Prix des Lectrices 2018, épisode 2 : Attachement de Rainbow Rowell

Elodie Baslé
Milady
Published in
7 min readFeb 1, 2018

Vous n’êtes pas sans savoir (ou en tout cas plus maintenant), que les votes ont été ouverts pour le Prix des Lectrices. 10 livres, si vous ne les avez pas lu régulièrement au fil de l’année 2017, cela peut vous sembler énorme. Pas de panique cependant, voici toutes les infos qu’il vous faut pour éclairer votre choix parmi les pépites que vous avez manqué !

1999. Lincoln, gentil geek aux faux airs d’Harrison Ford, travaille dans une entreprise où son rôle consiste à contrôler les mails des employés. C’est ainsi qu’il parcourt les échanges de Jennifer et de Beth, deux copines aussi drôles et imprévisibles qu’attachantes. Sans même l’avoir vue, Lincoln va tomber amoureux de Beth. Mais comment lui déclarer sa flamme sans passer pour un fou ? Surtout que la jeune femme semble avoir un faible pour un « inconnu » qui travaille dans le même immeuble…

Vous êtes familiers avec la notion de “stalking” ? C’est une pratique qui consiste à espionner quelqu’un d’autre — souvent dans un amour transi-, sur les différents réseaux sociaux. (Ne me mentez pas, même si vous n’aviez pas le mot, vous avez probablement déjà louché un peu sur le profil Facebook d’une personne de votre entourage “comme ça pour voir”, je le sais, je le sens !)

Alors voilà, Lincoln est un stalker, mais attention, il est payé pour l’être. De fil en aiguille, il finira par s’attacher à certains mails : ceux entre Jennifer et Beth… Et vous allez vous y attacher aussi ! Dans ce roman -presque- épistolaire, (ou plutôt courielstolaire ?) difficile de ne pas s’identifier : je m’y suis retrouvée que ce soit dans leurs questionnements, leurs interrogations sur la vie, sur le couple, et leurs petites phrases bien senties.

Vous allez être aussi touchés par l’évolution de Lincoln, qui est un anti-zéro parfait, tiraillé par la moindre de ses actions.

Un livre plein d’humour sur la vie, l’amitié, et… les mails !

Petites questions à Rainbow Rowell

D’où vient ton formidable sens de l’humour ?

Quand j’ai commencé “Attachement”, j’étais en plein dans la période où à mon travail mes rédacteurs en chef ne trouvaient pas mes blagues drôles. (Je travaillais dans un journal.) Ou alors ils pensaient que NOS lecteurs, ne trouveraient pas mes blagues drôles. Enfin bref, c’était une vraie période de vague à l’âme. Donc j’ai commencé le livre surtout pour me donner un espace de liberté, où je pouvais écrire tout ce que je voulais, faire les blagues que je voulais. Ça n’avait pas d’importance que personne ne comprenne mon sens de l’humour, du moment que je me faisais rire ! Et puis ma sœur a commencé à lire le manuscrit, et mon but était alors de la faire rire. Ca a été une vraie leçon de vie pour moi. J’ai fait taire les pensées qui me disaient “t’es nulle et personne ne te trouve drôle”, et j’ai bien fait, parce qu’en retour, les gens m’ont dit que c’était le texte le plus drôle que je n’avais jamais écrit.

Quel est le bon mot dont tu es le plus fière dans “Attachement” ?

Un bon mot ? Je ne sais pas si je suis douée pour écrire des “bons mots”. Je pense que je me débrouille pour écrire des dialogues. (Ce qui est probablement pour quoi la moitié de ce livre est rédigé en e-mails.)

J’aime bien ce mot sur Lincoln, « pleurant dans les manches de sa grosse chemise à carreaux, comme le bûcheron le plus triste du monde. »

Extrait d’interview traduit de l’anglais

Envie d’un échantillon du livre ? Aucun problème, je vous offre les premières pages !

De : Jennifer Scribner-Snyder
À : Beth Fremont
Envoyé le : mer 18/08/1999, 9 h 06
Objet : Où es-tu ?

Ça te tuerait de te pointer avant midi ? Je suis là, assise au milieu des ruines de ma vie telle que je l’ai toujours connue, et toi… telle que je te connais, tu te réveilles à peine. Tu es sans doute en train de manger tes flocons d’avoine devant un talk-show. Réponds-moi dès que tu arrives, toutes affaires cessantes. Avant même d’avoir lu les strips.
Beth à Jennifer : OK, je te donne la priorité sur les strips, mais fais vite. J’ai une dispute en cours avec Derek pour savoir si For Better or for Worse se passe au Canada, et c’est peut-être aujourd’hui qu’ils me donneront raison.
Jennifer à Beth : Je crois que j’attends un enfant.
Beth à Jennifer : Quoi ? Pourquoi ça ?

Jennifer à Beth : J’ai bu trois verres samedi dernier.
Beth à Jennifer : Je crois qu’il faut que nous ayons une conversation sur les petites fleurs et les abeilles. Ce n’est pas exactement comme ça qu’on fait les bébés.
Jennifer à Beth : Chaque fois que je bois trop, je commence à me sentir enceinte. Je pense que c’est parce que je ne touche jamais à l’alcool, alors ça ne serait pas étonnant que justement, la seule fois où je me laisse aller, je me retrouve en cloque. Trois heures de faiblesse, et le reste de ma vie à me débattre avec les problèmes d’un alcoolique fœtal.
Beth à Jennifer : Je ne crois pas que ce soit l’appellation exacte.
Jennifer à Beth : Le pauvre petit aura les yeux trop écartés, et tout le monde me dévisagera au supermarché en chuchotant : « Regarde-moi cette poivrote. Incapable de se priver de monaco pendant neuf mois. C’est affreux. »
Beth à Jennifer : Tu bois des monacos ?
Jennifer à Beth : C’est très rafraîchissant.
Beth à Jennifer : Tu n’es pas enceinte.
Jennifer à Beth : Si.
Normalement, deux jours avant mes règles, je suis couverte de boutons et j’ai mal au ventre. Mais aujourd’hui j’ai la peau douce comme des fesses de bébé. Et, au lieu de la douleur habituelle, j’ai une sensation bizarre en bas de l’abdomen. Presque une présence.
Beth à Jennifer : Chiche d’appeler le docteur pour lui dire que tu as une présence dans le ventre ?
Jennifer à Beth : D’accord, ce n’est pas la première fois que je me fais une frayeur de ce genre. Je reconnais que me croire enceinte fait presque partie de mon état prémenstruel normal. Mais je t’assure, ce n’est pas pareil. Je ne me sens pas comme d’habitude. C’est comme si mon corps me disait : « Ça a commencé. »

Je ne peux pas m’empêcher de penser à la suite. D’abord, les nausées. Ensuite, les kilos. Puis une rupture d’anévrisme fatale en salle d’accouchement.
Beth à Jennifer : OU BIEN… puis tu donnes le jour à un beau bébé. (Tu vois comme tu as réussi à m’embarquer dans ton délire ?)
Jennifer à Beth : OU BIEN… puis je donne le jour à un beau bébé, que je ne vois jamais parce qu’il passe tout son temps à la crèche en compagnie d’une pauvre fille qui gagne des clopinettes et qu’il prend pour sa mère. Mitch et moi, on essaie de dîner en tête une fois que le petit est au lit, mais on est tous deux perpétuellement épuisés. Je commence à m’endormir pendant qu’il me raconte sa journée ; ça l’arrange, il n’avait pas envie de parler, de toute façon. Il mange son hamburger en silence, en rêvant à la nouvelle prof d’économie domestique du lycée et à ses jolies courbes. Elle porte des escarpins noirs, des collants chair et des jupes en rayonne qui remontent sur ses cuisses chaque fois qu’elle s’assied.
Beth à Jennifer : Et Mitch, qu’est-ce qu’il en pense ? (De la présence dans ton ventre, pas de la nouvelle prof d’économie domestique.)
Jennifer à Beth : Il pense que je devrais faire un test de grossesse.
Beth à Jennifer : Voilà un homme raisonnable ! Peut-être qu’un garçon plein de bon sens comme Mitch aurait été plus heureux avec cette prof d’économie domestique. (Elle ne lui aurait jamais servi un hamburger pour le dîner.) Mais j’imagine qu’il ne peut pas te quitter, surtout maintenant que vous attendez un enfant handicapé.

C’est votre coup de cœur ? N’hésitez pas à voter pour ce titre au Prix des Lectrices : Vous pourriez bien gagner un weekend de rêve en prime !

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