sur le cul.
Colt émit un petit rire.
Encouragée, India poursuivit :
— Il y a deux jours, un grand motard baraqué a réclamé que je lui tatoue une abeille sur chaque cuisse, juste au-dessus du genou.
— Pourquoi ça ?
— Dans un élan de passion, une bombasse lui a déclaré qu’il avait des jambes douces comme le miel, alors il a demandé à ce que cet instant soit immortalisé pour toujours sur sa peau poilue.
— Tu plaisantes !
— Bien sûr que je plaisante ! Bon sang que t’es naïf, McKay.

— On ne peut pas dire que « naïf » soit un mot qui m’aille bien, Indy.
— Effectivement.

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