David Snug pète une case et se lâche sur l’industrie musicale

Elisabeth Debourse
Elisabeth Debourse
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3 min readMay 14, 2019

Guillaume Cardin fait le buzz sur les réseaux sociaux avec les avis tranchés de son alter ego de papier, David Snug, sur l’industrie musicale. Who’s Who.

En sortant sa première bande dessinée en 2008, il aurait pu signer Guillaume Cardin. Le dessinateur lui préfère pourtant dans un premier temps “Snug” -en référence à l’obscur groupe de dancecore Dr. Snuggle et MC Jacqueline, dont il faisait partie. Mais Snug tout seul, “ça faisait trop BD belge, genre Roba ou Peyo”. Comme il n’est pas belge mais français, qu’il vient de découvrir que “snug” signifie “douillet” en anglais et qu’un judoka devenu homme politique lui semble un bel exemple de réussite, il devient David Snug sur papier. C’est bien, ça fait américain. Comme “Robert Crumb” ou “Joe Matt”. Ça lui ouvre une double vie comme les héros, mais plus zéro que super, à l’image du personnage en collant rouge de Philippe Valette, Georges Clooney -pas l’acteur, le personnage de BD- vulgaire de pied en cape. Sauf que le costume de David Snug, c’est un éternel bonnet vissé sur le crâne, des bras ballants et une mine renfrognée. Et ça lui va très bien.

À travers Snug, Guillaume Cardin tire sur la musique, le cinéma, la vie parisienne et la politique à coups de planches autobiographiques petit calibre, souvent en noir et blanc. Un style brut et drôle comme une bagarre à la récré, qu’on pourrait croire nourri par des années de Gotlib et F’Murr, si l’auteur n’avouait préférer faire de la BD plutôt qu’en lire. Dans ses histoires courtes, chacun en prend pour son grade, à commencer par tous ceux qu’on est susceptible de croiser dans l’industrie musicale. “Les festivals estivaux sont les nouvelles cathédrales, les SMAC (pour “scènes de musiques actuelles” en France, NLDR) sont les églises et Faith No More les curés de la religion des “musiques actuelles” qui aident les adolescents à mieux vivre leur crise d’ado”, dixit Guillaume Cardin, qui a sorti en 2016 La vie est trop Kurt-comme Cobain. Sur les rives de l’indépendance, il dézingue aussi “les milieux D.I.Y. où il y a beaucoup de curés moralistes qui t’expliquent que tu dois jouer là et pas là, que tu dois publier des BD là, mais pas là. Et si tu creuses, tu te rends compte qu’ils écoutent Slayer et Iron Maiden et qu’ils regardent Les bronzés font du ski le dimanche soir après avoir passé un week-end à prendre du speed. Bizarrement, le dimanche soir, ils ne regardent pas de films expérimentaux autofinancés.” Cynisme (trop) exacerbé? C’est oublier que l’auteur gravit l’échelle des degrés de l’humour plus vite qu’un Jack monté sur haricot magique. Où s’arrête Guillaume Cardin et où commence David Snug? La réponse est floue. Dans son univers illustré, la frontière entre fiction moqueuse et réalité morveuse est si ténue qu’elle déteint même joyeusement sur le dessinateur, également musicien dans le groupe de “variété undeground” Trotski Nautique.

Lire la suite sur le site du Focus Vif. Article originellement paru le 24 février 2017.

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